Développer l’hydroélectricité au service des territoires


EDF estime qu’il existe encore en France un potentiel important de développement de l’hydroélectricité, la première des énergies renouvelables, à valoriser. Cependant, le cadre réglementaire existant freine pour l’heure ce développement. Flexible, bas carbone et complémentaire des autres énergies renouvelables, cette source d’énergie est un atout pour le développement local et un levier de coopération avec les acteurs des territoires pour répondre aux défis écologiques
et aux nécessités du changement climatique.
Ces dernières années, EDF a mené plusieurs projets majeurs de développement sur son parc hydraulique en France : la surpuissance de 240 MW sur la STEP de La Coche et l’augmentation de puissance de la centrale de La Bâthie (d’une puissance totale de 600 MW) en 2019, ainsi que l’inauguration de Romanche-Gavet (97 MW) en 2020. Il existe encore un potentiel de développement significatif pour l’hydroélectricité en France. Dans tous les scénarios du Rapport Futurs énergétiques, le gestionnaire de réseau français RTE mentionne un besoin de STEP (stations de transfert d’énergie par pompage) de 3 GW à l’horizon 2050, en qualifiant cette solution de stockage « sans regret » sur les plans technique et économique.
« EDF a la capacité d’augmenter la puissance installée de son parc existant de 2 000 MW d’ici 2035. »
EDF a la capacité d’augmenter la puissance installée de son parc existant de 2 000 MW d’ici 2035 et d’au moins 2 000 MW supplémentaires au-delà, soit une augmentation de 20 % de la puissance installée du parc hydraulique d’EDF : 500 MW d’augmentation de puissance sur des centrales hydrauliques existantes, 3,5 GW sur des STEP, par des réhausses de barrage, etc. Cependant, en l’absence de visibilité sur l’avenir du régime juridique des concessions hydrauliques en France, EDF ne peut réaliser d’investissement pour développer significativement son parc hydraulique. C’est notamment le cas du projet de Montézic dans l’Aveyron avec l’installation d’une nouvelle STEP de 466 MW attenante à celle déjà existante, qui est prête à démarrer si les conditions – en particulier juridiques – sont réunies.
Un développement entravé en France
Un statu quo juridique, qui dure depuis plus de quinze ans, a largement freiné le développement de l’hydroélectricité en France. En effet, le Code de la commande publique (transposant la directive communautaire « concessions » de 2014) pose le principe d’une procédure de mise en concurrence de la totalité de la concession, dès lors que sont apportées des modifications substantielles à un contrat de concession existant ; ce qui, en pratique, empêche ou dissuade tout développement significatif de la production hydroélectrique (augmentation de puissance) ou une meilleure gestion de l’eau (réhausse des barrages).
Sortir de ce statu quo est donc nécessaire pour relancer le développement à la hauteur des ambitions françaises en matière de transition énergétique. En revanche, à l’international, EDF contribue à la réalisation de plusieurs chantiers majeurs dans le monde, notamment à Nachtigal (Cameroun), avec la construction d’un barrage de 420 MW qui fournira 30 % de la consommation énergétique nationale dès 2025, ou encore à Hatta, dans les Émirats arabes unis, avec la construction de la première STEP du golfe Arabique, d’une puissance de 250 MW.
Améliorer la performance de production du parc existant
Le développement passe également par l’amélioration de la performance des 424 centrales hydroélectriques exploitées par EDF en France, via des opérations de maintenance programmées parfois sur plusieurs années. Autre levier que celui de la maintenance pour améliorer la performance : des projets d’augmentation de puissance de quelques ouvrages existants, dans le respect du cadre concessif actuel, donc en demeurant marginaux.
EDF a ainsi obtenu l’autorisation des services de l’État pour sept dossiers, d’une puissance totale supérieure à 60 MW. 33 MW sont déjà opérationnels et les travaux sont en cours pour les 27 MW supplémentaires. Par exemple, le chantier de Montahut dans l’Hérault vise à augmenter la puissance de la centrale de près de 7 %. Pour y arriver, deux roues Pelton vont être remplacées, des injecteurs modifiés et deux alternateurs changés. EDF installe également de nouveaux groupes de production, comme à Hautefage en Corrèze, où un nouveau groupe de turbinage augmente la production de l’aménagement de plus de 10 %.
Le projet Vouglans-Saut-Mortier
En concertation avec les services de l’État et les parties prenantes de la vallée de l’Ain, EDF a lancé en 2024 le chantier de construction d’une nouvelle turbine-pompe de 18 MW à la centrale actuelle de Saut-Mortier. En effet, l’eau actuellement remontée de Saut-Mortier vers la retenue située en amont de Vouglans ne suffit pas à exploiter pleinement la puissance du barrage
de Vouglans. Grâce à cette nouvelle turbine-pompe, l’eau du lac de Coiselet en aval de Saut-Mortier pourra être remontée vers celui de Saut-Mortier, puis vers celui de Vouglans, permettant ainsi à Vouglans de produire de l’électricité lorsque le réseau en a besoin grâce à un volume d’eau quatre fois plus conséquent qu’auparavant.
L’aménagement de Vouglans-Saut-Mortier constituera ainsi la première STEP à trois bassins en France. Ce projet répond à la fois aux besoins énergétiques, avec une augmentation de la capacité de production d’énergie renouvelable, avec un stockage supplémentaire équivalent à la consommation de 81 000 habitants, aux besoins touristiques avec le maintien de niveaux d’eau compatibles avec le tourisme sur le lac de Vouglans, et aux enjeux environnementaux, au profit de la biodiversité dont la faune aquatique. La mise en service est prévue à l’horizon 2030.
Valoriser la complémentarité avec les nouvelles énergies renouvelables
Renouvelable, bas carbone, souveraine, pilotable et stockable, l’hydroélectricité regorge d’atouts qui font d’elle un allié majeur des énergies éoliennes et solaires. La flexibilité de l’hydroélectricité ouvre ainsi des perspectives en termes de solutions hybrides : le projet Stockage d’énergie catalan associe dix centrales hydroélectriques au fil de l’eau avec 20 MW de batteries, situées près de Perpignan. Un logiciel de pilotage répartit en temps réel les appels d’énergie en fonction des contraintes du moment. Autre illustration, la centrale électrique virtuelle So Flex’Hy combine plusieurs sources d’énergie (ou de systèmes disponibles de stockage d’énergie), qui sont activées et optimisées par un système informatique. Cette innovation démontre ainsi la complémentarité créatrice de valeur entre les productions renouvelables hydroélectrique, solaire et éolienne.
Des solutions innovantes pour développer l’hydroélectricité
EDF étudie également un projet de STEP marine sur l’île de la Réunion, qui utiliserait la mer en réservoir inférieur et fonctionnerait avec de l’eau de l’océan. Elle permettrait le pompage de cette eau salée, disponible en grande quantité à tout instant, pour la stocker dans le bassin supérieur et produire de l’énergie lorsque le réseau électrique en aurait besoin.
Flexibilité : le rôle pivot de l’hydroélectricité
Le développement massif de l’éolien et du solaire conduit à des besoins accrus de flexibilité et de stockage. 80 % des barrages gérés par EDF (et quelle que soit leur taille) sont équipés pour stocker de l’eau et apporter de la flexibilité au réseau. EDF peut compter plus particulièrement sur ses six STEP (stations de transfert d’énergie par pompage), batteries géantes représentant 5 GW de capacité. L’hydroélectricité contribue ainsi à près de 50 % des moyens de production utilisés pour l’ajustement final de l’offre et de la demande d’électricité.

Grand’Maison, la centrale la plus puissante de France
La STEP de Grand’Maison est l’aménagement hydro-électrique le plus puissant de France. D’une puissance de 1 800 MW, cette centrale peut démarrer en quelques minutes et produire l’équivalent de la puissance de deux réacteurs nucléaires, soit la consommation des habitants des villes de Lyon, Grenoble et Chambéry. Mise en service en 1987, cette centrale représente à elle seule 9 % de la puissance du parc hydraulique d’EDF.
Cet aménagement fonctionne comme une batterie géante : il permet de stocker de l’énergie et de la produire en cas de besoin du système électrique, souvent lors des pointes de consommation. Constitué de deux bassins, l’un en altitude et l’autre au niveau de la centrale, il permet une circulation de l’eau entre les deux. Lorsque cela est possible (dans les moments de moindre consommation, la nuit par exemple, ou dans les périodes de forte production solaire ou éolien), la centrale peut remonter de l’eau stockée dans le bassin inférieur vers le bassin supérieur : le stock d’eau se reconstitue et peut servir à nouveau à la production.
EDF a également développé sur cet aménagement un système de pompage-turbinage simultané – une première mondiale – qui permet, à la demande de RTE, d’étendre la capacité de réglage de fréquence aux phases de pompage. Pour ce faire, une turbine Pelton réglante fonctionne en même temps que des pompes (dont la puissance est fixe). Vue du réseau électrique, la puissance soutirée par l’aménagement est alors ajustable presque à souhait. Cette innovation facilite ainsi l’intégration de l’éolien et du solaire sur le système électrique et permet d’éviter le recours à des centrales thermiques pour le réglage de fréquence sur le réseau.

Se concerter avec les acteurs du territoire pour une meilleure flexibilité
Les deux tiers des concessions d’EDF ont des obligations réglementaires ou contractuelles d’accès à l’eau pour les autres usagers : production d’eau potable, irrigation, besoins industriels, soutien d’étiage au bénéfice des milieux, tourisme, ou encore navigation.
Une meilleure flexibilité pour le réseau électrique passe nécessairement par une concertation étroite avec les acteurs des territoires concernés, afin de concilier les différents usages de l’eau, bien commun, avec la production d’énergie bas carbone et pilotable, bien essentiel. Ainsi, la chaîne hydroélectrique Durance-Verdon, qui représente 30 à 40 % de la production d’énergie régionale, peut injecter 2 000 MW sur le réseau électrique en dix minutes, soit l’équivalent de deux réacteurs nucléaires. Afin de garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité du réseau, cette chaîne hydroélectrique a donc besoin de préserver tout son potentiel de production et sa flexibilité.
“Concilier les différents usages de l’eau avec la production d’énergie bas carbone et pilotable.”
Depuis 2006, les mesures prises en faveur de la réhabilitation de l’étang de Berre ont conduit à une perte de 6 millions de kilowattheures d’énergie renouvelable par an. Pour retrouver des marges de manœuvre l’hiver, quand le réseau en a le plus besoin, tout en répondant aux attentes du territoire sur les sujets écologiques en période estivale, EDF s’est accordée avec le GIPREB (Syndicat mixte étang de Berre) sur un protocole fixant de nouvelles règles en matière de rejets d’eau douce dans la deuxième plus grande lagune marine d’Europe. L’accord aboutit à une expérimentation dont les effets seront évalués dans quatre ans et décideront de la poursuite ou de l’adaptation de celle-ci.
Des coopérations locales renforcées pour plus de flexibilité
Aux côtés des acteurs des territoires, d’autres pistes sont actuellement à l’étude. Objectif : dégager de nouvelles marges de flexibilité afin de produire plus d’électricité lors des pics de consommation, en disposant des volumes d’eau nécessaires au bon moment, tout en respectant bien évidemment les contraintes fixées. Ainsi, dans la vallée de la Dordogne, des réflexions sont en cours sur les modalités d’atteinte du niveau des côtes touristiques (niveau d’eau nécessaire aux activités touristiques et nautiques).
Autre expérimentation en cours dans la région : une gestion optimisée des centrales avec une réserve d’eau limitée en aval des grands barrages, développant la flexibilité tout en améliorant la qualité du milieu naturel. Assouplir les contraintes, trouver des compromis ou établir un dialogue solide et de confiance entre EDF et les territoires, cela devra permettre à terme de produire plus avec toujours plus de flexibilité pour répondre au double objectif de la préservation de la ressource en eau et de la production d’une énergie bas carbone. Les deux étant assurément nécessaires à tous.
L’hydroélectricité, une énergie des territoires
Présente au cœur des vallées depuis parfois plus de cent ans, l’hydroélectricité joue un rôle clé dans la décarbonation, la transition énergétique et l’économie des territoires. Les activités hydroélectriques génèrent plus de 25 000 emplois directs et indirects en France, dont plus de 5 000 salariés d’EDF et de nombreuses entreprises prestataires locales et régionales qui travaillent pour la production et l’ingénierie hydraulique. EDF investit ainsi chaque année plusieurs centaines de millions d’euros pour la maintenance, la modernisation et le développement de son parc de production. Les retombées de ces investissements irriguent des régions entières et des entreprises de toutes tailles. Cela a été le cas pour la construction de Romanche-Gavet, la centrale hydroélectrique d’EDF mise en service en 2020. Ce chantier hydroélectrique représente un investissement de 400 millions d’euros pour EDF, dont 94 % auprès d’entreprises françaises.

Une gestion concertée de l’eau dans un contexte de changement climatique
En plus de leur vocation de production électrique, les aménagements hydroélectriques jouent un rôle important dans de nombreux autres usages de ce bien commun qu’est l’eau. Par exemple, le barrage de Serre-Ponçon dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et les aménagements de la Durance et du Verdon fournissent l’électricité nécessaire à 2,1 millions de personnes par an, tout en assurant l’approvisionnement en eau potable pour 3 millions de personnes, l’irrigation de 120 000 hectares de terres agricole (EDF tient à disposition de l’agriculture 120 millions de mètres cubes d’eau sur la Durance et 250 millions de mètres cubes d’eau sur le Verdon), l’alimentation de 440 entreprises en eau industrielle, la lutte contre l’impact des crues et enfin le développement de l’offre touristique autour des lacs.
Le lac de Serre-Ponçon représente 40 % de la fréquentation estivale des Hautes-Alpes. Anticipation et concertation sont deux maîtres-mots dans la gestion de la ressource en eau. De l’hiver à la fin de l’été, une gestion prévisionnelle des réservoirs est assurée en fonction des contraintes climatiques de l’année en cours. Pour cela, EDF a développé une surveillance permanente des phénomènes météorologiques et des débits dans les cours d’eau, avec un réseau de 1 100 stations de mesure pour la surveillance et les prévisions hydrométéorologiques. Ce dispositif, complémentaire à celui de Météo-France et des services hydrométriques de l’État, permet de prévoir les débits et les niveaux des cours d’eau, rivières et fleuves sur lesquels sont implantés les barrages et les usines hydroélectriques.

La régulation des inondations et des sécheresses
L’hydraulique, qui derrière ses barrages peut stocker près de 7 milliards de mètres cubes d’eau, a un rôle majeur à jouer dans le contexte de changement climatique. L’épisode de sécheresse en 2022 a démontré le rôle stratégique des barrages dans la gestion concertée de l’eau. En stockant de l’eau durant les périodes pluvieuses, les retenues des barrages permettent ainsi de réduire l’impact de nombreuses crues et sécheresses. Ainsi, au plus fort de la sécheresse de l’été 2022, 40 % de l’eau de la Garonne provenait des barrages situés dans les Pyrénées.
Autre exemple : lors des épisodes cévenols de l’automne 2024 en Ardèche et dans le centre de la France, les barrages ont permis de gérer l’impact des crues. Deux illustrations du rôle crucial que jouent ces installations aux côtés des territoires, à l’heure où la question de la gestion de l’eau monte en puissance avec le changement climatique. Un sujet qui nécessite une solide concertation pour prévenir tout conflit d’usage, à l’image par exemple du dialogue permanent sur le territoire Adour-Garonne entre EDF, le président du comité de bassin, les services de l’État, l’agence de l’eau et le Syndicat mixte d’études et d’aménagement de la Garonne. Avec un objectif commun : anticiper la gestion de l’eau pour mieux en cadrer les besoins futurs, en les conciliant avec les besoins de production électrique. Un juste équilibre à trouver et à préserver dans la durée.