L’accompagnement des femmes de plus de 45 ans en recherche d’emploi

L’accompagnement des femmes de plus de 45 ans en recherche d’emploi

Dossier : SolidaritéMagazine N°802 Février 2025
Par François BLANC (X74)

Témoi­gnage d’engagement au sein d’une asso­cia­tion axée sur l’accompagnement des femmes ayant plus de 45 ans, au chô­mage et sou­hai­tant retrou­ver un emploi ou créer leur entre­prise. Aider les autres, c’est s’aider soi-même à s’enrichir !

Lorsque j’ai déci­dé de prendre ma retraite en 2017, c’était avec un pro­jet d’engagement concret. Au terme d’une longue car­rière dans une grande entre­prise de ser­vice public, au sein de laquelle j’ai eu la chance d’exercer des res­pon­sa­bi­li­tés dans des métiers et des rôles très variés (diri­geant de struc­ture opé­ra­tion­nelle, d’équipe d’experts, de grand pro­jet, de ser­vice RH…), j’ai pris conscience de mon goût pro­non­cé pour l’accompagnement des per­sonnes (col­la­bo­ra­teurs, par­te­naires, voire supé­rieurs hié­rarchiques), levier dont j’ai expé­ri­men­té par ailleurs toute la puis­sance, en par­ti­cu­lier dans des contextes de fort changement.

En consé­quence j’ai mis fin à ma car­rière indus­trielle avec le pro­jet de pro­fes­sion­na­li­ser ma pra­tique de l’accompagnement en sui­vant une for­ma­tion cer­ti­fiante de coach pro­fes­sion­nel. J’ai ensuite eu envie d’exercer ce savoir-faire au ser­vice de per­sonnes en tran­si­tion pro­fes­sion­nelle. C’est donc tout natu­rel­le­ment que j’ai répon­du à l’appel d’une amie qui m’a invi­té à rejoindre Force Femmes en tant que béné­vole réfé­rent « retour à l’emploi ».

L’association Force Femmes

L’asso­cia­tion Force Femmes, recon­nue d’intérêt géné­ral, a été créée en 2005 en par­tant du constat qu’être senior et femme consti­tuait hélas un double han­di­cap sur le mar­ché de l’emploi fran­çais. Ain­si Force Femmes s’est don­né comme rai­son d’être de contri­buer à cor­ri­ger ce biais, en accom­pa­gnant ponc­tuel­le­ment des femmes ayant plus de 45 ans, au chô­mage et sou­hai­tant retrou­ver un emploi ou créer leur entre­prise. À cette fin elle les guide vers une auto­no­mie dans la construc­tion de leur pro­jet pro­fes­sion­nel, sala­rié ou entre­pre­neu­rial, afin que cha­cune d’elles se rende actrice de son propre parcours.

Après presque vingt années d’expérience, l’association pro­pose aujourd’hui à près de 1 500 nou­velles « can­di­dates » chaque année un accom­pa­gne­ment, qui arti­cule d’une part un pro­gramme d’ateliers col­lec­tifs cou­vrant tous les aspects de la recherche d’emploi ou de la créa­tion d’entreprise (orga­ni­sé sur deux mois par pro­mo­tion d’une dizaine de « can­di­dates ») et d’autre part un accompagne­ment indi­vi­duel per­son­na­li­sé sur une durée moyenne de sept mois, assu­ré par un réfé­rent indi­vi­duel recru­té par l’association en fonc­tion de ses com­pé­tences pro­fes­sion­nelles. À cette fin Force Femmes mobi­lise aujourd’hui plus de 750 béné­voles réfé­rents indi­vi­duels dans toute la France.

L’accompagnement des candidates

J’ai donc trou­vé ma place dans cette asso­cia­tion en tant que réfé­rent indi­vi­duel « retour à l’emploi ». À ce titre je suis l’interlocuteur pri­vi­lé­gié de « can­di­dates » en recherche d’emploi, que je ren­contre régu­liè­re­ment afin de les aider à orien­ter au mieux leur recherche et à tirer le meilleur par­ti de leurs res­sources per­son­nelles (for­ma­tion, expé­riences, réseau, force de convic­tion, etc.) pour être aus­si effi­caces que pos­sible dans leur recherche d’emploi.

L’accompagnement prend fin quand la can­di­date trouve un emploi ou quand elle atteint un niveau d’autonomie satis­fai­sant pour pour­suivre sa recherche sans le concours de l’association, ce qui est appré­cié d’un com­mun accord. L’accompagnement que j’assure est ain­si consti­tué d’entretiens régu­liers au cours des­quels j’invite d’abord la can­di­date à faire le point de sa situa­tion et de ses recherches d’emploi en cours.

Puis nous tra­vaillons sur un sujet choi­si ensemble en fonc­tion des besoins prio­ri­taires de la can­di­date, tel que par exemple : com­ment amé­lio­rer son CV et le rendre plus attrac­tif, com­ment se pré­pa­rer au mieux à un entre­tien cru­cial, com­ment déve­lop­per son réseau, quelle expé­rience mettre en valeur et com­ment, quel ensei­gne­ment reti­rer d’un entre­tien infruc­tueux, com­ment orga­ni­ser sa recherche d’emploi et gérer son temps au mieux à cette fin, com­ment cibler au mieux sa recherche, etc. Enfin nous conve­nons des pro­chains jalons dans la réa­li­sa­tion de son pro­jet pro­fes­sion­nel et pro­gram­mons l’entretien sui­vant, selon une pério­di­ci­té variable en fonc­tion de l’actualité pro­fes­sion­nelle de la candidate.

Le rôle du bénévole référent individuel

Mes apports per­son­nels dans cet exer­cice arti­culent deux dimen­sions : d’une part ma pos­ture de coach (écoute empa­thique, bien­veillante et sans juge­ment, qui per­met à la can­di­date de s’exprimer en toute confiance et de ques­tion­ner ses pra­tiques à haute voix pour « trou­ver ses propres solu­tions ») ; d’autre part des apports de conseil issus de ma propre expé­rience, de mana­ger et d’expert RH, qui me per­met par exemple de me mettre, autant que pos­sible, dans la peau du recru­teur et d’entraîner la can­di­date à iden­ti­fier ses réa­li­sa­tions les plus pro­bantes vis-à-vis du poste concer­né et à les racon­ter de manière per­cu­tante en entretien. 

J’accompagne aujourd’hui en per­ma­nence trois ou quatre can­di­dates, à rai­son d’un entre­tien men­suel (en moyenne) d’une à deux heures par can­di­date, selon une pro­gram­ma­tion conve­nue avec cha­cune d’un entre­tien à l’autre. C’est glo­ba­le­ment une acti­vi­té assez flexible et adap­table, au fil du turn over de mes can­di­dates, en fonc­tion de mes autres acti­vi­tés (autres béné­vo­lats, conseil rému­né­ré, loi­sirs divers et vie fami­liale, je suis marié et grand-père…).

Les ateliers

Je coa­nime en outre des ate­liers col­lec­tifs men­suels sur le CV et la lettre de moti­va­tion. Ces deux ate­liers, struc­tu­rés de manière ana­logue, com­portent deux temps : un expo­sé des « bonnes pra­tiques » en la matière (quelques recom­man­da­tions quant au conte­nu et à la pré­sen­ta­tion d’un CV, d’une lettre de moti­va­tion, selon « l’état de l’art ») ; puis un exer­cice de regards croi­sés sur cha­cun des CV (ou lettres de moti­va­tion) des can­di­dates. Chaque can­di­date dis­tri­bue à toutes les autres le docu­ment la concer­nant, puis cha­cune lui fait un retour sin­cère, bien­veillant et construc­tif (impres­sion géné­rale, points forts, sug­ges­tions d’amélioration), enfin les ani­ma­teurs expriment leurs propres avis et recom­man­da­tions dans le même esprit. Docu­ments et pro­pos res­tent confi­den­tiels au-delà de l’atelier.

Cet exer­cice pré­sente de mul­tiples inté­rêts pour les can­di­dates : reti­rer évi­dem­ment des axes d’amélioration per­son­nels, mais aus­si s’approprier par appli­ca­tion sur des cas concrets les recom­man­da­tions pré­sen­tées en début d’atelier, béné­fi­cier des pra­tiques des autres can­di­dates et enfin, sou­vent, nouer des rela­tions d’entraide avec des « paires » et sor­tir de la soli­tude. Dans cet exer­cice mes apports per­son­nels sont en fait de même nature que pour les accom­pa­gne­ments indi­vi­duels, il s’agit là aus­si d’écouter avec bien­veillance et sans juge­ment pour être en mesure d’apporter les conseils les plus appro­priés à cha­cune. S’ajoute évi­dem­ment la capa­ci­té à ani­mer, acquise dans mes acti­vi­tés antérieures.

Force Femmes propose des ateliers pour l'accompagnement des femmes de plus de 45 ans en recherche d'emploi
Force Femmes pro­pose des ate­liers pour l’ac­com­pa­gne­ment des femmes de plus de 45 ans en recherche d’emploi.

Un enrichissement personnel

À ce jour je trouve un inté­rêt constant et sans cesse renou­ve­lé dans ces accom­pa­gne­ments, compte tenu de la diver­si­té des per­sonnes et de leurs situa­tions, qui appelle d’ailleurs beau­coup d’humilité car on n’a jamais fini d’apprendre dans cet exer­cice, ce qui en fait en outre une pra­tique très sti­mu­lante. Quand la réus­site est au bout c’est évi­dem­ment très gra­ti­fiant, mais ça n’est pas tou­jours le cas. Il faut alors se conten­ter d’avoir fait faire un bout de che­min à une can­di­date que l’on quitte alors qu’elle n’a pas encore trou­vé d’emploi, mais qui se sent cepen­dant plus auto­nome et confiante pour conduire son pro­jet pro­fes­sion­nel. Cette expé­rience m’a aus­si ame­né à por­ter un autre regard sur le chô­mage, en par­ti­cu­lier sur le chô­mage des femmes expérimentées.

“Le job le plus dur que j’aie jamais eu !”

Les can­di­dates que j’ai ren­con­trées ont dans l’ensemble de beaux CV, sont riches de très bonnes expé­riences, sont sou­vent bien, voire très bien for­mées (bac + 5 fré­quem­ment) et dans la plé­ni­tude de leurs capa­ci­tés. Pour autant le retour à l’emploi est sou­vent très long et labo­rieux, il s’agit en géné­ral de pré­sen­ter des dizaines de can­di­da­tures avant d’obtenir un entre­tien, ou pas, et de pas­ser un nombre indé­ter­mi­né d’entretiens infruc­tueux avant de décro­cher éven­tuel­le­ment un CDD, voire un CDI. Une can­di­date, que j’avais invi­tée à consi­dé­rer cette recherche d’emploi de manière posi­tive comme un job à part entière, m’avait répon­du : « Mon­sieur, c’est le job le plus dur que j’aie jamais eu ! » Il s’ensuit que le pro­blème majeur pour ces femmes est le décou­ra­ge­ment et la perte de confiance en elles. C’est en consé­quence le thème de tra­vail cen­tral dans l’accompagnement, tant indi­vi­duel que collectif.

Redonner l’estime de soi

Je me suis aus­si ren­du compte que la plu­part de ces can­di­dates se sous-esti­maient et sur­es­ti­maient le han­di­cap lié à l’âge. C’est d’autant plus le cas lorsque la der­nière expé­rience pro­fes­sion­nelle a été dou­lou­reuse voire déva­lo­ri­sante (les expé­riences de burn-out ou de har­cè­le­ment de toute nature ne sont hélas pas rares, et pas tou­jours com­plè­te­ment cica­tri­sées, en dépit des thé­ra­pies appro­priées éven­tuel­le­ment sui­vies hors Force Femmes). Le sens concret de mon accom­pa­gne­ment est alors de les ame­ner à retrou­ver sur le plan pro­fes­sion­nel une meilleure estime d’elles-mêmes.

À cette fin je les invite par exemple à se remé­mo­rer et à « revivre » par le récit leurs réus­sites pas­sées, à redé­cou­vrir à cette lumière les capa­ci­tés pro­fes­sion­nelles et per­son­nelles dont elles dis­posent et le plai­sir qu’elles ont eu à les mettre en œuvre, et ain­si à retrou­ver confiance dans leur légi­ti­mi­té pro­fes­sion­nelle et leur capa­ci­té à rebon­dir avec bon­heur, en dépit des dif­fi­cul­tés qu’elles ren­con­tre­ront cepen­dant sur le mar­ché du travail. 

Cette confiance retrou­vée leur sera par­ti­cu­liè­re­ment utile en entre­tien, elle leur per­met­tra par exemple de valo­ri­ser plei­ne­ment leurs « expé­riences pro­bantes » en osant les « racon­ter » avec joie et natu­rel. Je dois dire que, lorsqu’une can­di­date par­vient ain­si lors d’un entre­tien à expri­mer plei­ne­ment et de manière pro­fes­sion­nelle ce qu’elle porte en elle de com­pé­tences, de capa­ci­té d’engagement et d’enthousiasme, c’est comme un cadeau qui gra­ti­fie tout mon enga­ge­ment et bien au-delà.

En conclu­sion j’ai trou­vé dans cette acti­vi­té une source d’enrichissement humain per­ma­nent ain­si que de grandes satis­fac­tions, et j’espère pou­voir la pour­suivre durablement. 

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