Olivier Legrand (X49) promoteur d’une éthique de la Défense

Olivier Legrand (X49) promoteur d’une éthique de la Défense

Dossier : TrajectoiresMagazine N°802 Février 2025
Par Emmanuel LEGRAND (X81)

Décé­dé le 8 novembre 2024, Oli­vier Legrand a fait toute sa car­rière dans l’industrie de l’armement avec le sou­ci de défi­nir et mettre en œuvre des prin­cipes d’éthique dans le domaine de la Défense.

Olivier était le der­nier des « frères Legrand », cette fra­trie si par­ti­cu­lière : sept gar­çons, un mour­ra en bas âge et les six autres inté­gre­ront l’X, comme leur père et leur grand-père mater­nel. Pour une large part le résul­tat de l’éducation dis­pen­sée par leur mère : les fils Legrand n’entrent que tar­di­ve­ment dans le sys­tème sco­laire. Pari­sien, Oli­vier entre en qua­trième à Louis-le-Grand, où il effec­tue toute sa sco­la­ri­té avant l’X.

Il a 10 ans quand éclate la deuxième guerre mon­diale, 11 ans quand son frère Marc (X35) meurt au com­bat en 1940, 15 ans à la Libé­ra­tion de Paris. Cette période le mar­que­ra à vie, influen­ce­ra voire déter­mi­ne­ra sa tra­jec­toire : non pas dans le sens d’une volon­té de revanche sur l’Allemagne, mais au contraire dans la convic­tion que c’est la construc­tion de l’Europe, avec à sa base la récon­ci­lia­tion fran­co-alle­mande, qui pour­ra appor­ter dura­ble­ment la paix sur notre conti­nent. En témoi­gne­ra son séjour de quatre ans au sein d’une mis­sion tech­nique de coopé­ra­tion à Coblence à la char­nière des années 1950–1960.

Une période de remise en cause

À la sor­tie de l’X, Oli­vier Legrand choi­sit le corps de l’Armement. Il effec­tue­ra toute sa car­rière dans l’armement ter­restre, à une période par­ti­cu­lière de remise en ques­tion de la chose mili­taire, et par exten­sion de l’armement : elle débute avec la guerre d’Algérie et se ter­mine juste avant la pro­fes­sion­na­li­sa­tion de l’Armée fran­çaise, au plus fort des mou­ve­ments d’objection de conscience, alors que la récente chute du rideau de fer laisse croire à un pos­sible désar­me­ment durable. Com­ment, par ailleurs, conci­lier acti­vi­té pro­fes­sion­nelle dans le domaine de l’armement et, dans son cas, une foi chré­tienne soli­de­ment ancrée ? 

Les années où il était char­gé des affaires inter­nationales pour l’armement ter­restre ont été particulière­ment pro­pices à sa réflexion : il s’agissait d’équiper non plus seule­ment l’Armée fran­çaise, mais des États, des régimes, qui n’étaient pas tous des démo­cra­ties apai­sées, loin de là. Des années plus tard, il devient rédac­teur en chef de la revue L’Armement de la DGA et par­vient à per­sua­der son entou­rage de consa­crer un numé­ro spé­cial de la revue aux ques­tions d’éthique dans le domaine de l’armement : le numé­ro d’août-septembre 1995 ver­ra la contri­bu­tion non seule­ment de pro­fes­sion­nels de la Défense, mais aus­si de phi­lo­sophes, d’autorités morales et reli­gieuses sur ces questions.

La création du Comité d’éthique de l’Armement

Dans la fou­lée de ce numé­ro excep­tion­nel, et pour ins­crire la démarche dans la durée, il fonde, avec des col­lègues anciens audi­teurs du Centre des hautes études de l’Armement, le Comi­té d’éthique de l’Armement, dont les réflexions ini­tiales s’articulent autour des quatre prin­cipes de réfé­rence : la volon­té de ser­vir la paix et de pré­ve­nir autant que pos­sible le déclen­che­ment des guerres ; la néces­si­té de pou­voir assu­rer une légi­time défense ; l’effort per­sé­vé­rant pour dimi­nuer les souf­frances inutiles et épar­gner les popu­la­tions ; et, enfin, la conscience d’une pos­sible limite aux moda­li­tés de pré­ser­va­tion des inté­rêts natio­naux, impo­sée par la prise en compte de cer­taines valeurs fon­da­men­tales, notam­ment le sou­ci du res­pect de la per­sonne humaine.

Le xxie siècle a vu appa­raître des guerres d’un type nou­veau et la résur­gence de la menace d’un affron­te­ment direct Est-Ouest, qui rendent néces­saire l’actualisation de la réflexion. La ministre des Armées Flo­rence Par­ly a ins­tal­lé début 2020 un tout nou­veau comi­té d’éthique de la Défense. Il faut y voir sinon l’héritage direct d’Olivier Legrand, au moins la preuve de la per­ti­nence vision­naire des idées qu’il a tou­jours défendues. 

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