Travaux en cours de la caverne des machines de la STEP de Snowy 2.0 en Australie.

Des compétences françaises au service de l’international

Dossier : HydroélectricitéMagazine N°803 Mars 2025
Par Vincent BOINAY (X85)
Par Xavier DUCOS

La France a une grande expé­rience dans la construc­tion et l’exploitation des ouvrages hydro­élec­triques. Ses indus­triels et ses bureaux d’études en tirent une exper­tise qui est pré­cieuse à la fois pour le rayon­ne­ment de notre tech­no­lo­gie à l’international et pour la dif­fu­sion dans le monde en déve­lop­pe­ment de cette solu­tion éner­gé­tique décarbonée.

La France, forte de son exper­tise en matière d’hydroélectricité, joue un rôle de pre­mier plan sur la scène inter­na­tio­nale. Depuis des décen­nies, les ingé­nieurs et les entre­prises fran­çaises se dis­tinguent par leur savoir-faire et leur capa­ci­té à inno­ver dans le domaine des bar­rages et des amé­na­ge­ments hydro­élec­triques. L’hydroélectricité, qui repré­sente une part impor­tante de la pro­duc­tion d’énergie renou­ve­lable en France, est un sec­teur où le pays excelle. De nom­breux bar­rages emblé­ma­tiques témoignent de cette maî­trise tech­nique. Ces infra­struc­tures, conçues et réa­li­sées par des bureaux d’études et construites par des entre­prises fran­çaises, sont des modèles de per­for­mance et de dura­bi­li­té. Les com­pé­tences tech­niques fran­çaises en bar­rages et hydro­élec­tri­ci­té couvrent un large éven­tail de domaines, allant de la concep­tion et de la construc­tion à la mise en ser­vice, puis à la ges­tion et à la main­te­nance des infra­struc­tures. Voi­ci quelques-unes des prin­ci­pales compétences.

La conception et l’ingénierie

Les ingé­nieurs fran­çais sont répu­tés pour leur capa­ci­té à conce­voir des bar­rages et des cen­trales hydro­élec­triques inno­vants et effi­caces. Ils uti­lisent des tech­no­lo­gies de pointe en modé­li­sa­tion phy­sique et numé­rique pour opti­mi­ser la per­for­mance des ins­tal­la­tions. Les com­pé­tences en hydrau­lique sont essen­tielles dans ce domaine, incluant la maî­trise de l’hydrostatique et de l’hydrodynamique pour com­prendre et gérer les flux d’eau. Les ingé­nieurs doivent éga­le­ment pos­sé­der des connais­sances appro­fon­dies en génie civil et en génie méca­nique, ain­si qu’une exper­tise en hydro­lo­gie pour éva­luer les res­sources en eau dis­po­nibles. L’utilisation de logi­ciels de modé­li­sa­tion et de simu­la­tion per­met de pré­voir le com­por­te­ment des sys­tèmes hydrau­liques et d’optimiser la concep­tion des infrastructures.

La modélisation physique hydraulique

La modé­li­sa­tion phy­sique hydrau­lique est une com­pé­tence clé des ingé­nieurs fran­çais. Elle consiste à créer des maquettes à échelle réduite pour simu­ler les condi­tions d’écoulement et de trans­port solide dans les sys­tèmes natu­rels et arti­fi­ciels. Cette tech­nique per­met de tes­ter et d’optimiser les concep­tions avant leur mise en œuvre réelle, garan­tis­sant ain­si des solu­tions tech­niques effi­caces et sûres. Les labo­ra­toires fran­çais, tels que le labo­ra­toire hydrau­lique d’Artelia, sont recon­nus mon­dia­le­ment pour leur exper­tise en modé­li­sa­tion phy­sique, contri­buant à la concep­tion et à la vali­da­tion de pro­jets hydrau­liques complexes.

La topographie

La topo­gra­phie est essen­tielle dans la concep­tion et la réa­li­sa­tion de pro­jets hydro­élec­triques. Les topo­graphes fran­çais uti­lisent des tech­no­lo­gies avan­cées, telles que le GPS, les drones et les sys­tèmes d’information géo­gra­phique (SIG), pour réa­li­ser des rele­vés pré­cis du ter­rain. Ces don­nées sont cru­ciales pour la pla­ni­fi­ca­tion des infra­struc­tures, la modé­li­sa­tion des bas­sins ver­sants et la ges­tion des res­sources en eau. Les rele­vés topo­gra­phiques per­mettent éga­le­ment de sur­veiller les défor­ma­tions des bar­rages et d’autres struc­tures, garan­tis­sant ain­si leur sécu­ri­té et leur durabilité.

La géologie et la géotechnique

Les com­pé­tences en géo­lo­gie et géo­tech­nique sont fon­da­men­tales pour la réus­site des pro­jets hydro­électriques. Les géo­logues et géo­tech­ni­ciens fran­çais réa­lisent des études détaillées du sol et des roches pour éva­luer la sta­bi­li­té des sites et iden­ti­fier les risques poten­tiels. Ils uti­lisent des tech­niques d’investigation avan­cées, telles que les forages, les essais de péné­tra­tion et les rele­vés géo­phy­siques, pour recueillir des don­nées pré­cises sur les condi­tions géo­lo­giques. Ces infor­ma­tions sont essen­tielles pour la concep­tion des fon­da­tions des bar­rages, la pré­ven­tion des glis­se­ments de ter­rain et la ges­tion des risques sismiques.

Bien d’autres domaines de compétences

Les entre­prises fran­çaises pos­sèdent une exper­tise appro­fon­die dans la construc­tion de nou­velles infra­structures, ain­si que dans la réha­bi­li­ta­tion de bar­rages exis­tants pour amé­lio­rer leur effi­ca­ci­té et leur sécu­ri­té. Cela inclut l’utilisation de maté­riaux avan­cés et de tech­niques de construc­tion modernes. 

La ges­tion effi­cace des res­sources en eau est cru­ciale pour le suc­cès des pro­jets hydro­élec­triques. Les experts fran­çais sont spé­cia­li­sés dans l’évaluation des res­sources hydrau­liques, la pla­ni­fi­ca­tion de l’utilisation de l’eau et la mise en œuvre de sys­tèmes de ges­tion inté­grée des bas­sins ver­sants. La France est à la pointe du déve­lop­pe­ment de tur­bines hydro­élec­triques à haute effi­ca­ci­té. Ces tech­no­lo­gies per­mettent de maxi­mi­ser la pro­duc­tion d’électricité tout en mini­mi­sant les impacts environ­nementaux. Les trans­for­ma­teurs et alter­nateurs jouent un rôle cru­cial dans les cen­trales hydro­électriques. Les alter­na­teurs conver­tissent l’énergie méca­nique pro­duite par les tur­bines en éner­gie élec­trique, tan­dis que les trans­for­ma­teurs ajustent la ten­sion de cette élec­tri­ci­té pour la rendre com­pa­tible avec le réseau de dis­tri­bu­tion. Les alter­na­teurs hydrau­liques fran­çais sont conçus pour opti­mi­ser le couple puis­sance-vitesse, ce qui per­met une grande varié­té de dimen­sion­ne­ments et de concep­tions adap­tées aux spé­ci­fi­ci­tés de chaque site. 

Les inno­va­tions récentes incluent l’utilisation d’alternateurs à aimants per­ma­nents et à basse vitesse, qui amé­liorent les per­for­mances et réduisent le bruit. Les labo­ra­toires et centres de recherche fran­çais col­la­borent avec des ins­ti­tu­tions inter­na­tio­nales pour déve­lop­per de nou­velles tech­no­lo­gies et amé­lio­rer les per­for­mances des ins­tal­la­tions hydro­élec­triques. Cela inclut des inno­va­tions dans les sys­tèmes de ges­tion intel­li­gente des réseaux hydrau­liques et les tur­bines à haute efficacité.

Les compétences environnementales et sociales

Les pro­jets hydro­élec­triques fran­çais intègrent éga­le­ment des com­pé­tences avan­cées en matière de ges­tion envi­ron­ne­men­tale et sociale. Ain­si pour l’évaluation des impacts envi­ron­ne­men­taux : les experts fran­çais réa­lisent des études d’impact envi­ron­ne­men­tal détaillées pour iden­ti­fier et atté­nuer les effets néga­tifs des pro­jets hydro­élec­triques sur les éco­sys­tèmes locaux. Cela inclut la pré­ser­va­tion de la bio­di­ver­si­té, la ges­tion des sédi­ments et la qua­li­té de l’eau. Ou encore pour la ges­tion des impacts sociaux : les pro­jets hydro­élec­triques prennent en compte les impacts sociaux, notam­ment en ce qui concerne les popu­la­tions locales. 

Les entre­prises fran­çaises tra­vaillent en étroite col­la­bo­ra­tion avec les com­mu­nau­tés pour assu­rer une réins­tal­la­tion équi­table, la créa­tion d’emplois locaux et le déve­lop­pe­ment de pro­grammes sociaux. Enfin pour le sui­vi et la confor­mi­té envi­ron­ne­men­tale : les entre­prises fran­çaises mettent en place des sys­tèmes de sui­vi envi­ron­ne­men­tal pour garan­tir que les pro­jets res­pectent les normes envi­ron­ne­men­tales tout au long de leur cycle de vie. Cela inclut la sur­veillance conti­nue de la qua­li­té de l’eau, de la faune et de la flore.

Des exemples de barrage par continent

Les com­pé­tences fran­çaises en termes de bar­rages et hydro­élec­tri­ci­té s’expriment dans le monde entier, sur les quatre conti­nents, cha­cun d’eux ayant des demandes spé­ci­fiques. On pour­rait citer de nom­breux pro­jets emblé­ma­tiques en Afrique avec des pro­jets hydro­électriques ayant d’autres uti­li­tés comme l’irrigation ou l’eau potable, mais aus­si des pro­jets trans­fron­ta­liers ; ces pro­jets sont sou­vent déve­lop­pés sur les grands fleuves et leurs affluents du Séné­gal, au Niger, sur le Nil, au Zam­bèze, au Congo. Plu­sieurs pro­jets hydro­électriques ont été réa­li­sés aus­si au Moyen-Orient, en par­ti­cu­lier sur le Nil.

Les STEP amènent un nou­veau déve­lop­pe­ment de l’hydroélectricité dans la région, pour com­pen­ser les éner­gies renou­ve­lables inter­mittentes. De nom­breux pro­jets hydro­élec­triques ont aus­si été réa­li­sés en Asie du Sud-Est ; on cite­ra en par­ti­cu­lier le bas­sin du Mékong avec le Laos qui abrite un fort poten­tiel de pro­jets hydro­élec­triques, mais aus­si le Viêt­nam et l’Indonésie. Un fort déve­lop­pe­ment plus récent a lieu en Aus­tra­lie avec le déve­lop­pe­ment des STEP pour com­pen­ser les éner­gies renou­ve­lables inter­mit­tentes. De nom­breux pro­jets ont été réa­li­sés jusque dans les années 80 sur le conti­nent amé­ri­cain et en Europe. Aujourd’hui des pro­jets de réha­bi­li­ta­tion mais aus­si de STEP sont nom­breux sur ces deux continents.


Travaux du barrage d’Assiout en Égypte.
Tra­vaux du bar­rage d’Assiout en Égypte.

STEP d’Abdelmoumen au Maroc, mise en service en 2023.
STEP d’Abdelmoumen au Maroc, mise en ser­vice en 2023.

Nam Ngum 4, au Laos, sur affluent du Mékong.
Nam Ngum 4, au Laos, sur affluent du Mékong.

Projet hydroélectrique de Hatta aux Émirats arabes unis.
Pro­jet hydro­élec­trique de Hat­ta aux Émi­rats arabes unis.

Quelques exemples de projets étudiés et construits ou en cours de construction par des entreprises françaises ces dernières années :

En Afrique de l’Ouest

Au Came­roun, l’aménagement hydro­élec­trique de Nach­ti­gal ; cet amé­na­ge­ment est com­po­sé d’un bar­rage poids en béton com­pac­té au rou­leau (BCR déver­sant ; lon­gueur : 1 380 m, hau­teur : 6 m), d’un éva­cua­teur de crues (2 vannes seg­ment, L : 17 m x H : 10,7 m), d’un canal d’amenée (lon­gueur : 3 067 m ; Q : 980 m3/s), d’une prise d’eau sui­vie de conduites for­cées et d’une usine de 420 MW (7 groupes Fran­cis de 60 MW), de postes et lignes de trans­port (225 kV, 50 km) ; les socié­tés fran­çaises Arte­lia, EDF, ISL, NGE, Trac­te­bel, GE Ver­no­va sont inter­ve­nues pour les études, la construc­tion, la mise en ser­vice et l’exploitation de cet aménagement.

En Afrique du Nord

Au Maroc, la sta­tion de trans­fert d’énergie par pom­page (STEP) d’Abdelmoumen ; elle est com­po­sée de deux réser­voirs de 1,3 Mm3 dont étan­chéi­té est assu­rée par géo­mem­brane, de 1,1 km de gale­ries et d’un puits blin­dé en dia­mètre 5 m, de 2 km de conduites for­cées en dia­mètre 3,6 m à 4,8 m, d’une usine en puits équi­pée de deux groupes réver­sibles de 175 MW cha­cun sous 575 m de chute, d’un poste de départ au réseau ; les socié­tés fran­çaises Arte­lia, Trac­te­bel et Vin­ci sont inter­ve­nues pour les études, la construc­tion et la mise en ser­vice de cet aménagement.

En Afrique de l’Est

En Éthio­pie, l’aménagement hydro­élec­trique du grand bar­rage de la Renais­sance ; il est com­po­sé d’un bar­rage poids en béton com­pac­té au rou­leau de 145 m de haut sur le Nil rete­nant un réser­voir de 54 mil­liards de mètres cube d’eau ali­men­tant une cen­trale hydro­élec­trique de 5 150 MW, ain­si que de nom­breux ouvrages annexes : vidanges de fond, éva­cua­teurs de crues, digues de col ; le bureau d’études fran­çais Trac­te­bel est inter­ve­nu sur le pro­jet pour le sui­vi de sa construction.

Au Moyen-Orient

L’aménagement hydro-élec­trique d’Assiut sur le Nil en Égypte ; il est com­po­sé d’un éva­cua­teur de crues (8 passes de 17 m équi­pées de vannes radiales, capa­ci­té 7 000 m3/s), d’une digue en rem­blai de fer­me­ture, d’une usine hydro­élec­trique de 41,4 MW (4 groupes bulbes), d’un poste de connexion au réseau élec­trique, de deux écluses de navi­ga­tion de 120 m x 17 m et de la réno­va­tion de l’écluse exis­tante de 80 m x 16 m et du régu­la­teur de tête du canal d’Ibrahima construit en 1902 et déjà réno­vé en 1938 pour l’irrigation. Les socié­tés fran­çaises Arte­lia, Trac­te­bel et Vin­ci sont inter­ve­nues pour les études, la construc­tion et la mise en ser­vice de cet amé­na­ge­ment à but mul­tiple (irri­ga­tion, navi­ga­tion, hydroélectricité).

La sta­tion de tur­bi­nage pom­page (STEP) de Hat­ta ; elle est com­po­sée d’un réser­voir supé­rieur fer­mé par deux bar­rages en BCR (hau­teurs res­pec­tives de 71 m et 37 m), d’un che­min d’eau com­pre­nant une prise d’eau amont, un tun­nel de 1 250 m (dia­mètre 7,05 m), une conduite forcée(1 x Ø 6,20 m, puis 2 x Ø 4,40 m), d’une usine en puits de 250 MW (2 groupes tur­bines-pompes de 125 MW), le tout connec­té à un réser­voir aval fer­mé par le bar­rage exis­tant d’Al Awwal (45 m de haut), de lignes enter­rées de 132 kV, et 7 km de route d’accès avec 2 tun­nels d’accès de 500 m. Les socié­tés fran­çaises Arte­lia et EDF sont inter­ve­nues pour les études, la construc­tion et la mise en ser­vice de cet aménagement.

En Asie du Sud-Est

L’aménagement hydro­élec­trique de Nam Phak au Laos ; il est com­po­sé de 3 bar­rages en rem­blai à noyau asphal­tique de 80 m, 66 m et 26 m de hau­teur, de deux éva­cua­teurs de crues, d’un tun­nel (3,7 m de dia­mètre et 2 790 m de long) sui­vi d’une conduite for­cée (dia­mètre 3 m et 1 860 m de long) per­met­tant l’alimentation d’une usine hydro­élec­trique 180 MW (2 groupes Pel­ton), d’un poste et d’une ligne de 115 kV. Les socié­tés fran­çaises Arte­lia et Trac­te­bel sont inter­ve­nues pour les études, la construc­tion et la mise en ser­vice de cet aménagement.


L’impact international des compétences françaises

Les entre­prises fran­çaises béné­fi­cient d’un solide ancrage en Europe et d’une forte pré­sence en Afrique et en Asie-Paci­fique, avec des filiales et suc­cur­sales dans de nom­breux pays. Cette pré­sence inter­na­tio­nale per­met aux experts fran­çais de s’adapter aux spé­ci­fi­ci­tés locales et de répondre effi­ca­ce­ment aux besoins de leurs clients par­tout dans le monde. Les entre­prises fran­çaises peuvent ain­si avoir des objec­tifs ambi­tieux de déve­lop­pe­ment inter­na­tio­nal et démon­trer leur capa­ci­té à mener des pro­jets d’envergure à l’échelle mon­diale. En outre, la France s’engage active­ment dans la recherche et le déve­lop­pe­ment pour amé­lio­rer encore l’efficacité et la dura­bi­li­té des ins­tal­la­tions hydro­élec­triques. Les bureaux d’études, labo­ra­toires, exploi­tants et les centres de recherche fran­çais col­la­borent avec des ins­ti­tu­tions inter­na­tio­nales pour déve­lop­per de nou­velles tech­no­lo­gies, telles que les tur­bines à haute effi­ca­ci­té et les sys­tèmes de ges­tion intel­li­gente des réseaux hydrauliques.

Les com­pé­tences fran­çaises en hydro­élec­tri­ci­té sont un atout majeur pour le déve­lop­pe­ment des éner­gies renou­ve­lables à l’échelle mon­diale. Grâce à leur exper­tise, leur capa­ci­té d’innovation et leur enga­ge­ment en faveur du déve­lop­pe­ment durable, les acteurs fran­çais du sec­teur contri­buent de manière signi­fi­ca­tive à la tran­si­tion éner­gé­tique globale.


Projet GERD (Great Ethiopian Renaissance Dam Project) en Éthiopie.
Pro­jet GERD (Great Ethio­pian Renais­sance Dam Pro­ject) en Éthiopie.

L’exemple de Grand Renaissance en Éthiopie

L’aménagement hydro­élec­trique de Grand Renais­sance en construc­tion sur le Nil bleu en Éthio­pie, à 750 km d’Addis-Abeba, com­prend un bar­rage poids en béton com­pac­té au rou­leau (BCR) de 145 m de haut, qui crée­ra un réser­voir de 74 mil­liards de m3, et deux cen­trales élec­triques situées au pied du bar­rage et équi­pées de 13 groupes. Avec une capa­ci­té totale ins­tal­lée de 5 150 MW et une pro­duc­tion annuelle moyenne de 15 759 GWhs, il peut se com­pa­rer à deux EPR type Flamanville…

La réa­li­sa­tion de ce pro­jet emblé­ma­tique repré­sente une étape déci­sive pour le déve­lop­pe­ment éner­gé­tique du pays, dont la capa­ci­té ins­tal­lée va qua­si­ment dou­bler grâce à cet amé­na­ge­ment. Notre ingé­nie­rie (Trac­te­bel) est asso­ciée depuis le lan­ce­ment du pro­jet, au début des années 2010, comme assis­tant au maître d’ouvrage – l’électricien natio­nal éthio­pien, Ethio­pian Elec­tric Power EEP – dans sa conduite du pro­jet, la revue de sa concep­tion, sa ges­tion contrac­tuelle et la super­vi­sion des travaux.

Ce pro­jet a pu être mené à bien mal­gré le contexte d’un pays qui a connu pen­dant la période des troubles inté­rieurs et des rela­tions ten­dues avec les pays ava­liés, l’Égypte notam­ment qui avait pris ombrage de ce pro­jet et mené diverses actions pour entra­ver son déve­lop­pe­ment. Des accords dif­fi­ci­le­ment obte­nus avec le Sou­dan et l’Égypte impo­saient d’échelonner le rem­plis­sage du réser­voir pour en limi­ter le pré­lè­ve­ment d’eau annuel. L’un des défis tech­niques à rele­ver consis­tait à cou­per et déri­ver pen­dant la construc­tion du bar­rage un fleuve dont l’hydrologie par­fois capri­cieuse est mar­quée par des crues sai­son­nières impo­santes. Un autre objec­tif était de démar­rer la pro­duc­tion d’électricité de manière anti­ci­pée avec des groupes dédiés, équi­pés de prises basses dans le bar­rage en cours de construc­tion et pou­vant fonc­tion­ner avec un réser­voir par­tiel­le­ment rempli.

« La réalisation de ce projet emblématique représente une étape décisive pour le développement énergétique du pays, dont la capacité installée va quasiment doubler grâce à cet aménagement. »

Le sché­ma contrac­tuel ini­tial pré­voyait une réa­li­sa­tion clé-en-main par une entre­prise de construc­tion (WeBuild, Ita­lie) de l’ensemble de l’aménagement. Il a été remis en cause en cours de réa­li­sa­tion par le gou­ver­ne­ment éthio­pien, qui a déci­dé de confier à une entre­prise natio­nale le mon­tage de l’ensemble des équi­pe­ments élec­tro­mé­ca­niques. Cette approche n’ayant pas été concluante, le maître d’ouvrage a in extre­mis réal­lo­ti toute cette par­tie de four­ni­ture et mon­tage à plu­sieurs construc­teurs (Voith hydro, Sie­mens, Syno­hy­dro, etc.). Ce nou­veau sché­ma contrac­tuel a néces­si­té de la part de notre ingé­nie­rie un tra­vail com­plexe d’intégration et de coor­di­na­tion tech­ni­co-contrac­tuelle d’une demi-dou­zaine d’entreprises.

Cette mis­sion nous a aus­si ame­nés à déve­lop­per des dis­po­si­tions construc­tives inno­vantes afin d’optimiser le pha­sage de construc­tion des ouvrages et gérer la déri­va­tion sai­son­nière du fleuve, déver­sant alter­na­ti­ve­ment ses eaux en période de crues esti­vales par-des­sus une sec­tion sur­bais­sée du bar­rage, puis à tra­vers des per­tuis van­nés en période de basses eaux. Le bar­rage doit aus­si inté­grer les 13 prises d’eau usi­nières et ses conduites for­cées (envi­ron 9 m de dia­mètre) qui le tra­versent à mi-hau­teur, ce qui implique une coac­ti­vi­té com­plexe des tra­vaux de génie civil avec les mon­tages des équi­pe­ments de van­tel­le­rie et blin­dage acier.

Ce pro­jet stra­té­gique pour l’Éthiopie est main­te­nant en voie d’achèvement, plu­sieurs groupes ayant déjà été mis en ser­vice et le réser­voir bien­tôt com­plè­te­ment rem­pli. Il a pu être réa­li­sé en un peu plus de dix ans, délais rela­ti­ve­ment court compte tenu de la taille et de la com­plexi­té de l’aménagement, du contexte géo­po­li­tique et des défis tech­niques et contrac­tuels rele­vés. Notre ingé­nie­rie aura accom­pa­gné sa réa­li­sa­tion, depuis sa concep­tion ini­tiale jusqu’à sa mise en ser­vice, et aura ain­si pris toute sa part dans ce suc­cès éclatant.

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