Claude Riveline (X56), penseur original et grande figure du judaïsme

Claude Riveline (X56), penseur original et grande figure du judaïsme

Dossier : TrajectoiresMagazine N°803 Mars 2025
Par Claude TRINK (71)

Décé­dé le 9 décembre 2024, Claude Rive­line a consa­cré l’essentiel de sa car­rière au Centre de ges­tion scien­ti­fique de l’École des mines qu’il a fon­dé en 1967, et a lar­ge­ment contri­bué à la vie intel­lec­tuelle de la com­mu­nau­té juive.

Né en 1936 à Paris de parents négo­ciants en chaus­sures, Léon et Esther Rive­line, dans une famille juive ori­gi­naire de Litua­nie, Claude a effec­tué sa pré­pa au lycée Jan­son-de-Sailly. Il entre à l’X en 1956 et en sort dans le corps des Mines dont il était ingé­nieur général. 

Il com­mence sa car­rière en Algé­rie dans le cadre du Plan de Constan­tine (1961−1962) puis fait un tour du monde avec une bourse de la Fon­da­tion Sin­ger-Poli­gnac (1962−1963) avant d’entrer à l’École des mines de Paris comme chef de tra­vaux d’exploi­tation des mines (1963−1967) puis comme pro­fes­seur de ges­tion (1967−2006).

Sur la base de ses recherches, il donne aux ingé­nieurs civils ain­si qu’à ceux du corps des Mines un cours ori­gi­nal de ges­tion des orga­ni­sa­tions et d’évaluation des coûts. Son cours intro­dui­sait les élèves de l’École des mines aux dimen­sions concrètes de la socio­lo­gie des orga­ni­sa­tions, éloi­gnée de la modé­li­sa­tion mathé­ma­tique de l’optimisation.


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Une création inédite

Claude a fon­dé en 1967 à l’École des mines de Paris un labo­ra­toire pion­nier : le Centre de ges­tion scien­ti­fique. Il envoyait ses élèves en stage dans des entre­prises et orga­ni­sa­tions en vue d’analyser des pro­blèmes concrets de ges­tion. L’article de Michel Ber­ry publié dans cette revue détaille les prin­ci­paux concepts mis en avant, tels que « le coût d’un bien n’existe pas, seul existe le coût d’une déci­sion » ; les quatre dimen­sions : la matière, les per­sonnes, les ins­ti­tu­tions, le sacré ; rites-mythes-tri­bus ; nomades et séden­taires… Ora­teur hors pair, Claude uti­li­sait une langue claire, simple et pré­cise, émaillée de for­mules inci­sives. Un des rares ora­teurs à com­men­cer tou­jours par pré­sen­ter son plan et à s’y tenir. Il était d’une remar­quable viva­ci­té et m’avait expli­qué qu’il res­tait jeune, car ses élèves avaient, année après année, tou­jours le même âge !

Claude a écrit de nom­breux ouvrages et articles (voir https://riveline.net/), notam­ment son cours sur l’évaluation des coûts, une des publi­ca­tions de l’École les plus dif­fu­sées. C’est ain­si qu’il a écrit pen­dant des années une page « Idées » dans Le Jour­nal de l’École de Paris du mana­ge­ment. Soixante de ces pages ont été regrou­pées en 2006 dans Idées, tome 1 (édi­teur École de Paris). Le tome 2 est sor­ti en 2019 avec de nou­velles réflexions péné­trantes et mali­cieuses sur le management.

Éclairer la pensée juive

Paral­lè­le­ment, Claude – qui des­cen­dait du Gaon de Vil­na, auto­ri­té juive recon­nue du XVIIIe siècle – a éclai­ré la vie intel­lec­tuelle du judaïsme fran­co­phone dès ses pre­mières par­ti­ci­pa­tions aux Col­loques des intel­lec­tuels juifs de langue fran­çaise dans les années 1960, côtoyant les plus grandes figures du monde de la pen­sée de l’après-guerre (Emma­nuel Levi­nas, André Neher, Vla­di­mir Jan­ké­lé­vitch, Ama­do Lévy-Valen­si, Léon Aské­na­zi…). Figure majeure de la pen­sée juive contem­po­raine, Claude inter­ve­nait aus­si bien au sémi­naire israé­lite de France (où sont for­més les jeunes rab­bins) que dans des syna­gogues ou des col­loques, uti­li­sant tou­jours une expres­sion très claire et moderne. Nombre de ses inter­ven­tions fil­mées sont visibles sur le site https://akadem.org/author/claude-riveline.

Claude a publié plu­sieurs ouvrages sur le judaïsme, ici aus­si dans un style simple et moderne. Citons notam­ment un Petit trai­té pour expli­quer le judaïsme aux non-juifs (tra­duit en anglais), L’Amour dans la tra­di­tion juive, Le corps en ques­tion : réflexions sur les rituels juifs

Claude avait un vio­lon d’Ingres : le des­sin. Il avait ain­si en par­ti­cu­lier des­si­né les por­traits des membres de sa famille , notam­ment de ses trois fils et de ses dix petits-enfants.

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