Claude Riveline (X56), penseur original et grande figure du judaïsme

Décédé le 9 décembre 2024, Claude Riveline a consacré l’essentiel de sa carrière au Centre de gestion scientifique de l’École des mines qu’il a fondé en 1967, et a largement contribué à la vie intellectuelle de la communauté juive.
Né en 1936 à Paris de parents négociants en chaussures, Léon et Esther Riveline, dans une famille juive originaire de Lituanie, Claude a effectué sa prépa au lycée Janson-de-Sailly. Il entre à l’X en 1956 et en sort dans le corps des Mines dont il était ingénieur général.
Il commence sa carrière en Algérie dans le cadre du Plan de Constantine (1961−1962) puis fait un tour du monde avec une bourse de la Fondation Singer-Polignac (1962−1963) avant d’entrer à l’École des mines de Paris comme chef de travaux d’exploitation des mines (1963−1967) puis comme professeur de gestion (1967−2006).
Sur la base de ses recherches, il donne aux ingénieurs civils ainsi qu’à ceux du corps des Mines un cours original de gestion des organisations et d’évaluation des coûts. Son cours introduisait les élèves de l’École des mines aux dimensions concrètes de la sociologie des organisations, éloignée de la modélisation mathématique de l’optimisation.
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Une création inédite
Claude a fondé en 1967 à l’École des mines de Paris un laboratoire pionnier : le Centre de gestion scientifique. Il envoyait ses élèves en stage dans des entreprises et organisations en vue d’analyser des problèmes concrets de gestion. L’article de Michel Berry publié dans cette revue détaille les principaux concepts mis en avant, tels que « le coût d’un bien n’existe pas, seul existe le coût d’une décision » ; les quatre dimensions : la matière, les personnes, les institutions, le sacré ; rites-mythes-tribus ; nomades et sédentaires… Orateur hors pair, Claude utilisait une langue claire, simple et précise, émaillée de formules incisives. Un des rares orateurs à commencer toujours par présenter son plan et à s’y tenir. Il était d’une remarquable vivacité et m’avait expliqué qu’il restait jeune, car ses élèves avaient, année après année, toujours le même âge !
Claude a écrit de nombreux ouvrages et articles (voir https://riveline.net/), notamment son cours sur l’évaluation des coûts, une des publications de l’École les plus diffusées. C’est ainsi qu’il a écrit pendant des années une page « Idées » dans Le Journal de l’École de Paris du management. Soixante de ces pages ont été regroupées en 2006 dans Idées, tome 1 (éditeur École de Paris). Le tome 2 est sorti en 2019 avec de nouvelles réflexions pénétrantes et malicieuses sur le management.
Éclairer la pensée juive
Parallèlement, Claude – qui descendait du Gaon de Vilna, autorité juive reconnue du XVIIIe siècle – a éclairé la vie intellectuelle du judaïsme francophone dès ses premières participations aux Colloques des intellectuels juifs de langue française dans les années 1960, côtoyant les plus grandes figures du monde de la pensée de l’après-guerre (Emmanuel Levinas, André Neher, Vladimir Jankélévitch, Amado Lévy-Valensi, Léon Askénazi…). Figure majeure de la pensée juive contemporaine, Claude intervenait aussi bien au séminaire israélite de France (où sont formés les jeunes rabbins) que dans des synagogues ou des colloques, utilisant toujours une expression très claire et moderne. Nombre de ses interventions filmées sont visibles sur le site https://akadem.org/author/claude-riveline.
Claude a publié plusieurs ouvrages sur le judaïsme, ici aussi dans un style simple et moderne. Citons notamment un Petit traité pour expliquer le judaïsme aux non-juifs (traduit en anglais), L’Amour dans la tradition juive, Le corps en question : réflexions sur les rituels juifs…
Claude avait un violon d’Ingres : le dessin. Il avait ainsi en particulier dessiné les portraits des membres de sa famille , notamment de ses trois fils et de ses dix petits-enfants.