Jean-Loup Picard

Jean-Loup Picard (X64) un major passionné de connaître et comprendre

Dossier : TrajectoiresMagazine N°803 Mars 2025
Par Jean-Pierre HAUET (X64)

Jean-Loup Picard nous a quit­tés le 20 décembre 2024. C’était un grand Mon­sieur, simple, pon­dé­ré, culti­vé, com­pé­tent et effi­cace, qui accom­plit une brillante car­rière d’abord dans l’administration et les minis­tères, puis pen­dant 30 ans chez Thom­son-CSF, deve­nu Thales.

Jean-Loup était très atta­ché à sa Bour­gone natale. Né en 1945 à Semur-en-Auxois, il y avait ses racines et les avait conser­vées. Son père, chi­rur­gien géné­ra­liste bien connu de tous mais aus­si obs­té­tri­cien, y avait acquis une grande demeure pour y loger ses sept enfants dont Jean-Loup était l’avant-dernier. À la mort de ses parents, Jean-Loup avait repris, en accord avec ses frères et sœurs, cette belle pro­prié­té qui domine l’Armançon. Il aimait venir s’y res­sour­cer, en famille ou avec ses amis.

De la Bourgogne aux ministères

Fran­chis­sant rapi­de­ment les étapes, col­lège de Semur-en-Auxois, lycée de Dijon, lycée Saint-Louis à Paris, il intègre faci­le­ment Poly­tech­nique et c’est là qu’il révèle sa puis­sance de tra­vail et ses capa­ci­tés. Il était bon en tout et même excellent. Nous lut­tions pour la pre­mière place au clas­se­ment mais il l’emporta d’une bonne lon­gueur. Depuis nous étions res­tés très amis, à l’École des mines et au cours de la vie pro­fes­sion­nelle où nos des­tins se sont sou­vent croisés.

Jeune ingé­nieur des Mines, il est envoyé à Caen où il est vite repé­ré par les res­pon­sables poli­tiques locaux, notam­ment par Michel d’Ornano, le « duc de Nor­man­die », deve­nu ministre de l’Industrie et de la Recherche, qui l’appelle à son cabi­net en 1977. C’était l’époque où la France avait encore de grands pro­jets : le nucléaire bien sûr mais aus­si, dans le cadre euro­péen, le lan­ce­ment d’Arianespace. Au décès bru­tal de Michel d’Ornano, il vient aux côtés de Mar­cel Cavaillé, secré­taire d’État au Loge­ment et dirige son cabinet.

Au cœur du groupe Thales

Res­ca­pé du chan­ge­ment bru­tal de majo­ri­té en 1981, il rejoint en 1982 Thom­son-CSF, natio­na­li­sée par Pierre Mau­roy, dont il dirige le dépar­te­ment télé­pho­nie pri­vée, bien­tôt repris par Alca­tel dans le cadre d’un mon­tage indus­triel dont nos poli­tiques avaient le secret. De retour chez Thom­son-CSF, il occupe des posi­tions émi­nentes qui l’amènent à la tête de la branche sys­tèmes de détec­tion et de mis­siles. Lors de la pri­va­ti­sa­tion de Thom­son, en juin 1998, les condi­tions étaient réunies pour qu’il fût nom­mé pré­sident du groupe qui devien­dra, en 2000, Thales. Mais le pou­voir poli­tique lui pré­fé­ra notre cama­rade Denis Ranque (X70). Apai­sée l’émotion que créa cette déci­sion, le tan­dem Ranque-Picard fonc­tion­na à mer­veille. Char­gé des acti­vi­tés stra­té­giques et tech­niques du groupe, Jean-Loup fit preuve de vision, de com­pé­tence, de rigueur et de clair­voyance. C’était pour ses col­lègues un très grand direc­teur et le groupe Thales lui doit beaucoup.

« Jean-Loup fit preuve de vision, de compétence, de rigueur et de clairvoyance. »

À la retraite, Jean-Loup eut le temps d’assouvir sa pas­sion de connaître et de com­prendre. Il s’intéressait à tout, à la musique, aux abeilles, aux hiron­delles, à la socio­lo­gie, à l’intelligence arti­fi­cielle… C’était un des piliers de deux think-tanks : Suf­fren, créé par notre cama­rade Pierre Baqué, et La Fabrique de l’industrie, créée à l’initiative de l’UIMM. Il aimait aller à la ren­contre des gens, les écou­ter, ten­ter de les com­prendre, il était très res­pec­tueux d’autrui. Jusqu’au der­nier moment, il a sem­blé igno­rer la mala­die, comme pour ne pas déran­ger son entou­rage et ses amis. Il aimait la vie et c’était un homme bon.

Mais Jean-Loup était aus­si au fond de lui-même tour­men­té par l’évolution du monde et ses conflits. La déli­ques­cence des démo­cra­ties et la guerre en Ukraine l’angoissaient. Son der­nier livre, à peine ouvert : Le Chaos qui vient de Peter Turchin…

Jean-Loup Picard avait quatre enfants et neuf petits-enfants. Tous, et Cathe­rine qu’il avait épou­sée en 1968, lui portent une admi­ra­tion sans limites. Nous nous asso­cions à leur peine. 

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