Pourquoi s’engager au service de notre communauté via la Caisse de solidarité ?
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La Caisse de solidarité existe depuis plus d’un siècle et demi. Elle matérialise la solidarité qui régit les relations au sein de la communauté polytechnicienne. Son président et l’un de ses rapporteurs témoignent de leur engagement en son sein, de ses modes d’action et des résultats qu’elle obtient. Ils soulignent que nous pouvons tous rencontrer des difficultés dans lesquelles l’action de la Caisse nous serait précieuse. Le moins que nous puissions faire est, sans attendre cette preuve de nécessité, de la soutenir notamment par notre cotisation à l’AX.
Laurent Vitse : La solidarité est une valeur forte de notre communauté polytechnicienne, elle fait partie de notre ADN. La Caisse de solidarité est la dépositaire de cette valeur, en offrant un soutien à nos camarades polytechniciens et à leurs familles, confrontés aux aléas de la vie, et chaque camarade payant sa cotisation contribue à cette solidarité qui nous lie. La plupart des associations d’anciens des grandes écoles n’ont pas d’action de soutien en faveur de leurs anciens, le diplôme étant la garantie d’une carrière accomplie. Alors, s’agissant d’un polytechnicien, cette image pourrait être encore plus forte.
Et pourtant notre diplôme ne nous met pas à l’abri des accidents de la vie. C’est ce que j’ai découvert en devenant président de la Caisse de solidarité il y a quatre ans. 1 % de nos camarades ont été aidés et 0,1 % le sont régulièrement. Les statisticiens seront rassurés mais, étant en contact avec un certain nombre d’entre eux, la plupart ont eu les mêmes succès que nous à 20 ans, souvent des parcours comparables aux nôtres pendant de nombreuses années, et pourtant un accident de la vie peut bouleverser leur existence. Je me suis souvent dit : « Ce qui lui est arrivé aurait aussi bien pu m’arriver. »
« Notre diplôme ne nous met pas à l’abri des accidents de la vie. »
Florent Litzow : C’est cette solidarité qui m’a beaucoup marqué lors d’un moment difficile. À la suite de la Covid, j’ai dû fermer l’entreprise que j’avais créée. Même si je n’ai pas eu besoin de l’aide financière de la Caisse, il a fallu que je revoie mon projet professionnel. Pour chercher du travail, je me suis naturellement tourné vers le réseau, et bien sûr en particulier le réseau polytechnicien. J’ai alors appelé de nombreux camarades, sans autre raison que celle d’avoir fait la même école et d’avoir des parcours dont le partage pouvait être fructueux. Ils m’ont accueilli avec une générosité inattendue, prenant le temps, malgré leurs propres responsabilités, de m’écouter, de partager leur expérience et de m’ouvrir leur carnet d’adresses. Cette entraide, spontanée et très bienveillante, m’a beaucoup interpellé.
Après avoir retrouvé un emploi, je suis tombé sur un éditorial de Loïc Rocard qui relatait les événements amicaux et d’entraide organisés entre polytechniciens russes et ukrainiens, malgré le conflit qui pouvait les diviser en raison de leurs pays d’origine. J’ai trouvé cela très inspirant et j’ai ressenti qu’il était naturel de rendre à mon tour ce que j’avais reçu. Il m’a alors conseillé de rejoindre la Caisse de solidarité.
REPÈRES
La Société amicale de secours des anciens élèves de l’École polytechnique (S.A.S.) a été créée en 1865. L’AX est née de la fusion en 1946 de la SAS avec la SAX, Société des amis de l’École polytechnique (S.A.X.) créée elle-même en 1908.
Notre mission – article 1 des statuts de l’AX : venir en aide, par des actions collectives de solidarité, aux élèves, anciens élèves et diplômés de l’École polytechnique en situation difficile matérielle ou morale, qu’ils fassent ou non partie de l’association, et à leurs familles ou à leurs proches se trouvant dans des situations analogues.
Au sein de l’AX, la Caisse de solidarité gère la générosité de notre communauté en apportant un soutien financier sous forme de secours ou de prêt, mais surtout un soutien humain et moral. Environ 300 dossiers sont gérés par la Caisse de solidarité. Les aides annuelles représentent environ 50 % des cotisations, seuil auquel on se tient malgré l’aggravation générée par le contexte économique et géopolitique.
En quoi consiste le soutien offert par la Caisse ?
FL : Le soutien que nous proposons commence par l’écoute. C’est une étape essentielle, car elle permet aux bénéficiaires de verbaliser leurs difficultés, qu’elles soient d’ordre financier, d’ordre professionnel ou d’ordre psychologique. Les situations que nous rencontrons sont souvent très complexes : il peut s’agir de surendettement, de transitions professionnelles difficiles, de problèmes de santé graves… En tant que rapporteurs, notre rôle est d’être là sans jugement, de prendre le temps de comprendre et de démêler ces difficultés, pour aider le bénéficiaire à trouver un chemin de rebond. Cette posture d’écoute bienveillante et de neutralité est fondamentale, car elle permet à chacun de s’exprimer librement, sans crainte d’être jugé.
« Cette posture d’écoute bienveillante et de neutralité est fondamentale, car elle permet à chacun de s’exprimer librement, sans crainte d’être jugé. »
LV : L’aide financière est bien sûr un volet important de notre mission, mais ce n’est pas le seul. En plus des conseils et de l’accompagnement moral, nous orientons parfois vers d’autres structures ou mettons en relation avec des associations spécialisées dans des problématiques spécifiques. Chaque décision d’aide est prise au sein d’un comité de gestion composé de permanents, de membres du conseil d’administration de l’AX et de rapporteurs. Ce dispositif garantit l’objectivité et l’impartialité de nos actions. Nous nous assurons que chaque demande soit traitée avec équité, rigueur et discrétion et que les aides soient employées de manière optimale et sans jugement sur les raisons qui expliquent la situation traitée. Ce cadre de décision collective est un gage de transparence et de bonne gestion des fonds de la Caisse.
FL : C’est un point essentiel, car cela permet d’éviter toute partialité et d’assurer une assistance équitable. En tant que rapporteurs, à notre modeste niveau, nous tentons également de soulager la « charge mentale » des bénéficiaires. Lorsqu’on traverse une période de crise, la somme des soucis peut rapidement devenir écrasante. Le fait de savoir que quelqu’un est là pour vous accompagner, pour alléger cette charge, est souvent un soutien utile, au-delà de l’aide matérielle.
La solidarité pour les futurs diplômés ?
LV : Les futurs diplômés constituent en nombre la majorité des dossiers que nous suivons. Comme ils sont promis à de brillantes carrières, le soutien prend la forme de cautions ou de prêts remboursables dès le premier emploi. De nombreux jeunes polytechniciens poursuivent des études au-delà du cursus de quatre ans et ils se retrouvent souvent dans une période de transition où ils ne sont plus boursiers ou salariés, mais ne peuvent pas encore subvenir à leurs besoins par une activité rémunérée en parallèle.
La dimension internationale de l’École et la difficulté accrue pour passer d’un stage à un emploi sans rupture ajoutent à ces défis. Nous apportons alors une aide ponctuelle pour couvrir des besoins spécifiques : cela peut être une caution de loyer, une avance pour un billet d’avion et des frais d’installation pour un stage à l’étranger, ou encore un prêt relais en attendant le versement du premier salaire. La plupart du temps, ces aides sont remboursées rapidement une fois la situation stabilisée.
« Les prêts aux élèves représentent un tiers des prêts octroyés dans le cadre de la solidarité. »
Les prêts aux élèves représentent un tiers des prêts octroyés dans le cadre de la solidarité. Leur remboursement permet d’alimenter notre capacité à prêter aux générations qui suivent, c’est le cercle vertueux de la solidarité. L’AX est généreuse, mais la générosité ça se gère et il nous incombe parfois de relancer certains camarades dont le succès s’étale sur LinkedIn, mais qui ont oublié notre rôle à l’amorçage de leur carrière. Rembourser est le premier acte de solidarité que nous attendons des jeunes diplômés avec leur premier contrat de travail en poche !
FL : Ces aides, bien que temporaires, sont cruciales pour permettre à ces jeunes de démarrer leur carrière sans trop de contraintes financières. Elles concernent souvent les élèves étrangers et, sans nous substituer aux aides apportées par l’École ou la Fondation sur le platâl, nous sommes très fiers d’accompagner leur tremplin vers de beaux succès.
Le rôle essentiel des permanents de la Caisse ?
LV : La gestion de la Caisse doit concilier souplesse, réactivité et respect d’une éthique rigoureuse. Pour garantir cela, elle est pilotée par un comité de gestion de seize membres, qui se réunit quatre fois par an pour définir la politique générale et examiner les nouveaux cas ainsi que les dossiers en cours ou délicats.
FL : Mais la réactivité et la solidité de notre action sont essentiellement assurées grâce à notre équipe permanente. Yves Stierlé, délégué général adjoint, gère le premier traitement des cas, oriente les dossiers les plus compliqués vers les rapporteurs et assure un suivi minutieux lorsque les situations nécessitent son intervention. Notre assistante, Sylvie Clairefond, veille à ce que tous les dossiers soient complets, à jour et facilement accessibles. Elle est également la source de tout le reporting financier.
Dominique Rousselet, notre assistante sociale, apporte son écoute et ses conseils pour les situations les plus complexes, ainsi que son expertise dans les démarches d’aides disponibles, publiques ou privées, et sait naviguer dans les méandres administratifs. Ils sont surtout des points de contact permanents pour accompagner nos camarades dans les situations difficiles, des oreilles attentives et des guides pour trouver des solutions. Ils représentent l’essentiel du travail ! La désignation d’un rapporteur intervient en complément, lorsque nous pressentons un besoin de suivi prolongé ou que l’expérience d’un rapporteur peut stabiliser une situation de crise.
Quelle est votre plus grande fierté ?
LV : Notre préoccupation va au-delà du minimum vital que les services sociaux peuvent offrir. Trois priorités guident nos actions : santé, logement et éducation des enfants. Nous soutenons nos camarades pour qu’ils puissent se relancer, retrouver un logement, reconstruire leur capacité de rebond professionnel et assurer l’accès aux meilleures études à leurs enfants. Quelques-uns ont même évité de peu de se retrouver à la rue. Et nous pensons aussi aux enfants de nos camarades disparus : notre objectif est qu’ils puissent atteindre le niveau d’études que leur père ou leur mère leur aurait donné s’ils avaient été en vie.
“Trois priorités : santé, logement et éducation des enfants.”
Ce souci de transmettre, de donner aux générations suivantes les moyens de s’épanouir, est pour moi une source de grande fierté. Lors de l’une de mes premières réunions du comité de gestion, il a été acté que nous mettions un terme à un soutien financier. Le motif ? le dernier des trois orphelins d’un défunt camarade était enfin diplômé d’une école de commerce et avait obtenu son premier emploi. Cela faisait près de vingt ans que nous apportions inconditionnellement notre soutien et, personnellement, j’étais fier de savoir qu’une partie de ma cotisation depuis vingt ans avait servi à rendre cet accomplissement possible.
Qu’est-ce qui rend la solidarité polytechnicienne unique ?
LV : Je ne sais pas si elle est unique. Il y a quantité d’autres solidarités ! Mais la solidarité polytechnicienne a cette particularité d’être à la fois intergénérationnelle et internationale. Au-delà de nos souvenirs communs à l’École et de nos traditions, je pense qu’on retrouve un socle commun qui nous permet de nous comprendre facilement, même si nos parcours professionnels et personnels diffèrent. Une façon de communiquer, la capacité à gérer la complexité, la rationalité, probablement un attachement à l’intérêt général, la conviction d’appartenir à la grande famille polytechnicienne… Je pense que cela rend l’entraide assez naturelle.
FL : Cela rejoint ce que j’ai ressenti en lisant l’éditorial de Loïc Rocard. Cette solidarité va bien au-delà des frontières ou des clivages. Nous avons vu des polytechniciens, malgré les tensions géopolitiques et économiques, s’entraider, qu’ils soient russes, ukrainiens ou libanais. Ce n’est pas uniquement un réseau de contacts. Il y a aussi les associations issues de l’X : Tremplin, MathématiX, l’engagement social et environnemental des nouvelles générations…
« Cette solidarité va bien au-delà des frontières ou des clivages. »
LV : Absolument. Nous avons tous des expériences différentes, mais la communauté polytechnicienne, de par ses liens amicaux, peut être un point d’ancrage. C’est dans cette diversité, et dans l’engagement de chacun, que réside notre force collective.
FL : À propos de force collective, tu voulais parler de la cotisation, je crois, Laurent ?
LV : Oui ! La cotisation est le premier acte de solidarité que l’on peut avoir en tant que polytechnicien. Elle permet de pérenniser les actions de la Caisse et d’assurer que chaque camarade, où qu’il se trouve et quelles que soient les difficultés qu’il rencontre, puisse bénéficier d’un soutien. Nous savons que beaucoup de polytechniciens contribuent déjà, mais il est essentiel de continuer à en parler pour que cette solidarité s’étende. Puisque tu nous lis, c’est sans doute que tu as payé ta cotisation et ton abonnement à La Jaune et La Rouge. Donc sois notre ambassadeur, pour que tes camarades de promotion paient leur cotisation ! Tu verras dans l’annuaire assez facilement qui paie ou non sa cotisation.
FL : Et il n’y a pas que la cotisation. Nous avons besoin de rapporteurs, notamment en province. Et s’engager comme rapporteur, ça ne demande pas beaucoup de temps, quelques réunions par an et une ou deux heures par mois !
Gérer la solidarité polytechnicienne
En 2023, nous avons lancé une réflexion autour des axes suivants :
- renforcer l’accompagnement de nos camarades en difficulté ;
- adapter le dispositif des aides aux nouveaux problèmes auxquels font face notre communauté et l’AX ;
- mieux gérer notre solidarité ;
- mieux partager les actions menées pour la communauté en termes de solidarité.
Dix actions ont été identifiées et progressivement mises en œuvre. Cette dynamique s’est poursuivie tout au long de l’année 2024. Ainsi, nous avons lancé un appel auprès des anciens à rejoindre la Caisse de solidarité pour accompagner en tant que rapporteurs nos camarades en difficulté. Les réponses ont été nombreuses, c’est à cette occasion que Florent nous a rejoints. La nomination d’ambassadeurs de l’AX dans certains pays a permis également de mieux faire face au caractère plus international des lieux de résidence de nos camarades.