Olivier Legrand (X49) promoteur d’une éthique de la Défense
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Décédé le 8 novembre 2024, Olivier Legrand a fait toute sa carrière dans l’industrie de l’armement avec le souci de définir et mettre en œuvre des principes d’éthique dans le domaine de la Défense.
Olivier était le dernier des « frères Legrand », cette fratrie si particulière : sept garçons, un mourra en bas âge et les six autres intégreront l’X, comme leur père et leur grand-père maternel. Pour une large part le résultat de l’éducation dispensée par leur mère : les fils Legrand n’entrent que tardivement dans le système scolaire. Parisien, Olivier entre en quatrième à Louis-le-Grand, où il effectue toute sa scolarité avant l’X.
Il a 10 ans quand éclate la deuxième guerre mondiale, 11 ans quand son frère Marc (X35) meurt au combat en 1940, 15 ans à la Libération de Paris. Cette période le marquera à vie, influencera voire déterminera sa trajectoire : non pas dans le sens d’une volonté de revanche sur l’Allemagne, mais au contraire dans la conviction que c’est la construction de l’Europe, avec à sa base la réconciliation franco-allemande, qui pourra apporter durablement la paix sur notre continent. En témoignera son séjour de quatre ans au sein d’une mission technique de coopération à Coblence à la charnière des années 1950–1960.
Une période de remise en cause
À la sortie de l’X, Olivier Legrand choisit le corps de l’Armement. Il effectuera toute sa carrière dans l’armement terrestre, à une période particulière de remise en question de la chose militaire, et par extension de l’armement : elle débute avec la guerre d’Algérie et se termine juste avant la professionnalisation de l’Armée française, au plus fort des mouvements d’objection de conscience, alors que la récente chute du rideau de fer laisse croire à un possible désarmement durable. Comment, par ailleurs, concilier activité professionnelle dans le domaine de l’armement et, dans son cas, une foi chrétienne solidement ancrée ?
Les années où il était chargé des affaires internationales pour l’armement terrestre ont été particulièrement propices à sa réflexion : il s’agissait d’équiper non plus seulement l’Armée française, mais des États, des régimes, qui n’étaient pas tous des démocraties apaisées, loin de là. Des années plus tard, il devient rédacteur en chef de la revue L’Armement de la DGA et parvient à persuader son entourage de consacrer un numéro spécial de la revue aux questions d’éthique dans le domaine de l’armement : le numéro d’août-septembre 1995 verra la contribution non seulement de professionnels de la Défense, mais aussi de philosophes, d’autorités morales et religieuses sur ces questions.
La création du Comité d’éthique de l’Armement
Dans la foulée de ce numéro exceptionnel, et pour inscrire la démarche dans la durée, il fonde, avec des collègues anciens auditeurs du Centre des hautes études de l’Armement, le Comité d’éthique de l’Armement, dont les réflexions initiales s’articulent autour des quatre principes de référence : la volonté de servir la paix et de prévenir autant que possible le déclenchement des guerres ; la nécessité de pouvoir assurer une légitime défense ; l’effort persévérant pour diminuer les souffrances inutiles et épargner les populations ; et, enfin, la conscience d’une possible limite aux modalités de préservation des intérêts nationaux, imposée par la prise en compte de certaines valeurs fondamentales, notamment le souci du respect de la personne humaine.
Le xxie siècle a vu apparaître des guerres d’un type nouveau et la résurgence de la menace d’un affrontement direct Est-Ouest, qui rendent nécessaire l’actualisation de la réflexion. La ministre des Armées Florence Parly a installé début 2020 un tout nouveau comité d’éthique de la Défense. Il faut y voir sinon l’héritage direct d’Olivier Legrand, au moins la preuve de la pertinence visionnaire des idées qu’il a toujours défendues.