Déportés pour l’éternité Survivre à l’exil stalinien, 1939-1991

Déportés pour l’éternité. Survivre à l’exil stalinien, 1939–1991.

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°801 Janvier 2025Par : Alain Blum (X78) et Emilia KoustovaRédacteur : Pierre Séguin (X73)Editeur : Chez éditions EHESS et Ined éditions, 2024

Ouvrage de 380 bonnes pages, Dépor­tés pour l’éternité pré­sente au moins trois inté­rêts. D’abord il illustre l’activité d’un cama­rade de la 78 qui a fait de l’histoire non un hob­by, comme pas mal d’entre nous, mais son acti­vi­té prin­ci­pale et pro­fes­sion­nelle. Il a racon­té son iti­né­raire dans l’excellent dos­sier publié dans La Jaune et la Rouge n° 771 de jan­vier 2022 au sujet des « X et l’histoire » (Sta­tis­tiques, modé­li­sa­tion mathé­ma­tique, URSS : iti­né­raire d’un X his­to­rien). Il s’est spé­cia­li­sé dans l’histoire des popu­la­tions d’un espace cou­vrant le ter­ri­toire des États qui furent sous domi­na­tion sovié­tique jusqu’en 1989–1991.

Ensuite, avec sa col­lègue Emi­lia Kous­ta­va, il ouvre une fenêtre sur un sujet peu fré­quen­té des his­to­riens : la ques­tion des dépla­cés des ter­ri­toires baltes et ukrai­niens, non pas enfer­més, mais relé­gués et assi­gnés à un tra­vail for­cé dans le Grand Nord ou en Sibé­rie, parce que membres de la famille d’une per­sonne iden­ti­fiée – à tort ou à rai­son – comme kou­lak ou résistant.

« Mais surtout dans ce livre la petite histoire, individuelle, et la grande histoire se rencontrent pour offrir une vision singulièrement « complète » de ce dont il traite. »

Il s’agit de la syn­thèse du tra­vail d’un grand nombre d’années, consis­tant dans le recueil et l’exploitation de témoi­gnages des sur­vi­vants (prin­ci­pa­le­ment litua­niens et ukrai­niens), notam­ment cer­tains res­tés en Rus­sie, ras­sem­blés dans une base de don­nées, et de docu­ments, notam­ment dans les archives russes – tant qu’elles sont res­tées acces­sibles. Le poly­tech­ni­cien de for­ma­tion démo­graphe tente d’en tirer des sta­tis­tiques et des ensei­gne­ments généraux.

Mais sur­tout dans ce livre la petite his­toire, indi­vi­duelle, et la grande his­toire se ren­contrent pour offrir une vision sin­gu­liè­re­ment « com­plète » de ce dont il traite. Enfin les larges cita­tions des témoi­gnages et des lettres des dépla­cés émeuvent aux larmes. Par-delà l’histoire, le lec­teur ne peut répri­mer sa pitié, sa com­pas­sion et sa révolte devant la bar­ba­rie bureau­cra­tique du régime sovié­tique, sta­li­nien mais aus­si post­sta­li­nien, dont l’absurde le dis­pute à l’inhumain.

La conclu­sion des auteurs ne touche pas moins, auteurs qui ont été rat­tra­pés par l’histoire et n’imaginaient pas l’ampleur de la régres­sion mémo­rielle qui frap­pe­rait la Rus­sie pou­ti­nienne. L’histoire, la vraie, est plus que jamais néces­saire pour contrer les dic­ta­tures impérialistes !

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