Jean-Loup Picard (X64) un major passionné de connaître et comprendre

Jean-Loup Picard nous a quittés le 20 décembre 2024. C’était un grand Monsieur, simple, pondéré, cultivé, compétent et efficace, qui accomplit une brillante carrière d’abord dans l’administration et les ministères, puis pendant 30 ans chez Thomson-CSF, devenu Thales.
Jean-Loup était très attaché à sa Bourgone natale. Né en 1945 à Semur-en-Auxois, il y avait ses racines et les avait conservées. Son père, chirurgien généraliste bien connu de tous mais aussi obstétricien, y avait acquis une grande demeure pour y loger ses sept enfants dont Jean-Loup était l’avant-dernier. À la mort de ses parents, Jean-Loup avait repris, en accord avec ses frères et sœurs, cette belle propriété qui domine l’Armançon. Il aimait venir s’y ressourcer, en famille ou avec ses amis.
De la Bourgogne aux ministères
Franchissant rapidement les étapes, collège de Semur-en-Auxois, lycée de Dijon, lycée Saint-Louis à Paris, il intègre facilement Polytechnique et c’est là qu’il révèle sa puissance de travail et ses capacités. Il était bon en tout et même excellent. Nous luttions pour la première place au classement mais il l’emporta d’une bonne longueur. Depuis nous étions restés très amis, à l’École des mines et au cours de la vie professionnelle où nos destins se sont souvent croisés.
Jeune ingénieur des Mines, il est envoyé à Caen où il est vite repéré par les responsables politiques locaux, notamment par Michel d’Ornano, le « duc de Normandie », devenu ministre de l’Industrie et de la Recherche, qui l’appelle à son cabinet en 1977. C’était l’époque où la France avait encore de grands projets : le nucléaire bien sûr mais aussi, dans le cadre européen, le lancement d’Arianespace. Au décès brutal de Michel d’Ornano, il vient aux côtés de Marcel Cavaillé, secrétaire d’État au Logement et dirige son cabinet.
Au cœur du groupe Thales
Rescapé du changement brutal de majorité en 1981, il rejoint en 1982 Thomson-CSF, nationalisée par Pierre Mauroy, dont il dirige le département téléphonie privée, bientôt repris par Alcatel dans le cadre d’un montage industriel dont nos politiques avaient le secret. De retour chez Thomson-CSF, il occupe des positions éminentes qui l’amènent à la tête de la branche systèmes de détection et de missiles. Lors de la privatisation de Thomson, en juin 1998, les conditions étaient réunies pour qu’il fût nommé président du groupe qui deviendra, en 2000, Thales. Mais le pouvoir politique lui préféra notre camarade Denis Ranque (X70). Apaisée l’émotion que créa cette décision, le tandem Ranque-Picard fonctionna à merveille. Chargé des activités stratégiques et techniques du groupe, Jean-Loup fit preuve de vision, de compétence, de rigueur et de clairvoyance. C’était pour ses collègues un très grand directeur et le groupe Thales lui doit beaucoup.
« Jean-Loup fit preuve de vision, de compétence, de rigueur et de clairvoyance. »
À la retraite, Jean-Loup eut le temps d’assouvir sa passion de connaître et de comprendre. Il s’intéressait à tout, à la musique, aux abeilles, aux hirondelles, à la sociologie, à l’intelligence artificielle… C’était un des piliers de deux think-tanks : Suffren, créé par notre camarade Pierre Baqué, et La Fabrique de l’industrie, créée à l’initiative de l’UIMM. Il aimait aller à la rencontre des gens, les écouter, tenter de les comprendre, il était très respectueux d’autrui. Jusqu’au dernier moment, il a semblé ignorer la maladie, comme pour ne pas déranger son entourage et ses amis. Il aimait la vie et c’était un homme bon.
Mais Jean-Loup était aussi au fond de lui-même tourmenté par l’évolution du monde et ses conflits. La déliquescence des démocraties et la guerre en Ukraine l’angoissaient. Son dernier livre, à peine ouvert : Le Chaos qui vient de Peter Turchin…
Jean-Loup Picard avait quatre enfants et neuf petits-enfants. Tous, et Catherine qu’il avait épousée en 1968, lui portent une admiration sans limites. Nous nous associons à leur peine.