La dynamique du plein-emploi
Les « quatre clarifications »
Une sous-estimation des effets tragiques du chômage
Les « quatre clarifications »
Une sous-estimation des effets tragiques du chômage
Nous persistons, collectivement, à sous-estimer les effets du chômage et de la précarité sur l’ensemble de la société. Chômage et sous-emploi sont au centre de tout. Ne pas les réduire très fortement revient à se priver de la possibilité de régler en profondeur nos difficultés les plus graves. Aucun problème ne peut plus en lui-même trouver de solution durable, séparée des autres. Il faut agir de façon globale et massive – systémique – sur la cause principale : le chômage.
Prenons quelques exemples :
Le chômage aggrave les difficultés de l’école et des familles. Selon un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale1, de plus en plus d’adolescents et d’enfants sont victimes de malnutrition, de manque de soins, de difficultés familiales graves. N’existe-t-il aucun lien entre le chômage des parents, les retards scolaires et la violence à l’école ?
Le chômage constitue la cause fondamentale des difficultés de certaines cités de banlieue. Certes, disent deux chercheurs, il est indispensable de repeindre les façades, de réparer les ascenseurs et les boîtes à lettres, d’entretenir les pelouses, d’améliorer les transports et les logements. On doit organiser des matchs de foot, installer des aires de jeux (la mode est aux paniers de basket), construire des murs à escalade, engager des éducateurs et des îlotiers… à condition de savoir que tout cela reste à la surface des choses. Le problème numéro un des quartiers sensibles est celui de la réussite scolaire et de l’emploi des jeunes2.
La faiblesse des ressources d’un nombre grandissant de personnes provoque des enchaînements pervers dans le domaine de l’habitat : déficits des offices HLM, dégradation de l’entretien et impossibilité de réparer, déménagement des familles encore solvables qui ne veulent plus vivre dans cet environnement, remplacement par des personnes en difficulté, nouveaux déficits, blocage du marché immobilier, diminution du nombre des constructions, réduction des effectifs dans le bâtiment…
L’obsolescence du concept de « taux naturel de chômage »
La pensée économique est aujourd’hui dominée par l’idée qu’il existerait un « taux naturel de chômage ». Autrement dit, le maintien d’un niveau élevé de chômage serait le prix à payer pour éviter le retour de l’inflation. Cette conception malthusienne et sacrificielle de l’économie s’exprime principalement dans des politiques monétaires et budgétaires systématiquement restrictives. Pourtant les causes de l’inflation ont disparu…
Le concept de « taux de chômage naturel » a été élaboré en 1968 par Milton Friedman et Edmund Phelps sous l’appellation de Non-Accelerating Inflation Rate of Unemployment (NAIRU), c’est-à-dire le « Taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation ».
Pour le NAIRU, si le chômage est trop faible, l’inflation va s’accélérer au point de ne plus pouvoir être maîtrisée. Les politiques publiques, notamment la politique monétaire, doivent donc maintenir un certain niveau de chômage – en agissant notamment sur les taux d’intérêt – pour ne pas réveiller les démons inflationnistes. Le chômage est ainsi devenu la « variable d’ajustement ».
C’est la raison pour laquelle les banques centrales répugnent à réduire les taux d’intérêt, craignant de voir se développer la croissance, l’emploi, et donc l’inflation… Telle est l’interprétation qu’il convient de donner à la hausse des taux décidée le 4 novembre 1999 par la Banque centrale européenne suivie, quelques jours après, par une hausse des taux décidée par la Fed alors qu’il n’existait aucune menace inflationniste.
En France le NAIRU existe. Il a même été fixé à 9 % par le ministère des Finances3. On retrouve ce taux de 9 % dans le rapport Charpin sur les retraites pour évaluer le chômage en… 2040 !
Le NAIRU est aujourd’hui « l’un des plus puissants moyens d’influence de ce siècle sur les politiques économiques« 4.
Pour le prix Nobel d’économie James Tobin « cette croisade contre l’inflation ne mène nulle part« 5.
Il n’existe en effet aucun fondement pour conclure qu’un faible taux de chômage provoque de façon permanente l’inflation et que celle-ci va s’accélérer. Toutes les statistiques montrent qu’aux États-Unis et ailleurs, malgré la baisse du chômage, aucune « accélération » de l’inflation n’a été constatée.
La menace inflationniste a disparu pendant les années 90 sous l’effet d’une intensité accrue de la compétitivité sur les marchés du travail et des biens.
L’ouverture croissante des économies à la concurrence internationale et les mesures de déréglementation ont augmenté la flexibilité sur le marché des biens. Par ailleurs, la chute du taux de syndicalisation, la réduction de la taille moyenne des entreprises, le recours accru à la sous-traitance ont eu le même effet sur le marché du travail. Les exigences salariales s’en trouvent nécessairement modérées.
Un risque d’inflation menace quand la demande globale est plus forte que l’offre globale. Autrement dit l’inflation peut apparaître lorsque la demande d’achat des citoyens est plus élevée que ce que peut offrir l’appareil de production. Dans ce cas les entreprises peuvent augmenter leurs prix sachant que des acheteurs suivront leurs enchères. Mais une telle situation ne peut exister que dans un contexte de plein-emploi et de pleine utilisation des capacités de production.
Or quelle est la réalité aux États-Unis ? Les capacités de production, en novembre 1999, n’étaient utilisées qu’à 80,7 % alors que 40 millions de personnes ne travaillaient pas. Sans parler de la France…
Keynes observait, dans les années 30, que les économistes pouvaient obstinément croire à leurs théories, même quand la réalité prouvait le contraire…
Élargir la notion de travail
À chaque époque, la façon dont les humains produisent et distribuent les richesses dont ils estiment avoir besoin est une création originale. En ce sens, le travail est toujours l’expression de son époque. Il ne procède d’aucune loi naturelle. Il est toujours un choix « politique », car on peut décider de ce à quoi il sert, de ses conditions et rémunérations, de sa reconnaissance et de sa symbolique. Il revient toujours à la société de décider de ce qu’elle considère comme étant du travail.
L’alternative est donc simple : soit le travail et l’emploi ne sont que la résultante aléatoire de la conjoncture économique mondiale ; soit le travail et l’emploi deviennent un construit politique.
Qu’est-ce que le travail ? Il est, avant tout, une activité créatrice de valeur et de richesse qui permet de répondre aux besoins humains. Ces derniers étant évolutifs et infinis, le travail est lui-même évolutif et infini, à moins de croire à la fin du développement humain lui-même. Mais ces besoins ne sauraient être réduits à leur seule dimension économique ou matérielle. Ils incorporent tout ce qui relève du lien social, de la culture, de la vie collective.
Ce n’est donc pas le travail qui manque, c’est l’emploi. Ce dernier n’est que l’enveloppe, le cadre – juridique la plupart du temps – dans lequel s’exerce un travail.
Un déplacement culturel fondamental doit ainsi s’opérer dans notre conception du travail. Doit être considéré comme étant du travail tout ce qui contribue à créer de la valeur au sens économique, du bien-être sur le plan individuel, du lien social sur le plan collectif. Tout repose alors sur deux paramètres : les besoins et le choix de la civilisation dans laquelle nous voulons vivre.
Les besoins sont une notion délicate à appréhender. Ils sont à la fois « spontanés » (ce qu’une personne déclare comme étant un besoin) et « construits » (c’est la fonction de la culture). C’est à partir de cette « matière première » que des emplois pourront être créés, chacun aura la certitude qu’ils ne seront pas artificiels. Des emplois, d’un type inédit, verront le jour…
Le travail reste aujourd’hui vécu comme une activité productive d’objets ou de services. Loin d’avoir « disparu », il doit au contraire s’élargir à deux nouvelles dimensions : la production de soi-même et la production de société.
Se produire soi-même ? C’est avoir la possibilité permanente de se former, s’éduquer, se cultiver dans une société à la complexité croissante. Produire de la société ? Ce sont des fonctions nouvelles, liées à une étape supérieure de notre organisation démocratique : interface entre les individus et les groupes ou les institutions ; transparence de la vie publique, information et communication ; création de citoyenneté, enquêtes, études, animation de réunions ; développement durable.
Reconstruire les instruments de mesure de la politique de l’emploi
L’euphorie observée au tournant des années 1999 et 2000 à propos de la croissance et de l’emploi relève, pour une part non négligeable, d’une profonde illusion statistique.
Les chiffres du chômage sont en effet trop « politiques » et masquent la réalité du sous-emploi dans notre pays. La notion de chômeur est devenue plus floue avec la multiplication des situations intermédiaires entre l’emploi et l’inactivité, le développement de la flexibilité et l’émergence de la précarité. La mesure de l’emploi et du chômage doit s’adapter à cette nouvelle donne, non seulement parce que la qualité de l’information économique et sociale est la condition d’un réel débat démocratique, mais aussi parce que la représentation que la société a de l’emploi et du chômage détermine les politiques mises en œuvre pour favoriser le premier et faire reculer le second.
Il faut savoir par exemple que le principe de la publication mensuelle des chiffres du chômage n’est à l’heure actuelle prévu par aucun texte. Autre exemple : il y a peu, les Pays-Bas étaient cités en exemple parce qu’ils avaient réussi à ramener le taux de chômage officiel à 6,5 %, un des taux les plus bas de l’OCDE.
Mais l’organisme international fait remarquer que si l’on élargit la définition aux personnes en âge de travailler bénéficiant d’une indemnité au lieu d’un salaire, ce taux atteint 27 %. Beaucoup de salariés du secteur privé ont en effet été classés dans la catégorie des invalides…
Persister à utiliser des chiffres qui masquent l’ampleur réelle du sous-emploi ne peut qu’entraîner une sous-estimation des dégâts du chômage et, par conséquent, des mesures à prendre.
Nous avons besoin de connaître en permanence, tant en stock qu’en flux, la façon dont évoluent l’emploi et le chômage. Or les statistiques ne traitent que médiocrement des flux. La statistique de l’emploi est une statistique de stock et de linéarité. Elle doit s’enrichir de la perception des flux et des discontinuités.
Il convient également d’opérer la distinction entre chômage et sous-emploi et cesser de focaliser l’attention sur une seule des catégories de demandeurs d’emploi (la catégorie 1 de l’ANPE), mais présenter une batterie large d’indicateurs.
L’illusion statistique est la même dans le domaine de la mesure du coût du chômage.
En 1996 la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les aides à l’emploi est décidée6. Tout en considérant que son étude est partielle, elle chiffre néanmoins à 400 milliards de francs le coût des aides à l’emploi alors que le ministère du Travail les chiffre à 300 milliards…
II. Le coût du chômage en 1997 : 1 100 milliards de francs
Si les chiffres publiés par le mouvement Un travail pour chacun dans Chômage : nous accusons ! sont exacts, le chômage et le sous-emploi ont coûté près de 1 100 milliards de francs en 19977. Nous reproduisons ici une partie de cette étude appliquée à des chiffres de 1997. Elle a une vocation européenne et tient en deux points :
- le calcul des dépenses de la nation liées au sous-emploi (700 milliards de francs) ;
- le calcul des manques à gagner provoqués par cette situation (400 milliards de francs).
Calcul des dépenses de la nation liées au sous-emploi (700 milliards)
La dépense liée au sous-emploi vise à comptabiliser toutes les dépenses réelles de la nation occasionnées par le chômage et le sous-emploi, autant qu’il est possible de le faire. On peut classer ces dépenses en trois catégories.
Les dépenses directes de la politique de l’emploi : 438 milliards
Elles se composent de deux catégories :
- les dépenses directes « explicites » (236 milliards) se définissent comme des dépenses que l’État reconnaît explicitement et officiellement comme faisant partie de la politique de l’emploi et contiennent cinq catégories dont : indemnisation du chômage (118,20 milliards), promotion et création d’emplois (69,76 milliards) et retrait et incitation à l’activité, maintien de l’emploi (23,56 milliards) ;
- nous définissons ensuite les dépenses directes « implicites » (202 milliards) comme des dépenses « officieuses » de l’État. Elles regroupent sept catégories dont : promotion et création d’emplois (69,76 milliards), des compensations versées aux collectivités locales (59,88 milliards), les réductions de charges sociales patronales (42,72 milliards), la formation pour les chômeurs (35,85 milliards), les dépenses de revenus de remplacement liés à de l’inactivité (32 milliards), les dépenses pour l’emploi des collectivités locales (22,66 milliards).
Les dépenses indirectes liées au chômage : 147 milliards
Nous identifions quatre catégories de dépenses indirectes :
- les dépenses indirectes de l’État : 19,70 milliards,
- les dépenses indirectes des collectivités locales : 15,10 milliards,
- les dépenses indirectes des régimes sociaux : 94,02 milliards,
- les dépenses indirectes de l’Europe : 18,62 milliards.
Les dépenses opaques de l’emploi : 107 milliards
Nous les définissons comme des dépenses dont une partie est liée au chômage, mais dont le manque de transparence est tel qu’il ne permet pas de chiffrage précis. Il existe trois catégories de dépenses opaques : les aides directes aux entreprises (20 milliards), les aides à l’agriculture (87 milliards) et les recapitalisations d’entreprises publiques (?).
Les manques à gagner liés au chômage : 400 milliards
Le chômage ne provoque pas seulement des dépenses, qu’elles soient directes ou indirectes, il engendre également des manques à gagner considérables pour la fiscalité et les régimes sociaux. Distincts des dépenses, ces manques à gagner font néanmoins partie du coût global du chômage dans notre pays. L’existence de millions de chômeurs et de personnes sous-employées provoque quatre types de manques à gagner.
Les manques à gagner fiscaux et sociaux immédiats que l’on peut calculer avec précision : 313,55 milliards
Les manques à gagner fiscaux représentaient 18,9 milliards en 1997 et concernaient la CSG (16,47 milliards) et la CRDS (2,42 milliards).
Quant aux manques à gagner en cotisations sociales, ils s’élevaient à 294,65 milliards et concernaient : cotisations UNEDIC (42,79 milliards), cotisations de Sécurité sociale (200,09 milliards), cotisations de retraite complémentaire (31,88 milliards) et autres cotisations sociales patronales (19,89 milliards).
Les manques à gagner fiscaux immédiats que l’on peut calculer mais avec une marge d’incertitude : 81,54 milliards
Première catégorie : des manques à gagner fiscaux de l’État qui s’élevaient à 77,46 milliards et qui concernaient l’impôt sur le revenu (49,34 milliards) et la TVA (28,12 milliards).
Deuxième catégorie : des manques à gagner fiscaux des collectivités locales qui s’élevaient à 4,08 milliards et concernaient la taxe professionnelle (?) et la taxe d’habitation (4,08 milliards).
Les manques à gagner certains à terme mais pouvant être difficilement chiffrés
Certains de ces manques à gagner concernent l’État et sont d’origine fiscale. Des millions de personnes au chômage provoquent en effet une baisse des encaissements de droits de mutation, d’impôt sur les sociétés et de TIPP que nous n’avons pas pu chiffrer.
D’autres manques à gagner concernent les collectivités locales, à travers la taxe foncière et la vignette automobile, montants qui n’ont pu être évalués.
Les manques à gagner pour l’État de certaines exonérations fiscales : 11,55 milliards
Les premiers concernent la fiscalité des ménages et s’élevaient à 4,96 milliards en 1997 : impôt sur le revenu et exonérations sur la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Les seconds concernent la fiscalité portant sur les entreprises pour un montant de 6,59 milliards : taxe professionnelle et impôt sur les sociétés.
III. Comment activer les dépenses « passives » du chômage ?
La « situation de référence » que nous voulons atteindre est celle d’une société dans laquelle chacun a la possibilité de travailler s’il le souhaite. Dans cette société, chacun a donc une « position ». Pour déterminer le nombre de personnes concernées, nous utiliserons les estimations du Centre d’études et de recherches sur les coûts (CERC), soit 5 millions de personnes et prenons le salaire moyen de l’ouvrier qualifié en 1995, soit 8 500 francs par mois. Les charges sociales salariales sont incluses. À ceci, il convient d’ajouter les cotisations sociales patronales8. Au total, le coût d’un emploi « chargé » est de 11 985 francs par mois, soit 143 820 francs par an. La somme nécessaire pour payer 5 millions de salaires est donc : 11 985 x 12 x 5 000 000 = 719,1 milliards de francs.
Déterminer ce qui est « activable »
Les dépenses que l’on ne peut pas activer (72,82 milliards)
Une série de dépenses ne peuvent pas – ou ne doivent pas – être activées pour un total de 72,82 milliards de francs9.
L’activation « immédiate » (122 milliards)
L’activation « immédiate » consiste à supprimer purement et simplement certains dispositifs financés notamment par l’État et à en affecter les crédits à un fonds spécial pour l’emploi. Nous estimons le total à 122 milliards susceptibles de financer 855 000 emplois10.
L’activation « dynamique » (267 milliards)
Certaines dépenses liées au chômage ne peuvent être supprimées du jour au lendemain. C’est le cas, par exemple, des indemnités de chômage, des contrats emploi-solidarité, des emplois-jeunes, du RMI, de certaines allocations de la branche famille de la Sécurité sociale…
Mais si 5 millions de nouveaux emplois sont créés, l’immense majorité des personnes présentes dans les systèmes d’assistance retrouvera un emploi. Et des revenus : 8 500 francs bruts par mois en moyenne. La plupart sortira donc des barèmes ouvrant droit à l’assistance, libérant ces sommes pour autofinancer l’emploi. De nombreux dispositifs d’État sont concernés : allocation unique dégressive (94,5 milliards) ; allocation de solidarité spécifique (22,6 milliards) ; etc. Si nous considérons que 75 % des « bénéficiaires » de ces dispositifs retrouvent un emploi, nous dégageons progressivement 174 milliards de francs par an.
Il faut ajouter la portion des dépenses de la branche famille de la Sécurité sociale liée au chômage : allocation de parent isolé, APL, complément familial, allocation pour jeune enfant, aide pour l’emploi d’une assistante maternelle, allocation de rentrée scolaire pour un montant de 93 milliards.
Au total, 267 milliards de francs par an peuvent être ainsi mobilisés progressivement, sans remettre en cause les droits acquis de qui que ce soit. Avec cette somme, il est possible de financer 1,86 million d’emplois.
Si 2,7 millions d’emplois supplémentaires sont créés, nous sommes déjà dans une nouvelle situation. Au fur et à mesure de la montée en charge de cette nouvelle logique, les conditions macroéconomiques se modifient : l’épargne, la consommation, les importations et exportations, le moral de la société… Mais nous n’avons pas encore atteint les 5 millions d’emplois que nous voulons créer. L’activation des dépenses passives n’est donc pas suffisante, il faut ajouter d’autres outils de financement11.
Déterminer les mécanismes juridiques et financiers
L’investissement permanent pour l’emploi que nous préconisons suppose la création d’un statut de l’actif. Financé par un système de « portage » individuel des dépenses passives du chômage, il sera alimenté par un fonds national d’investissement pour l’emploi (FNIE) relayé, sur le terrain, par des fonds territoriaux.
Pour un statut de l’actif
Jacques NIKONOFF
A commencé sa carrière professionnelle comme ouvrier spécialisé pendant dix ans dans l’industrie.
Après des études à l’Université et au Conservatoire national des arts et métiers en sciences de l’éducation, puis à l’Institut d’études politiques de Paris, il réussit le concours d’entrée à l’École nationale d’administration.
Administrateur civil à la Caisse des Dépôts, il a été notamment Attaché financier à New York pour le Trésor et représentant de la CDC aux États-Unis pendant plusieurs années.
Il est président d’une association intitulée Mouvement Un travail pour chacun.
Il a publié trois ouvrages :
Existe-t-il des réservoirs d’emplois ? Arléa-Corlet, 1996.
Chômage : nous accusons ! Arléa, 1998.
La Comédie des fonds de pension, Arléa, 1999.
BP 196–07 75326 Paris cedex 07
Notre société est marquée par une discontinuité croissante : celle des cycles économiques, des marchés, des parités de change, de l’organisation des entreprises, des carrières professionnelles… Ces discontinuités sont une des causes principales du chômage, de la précarité et de l’insécurité, mais aussi de l’instabilité des familles, des comportements et des repères.
Traduisant concrètement le droit constitutionnel à l’emploi, un statut de l’actif permet d’assurer à chacun la continuité d’une activité, d’un revenu et de la protection sociale. Pour la vie entière mais pas nécessairement dans le même emploi.
Une fois ces principes posés, restent à définir les modalités pratiques de fonctionnement du statut de l’actif. Un champ immense et passionnant de réflexions et d’expérimentations s’ouvre alors à tous.
La création d’un système de « portage » individuel pour l’activation des dépenses passives du chômage
Un triple dispositif de portage permet de financer le statut de l’actif : fiscal, social et indemnitaire. Le statut de l’actif est un mode permanent de financement de l’emploi, géré à l’échelon local par les acteurs réunis dans des instances intercommunales.
La mise en place d’un « fonds national d’investissement pour l’emploi »
Le Fonds national d’investissement pour l’emploi (FNIE) que nous préconisons de créer doit être l’outil unique de financement de la politique nationale de l’emploi. Il concentre toutes les dépenses de l’État, directes ou indirectes, liées à l’emploi ainsi que celles de l’Union européenne. C’est un véritable outil d’investissement pour l’emploi, qui mutualise toutes les dépenses actuelles et les transforme en financement direct de projets.
Ces emplois, liés à la qualité de la vie, à la citoyenneté et à la recherche du bien-être général, comporteront, en eux-mêmes, les caractéristiques d’un nouveau mode de développement. Une croissance économique différente pourra voir le jour. La préoccupation humaine et écologique sera intégrée.
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1. Le Figaro, 21 mars 1996.
2. Gérard Chauveau et Éliane Rogouas-Chauveau, chercheurs au CRESAS-INRP, in Le Monde, 17 décembre 1992.
3. Ministère des Finances, Comptes prévisionnels de la Nation pour 1997, principales hypothèses économiques pour 1998.
4. Robert Eisner, « Our NAIRU Limit : The Governing Myth of Economic Policy », The American Prospect, n° 21, printemps 1995.
5. James Tobin, « Looks at Monetary Policy and the Federal Budget », The Economic Strategy Institute, 29 janvier 1996.
6. Les aides à l’emploi, Rapport n° 2943, Assemblée nationale, 1996.
7. Jacques Nikonoff (dirigé par), Chômage : nous accusons ! Arléa, 1998.
8. Nous nous basons, pour faire les calculs, sur les taux de cotisations sociales en vigueur au 1er janvier 1997.
9., 10., 11. Voir le détail dans Chômage : nous accusons ! op. cit.