Une “terre heureuse”, les missions jésuites du Paraguay
Appelés par Francisco de Vittoria, évêque de Tucumán, qui les avaient connus au troisième concile de Lima, les jésuites fondent donc un collège à Asunción en 1593 et de là rayonnent dans le Guayrá. En 1605, le P. Aquaviva, le préposé général, crée la province jésuite du Paraguay sur un territoire couvrant actuellement l’est de la Bolivie, l’Argentine, le sud-ouest du Brésil, l’Uruguay et, jusqu’en 1625, le Chili. Le premier provincial, Diego de Torres, est le véritable promoteur des Réductions. Promoteur et non inventeur, car il faut rendre aux franciscains ce qui leur revient et admettre que, sans l’assistance de Hermandarias, le gouverneur d’Asunción, rien n’aurait pu se faire.
Au Paraguay, comme en d’autres lieux, il s’agit de regrouper (reducir) les autochtones en des villages (pueblos) ou des paroisses (doctrinas) – les jésuites diront Réductions – plus propices à l’enseignement et à l’évangélisation. Il y en eut bientôt trente chez les Guaranis. Durant cent cinquante ans (1609−1768), cette » République » fut le théâtre d’une grande expérience humaine et religieuse, qui permit aux Indiens d’accéder au statut de citoyens libres, en tous points égaux aux Espagnols et, culturellement, parfois supérieurs à eux. C’est cette aventure que nous voudrions ici rappeler en évoquant sa dimension » mythique « , sa réalité vécue au quotidien et certains de ses enjeux plus méconnus.
Le lent déploiement d’un mythe
Quand A. Ruiz de Montoya publie à Madrid son grand ouvrage, la Conquête spirituelle du Paraguay, trente ans après la fondation de San Ignacio Guazú, la première Réduction, la curiosité des Espagnols est piquée. Mais bientôt, c’est toute l’Europe qui s’intéresse à l’entreprise jésuite. Les Lettres annuelles, envoyées à la curie généralice, l’Histoire de la Province du Paraguay de N. del Techo (1673) et surtout les Lettres édifiantes et curieuses entretiennent au fil des années la curiosité.
Plan d’une Réduction de la “ République ” des Guaranis. © UNESCO
Mais tous ces textes ne sont pas sans idéaliser ce qui se vit au Paraguay. Peu à peu, un mythe se crée : la » République » devient Utopie. Selon S. Abou, cette transformation s’est faite de deux manières suivant l’interprétation que l’on donne des rapports entre l’idéal des jésuites et leur réalisation.
La première de ces deux attitudes est simple. Elle cherche à montrer, au niveau des principes, certaines convergences dans l’organisation des Réductions et celle des Utopies célèbres. Deux ouvrages vont dans ce sens, ceux de L. A. Muratori, Le christianisme heureux dans les Missions des Pères de la Compagnie de Jésus (1752), et de P. de Charlevoix, Histoire du Paraguay (1757). Si le premier voit dans l’œuvre des jésuites quelque chose de la communauté primitive des Actes des Apôtres ou du Télémaque de Fénelon, le second n’hésite pas à joindre à ces références la République de Platon et la Nouvelle Atlantide de Bacon.
Quelques années plus tard, J. M. Peramas est plus explicite encore dans son Commentaire sur l’Administration guarani comparée à la République de Platon. Les » philosophes » tiennent des propos analogues. Voltaire voit au Paraguay une réplique de » l’ancien gouvernement de Lacédémone « , quant à Montesquieu, il invite ses contemporains à imiter les principes platoniciens qui régissent » l’État » paraguayen.
La seconde perspective, développée davantage aux XIXe et XXe siècles, s’attache à montrer que les Réductions sont la mise en œuvre d’un projet clairement défini. Les jésuites se seraient sciemment inspirés de l’Utopie de T. More ou de La Cité du Soleil de Campanella. Cette thèse est celle d’E. Gotheim, un économiste allemand, qui, en 1883, soutient sans fondement l’idée que la République du Paraguay est née dans l’esprit de Cataldini et Mansetta, deux jésuites compatriotes de Campanella. Vingt ans plus tard, R. C. Graham, un des fondateurs du parti travailliste anglais, rapproche les Réductions de L’Arcadie de P. Sidney.
En France, allant dans le même sens mais sur la base d’une documentation sérieuse, C. Lugon publie en 1949 La République communiste chrétienne des Guaranis. Son hypothèse est que les jésuites, après avoir organisé leurs missions selon les principes de l’Église primitive, durent y renoncer sous la pression de la couronne espagnole.
Bien d’autres exemples pourraient être donnés des spéculations dont les Missions du Paraguay ont fait l’objet depuis le XVIIIe siècle. Il serait aisé de les puiser dans les 1 163 titres recensés en 1992 par B. Melià, dans les présentations abondantes des expositions et même, au théâtre, avec le Sur la terre comme au ciel de F. Hochwälder, ou, au cinéma, avec le célèbre Missions, de R. Joffé.
De tout cela, il résulte que l’expérience paraguayenne a profondément marqué les imaginaires et que c’est comme telle qu’elle est vouée à devenir un mythe. Mais est-on en droit de parler à son propos d’utopie, c’est-à-dire d’un » lieu de nulle part » ? S’il est vrai que les Réductions ont donné une assise réelle et historique à la fiction de T. More, il faudrait mieux dire, pour les évoquer, » eutopie « , ce qui signifie » lieu heureux « . Dire cela est moins subtil qu’il n’y paraît. En effet, si les jésuites désirent protéger les Guaranis des esclavagistes de São Paulo, leurs Réductions ne sont pas sans évoquer pareillement le royaume indien dont les franciscains avaient rêvé au Mexique et la tentative de Las Casas à La Paz.
Ici et là se retrouvent certains aspects du millénarisme joachimite. M. Haubert incline en ce sens, mais non sans forcer le trait, en attribuant le succès de la Compagnie au Paraguay à » la rencontre de deux messianismes « . À la mentalité apocalyptique des Guaranis, qui attendaient les héritiers des héros civilisateurs, répondrait celle des jésuites pensant avoir fait des Indiens, sur une » Terre sans Mal « , les plus purs et les plus heureux des hommes. Mais qu’en fut-il réellement ?
Carte des Réductions et des estancias guaranis. © UNESCO
La vie quotidienne dans les Réductions
Il est difficile de percevoir la nouveauté de l’œuvre entreprise par Diego de Torres sans tenir compte de son contexte. Du point de vue économique, le projet de la Compagnie s’oppose à l’encomienda qui, selon les Leyes de Indias, impose aux indigènes de fournir un travail déterminé au conquérant espagnol en échange de la sécurité, de la subsistance, de l’instruction et de l’évangélisation. Dans les Réductions, à l’exception d’une, ce système ne fut jamais appliqué.
À l’inverse, socialement, les jésuites suivirent à la lettre l’encyclique de Paul III (1537), les conclusions de la Conférence de Valladolid (1551) et les nombreuses cédulas royales rappelant que les Indiens devaient être traités de la même manière que les Espagnols. Sur le plan politique enfin, si le territoire des Réductions guaranis est espagnol, les Portugais voudraient bien s’en emparer pour dominer le bassin du Rio de La Plata.
Vue perspective d’une Réduction guarani. © UNESCO
Cette motivation n’est pas étrangère aux batailles sanglantes que les bandeirantes et les mamelucos paulistes livrèrent aux Indiens des Réductions entre 1628 et 1640.
Alors que le pape Urbain VIII, informé par Ruiz de Montoya, condamne les exactions des paulistes, Philippe IV d’Espagne permet d’armer les Indiens. Le P. Vitelleschi, le préposé général, permet alors, puisque » c’est le droit naturel de se défendre « , de conseiller les Guaranis, de les stimuler et de soutenir leurs efforts. Cependant, ajoute-t-il, il ne convient pas aux jésuites de prendre une part active aux combats.
En 1641, la victoire de Mbororé marque la fin des expéditions spectaculaires contre les Réductions, mais ne met pas un terme à l’hostilité des Espagnols et, tout particulièrement, du clergé. Les séculiers, en effet, supportaient mal d’une part que les Réductions dussent leur prospérité au fait que les Indiens n’étaient pas astreints à l’encomienda et, d’autre part, qu’au nom de leur exemption, les jésuites ne dépendent que du patronat royal, ce qui les dispensait du paiement de la dîme.
Mais venons-en aux Réductions dont la population ne dépassa jamais 150 000 habitants. Malgré certaines variantes, leurs plans sont identiques. Toutes les rues convergent vers une place rectangulaire, au centre de laquelle est plantée une croix. Au nord ou au sud se situent normalement l’asile-orphelinat, le cimetière, l’église et deux cours. Dans la première s’élèvent la résidence des jésuites, qui ne sont jamais plus de trois, et quelques dépendances, dont les salles d’armes et de musique. La seconde est bordée de procures et d’ateliers mécaniques.
Sur les trois autres côtés de la place s’alignent en blocs les maisons des Guaranis. Dans cet ensemble, l’église, qui peut recevoir jusqu’à six mille personnes, tranche par sa beauté. Sa façade et ses trois ou cinq nefs sont ornées de statues polychromes, tandis que ses autels et sa voûte sont revêtus de lambris dorés.
Aquarelle de Florian Pancke, s. j. © UNESCO
Chaque Réduction est dotée d’un système de services publics : moulin et four à grain, grenier et dépôt alimentaire, abattoir et boucherie, fourneau à brique et fonderie de métaux. L’adduction d’eau et l’écoulement des égouts y sont aussi assurés. Vers le milieu du XVIIIe siècle, c’est-à-dire au temps de leur apogée, les Réductions, du point de vue l’urbanisme, dépassent largement les villes environnantes, à l’exception de Buenos Aires et Córdoba.
Mais les missions guaranis ne sauraient se réduire à ces espaces construits. Éloignées de quelques centaines de kilomètres, elles possèdent, à plusieurs, d’immenses estancias et vaquerías. Quand les colons espagnols se furent emparés de la Vaquería del Mar, les jésuites fondèrent la Vaquería de los Pinares qui atteignit un million de têtes. Mais quand cet élevage eut subi le même sort que le précédent, les Réductions durent se contenter des troupeaux de leurs estancias dont certaines atteignaient plus de 300 000 km2.
On perçoit, par ces chiffres, l’importance économique des Réductions guaranies. S’il est vrai que chacune constitue une unité autonome, ensemble, elles forment, du fait de leurs liens, un véritable système géré à partir de Candelaria où réside le supérieur de la Mission. Mais il importe de préciser que, dans les Réductions, le régime de la propriété est mixte. À côté de la part de l’homme (Amambaé), il y a celle de la communauté (Tavanbaé) et celle de Dieu (Tupambaé).
Au nom de la première, chaque famille dispose d’un jardin à l’intérieur de la localité et d’un lopin (chacra) à l’extérieur. Les outils de travail lui appartiennent, mais non les bêtes de trait et de transport. Les Guaranis, cependant, préfèrent travailler en commun dans le Tavanbaé ou le Tupambaé. Là, les jésuites développèrent la culture de la yerba mate, le » thé du Paraguay « , qui devint bientôt l’une des ressources principales des Réductions, avec le coton et la laine.
Mais la production des ateliers de menuiserie et de fonderie était loin d’être négligeable, pareillement la fabrique des chapeaux, des armes à feu et des instruments de musique. Tous ces produits étaient échangés, à l’intérieur, sur la base du troc, mais, à l’extérieur, ils étaient commercialisés, hors taxes, à Santa Fe et à Buenos Aires où se trouvaient les procures des Réductions qui possédaient une flotte de pirogues et de radeaux qu’elles construisaient elles-mêmes.
L’administration de la » République » était aussi complexe que son économie. Si les jésuites y sont l’instance suprême, l’autorité immédiate revient aux autochtones. En chaque Réduction, un conseil (cabildo) exerce les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Présidé par le corregidor ou le teniente corregidor, il est composé de juges (alcaldes) et de délégués de quartiers (regidores), du chef militaire (alferez real) et des policiers (alguaciles), enfin d’un secrétaire (escribano). Sont directement soumis au cabildo le procureur (mayordomo) et ses auxiliaires chargés de la gestion des biens communautaires.
Aux jésuites et au cabildo, il faut ajouter les caciques qui sont environ une cinquantaine par localité. Avec les Pères, ceux-ci choisissent le corregidor, nommé cependant par le gouverneur de Buenos Aires, et, dans la vie courante, ils servent d’intermédiaires entre le conseil et leurs sujets qui vivent dans un même quartier. La justice, toutefois, est du seul ressort du corregidor et des alcaldes. Le Libro de ordenes (1649) décrit le Code civil et pénal mis en place. Fait unique à l’époque, la peine de mort n’existe pas et la torture est interdite. La sanction la plus lourde est la réclusion pour dix ans, et la plus fréquente le fouet.
Sur la vie quotidienne dans une Réduction, nous avons, daté de 1711, le témoignage impartial d’un capucin de Bourges. Tôt le matin, le tambour annonce le réveil. Peu après, des aides-infirmiers s’enquièrent de la santé de chacun. Les enfants sont alors conduits, par quelques alcaldes, à l’église pour la messe et le catéchisme, puis à l’école où garçons et filles apprennent la lecture, l’écriture et le calcul. Selon leur inclination, tous doivent aussi s’exercer à un métier manuel. Les plus doués sont orientés vers les carrières administratives et peuvent, s’ils le désirent, apprendre l’espagnol.
Quant aux adultes, hormis les deux jours où tous sont requis sur les terres communautaires, ils vaquent, mais jamais plus de six heures, soit sur leur chacra, soit dans les ateliers. Si le plus grand nombre travaille à l’intérieur des Réductions, certains sont employés dans les estancias et d’autres servent dans les milices, placées sous la responsabilité du Supérieur de la Mission. Notons qu’entre 1644 et 1766 les forces guaranis eurent à intervenir plus de soixante fois.
Réduction de Saint-François-Xavier-de-Mocobies, sur le territoire actuel de Bolivie.
Aquarelle de Florian Pancke, s. j., qui y séjourna de 1748 à 1769. © UNESCO
Toutes ces activités ne doivent pas occulter l’importance de la vie culturelle dans les Réductions. Une imprimerie est montée au Paraguay, presque un siècle avant qu’il n’y en ait une à Buenos Aires ; un observatoire astronomique est installé dans la Réduction de San Cosme, qui suscita l’intérêt des universités européennes ; une pharmacopée est développée pour traiter toutes sortes d’épidémies et, bientôt, ce sont deux hôpitaux qui sont ouverts à Yapeyú et à Candelaria.
Mais si dans le domaine des sciences et des techniques, les Guaranis sont d’excellents auxiliaires, dans celui des beaux-arts ils se révèlent d’authentiques maîtres. Leur talent est manifeste en peinture, sculpture et architecture, sous la conduite, parmi bien d’autres, de L. Berger et J. Brasanelli, et, plus grand encore, dans les arts rythmiques.
Si, à Yapeyú, A. Sepo von Reinegg introduit la musique allemande et italienne, d’autres jésuites aident les Guaranis à mêler leur sensibilité à celle de l’Europe. Mais celui qui exerça la plus grande influence sur les Réductions est, sans conteste, D. Zipoli, qui, avant d’entrer dans la Compagnie, rivalisa avec Vivaldi. Le dimanche et les jours chômés, la visite du provincial, le passage d’un évêque ou d’un haut fonctionnaire donnent lieu à de magnifiques liturgies, à de belles représentations, voire à des parades militaires. Mais finalement, ce faisant, que cherchaient donc les jésuites ?
La » manière de procéder » de la Compagnie de Jésus
Paradoxalement, au XVIIIe siècle, ce sont les philosophes qui donnèrent les meilleures réponses. Lorsque Voltaire, dans les Réductions, voit » un triomphe de l’humanité « , que Montesquieu y loue » l’idée de la religion jointe à celle de l’humanité » et que Raynal affirme qu’avant d’être christianisés les Guaranis sont d’abord » policés « , ils soulignent un point fondamental de la » manière » jésuite.
Mais pour le comprendre, c’est peut-être moins Platon ou Campanella qu’il faut interroger que l’Augustin de la Cité de Dieu et, plus sûrement encore, F. Suarez. Dans son De legibus ac de Deo legislatore, ce théologien jésuite du XVIIe siècle ne présente-t-il pas une théorie de la communitas au niveau de la famille et de l’État ? Selon lui, le fondement de la souveraineté n’est pas à chercher dans un contrat, mais dans la volonté populaire. Il pense également que la communauté des biens peut être réellement une dimension sociale, surtout quand elle est magnifiée par la religion.
C’est sans doute dans les limites de ces principes, mais avec le désir de respecter l’altérité guarani, que les jésuites se sont engagés sur la voie d’un » compromis » en faisant preuve de pragmatisme et de psychologie. S’ils maintiennent les hiérarchies indigènes, ils les transforment subtilement en leur équivalent dans l’administration espagnole.
Pareillement, s’ils conservent le régime de la propriété et de l’usufruit des biens dans ses lignes essentielles, ils le rationalisent par un lourd apport technique. La polygamie est plus problématique. S’ils la tolèrent chez les adultes qui ne sont pas chrétiens, ils s’efforcent de convaincre les plus jeunes de l’excellence de la monogamie et de célébrer leur union avec solennité. Les garçons se marient à 17 ans et les filles à 15 et, immédiatement après la célébration, les nouveaux couples reçoivent une maison et une chacra privées.
Plus subtile mais tout aussi importante est la contribution linguistique des jésuites. En rassemblant dans une même Réduction des tribus diverses, ils permirent à la longue l’élaboration d’un guarani commun, c’est-à-dire d’une » langue franche » qui s’imposa à toute la région et qui demeure aujourd’hui l’une des deux parlées au Paraguay.
Mais, grâce aux grammaires et aux vocabulaires de Ruiz de Montoya, ils aidèrent aussi à la création d’un guarani écrit. Bientôt cependant ce sont les Indiens eux-mêmes qui écrivent, ainsi Nicolas Yapuguay dont on publia, en 1724 et 1727, une Explication du catéchisme et des Sermones y exemplos. Mais oral ou écrit, le » nouveau » guarani demeure une langue très malléable, ce qui permit aux jésuites, par d’habiles substitutions sémantiques, de nommer Dieu à l’aide de concepts courants. Nous sommes là au cœur de la difficile acculturation du christianisme au Paraguay.
Dimensionnée par une anthropologie du possible, il s’agit d’une tâche qui dépasse de beaucoup la simple idée de l’évangélisation forcée ou de l’assimilation précaire par syncrétisme douteux, même si ces facteurs sont à prendre en compte. Il s’agit de quelque chose de plus profond, de plus permanent : il est en fait question de s’approprier de l’intérieur la subjectivité de » l’Autre » vu comme personne spirituelle, comme sujet actif entre la grâce du déterminisme et le choix offert par le libre arbitre. Entre alors en jeu une conversion doublée d’un transfert de valeurs – c’est celle de » l’Autre « , qu’il intègre comme sienne et traduit dans une vision spirituelle. Les œuvres d’art réalisées par les Guaranis prennent là toute leur importance. Elles expriment, à leur manière, que la » Terre sans mal » (Yvy maraê’y) qu’ils cherchaient existe bien, mais en un point plus loin que la mort.
Les Réductions du Paraguay furent-elles une » utopie » ou une » eutopie » ? Peu importe, ce fut une belle entreprise. Malheureusement, elle eut le tort d’avoir été pensée, selon l’esprit d’Ignace de Loyola, aux frontières dangereuses des mondes. Était-il raisonnable de montrer, non seulement en paroles mais en actes aussi, que les Guaranis étaient des hommes, tout autant que les Espagnols et les Portugais ? Était-il prudent d’implanter sept de leurs Réductions aux » limites » des empires coloniaux de ceux-ci qui n’eurent de cesse, après 1750, que de s’en emparer pour de bonnes ou de mauvaises raisons ? Peut-être pas, mais pourtant…
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Ordinations
Est-il possible de connaître le nombre d’ordinations à la prêtrise dans la population indienne par les jésuites pendant leur présence au Paraguay ?