Barrage hydroélectrique de Kaleta en Guinée, en cours de construction. © Tractebel

Les aspects environnementaux des aménagements hydroélectriques à l’international

Dossier : HydroélectricitéMagazine N°803 Mars 2025
Par Nathalie TOMCZAK

Les bar­rages et leur moder­ni­sa­tion ont des impacts impor­tants sur l’environnement. Ces impacts doivent actuel­le­ment être pris en consi­dé­ra­tion dès les études, afin de les limi­ter. Il est de même indis­pen­sable d’associer les par­ties pre­nantes locales dans le mon­tage des projets.

La tran­si­tion éner­gé­tique mon­diale repose sur le déve­lop­pe­ment de sources d’énergie renou­ve­lables, et l’hydroélectricité joue un rôle cru­cial dans ce cadre. Cepen­dant, les bar­rages et amé­na­ge­ments hydro­électriques ont des impacts signi­fi­ca­tifs sur l’environnement. Conci­lier effi­ca­ci­té éner­gé­tique et pré­ser­va­tion de l’environnement est essen­tiel dans les pro­jets de construc­tion et de réno­va­tion hydro­élec­triques à l’international. Cet article explore l’évolution de la prise en compte des ques­tions envi­ron­ne­men­tales et sociales liées à ces amé­na­ge­ments et les stra­té­gies d’atténuation des impacts qui sont appli­quées à tra­vers le monde.

Une prise en compte progressive

La ges­tion des aspects envi­ron­ne­men­taux dans la concep­tion des amé­na­ge­ments hydro­élec­triques à l’international est essen­tiel­le­ment appa­rue dans la seconde moi­tié du xxe siècle. Ain­si les ques­tions envi­ron­ne­men­tales et sociales des pro­jets de construc­tion de bar­rages ont com­men­cé à être sou­le­vées dans les années 1970 au sein de la Com­mis­sion inter­na­tio­nale des grands bar­rages (CIGB).

La défi­ni­tion de « grand bar­rage » par la CIGB cor­res­pond à un « bar­rage d’une hau­teur supé­rieure à 15 mètres, des fon­da­tions les plus basses à la crête, ou bar­rage dont la hau­teur est com­prise entre 5 et 15 mètres et qui retient plus de 3 mil­lions de mètres cubes d’eau ». Le pre­mier bul­le­tin tech­nique consa­cré à ce sujet est sor­ti en 1981 (Bul­le­tin 35, « Les bar­rages et l’environnement »), sui­vi par un Rap­port sur les bar­rages et l’environnement en 1997, qui for­mu­lait des conseils pour l’évaluation et la réduc­tion des impacts ou toute autre consi­dé­ra­tion environ­nementale. Dans les années qui ont sui­vi, d’importantes contri­bu­tions de la CIGB ont per­mis de faire pro­gres­ser la sen­si­bi­li­té des acteurs du monde des bar­rages aux pro­blèmes environnementaux.

“Il est devenu désormais impératif de guider la conception des barrages en tenant compte de la notion de développement durable et d’une prise en considération des aspects liés à la biodiversité ainsi qu’aux enjeux humains.”

Il est deve­nu désor­mais impé­ra­tif de gui­der la concep­tion des bar­rages en tenant compte de la notion de déve­lop­pe­ment durable et d’une prise en consi­dé­ra­tion des aspects liés à la bio­di­ver­si­té ain­si qu’aux enjeux humains. C’est éga­le­ment en rai­son des exi­gences des bailleurs de fonds inter­na­tio­naux que les normes envi­ron­ne­men­tales et sociales ont été prises en compte à toutes les étapes d’un pro­jet d’aménage­ment hydro­élec­trique. Ain­si, dans les années 70, la Banque mon­diale a publié des lignes direc­trices sur les dimen­sions envi­ron­ne­men­tales des pro­jets. Et c’est en 1984 qu’elle a intro­duit un nou­veau manuel opé­ra­tion­nel qui, pour la pre­mière fois, énon­çait les lignes direc­trices de la Banque sur l’examen envi­ron­ne­men­tal des pro­jets. Qu’il s’agisse d’envisager la construc­tion d’un bar­rage, d’en dres­ser le pro­jet, d’en défi­nir les moda­li­tés d’exploitation ou d’envisager sa réno­va­tion, les règles de l’art imposent désor­mais de prendre en compte l’ensemble du contexte natu­rel et humain.

Les enjeux environnementaux de l’hydroélectricité

La construc­tion et l’exploitation d’aménagements hydro­élec­triques, notam­ment de grands bar­rages, peuvent pré­sen­ter des défis envi­ron­ne­men­taux non négli­geables sur le milieu phy­sique, bio­lo­gique ou humain. La modi­fi­ca­tion du régime hydrau­lique et sédimento­logique du cours d’eau : les amé­na­ge­ments hydro­électriques modi­fient le débit des cours d’eau en amont et en aval, ce qui peut alté­rer les éco­sys­tèmes rive­rains et réduire la qua­li­té de l’eau. La modi­fi­ca­tion des éco­sys­tèmes aqua­tiques et ter­restres : les bar­rages modi­fient les habi­tats natu­rels, per­tur­bant les espèces qui y vivent. Les pois­sons migra­teurs, par exemple, peuvent se trou­ver inca­pables de remon­ter les rivières pour se repro­duire. Le dépla­ce­ment de popu­la­tions locales : les réser­voirs de grands bar­rages peuvent impli­quer le dépla­ce­ment de com­mu­nau­tés locales, par­fois avec des consé­quences sociales importantes.

La conception des nouveaux aménagements hydroélectriques

La concep­tion de nou­veaux amé­na­ge­ments hydro­électriques intègre aujourd’hui les aspects environ­nementaux et sociaux dès les pre­mières phases d’un pro­jet, en conce­vant des ouvrages bas car­bone et en opti­mi­sant l’emplacement et la taille des ouvrages, afin d’éviter ou de réduire autant que pos­sible les impacts majeurs, tels que la perte de bio­di­ver­si­té ou la néces­si­té de dépla­ce­ment phy­sique de personnes.

L’étude d’impact envi­ron­ne­men­tal et social, régle­men­tée dans chaque pays, est une étape essen­tielle pour éva­luer les consé­quences poten­tielles d’un pro­jet sur les milieux phy­sique, bio­lo­gique et humain. Elle inclut les mesures d’évitement ou de réduc­tion d’impacts dans les pre­mières étapes de concep­tion et per­met de pro­po­ser des solu­tions d’atténuation, tout en ayant préa­la­ble­ment étu­dié les solu­tions alter­na­tives pos­sibles. La concep­tion intègre désor­mais des solu­tions pour mini­mi­ser l’empreinte envi­ron­ne­men­tale des bar­rages. Ain­si de la prise en compte d’un débit éco­lo­gique : le main­tien d’un débit mini­mum (ou « débit réser­vé ») dans les cours d’eau en aval per­met de garan­tir un équi­libre éco­lo­gique et de pré­ser­ver les éco­sys­tèmes aqua­tiques. L’équipement des ouvrages avec des passes ou échelles à pois­sons : ces équi­pe­ments, à adap­ter sui­vant chaque situa­tion, per­mettent aux espèces de pois­sons migra­trices de contour­ner les bar­rages pour main­te­nir leurs cycles migra­toires naturels.

“L’implication des communautés locales est cruciale pour le succès des nouveaux projets hydroélectriques.”

La mini­mi­sa­tion du dépla­ce­ment de popu­la­tions : l’aménagement du ter­ri­toire est un sujet majeur dans de nom­breux pays en déve­lop­pe­ment. Plu­sieurs amé­na­ge­ments en cas­cade peuvent être des solu­tions de sub­sti­tu­tion aux grands réser­voirs, avec un impact réduit sur les popu­la­tions et sou­vent com­pa­tibles avec des usages locaux et com­mu­nau­taires. Durant les dif­fé­rentes phases d’étude, l’implication des commu­nautés locales et des par­ties pre­nantes est désor­mais cru­ciale pour le suc­cès des nou­veaux pro­jets hydro­électriques. Les consul­ta­tions publiques per­mettent d’intégrer les pré­oc­cu­pa­tions envi­ron­ne­men­tales, cultu­relles et éco­no­miques des popu­la­tions potentielle­ment affec­tées par le projet.

Vue sur l’échelle à poissons au barrage de Bonneville 
sur la rivière Columbia, aux USA.
Vue sur l’échelle à pois­sons au bar­rage de Bon­ne­ville sur la rivière Colum­bia, aux USA. © the­co­lor­pixels / Adobe Stock

La rénovation des aménagements hydroélectriques

Les amé­na­ge­ments hydro­élec­triques exis­tants, sou­vent construits dans des contextes où les normes environ­nementales étaient moins exi­geantes et les don­nées moins pré­cises ou plus dif­fi­ci­le­ment acces­sibles, ont besoin aujourd’hui d’une moder­ni­sa­tion pour s’aligner sur les attentes actuelles en matière de dura­bi­li­té. La pre­mière étape de réno­va­tion consiste à éva­luer les per­for­mances envi­ron­ne­men­tales actuelles de l’aménagement, tenant compte éga­le­ment du chan­ge­ment cli­ma­tique. Cette éva­lua­tion per­met de déter­mi­ner les mesures prio­ri­taires pour amé­lio­rer les aspects envi­ron­ne­men­taux et sociaux de l’aménagement.

Citons par exemple l’absence de déver­soir adé­quat pour faire face à des crues extrêmes, le débit éco­lo­gique inexis­tant dans le mode opé­ra­toire de l’aménagement, la prise en compte des espèces de pois­sons pour éva­luer la per­ti­nence de réta­blir la conti­nui­té hydrau­lique ou le défaut de pro­cé­dures d’alerte en cas d’urgence. L’intégra­tion de nou­veaux équi­pe­ments dans des ouvrages exis­tants peut per­mettre d’augmenter la pro­duc­tion d’électricité sans avoir à modi­fier la taille de l’aménage­ment, tout en mini­mi­sant les impacts envi­ron­ne­men­taux. Par exemple, les tur­bines récentes sont sou­vent plus effi­caces et peuvent être conçues pour réduire la mor­ta­li­té des pois­sons lors de leur fonctionnement.

La ges­tion des aspects envi­ron­ne­men­taux dans les amé­na­ge­ments hydro­élec­triques à l’international est un défi de taille pour conci­lier pro­duc­tion d’énergie renou­ve­lable et pré­ser­va­tion de l’environnement. Les pro­grès notables réa­li­sés lors des der­nières décen­nies dans la concep­tion, la moder­ni­sa­tion des amé­na­ge­ments et l’application des normes envi­ron­ne­men­tales et sociales inter­na­tio­nales démontrent que l’hydroélectricité peut être déve­lop­pée de manière res­pon­sable. Chaque pro­jet est unique et requiert une approche per­son­na­li­sée, tenant compte des spé­ci­fi­ci­tés envi­ron­ne­men­tales locales et des impacts à long terme.

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