Strauss, Sibelius, Barber – Renaud Capuçon

« Ce n’est peut-être que cela la jeunesse, de l’entrain à vieillir. »
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
En musique, le XXe siècle aura été, après un XIXe siècle foisonnant mais assez peu novateur, une époque de création extraordinairement productive, voire révolutionnaire (de Debussy à l’École de Vienne). Strauss, Sibelius, Barber n’ont pas tourné le dos au siècle précédent ; ils ont conservé le principe d’une musique strictement tonale, et innové en harmonies et en lignes mélodiques. D’où des œuvres que l’on prend toujours grand plaisir à écouter.
Richard Strauss
Renaud Capuçon a entrepris d’enregistrer des pages qui jalonnent la vie de Strauss, depuis les œuvres de jeunesse méconnues dont le Concerto pour violon (1882) jusqu’à Métamorphoses (1945).
Les œuvres de jeunesse enregistrées par Capuçon comprennent le Concerto pour violon avec le Wiener Symphoniker dirigé par Petr Popelka, la Sonate pour violon et piano (1887) avec Guillaume Bellom et le Quatuor avec piano (1885) ; trois pièces qui relèvent clairement – et pas seulement par leur date d’écriture – du XIXe siècle, merveilleusement bien écrites, avec de belles lignes mélodiques, qui laissent déjà entrevoir le style qui va marquer toute la musique de la maturité.
Ein Heldenleben, Une vie de héros, où Capuçon est premier violon du Gustav Mahler Jugendorchester dirigé par Seiji Ozawa, fait partie des grands poèmes symphoniques de Strauss. Sa technique orchestrale – Strauss aura été avec Ravel l’un des meilleurs orchestrateurs du XXe siècle – s’y déploie superbement. On sait que Strauss a dépeint dans les six titres quelque peu emphatiques de l’œuvre (Le Héros, les adversaires du héros, la compagne du héros, etc.) rien de moins que… sa propre vie.
Mais les deux œuvres les plus fortes du recueil, qui comptent parmi ses chefs‑d’œuvre, sont le Sextuor (l’introduction de l’opéra Capriccio) et Metamorphosen, écrit pour 24 instruments à corde solistes, dont Capuçon a préféré enregistrer la version pour septuor. Richard Strauss, personnage aussi ignoble que sa musique est magnifique, a écrit ce testament musical sur les ruines fumantes du Troisième Reich, qu’il avait soutenu avec veulerie et où campaient désormais les GI noirs d’Alabama et juifs de Brooklyn.
3 CD Deutsche Grammophon
Sibelius et Barber
Renaud Capuçon, le musicien aux multiples facettes – violoniste, chef d’orchestre, organisateur de festivals, etc. – a enregistré, avec l’orchestre de la Suisse romande dirigé par Daniel Harding, deux des concertos majeurs du XXe siècle, que l’on peut placer à juste titre au même niveau que ceux de Prokofiev et Chostakovitch : les Concertos de Sibelius et Barber. Le Concerto de Sibelius a été créé sous la direction de Richard Strauss en 1905. Celui de Barber a été écrit en 1939, lors de l’invasion de la Pologne. Dans les deux œuvres, la priorité est donnée au lyrisme, à la beauté des lignes mélodiques. On est pris dès les premières mesures. Installez-vous confortablement dans votre fauteuil préféré, avec un verre de pur malt, et laissez-vous aller : c’est de la très belle musique.
1 CD ERATO