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L’École polytechnique et l’international

Dossier : Les X étrangersMagazine N°559 Novembre 2000Par : Paul COMBEAU (47), délégué général de la Fondation de l'Ecole polytechnique

Tout d’a­bord quelques mots sur la Fon­da­tion elle-même. Créée en 1987, appuyée sur un bon nombre d’en­tre­prises (120 envi­ron), fran­çaises pour la plus grande part mais aus­si quelques grands groupes étran­gers (Sie­mens, Daim­ler Benz, Fiat, Gene­ral Elec­tric…), la Fon­da­tion est une sorte de point de ren­contre, d’in­ter­face, de char­nière entre le monde des entre­prises et ce haut lieu d’en­sei­gne­ment supé­rieur et de recherche qu’est en France l’É­cole polytechnique.

Par la sou­plesse que son auto­no­mie de struc­ture lui donne, la Fon­da­tion a pu dès l’o­ri­gine jouer un rôle de cata­ly­seur et d’in­ci­ta­teur au béné­fice de l’É­cole et de ses élèves, tant en ce qui concerne :

  • l’a­mé­lio­ra­tion de l’ap­pren­tis­sage des langues,
  • que le déve­lop­pe­ment des stages à l’é­tran­ger (60 % des élèves fran­çais font main­te­nant leur stage de fin d’é­tudes à l’étranger),
  • ou encore la mise sur pied et le sou­tien de pro­grammes diver­si­fiés met­tant en rela­tion étroite des étu­diants étran­gers avec l’X et la réa­li­té scien­ti­fique, cultu­relle et éco­no­mique fran­çaise, comme le pro­gramme Jean Mon­net (10 à 15 étu­diants par an) ou le pro­gramme dit euro­péen (20 à 25 étu­diants par an).


Depuis trois ans, l’aide de la Fon­da­tion s’est concen­trée sur deux actions majeures en appui à une poli­tique fon­da­men­tale de l’É­cole elle-même :

  • contri­buer à orien­ter et à aider le recru­te­ment d’é­lèves étran­gers pour le cur­sus entier de deux ans à l’X (2e voie du concours),
  • inci­ter et aider les X fran­çais à faire leur for­ma­tion com­plé­men­taire diplô­mante dans des grandes ins­ti­tu­tions étran­gères d’en­sei­gne­ment scien­ti­fique et technique.

Pourquoi le faisons-nous ? Parce que c’est explicitement la demande des entreprises qui soutiennent la Fondation dont nous recueillons pour ce faire les priorités de pays cibles.

Ces choses ne se font pas en un jour mais le décol­lage est déjà per­cep­tible même si s’a­gis­sant du recru­te­ment d’é­lèves étran­gers un effort impor­tant reste néces­saire pour atti­rer des étu­diants de l’U­nion euro­péenne et des États-Unis.

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Venons-en, si vous le vou­lez bien, main­te­nant au vif de notre sujet d’aujourd’hui.

Avec toute la modes­tie du béo­tien que je suis en matière d’é­pis­té­mo­lo­gie, je m’as­so­cie bien volon­tiers aux com­pli­ments qui ont été expri­més à Madame Anou­sheh Kar­var pour les mérites de sa thèse, encore accrus par la dif­fi­cul­té d’embrasser une popu­la­tion dis­tri­buée sur deux siècles et pla­cée dans des contextes poli­tiques et cultu­rels fort divers.

L’é­clai­rage docu­men­té qu’elle nous apporte sur le pas­sé peut sûre­ment contri­buer à mieux faire l’a­ve­nir mais, me semble-t-il, à la condi­tion de com­bi­ner de façon appro­priée la prise en compte de la mémoire longue des cultures et des ins­ti­tu­tions et l’at­ten­tion aux chan­ge­ments non négli­geables du monde qui nous entoure à ce tour­nant du deuxième millénaire.

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Par­mi ces chan­ge­ments impor­tants, je serais ten­té de me limi­ter à deux d’entre eux qui me semblent avoir une inci­dence forte sur notre sujet.

1) La place des orga­nismes éta­tiques dans le déve­lop­pe­ment éco­no­mique a ten­dance, un peu par­tout dans le monde, à décroître. Et ceci vaut pour les réa­li­sa­tions au sein d’un pays don­né comme pour les rela­tions éco­no­miques et com­mer­ciales entre pays.

Déjà pour l’É­cole poly­tech­nique, ce ne sont plus qu’en­vi­ron 110 élèves qui iront dans un corps de l’É­tat sur un total d’en­vi­ron 450 soit un quart et il y a de bonnes rai­sons de pen­ser que ce pro­ces­sus décrois­sant n’a pas encore atteint sa limite.

Ceci veut dire qu’entre 34 et 45 des poly­tech­ni­ciens sont des­ti­nés dès la fin de leur cur­sus à entrer dans le monde de l’entreprise.

Pour être plus exact, il fau­drait tenir compte de la cin­quan­taine qui s’o­rientent vers la for­ma­tion par la recherche, et pour les­quels dans l’é­tat actuel une moi­tié peut-être entre­ront au CNRS, mais cela ne change pas les ordres de grandeur.

Remise du prix Poincaré aux deux majors de la promotion 97 de l'Ecole polytechnique
Remise du prix Poin­ca­ré aux deux majors de la pro­mo­tion 97 :
Cédric Bou­rillet et Tuân Ngô Dac , élève CP2, Vietnamien.

© ÉCOLE POLYTECHNIQUE

2) Le thème rebat­tu de la mon­dia­li­sa­tion est une réa­li­té évi­dente et mas­sive. Toutes les acti­vi­tés à l’ex­cep­tion peut-être des ser­vices de proxi­mi­té sont concernées.

La stra­té­gie et donc les besoins des entre­prises en recru­te­ment de cadres à fort poten­tiel sont néces­sai­re­ment multinationaux.

L’ef­fi­ca­ci­té du fonc­tion­ne­ment de l’en­semble dans l’en­tre­prise et la capa­ci­té de péné­tra­tion et de suc­cès dans les grands mar­chés uti­li­sa­teurs de ses pro­duits et de ses ser­vices imposent de dis­po­ser d’un vivier de cadres de for­ma­tion mul­ti­cul­tu­relle réelle et, s’a­gis­sant de groupes fran­çais, d’un vivier de cadres étran­gers ayant eu au cours de leur for­ma­tion une forte expo­si­tion à la culture et à l’en­sei­gne­ment fran­çais, autant que de cadres fran­çais ayant eu une forte expo­si­tion à des cultures et à des ensei­gne­ments étrangers.

Et même si la langue de tra­vail d’un groupe ou la langue des affaires dans le monde est l’an­glais, rien ne peut rem­pla­cer la com­pré­hen­sion en pro­fon­deur des cultures dif­fé­rentes lors­qu’il s’a­git de faire réus­sir ensemble des groupes humains de pays dif­fé­rents (cf. confé­rence du Dr Knit­ter, direc­teur des res­sources humaines de DASA).

Des deux consi­dé­ra­tions pré­cé­dentes découlent à mes yeux au moins deux conséquences :

  • que l’on soit élève fran­çais à l’X ou élève étran­ger, on peut ser­vir son pays aus­si bien en contri­buant à ce qu’il joue un rôle clé dans la stra­té­gie mon­diale d’une entre­prise à dimen­sion inter­na­tio­nale qu’en étant direc­te­ment au ser­vice de l’É­tat dans son propre pays. Et ceci veut dire que bien au-delà de la seule volon­té de l’É­tat, c’est tout l’en­semble de la col­lec­ti­vi­té natio­nale qui est acti­ve­ment concer­né par l’ou­ver­ture inter­na­tio­nale des for­ma­tions supé­rieures et de l’X en particulier ;
     
  • une grande école de for­ma­tion supé­rieure, aus­si pres­ti­gieuse qu’elle soit dans son propre pays, ne peut évi­ter de s’é­ta­lon­ner par l’ou­ver­ture à d’autres sources de recru­te­ment et à d’autres débou­chés pour ses étu­diants faute de quoi elle ne peut que régres­ser dans le rang que lui recon­naissent les » clients » de cette for­ma­tion, c’est-à-dire les employeurs, eux-mêmes de plus en plus ouverts sur le monde.

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