Le concours d’entrée à l’X : un outil éprouvé qui s’adapte à l’époque

Le concours d’entrée à l’X : un outil éprouvé qui s’adapte à l’époque

Dossier : ÉducationMagazine N°801 Janvier 2025
Par Marc ROSSO
Par Laurent JOLIE (X12)
Par Benjamin ABDI (X13)

Le concours d’entrée à l’X a évo­lué au cours du temps et il évo­lue actuel­le­ment plus rapi­de­ment qu’autrefois, pour prendre en compte les besoins de recru­te­ment dans un contexte de muta­tions socié­tales, tech­niques et éco­no­miques. Il s’agit néan­moins de doser soi­gneu­se­ment les chan­ge­ments, afin que les effets de mode n’entraînent pas une déna­tu­ra­tion de l’outil ou n’aient pas des consé­quences néfastes, mal anti­ci­pées. Un des objec­tifs des évo­lu­tions actuelles n’en est pas moins d’améliorer la diver­si­té du recru­te­ment : de genre, sociale et géo­gra­phique, et de déve­lop­per les recru­te­ments uni­ver­si­taires, confor­mé­ment à la stra­té­gie de l’École.

Quels sont les objectifs du concours ?

Un des objec­tifs prin­ci­paux du concours est de s’assurer que tous les élèves, de toutes les filières, pour­ront suivre le cycle ingé­nieur, qui est exi­geant en termes de niveau en sciences. Évi­dem­ment, un bon concours classe bien les gens, c’est-à-dire qu’il est dis­cri­mi­nant là où ça nous inté­resse. Pour l’écrit, l’objectif prin­ci­pal est de dif­férencier les élèves les plus faibles de ceux qui pour­ront pré­tendre être admis­sibles. Des sujets trop dif­fi­ciles dès les pre­mières ques­tions ne per­mettent pas cela. Le fait d’avoir une pro­gres­si­vi­té dans la com­plexi­té des sujets est clé.

Un bon concours est éga­le­ment équi­table. Cela signi­fie en par­ti­cu­lier res­ter dans le cadre du pro­gramme, et pour cela les meilleurs garde-fous sont les ins­pec­teurs géné­raux qui scrutent de près les sujets afin, entre autres, de dénon­cer les ques­tions hors pro­gramme, qui seraient plus sus­cep­tibles d’être tra­vaillées dans les grandes pré­pas. Cela signi­fie éga­le­ment trai­ter les récla­ma­tions qui sont for­mu­lées, que ce soit pour l’écrit ou l’oral. Enfin, cela signi­fie se poser la ques­tion de la repré­sen­ta­ti­vi­té des élèves qui réus­sissent (pro­ve­nance géo­gra­phique ou sociale, genre), ce qui est un sujet sur lequel on peut sans cesse s’améliorer.

C’est un concours à la notoriété particulière…

En effet, un des aspects que l’on a ten­dance à négli­ger est que le concours est éga­le­ment une vitrine : il s’agit d’une des pre­mières expé­riences que les élèves vont avoir de l’École, et cela au moment où ils devront choi­sir. Nous avons mis en place un amphi de pré­sen­ta­tion de l’École pen­dant la semaine de concours, ce qui per­met à la direc­trice du cycle ingé­nieur de pré­sen­ter l’enseignement, à la DFHM (direc­tion de la for­ma­tion humaine et mili­taire) de pré­sen­ter le cadre mili­taire, au binet admis­sibles de pré­sen­ter et valo­ri­ser la vie sociale de l’X, et aux can­di­dats de poser leurs questions.

Au-delà de la pré­sen­ta­tion, l’expérience du concours en lui-même est impor­tante et pour cela nous nous concen­trons sur le recru­te­ment d’examinateurs oraux qui ont bien sûr les capa­ci­tés pour faire pas­ser l’examen, mais qui sau­ront aus­si pro­po­ser une expé­rience posi­tive et bien­veillante au can­di­dat. On prend le temps de les accom­pa­gner et de les for­mer sur ce point.

Les épreuves écrites du concours de l’École polytechnique, 
avril 2024.
Les épreuves écrites du concours de l’École poly­tech­nique, avril 2024. © École poly­tech­nique / Ins­ti­tut Poly­tech­nique de Paris / J. Barande

Le judiciarisation frappe chez vous aussi ?

Le der­nier aspect, ce sont les récla­ma­tions. On constate un chan­ge­ment de men­ta­li­té et une aug­men­ta­tion du nombre des récla­ma­tions (mes homo­logues des autres concours me rap­portent la même situa­tion). Cela concerne à la fois l’écrit, pour deman­der une rééva­lua­tion de la copie, et l’oral, pour se plaindre d’une ques­tion éven­tuel­le­ment hors pro­gramme ou de l’attitude d’un exa­mi­na­teur qui n’aurait pas regar­dé le can­di­dat pen­dant la planche ou lui aurait mal par­lé. Nous ins­trui­sons sys­té­ma­ti­que­ment chaque demande de véri­fi­ca­tion ou récla­ma­tion, en sachant per­ti­nem­ment que 99 % d’entre elles se révèlent non fon­dées. Mais c’est capi­tal pour le pourcent res­tant, à la fois en termes d’équité et pour l’image de l’École.

Her­vé Joly (voir l’ar­ticle) nous a par­lé de la mise en place de l’écrit dans le concours de l’X qui, à l’époque, soulevait
de vraies ques­tions. En par­ti­cu­lier, l’écrit était vu moins per­ti­nent, car on pou­vait avoir de la chance en tom­bant sur le bon sujet que l’on avait bacho­té, alors que l’oral per­met­tait à l’examinateur de son­der un élève et de pas­ser rapi­de­ment à un autre sujet une fois qu’il avait consta­té que l’élève maî­tri­sait le pre­mier. Aujourd’hui, intui­ti­ve­ment, je dirais qu’on per­çoit l’écrit comme plus éga­li­taire. Est-ce que les men­ta­li­tés ont chan­gé à ce sujet ?

« La part de chance est aussi très présente à l’oral : on peut tomber sur un exercice portant sur un chapitre que l’on a bien révisé. »

La part de chance est aus­si très pré­sente à l’oral : on peut tom­ber sur un exer­cice por­tant sur un cha­pitre que l’on a bien révi­sé. Et, si l’examinateur peut varier les ques­tions, de toute façon il ne cou­vri­ra pas tout le pro­gramme… L’écrit est plus effi­cace éco­no­mi­que­ment pour faire un pre­mier tri par­mi les can­di­dats. Par exemple, on a plus de 800 can­di­dats ins­crits en MP option Infor­ma­tique, pour 86 places. Cela coû­te­rait trop cher et deman­de­rait une logis­tique beau­coup trop impor­tante que d’organiser des oraux pour tous les candidats.

En ce qui concerne la note glo­bale, les oraux ont un poids beau­coup plus impor­tant que l’écrit. Par exemple en filière MP il y a en maths deux épreuves écrites de coef­fi­cients 8 et 7 et deux épreuves orales cha­cune de coef­fi­cient 16. Donc il est fort pos­sible que cette pon­dé­ra­tion soit effec­ti­ve­ment le reflet d’une per­cep­tion de l’oral comme plus repré­sen­ta­tif que l’écrit pour éva­luer les élèves. Mais pour autant, lorsque dans une filière deux can­di­dats de com­mis­sions dif­fé­rentes ont la même note glo­bale, on uti­lise la note de l’écrit comme tie­brea­ker, en se disant que les can­di­dats ont eu le même sujet, donc que cela est plus équitable.

Les épreuves écrites du concours de l’École polytechnique.
Les épreuves écrites du concours de l’École poly­tech­nique. © École poly­tech­nique / J. Barande

Comment le concours évolue-t-il ?

Toute déci­sion passe par le conseil d’administration (CA). Il faut convaincre et par­fois ras­su­rer les membres du CA, notam­ment sur le fait que le niveau des élèves sera suf­fi­sant, par­ti­cu­liè­re­ment en maths qui est le point d’attention sys­té­ma­tique. Il est effec­ti­ve­ment essen­tiel de maî­tri­ser les bases des maths – je suis moi-même cher­cheur en maths, je prêche pour ma paroisse –, qui sont un outil pour toutes les sciences. Ensuite, le poids accor­dé peut paraître exces­sif au vu des besoins effec­tifs dans les autres sciences.

“C’est essentiel de maîtriser les bases des maths.”

Je ne me suis pas beau­coup posé la ques­tion des hypo­thèses de conver­gence des séries depuis ma sor­tie de l’X (ni même pen­dant l’X d’ailleurs)…

Oui, c’est un exemple qui revient sou­vent. Mais cette rigueur de rai­son­ne­ment, qui laisse des trau­ma­tismes si je com­prends bien, est for­ma­trice pour toutes les sciences, donc ça a son inté­rêt. C’est impor­tant pour le déve­lop­pe­ment de l’ouverture vers une démarche scien­ti­fique et de l’esprit cri­tique (même si ce sont des résul­tats qui ne seront pas uti­li­sés dans la suite de la car­rière). Et l’X, ce sont aus­si les grands anciens, avec des mathé­ma­ti­ciens brillants… Le poids de la tra­di­tion est fort !

Un exemple concret d’évolution majeure du concours ?

L’École a pro­cé­dé ces der­nières années à un élar­gis­se­ment thé­ma­tique avec l’ouverture d’une filière BCPST (bio­lo­gie, chi­mie, phy­sique, sciences de la terre) en classes pré­pa­ra­toires, qui sera sui­vie en 2026 d’une ouver­ture aux sciences de la vie et bio­mé­di­cales en filière uni­ver­si­taire fran­çaise (FUF). Lorsqu’on a ouvert la filière BCPST, la grande crainte por­tait effec­ti­ve­ment (autant que je sache, car je n’étais pas en poste) sur le niveau en maths. L’enjeu était tel que l’on a com­plè­te­ment délais­sé la bio­lo­gie à l’oral, qui n’avait pas son épreuve jusqu’à cette année, au pro­fit d’un ren­for­ce­ment des mathé­matiques : un oral de maths avec un fort coef­fi­cient et une épreuve d’ADS (ana­lyse de docu­ment scien­ti­fique) néces­sai­re­ment en maths. Pour reve­nir au concours comme vitrine de l’École, cela est peut-être dom­ma­geable en termes d’image.

Après avoir dis­cu­té avec des pro­fes­seurs de classes pré­pa­ra­toires de cette filière, je pense que ça a pu contri­buer, dans une cer­taine mesure, à notre ini­tia­le­ment impor­tant taux de désis­te­ments. J’ai obte­nu que désor­mais on orga­nise une épreuve orale de bio­lo­gie ; cela per­met­tra de valo­ri­ser cette matière dans le concours, et donc de valo­ri­ser la filière auprès des can­di­dats – je l’espère. Et les chan­ge­ments prennent par­fois beau­coup de temps. Nous venons de voter le chan­ge­ment des épreuves spor­tives de course à pied pour les femmes, dont les dis­tances passent à 100 mètres et 1 000 mètres, plu­tôt que 80 mètres et 600 mètres, avec l’adaptation cor­res­pon­dante des barèmes. C’était un reli­quat du pas­sé ; dif­fi­cile de ne pas effec­tuer ce chan­ge­ment, sur­tout au moment des Jeux olym­piques où les dis­tances sont les mêmes pour les femmes et pour les hommes !

Les épreuves orales du concours de l’École polytechnique.
Les épreuves orales
du concours de l’École poly­tech­nique. © École poly­tech­nique / J. Barande

À ce sujet, la féminisation de l’X est une priorité de la direction ; comment cela se traduit-il dans le concours ?

On essaye d’agir sur les para­mètres que l’on peut influen­cer ; la pro­por­tion de femmes admises à l’X reflète la fémi­ni­sa­tion des filières dont elles pro­viennent. Le pre­mier levier est de réduire l’autocensure par des actions de com­mu­ni­ca­tion, pour que toutes les femmes qui en ont le poten­tiel se pré­sentent au concours. Le deuxième levier, c’est la fémi­ni­sa­tion des filières d’entrée, sur laquelle nous n’avons pas la main. Le der­nier levier, c’est le choix des filières d’entrée et des nombres de places dans chaque filière. Cer­tains choix d’ouverture de filières se révèlent béné­fiques pour le taux de fémi­ni­sa­tion, par exemple la filière BCPST dont les admises sont à un taux de 50 %.

La filière MPI (mathé­ma­tiques, phy­sique, infor­ma­tique), que nous avons ouverte récem­ment, est mal­heu­reu­se­ment une catas­trophe de ce point de vue, avec un taux d’admission de femmes de l’ordre de 5 %. Le levier des filières est tou­te­fois extrê­me­ment contraint : la créa­tion d’une filière d’entrée ou l’augmentation du nombre de places dans une filière exis­tante néces­site soit d’augmenter le contin­gent d’étudiants, ce qui requiert une dota­tion sup­plé­men­taire pour l’École, soit de rogner sur d’autres filières d’entrée, qui sont évi­dem­ment scru­tées de près par les per­sonnes qui en dépendent.

On parle souvent des 4C (collaboration, créativité, pensée critique et communication) comme les compétences du XXIe siècle… Comment l’X
les évalue-t-elle ?

Le concours ne les éva­lue que peu de façon directe, soyons hon­nêtes. Les épreuves de l’X res­tent émi­nem­ment sco­laires. L’exception qui confirme cette règle, tou­te­fois, c’est l’épreuve d’analyse de docu­ment scien­ti­fique, dont une des com­po­santes prin­ci­pales est tout de même la réflexion cri­tique sur un texte scientifique.

Vous parliez des JO ; à quand la breakdance comme épreuve de sport à l’entrée de l’X, comme évaluation de la créativité ?

La break­dance, sur le papier, pour­quoi pas… mais je vais reprendre un ins­tant ma cas­quette de direc­teur du concours, qui se pré­oc­cupe aus­si de toute sa com­po­sante logis­tique. La DFHM fait un énorme bou­lot pour orga­ni­ser toutes les épreuves spor­tives, qui se tiennent en par­ti­cu­lier sur une seule jour­née pour chaque série.

L’avantage des épreuves actuelles, c’est que le barème est extrê­me­ment objec­tif et clair si bien que les résul­tats sont dif­fi­ci­le­ment contes­tables. J’ose ima­gi­ner le nombre de récla­ma­tions que nous obtien­drions chaque année si l’ensemble des admis­sibles devaient pré­sen­ter une épreuve de break­dance. Au-delà de l’objectivité de l’évaluation se pose­rait aus­si la ques­tion de la pré­pa­ra­tion : la course à pied et la nata­tion sont deux sports qui sont acces­sibles à tout un cha­cun, à coût modeste. Si un jour la break­dance arrive au concours de l’X, le nombre de pro­fes­seurs par­ti­cu­liers dans cette dis­ci­pline va exploser !

Hervé Joly se questionne sur la filière universitaire, réputée plus juste socialement : quelles sont les perspectives ? quels sont les critères de succès ? est-ce qu’on fait tout ce qu’il faut pour attirer ces étudiants, sachant que beaucoup viennent des mêmes universités, de manière analogue à ce qu’on constate dans les CPGE ?

Ce sont des ques­tions que nous nous posons. Cette année, on a pu dres­ser une liste com­plé­men­taire, ce qui atteste d’une aug­men­ta­tion des bonnes can­di­da­tures. On a beau­coup d’autocensure même au niveau de can­di­dats admis­sibles qui n’osent pas venir aux épreuves orales. Cette année nous sommes aus­si allés sur le ter­rain (visites dans quelques uni­ver­si­tés pour pro­mou­voir la filière et encou­ra­ger les can­di­da­tures) et on a eu plus de can­di­dats pro­vin­ciaux. Il faut se rendre compte qu’il s’agit de tout un éco­sys­tème. En ce moment, des milieux favo­rables se créent dans les universités.

Des licences plu­ri­dis­ci­pli­naires se déve­loppent, où les ensei­gnants motivent les can­di­dats à pré­sen­ter le concours. C’est quelque chose qui monte en puis­sance, mais ça n’est pas si rapide. Un des points déli­cats, c’est que les uni­ver­si­tés n’ont pas envie de perdre leurs meilleurs élé­ments. Mais elles peuvent aus­si trou­ver un inté­rêt : cer­tains élèves de cette filière reviennent pour leur mas­ter dans leurs uni­ver­si­tés d’origine et, une fois que des élèves intègrent l’X, c’est un gage de qua­li­té pour la for­ma­tion uni­ver­si­taire dont ils sont issus, qui peut ain­si atti­rer d’autres élèves.

Est-ce qu’on ne risque pas de recréer finalement des prépas dans les universités ?

Les CUPGE (cycles uni­ver­si­taires pré­pa­ra­toires aux grandes écoles, une for­ma­tion des uni­ver­si­tés qui pré­pare en deux ans aux concours des grandes écoles) existent déjà ; toutes les grandes écoles ont des recru­te­ments uni­ver­si­taires. Beau­coup d’universités ont désor­mais leur école d’ingénieur, écoles pour les­quelles elles aiment bien qu’il y ait un cycle pré­pa­ra­toire, sans que ce soit for­cé­ment une pré­pa inté­grée. Mais effec­ti­ve­ment, sur nos recru­te­ments actuels en filière uni­ver­si­taire, on doit être vigilant.

Une grande par­tie de nos élèves viennent d’un petit nombre d’universités de la région pari­sienne, car elles ont des étu­diants d’assez bon niveau, qu’elles pré­parent et entraînent. Donc la filière uni­ver­si­taire n’est pas une réponse magique à la diver­si­té sociale ou la diver­si­té en pro­fils, cela dépend de la mise en œuvre, des efforts de com­mu­ni­ca­tion, etc. Rendre le concours moins sco­laire serait la manière d’intégrer des pro­fils plus divers, la ques­tion peut se poser pour les deux voies : CPGE et uni­ver­si­taire, mais ce serait une grosse révo­lu­tion. Le contrôle des pro­grammes par l’inspection géné­rale pour les classes pré­pas et le fait que les concours doivent por­ter sur le pro­gramme de CPGE contraignent énor­mé­ment les choses.

Une autre source de diver­si­té serait la filière B/L (lettres et sciences sociales), mais hon­nê­te­ment je ne sais pas si l’on est mûr pour ça pour l’instant ; le niveau en maths reste le point de vigi­lance majeur. L’ouverture de la FUF aux sciences de la vie et sciences bio­mé­di­cales a don­né lieu à une pré­sen­ta­tion à l’assemblée des doyens de facul­té de méde­cine. Ce ne seraient pas des gros chiffres ini­tia­le­ment, mais il pour­rait y avoir d’excellents pro­fils intéressés.

Est-ce que les avancées des IA génératives remettent en question les compétences évaluées des élèves ?

Pas vrai­ment. Je rap­pelle que pour l’instant on inter­dit tous les outils lors des épreuves, dont les cal­cu­la­trices. Du point de vue des com­pé­tences, on cherche une capa­ci­té d’abstraction et d’analyse, qui per­met d’être cri­tique. Et, au vu des résul­tats actuels des modèles de lan­gage, le fait de pou­voir être cri­tique semble être une qua­li­té pri­mor­diale. Même dans le cadre sco­laire d’un devoir mai­son, qui peut être entiè­re­ment réa­li­sé par un modèle de lan­gage, cela néces­site d’avoir suf­fi­sam­ment confiance dans ce qu’il raconte pour rendre serei­ne­ment la copie.

Pour avoir ensei­gné en petite classe, la pré­pa­ra­tion des pâles res­sem­blait pour une bonne par­tie à un tra­vail métho­dique de sta­bi­lo­tage du poly, afin de retrou­ver rapi­de­ment l’information pen­dant l’épreuve. Aux yeux de l’enseignant-chercheur qui vient par­ta­ger sa dis­ci­pline, ce n’est évi­dem­ment pas l’idéal atten­du, mais ça cor­res­pond sans doute aux attentes de la vie pro­fes­sion­nelle ensuite : agré­ger rapi­de­ment des infor­ma­tions de domaines divers et être cri­tique. De ce point de vue, l’arrivée de ces tech­no­lo­gies ne me semble pas remettre en ques­tion ce qu’on attend des élèves.

En toute cohérence, faut-il alors autoriser le chat de Mistral AI ou de Cosmos suite pendant les pâles ?

Vous en dis­cu­te­rez avec Lau­ra Fio­ni [direc­trice de l’enseignement] !

De belles histoires de candidats ?

Le plus sym­pa, c’est quand on annonce les bonnes nou­velles : un can­di­dat de la filière TSI (tech­no­lo­gie et sciences indus­trielles, 2 places) qu’on appelle pour l’informer qu’il doit se pré­sen­ter deux jours plus tard à Paris pour pas­ser l’ADS, alors qu’il habite à Tou­louse. Et, mal­gré la logis­tique que ça repré­sente, il y a un côté « c’est la chance de ma vie »… Il vient et réus­sit ! Au concours 2023, une can­di­date BCPST admise, a démis­sion­né pour choi­sir véto, mais s’est ren­du compte que cela ne lui plai­sait pas et a vou­lu reve­nir sur sa démis­sion : trop tard, sa place avait été réat­tri­buée. Pen­dant sa pre­mière année de véto, elle a pré­pa­ré le concours CPGE toute seule, et elle a été admise à nou­veau cette année !

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Alain Ber­nardrépondre
8 janvier 2025 à 12 h 56 min

Etant de la pro­mo 1961, je regrette vive­ment la grande dis­per­sion du concours actuel avec des voies mul­tiples, ain­si que l’en­sei­gne­ment dis­per­sé dans un grand nombre de filières, les­quelles veulent col­ler à l’ac­tua­li­té (IA par exemple).
Le concours puis l’en­sei­gne­ment des deux pre­mières années inter­viennent à un stade pré­coce du par­cours uni­ver­si­taire des élèves, lequel doit à mon humble avis repo­ser sur un tronc com­mun de dis­ci­plines et de connais­sances. Après ces quatre ‑éven­tuel­le­ment cinq- pre­mières années du cur­sus il est lar­ge­ment temps de se spé­cia­li­ser, si pos­sible car ce ne semble même pas être tou­jours le cas, dans des dis­ci­plines, des voies de recherche, ou des ensei­gne­ments pro­fes­sion­nels qui peuvent béné­fi­cier direc­te­ment des apports des pre­mières années. Sans quoi on peut se deman­der à quoi a pu ser­vir tout ce « cirque », très contrai­gnant et très éprouvant.
Alain Ber­nard, Ingé­nieur Géné­ral hono­raire des Ponts et Chaus­sées, ancien maître de confé­rences en éco­no­mie à l’X puis exa­mi­na­teur, ancien pro­fes­seur d’Economie à l’ENPC et à l’IFP

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