La sécurité des automobiles
Un peu d’histoire
Un peu d’histoire
Dès l’apparition des premières automobiles, la sécurité a été une préoccupation majeure des ingénieurs et des pouvoirs publics, mais l’approche de la sécurité a démarré de façon théorique et fragmentaire, axée sur la notion de maîtrise du véhicule par le conducteur qui dérivait directement de la conduite des chevaux. Pendant longtemps, l’accident a été considéré comme un événement fortuit, dont la cause était nécessairement une erreur ou une faute d’un conducteur, et qui se prêtait à une recherche de responsabilité civile et pénale plus qu’à une analyse technique.
Le code de la route actuel a maintenu (article R. 11–1) le principe posé il y a une centaine d’années qui fait obligation au conducteur de rester en permanence maître de sa vitesse et qui place une infraction à l’origine de tout accident.
Cette approche est devenue périmée avec la démocratisation de l’automobile et la croissance exponentielle de la circulation routière qui en a résulté.
Au début des années 60, il y a eu une prise de conscience du caractère inéluctable des accidents de la route et de la nécessité de faire en sorte que les conséquences d’un accident soient aussi peu dommageables que possible pour les occupants. C’est ainsi que, dès 1964, la France a rendu obligatoires les ancrages de ceintures de sécurité sur les voitures ; l’équipement obligatoire des places avant en ceintures de sécurité intervenait en 1970, et la première mesure de port obligatoire de la ceinture en 1973.
Les progrès spectaculaires dans le domaine de la sécurité passive devaient venir, d’une part, du développement systématique d’enquêtes approfondies d’accidents de la route destinées notamment à analyser les origines des lésions et les moyens d’en réduire la gravité, et d’autre part du développement des recherches techniques lancées à partir de 1969 dans le cadre du programme américain ESV (Experimental Safety Vehicles) qui prévoyait un ensemble de coopérations bilatérales entre les États-Unis et chacun des autres grands pays industriels du monde pour mettre au point un véhicule expérimental de sécurité.
L’objectif initial ambitieux (réalisation d’un véhicule dont les occupants survivent à tout accident survenant à une vitesse inférieure à 80 km/h) devait être abandonné au bout de quelques années au profit d’études d’envergure plus modeste mais conduisant à des prototypes de sous-systèmes intégrables dans les véhicules commercialisés. Les constructeurs et le gouvernement français ont participé activement à ces programmes et ont joué un rôle majeur dans l’analyse scientifique des accidents, la mise au point des méthodes d’évaluation des performances des véhicules et l’amélioration des dispositifs de protection des occupants.
Enfin, au début des années 90, un fort mouvement consumériste en faveur de la sécurité a vu le jour et a pris partiellement le relais des pouvoirs publics. La sécurité automobile est aujourd’hui un centre d’intérêt majeur pour la presse spécialisée et les associations de consommateurs et d’usagers ; elle est devenue un argument de vente y compris sur les voitures de bas de gamme.
D’abord éviter les chocs
Cette approche initiale de la sécurité demeure évidemment valable. Tout doit être mis en œuvre sur les véhicules pour éviter les chocs, et en particulier :
- le recueil de la plus grande quantité de données liées à la conduite : visibilité, signalisation, adhérence, etc. Le recueil de données par vision directe a été complété par de nombreux capteurs spécialisés, et des progrès importants sont attendus lorsque la voiture pourra communiquer en temps réel avec l’infrastructure et son environnement ;
- le développement des asservissements et des automatismes qui permettent de faire mieux que le conducteur et de libérer son attention. L’évolution des boîtes de vitesses automatiques est un bon exemple des progrès effectués, de l’automatisme purement mécanique aux régulateurs adaptatifs avec radar anticollision incorporé. La tenue de route a été améliorée de façon spectaculaire par les différents dispositifs permettant d’utiliser la totalité de l’adhérence disponible sur chaque roue au moment du freinage (antiblocage), de l’accélération (antipatinage) et des accélérations transversales (antirenversement).
Tout ce qui diminue la fatigue et accroît le confort contribue aussi à améliorer la sécurité primaire : aides à la conduite (assistance du freinage et de la direction, régulateurs et limiteurs de vitesse modulables, qui sont largement répandus aux États-Unis mais pas en Europe, détecteurs de baisse de vigilance, etc.) et perfectionnement du confort vibratoire, acoustique et thermique.
L’évolution et la multiplication des dispositifs techniques conçus pour la sécurité primaire posent néanmoins quelques problèmes : les conducteurs doivent être informés des caractéristiques et des modes d’emploi de ces équipements dont la présence modifie parfois profondément les conditions de conduite, et surtout la sensation de confort et de sécurité ne doit pas conduire à réduire leur vigilance ou augmenter leur vitesse, ce qui accroît les risques d’accidents et réduit l’efficacité des moyens de protection.
Survivre à un choc
Après plus de trente années d’analyses d’accidents, de recherches techniques et biomécaniques et de controverses transatlantiques, un consensus s’est établi sur les principes de base de la protection des occupants d’une voiture en cas de choc.
D’abord, l’habitacle doit constituer un espace de survie conçu pour résister à l’écrasement et aux intrusions. Dans cet habitacle, tous les occupants doivent être ceinturés ou retenus par des dispositifs adaptés à la taille et au squelette des enfants.
Au cours du choc, il s’agit de maintenir les décélérations subies par les occupants dans les limites fixées par la biomécanique pour éviter une lésion des organes vitaux. Cette limitation s’obtient :
- par une déformation programmée des structures de la voiture extérieures à l’habitacle qui limite la décélération de la voiture ;
- par des ceintures modernes, équipées de prétensionneurs qui plaquent l’occupant sur son siège lors d’un choc et susceptibles de contribuer à la limitation de la décélération par une déformation programmée ;
- par des structures gonflables destinées en outre à éviter les chocs des occupants contre les parois.
Les voitures modernes sont conçues pour protéger leurs occupants ceinturés dans un choc frontal à 64 km/h contre un mur (ou une voiture de même masse roulant à la même vitesse) et dans un choc latéral où la vitesse de la voiture heurtante est de 50 km/h. Ces vitesses de choc sont cohérentes avec les vitesses de circulation autorisées en ville et sur route.
La protection des piétons lors d’un choc avec une voiture a donné lieu à de longues recherches qui ont débouché sur une proposition de réglementation qui fait aujourd’hui l’objet de controverses entre la Commission européenne et les constructeurs ; mais, d’une manière ou d’une autre, les voitures nouvelles seront, dans les cinq ans qui viennent, conçues pour protéger un piéton en cas de choc.
Enfin, des travaux sont en cours pour garantir un certain niveau de compatibilité entre les véhicules de masses très différentes présents sur la route. Lorsqu’un véhicule léger et un véhicule nettement plus lourd se heurtent, les structures du véhicule léger ne peuvent pas, à elles seules, assurer une protection satisfaisante de ses occupants, et il est légitime d’exiger des poids lourds et des voitures de haut de gamme de contribuer à la protection des occupants des voitures les plus légères, d’autant que les protocoles internationaux de réduction des émissions de CO2 vont conduire à une réduction sensible du poids moyen des voitures dans les douze années qui viennent.
Il est clair que la protection des piétons et la compatibilité ne seront obtenues que dans un cadre réglementaire puisqu’elles conduisent à des contraintes techniques et financières qui n’ont pas d’intérêt autre qu’éthique pour les acheteurs des véhicules concernés.
Servitudes et grandeur réglementaires
La réglementation technique est indispensable dans tous les secteurs où la motivation commerciale est faible ou nulle, et c’est la garantie, pour tous les enjeux de sécurité, de la poursuite d’objectifs à long terme alors que les orientations commerciales peuvent être versatiles.
L’automobile est un produit dont le commerce et l’usage ne peuvent s’envisager aujourd’hui qu’à l’échelle de la planète, et les modalités d’élaboration de la réglementation ont été adaptées aux exigences du marché intérieur communautaire et du commerce mondial.
La Communauté européenne a posé, dès 1970, les principes et les bases d’une réception européenne, en dressant une liste exhaustive des réglementations auxquelles les véhicules devaient satisfaire, en mettant en œuvre les procédures permettant d’aboutir à des réglementations uniformes pour l’ensemble de la Communauté.
Des dispositions ont été prises pour adapter souplement ces réglementations au progrès technique, et en prévoyant d’organiser la reconnaissance réciproque des contrôles entre les différents États membres.
La réception européenne a été finalisée, pour les voitures particulières, le 1er janvier 1998 : depuis cette date, toutes les voitures neuves vendues dans la Communauté sont livrées avec un certificat de conformité européen qui permet leur immatriculation, sans aucun contrôle technique, dans n’importe quel État membre.
Les travaux d’harmonisation internationale des réglementations techniques ont démarré, dès 1949 au sein de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies. L’accord de Genève du 20 mars 1958, dont la France a été une partie contractante fondatrice, a donné un cadre institutionnel à ces travaux conçu par et pour les Européens et accepté par le Japon, l’Australie, mais inacceptable par les États-Unis et quelques autres pays.
C’est pourquoi un second accord, accepté par l’Europe, le Japon et les États-Unis et potentiellement acceptable par tous, a été établi le 25 juin 1998 parallèlement à l’accord de 1958 dont les acquis restent valables et qui continue à vivre. Ces deux accords sont gérés en parallèle par un groupe de travail permanent des Nations Unies appelé Forum mondial de l’harmonisation des réglementations automobiles et qui rassemble, outre les représentants gouvernementaux des pays adhérents aux accords qui ont seuls droit de vote, les représentants des autres pays intéressés par les travaux ainsi que toutes les organisations non gouvernementales concernées : constructeurs et équipementiers, consommateurs, associations écologiques, clubs automobiles, etc.
Le développement de la réglementation technique au sein de ce Forum mondial présente de nombreux avantages, indépendamment de la suppression des entraves techniques aux échanges qui était la motivation première de l’harmonisation. Le Forum mondial permet la mise en commun des résultats des recherches notamment en accidentologie et en biomécanique qui nécessitent de gros moyens financiers, ainsi que de fructueux échanges d’expériences ; il exige aussi que les réglementations mondiales soient basées sur des considérations techniquement, industriellement et économiquement objectives et élaborées selon des procédures transparentes.
Ces procédures donnent donc une garantie de qualité aux réglementations internationales, mais aussi aux informations publiées par les constructeurs, les organes de presse ou les associations d’usagers lorsque les performances de sécurité qu’elles affichent ont été établies selon les méthodes d’essai et les critères qui résultent des travaux réglementaires.
Malheureusement, malgré toutes les améliorations apportées à la sécurité des véhicules, le comportement des conducteurs n’a pas suivi l’évolution favorable du comportement des acheteurs, et l’insécurité routière demeure un fléau national.
Le bilan alarmant de la Sécurité routière
Quelque 125 000 accidents corporels, 8 000 tués, 170 000 blessés dont 32 000 graves : telles sont les données accablantes de l’insécurité routière dans notre pays pour 1999. La comparaison avec nos voisins européens, qui ont un parc automobile et un réseau routier homogènes avec les nôtres, ne nous est pas favorable : le taux de tués rapporté au parc automobile est en France une fois et demie celui de l’Allemagne, deux fois et demie celui du Royaume-Uni et trois fois celui de la Suède. La comparaison de ces taux mérite une analyse nuancée, mais elle met en évidence le rôle prépondérant du facteur humain et la gravité de la situation justifie que la Sécurité routière ait été déclarée grande cause nationale pour l’année 2000.
L’amélioration des comportements au volant ne peut se faire durablement sans une mobilisation de tous nos concitoyens, et un consensus pour lutter contre les diverses formes de délinquance routière, mais aussi pour promouvoir le civisme routier : si chacun fait un peu, c’est la vie qui gagne.
Une action forte sur les comportements ne dispensera pas de poursuivre l’amélioration des routes et des véhicules. On ne pourra jamais empêcher les erreurs et les fautes de conduite, et donc les accidents de la route ; mais on peut raisonnablement envisager que routes et véhicules soient conçus pour que, dans la gamme des vitesses autorisées en ville et sur route, les accidents ne tuent plus, ou beaucoup moins. Pour cela, les ingénieurs de l’automobile doivent mettre tout leur savoir-faire au service de la sécurité pour que la voiture, produit type de la civilisation moderne et merveilleux instrument de liberté individuelle et de progrès économique et social, cesse d’être un moyen de transport aussi dangereux.