Le bois, écomatrériau par excellence
Un matériau naturel très variable
Un matériau naturel très variable
Les caractéristiques du bois sont très variables car il provient d’un être vivant : deux arbres de la même espèce fabriquent des bois différents car un arbre est unique en ce sens qu’il est l’expression d’un patrimoine génétique dans un milieu (sol, climat) et que ce patrimoine et ce milieu sont propres à cet arbre. De plus, au sein d’un même arbre, la nature du bois fabriqué varie au cours de la saison de végétation et deux pièces de même géométrie que l’on en extrait peuvent avoir des propriétés assez différentes si leur bois n’a pas été fabriqué pendant les mêmes années.
À ces variabilités » intra-arbre » et » inter-arbres » du bois d’une même espèce s’ajoute l’énorme diversité des espèces : on évalue à environ 30 000 le nombre de celles qui produisent du bois et à 500 celui des espèces commercialisées pour le bois (à ce matériau qui provient des arbres, il faut ajouter ceux semblables provenant des palmiers, des bambous, de lianes telles que le rotin, etc.). Les hommes ont su très tôt tirer profit de chaque niveau de cette variabilité naturelle et ils la diversifient sans cesse par différents moyens -, la création de variétés, le transfert d’espèces en dehors de leur aire d’origine, la conduite du développement des arbres (sylviculture) -, de sorte que parler du matériau bois est en réalité très simplificateur tant est large le spectre des essences qui forment la grande classe de matériaux que constituent les bois.
Leurs propriétés de base peuvent varier autant entre les extrêmes qu’au sein de l’ensemble des métaux et alliages : par exemple, la densité du bois (masse volumique rapportée à celle de l’eau) passe de 0,1 (balsa d’Amérique latine et des Caraïbes) à 1,3 (amourette de Guyane) et celle des métaux de 2,4 (aluminium) à 21,4 (platine).
Un matériau étonnamment moderne
Contrairement à la métallurgie qui fait beaucoup appel à des techniques comme la cristallographie pour l’analyse de la structure des métaux, l’observation et l’étude du bois relèvent de l’anatomie, discipline plutôt pratiquée dans les sciences du vivant.
Aujourd’hui, les différences s’atténuent beaucoup dès qu’il s’agit de progresser dans la connaissance intime des matériaux avec l’usage généralisé des outils d’investigation tels que le microscope électronique, le microscope à force atomique, la diffusion ou la diffraction X (figure 1), les imageries ultrasonores ou la résonance magnétique nucléaire.
En passant de l’échelle de la simple loupe à grossissement 10 jusqu’aux échelles de la dizaine de nanomètres, le bois révèle des choix d’élaboration qui sont ceux des matériaux les plus avancés d’aujourd’hui.
C’est d’abord une espèce de nid- d’abeilles tridimensionnel très perfectionné où la nature s’est évertuée à jouer à l’infini avec quelques éléments de base (fibres, vaisseaux, parenchymes) dont la géométrie et la porosité peuvent varier dans de très larges proportions. Chaque essence de bois (correspondant généralement à une espèce végétale) est ainsi dotée d’un schéma d’organisation qui lui est propre (plan ligneux) et qui permet au spécialiste de l’identifier parmi plusieurs milliers d’autres (figure 2).
Ce choix d’élaboration permet de disposer d’un très bon rapport entre propriétés mécaniques et quantité de matière utilisée.
Les parois des alvéoles de ce nid- d’abeilles sont à leur tour des composites à fibre présentant un astucieux nappage en couches successives avec des orientations croisées des fibres permettant d’obtenir une très grande résistance par unité de masse dans la direction principale de chargement pour l’arbre ou pour les poutres que nous en tirons.
L’échelle élémentaire de ce réseau n’est que de quelques dizaines de nanomètres comme dans les matériaux dits » nanostructurés » objets de développements actuels.
Le bois est une mémoire
L’histoire de l’arbre est inscrite dans son bois. Les nœuds rappellent les branches qui renseignent elles-mêmes sur le passé du voisinage de l’arbre et les variations de fil du bois qu’ils entraînent se traduisent par des ondulations sur les faces des débits (figure 3). Les fractures et les fentes signalent les fortes contraintes internes liées à des épisodes climatiques violents (foudre, gel, coups de vent…).
La cicatrisation des blessures dues aux animaux (écorçages et frottis…) et aux insectes et champignons laisse des traces diverses (poches de résine, colorations particulières…). Ces singularités et altérations déprécient souvent le bois mais certaines permettent de le valoriser (ébénisterie, lutherie…).
Un matériau vertueux et doué
Comme chaque grande classe de matériaux, les bois ont des atouts qui ont été déterminants à certaines époques ou pour certains usages et des handicaps qui l’ont fait régresser dans d’autres.
Dans certains cas les atouts deviennent des handicaps avec les évolutions de la société : le plus bel exemple est l’aptitude extraordinaire du bois à être travaillé avec très peu de puissance (ou d’énergie), mais beaucoup de matière grise. C’était le matériau universel de l’époque préindustrielle avec la myriade de métiers du bois basés sur l’utilisation d’outils à mains tels que scies, ciseaux à bois, rabots et gouges…
C’est devenu la bête noire des industries où l’énergie est gratuite et la main-d’œuvre qualifiée trop chère et où il faut bannir la variabilité pour satisfaire la robotisation. Mais c’est à nouveau le chouchou du bricoleur, pour qui le hobby est passion et le temps n’est plus de l’argent.
Les atouts peuvent être classés en deux grandes catégories.
Les atouts sociétaux sont aujourd’hui évidents et sont évoqués aussi dans d’autres articles de ce numéro. Il s’agit de l’impact très positif sur le bilan carbone de notre atmosphère, du bilan environnemental et énergétique très favorable pour le bois, matériau indéfiniment renouvelable dans le cas d’une saine gestion de la forêt (n’oublions pas que l’usine à bois, c’est la forêt), ou de l’impact sur l’aménagement du territoire du maillage des industries du bois et de leur aptitude à rester un secteur de main-d’œuvre.
Les atouts techniques sont indéniables aussi pour qui se préoccupe de la sélection de matériaux pour la conception de divers produits. Ils découlent de la longue marche d’invention de la nature pour trouver le matériau apte à résoudre des problèmes de mécanique des structures qui sont loin d’être triviaux ; un arbre parvient en effet à élaborer puis maintenir pendant des siècles contre vents, pluie et neige une architecture très audacieuse : songeons en effet à un arbre ayant un volume de houppier de 3 000 m3 à 8 000 m3 et un tronc de 50 à 100 mètres de haut, saurait-on construire de façon plus performante un édifice ayant de telles résistances mécaniques ?
De tous les matériaux de structure universels, les bois sont les plus légers. Ils ont des performances en termes de ratio résistance mécanique sur poids comparables aux composites à fibre performants d’aujourd’hui et aucun matériau n’a encore montré une meilleure résistance à la fatigue mécanique (atavisme). Comme tous les matériaux poreux, ils offrent de bonnes solutions d’isolation thermique autoportantes. Leur capacité à se mettre en équilibre avec l’humidité de l’air en fait aussi d’excellents régulateurs d’ambiance, ce qui explique leur succès jamais démenti en aménagement intérieur des logements. Ils sont insensibles à la corrosion, surtout la corrosion acide, ce qui explique aussi leur succès dans les bâtiments d’élevage…
Enfin, pour des raisons difficiles à quantifier pour le scientifique, ils constituent sans doute la classe de matériaux la plus » douée » pour les métiers de l’art : musique, sculpture, arts décoratifs, ébénisterie, peut-être aussi parce que si la variabilité extrême des bois désespère l’industrie moderne, de l’uniformité naît l’ennui.
Cependant, l’industrie du bois ne résiste pas toujours bien à ses concurrents et parmi les nombreuses raisons qui l’expliquent, il en existe qui sont dues au matériau lui-même car le bois a des fragilités qu’il faut savoir maîtriser.
Durabilité et préservation
Une fois l’arbre abattu, le bois frais est exposé à l’attaque d’agents biologiques et il en est de même au cours des phases successives de débit et de mise en œuvre. La plupart des bois sont durables quand ils sont immergés ou, à l’inverse, placés dans une atmosphère très sèche, leur durée de vie se mesure alors en siècles. Mais tous les bois craignent à des degrés divers une humidité intermittente associée à une mauvaise ventilation car ces conditions sont particulièrement favorables aux champignons ou termites qui attaquent le bois.
La capacité du bois à traverser avec succès ces épreuves qualifie sa durabilité naturelle qui est très variable entre les espèces. Elle dépend surtout des composés chimiques secondaires produits lors du passage de l’aubier au bois parfait, qui déterminent aussi la plupart des propriétés sensorielles du bois (couleur, odeur, saveur…). Placés dans des conditions très difficiles, par exemple au contact du sol comme une traverse de chemin de fer, certains bois sont fortement attaqués en moins d’un an alors que d’autres peuvent tenir jusqu’à 50 ans.
On peut protéger le bois avec des produits insecticides et fongicides où les principes actifs sont le cuivre, le chrome, le bore, le fluor et l’arsenic ou de nombreuses molécules organiques. Les procédés d’application sont nombreux, à sec ou en solution, par trempage ou injection en autoclave sous vide et pression. Cette industrie de la préservation est très réglementée du fait de la toxicité des produits (cuivre et arsenic surtout).
Les principaux domaines actuels de la recherche industrielle sont la diffusion de ces produits dans le sol, l’air et l’eau, et l’étude de produits et de méthodes d’application moins dangereux pour l’environnement et la santé : utilisation d’extractibles naturels présents dans les essences durables (huiles essentielles aux propriétés antibiotiques, tannins, quinones du teck…), exploration des méthodes biologiques (ex : utilisation de souches de champignons entrant en compétition avec les champignons de bleuissement), ou incorporation de biocides dans les produits de revêtement (vernis, peintures, lasures).
La protection chimique du bois ne dispense évidemment jamais de prendre des précautions dans les techniques constructives, notamment en ce qui concerne les assemblages (bois/bois, bois/métal…) et le contact avec l’eau. Quand il doit être détruit, le bois traité peut partir dans la filière énergie mais il y nécessite une incinération spéciale pour filtrer les sels métalliques.
Si la protection chimique est actuellement dominante, la voie thermochimique progresse : le bois rétifié est produit par chauffage aux alentours de 250 °C en atmosphère et pression contrôlées, et il existe des procédés à des températures plus élevées. Le bois rétifié est stérilisé et contient des inhibiteurs d’agents biologiques de dégradation, il est aussi moins hygroscopique et donc de meilleure stabilité dimensionnelle ; par contre, il devient plus cassant.
Solidité et sensibilité
Un bois lourd est présumé solide, c’est globalement vrai, la densité d’un bois est en effet sa caractéristique physique majeure car elle prédit assez bien ses propriétés mécaniques : dureté, résistance à la flexion, à la traction, à la compression, au cisaillement, au choc… (figure 4).
La densité reflète la masse de bois contenue dans un volume de bois unitaire. Mais le bois contient de l’eau sous deux formes : l’eau libre (c’est celle qui s’évapore naturellement car elle remplit le vide des cellules) et l’eau liée aux parois des cellules. La densité du bois varie donc avec son taux d’humidité. Ce dernier, défini par le rapport entre le poids d’eau et la masse du bois sec, est égal à 0 % pour le bois anhydre, il est de l’ordre de 30 % quand toute l’eau libre est partie et qu’il ne reste que l’eau liée et il peut dépasser largement 100 % dans un bois très poreux complètement saturé d’eau.
On utilise le plus souvent comme densité de référence celle du bois à 12 % d’humidité qui permet de définir des types de bois allant de » très léger » (moins de 0,3) à » très lourd » (plus de 0,9). Certains dépassent 1,2 et beaucoup ne flottent pas (densité supérieure à 1). Cette densité de référence n’est pas constante dans une même espèce car elle dépend de nombreux paramètres liés à la génétique ou l’histoire de l’arbre (vitesse de croissance par exemple). C’est ainsi que la densité du chêne peut varier de 0,55 à 0,85.
Après la densité, la deuxième grande caractéristique physique du bois est sa rétractibilité qui qualifie les changements de volume et de dimensions des pièces liés aux variations de leur taux d’humidité, lequel dépend de l’ambiance dans laquelle il se trouve. Le bois » joue » ou » travaille » et les pièces se déforment car les variations dimensionnelles sont anisotropes.
Il faut donc manipuler le taux d’humidité du bois tout au long de la chaîne de transformation de façon que les retraits s’effectuent suffisamment lentement pour ne pas provoquer de fentes, d’où l’importance du séchage initial pour passer de l’état vert à l’état d’équilibre avec le milieu ambiant.
La rétractabilité augmente en moyenne avec la densité du bois mais la corrélation est beaucoup plus faible qu’entre densité et propriétés mécaniques (figure 5).
Il existe des bois très denses et très stables comme l’ipé du Brésil. On dit souvent que ce caractère synthétise assez bien la notion de » sensibilité » du bois. Lui aussi dépend fortement des molécules secondaires présentes dans le bois et la stabilité dimensionnelle peut être améliorée sensiblement par des traitements chimiques dans la masse, outre les traitements thermiques déjà mentionnés.
Conductibilités
Le bois est un bon isolant électrique surtout quand il est sec. Dans l’industrie électrique par exemple, les installations et équipements de basse tension le mettent en œuvre après protection (vernis, imprégnation…) pour qu’il ne reprenne pas d’humidité. La variation très forte de la conductibilité (de 1017 ohm-cm pour le bois anhydre à 105 ohm-cm pour le bois à 30 % d’humidité) est utilisée couramment dans les appareils permettant de mesurer cette humidité.
Le bois conduit mal la chaleur ; sa conductibilité dépend surtout de sa densité, de la direction de la transmission et elle augmente très vite avec le taux d’humidité. Le bois est donc un très bon isolant, surtout s’il est sec et que la chaleur arrive orthogonalement aux fibres. Dans ce cas, un bois de résineux est par exemple 8 fois plus isolant que le béton (rapport des coefficients de conductibilité thermique). Les bois légers sont en moyenne les plus isolants car ils contiennent plus d’air qui est moins conducteur que la matière ligneuse proprement dite. Ce pouvoir isolant est un atout dans certains secteurs comme l’industrie du froid et surtout celle du bâtiment où il offre de bonnes solutions d’isolation sans pont thermique.
Quand la température augmente fortement, le bois sèche mais il ne perd quasiment pas ses propriétés mécaniques jusqu’à près de 300 °C. Au-delà il commence à se transformer en charbon en dégageant des gaz qui s’enflamment rapidement. C’est toujours un bon combustible avec un pouvoir calorifique voisin de 4 500 kcal/kg de matière sèche. Du fait de son bon pouvoir isolant renforcé encore dans les zones qui ont commencé à » charbonner « , une poutre massive en bois continue toujours à résister en proportion de l’inertie résiduelle qui diminue doucement pendant l’incendie. Ceci explique pourquoi les pompiers préfèrent les charpentes massives en bois aux structures acier ou béton car le temps d’intervention sécurisé est plus long.
L’avenir : bois homogénéisés et matériaux composites
Dans l’industrie, le bois massif reste utilisé comme bois rond (poteaux, mobilier urbain…) mais il est surtout fragmenté par sciage, tranchage, déroulage, déchiquetage et, comme pour tout matériau, il s’agit alors de trouver de bonnes stratégies pour optimiser le rendement matière, le coût énergétique de la transformation, la fiabilité (constance des propriétés physiques et mécaniques), la souplesse d’emploi.
Dans les scieries modernes automatisées à haut débit, on relève en temps réel avant sciage (capteurs, caméras, scanners) la géométrie et les défauts externes de la grume pour optimiser la position du trait de scie et les retournements de la bille. Aussitôt après sciage, les pièces sont classées par des machines qui font appel à différentes méthodes (mécaniques, vibratoires, micro-ondes, ultrasons). Les normes de classement sont établies à l’issue de longues discussions internationales où chaque partenaire s’attache à ne pas pénaliser sa ressource. Les pays de l’Europe moyenne comme la France y ont fort à faire car leurs forêts contiennent beaucoup plus d’espèces que les forêts nordiques de Scandinavie, du Canada et de la Russie.
Pour élargir la gamme des possibilités du bois massif et pour mieux corriger ses faiblesses, il faut pouvoir produire des pièces très longues ou courbes, très plates (panneaux) ou compliquées (pièces moulées, extrudées…).
Des techniques dont les prémices sont parfois très anciennes consistent à assembler des éléments de bois entre eux ou à d’autres matériaux.
Les innovations industrielles sont permanentes et donnent lieu à une très grande variété de produits qui combinent la géométrie des éléments assemblés (bois scié, déroulé ou tranché, copeaux, fibres, sciure…), le mode d’assemblage (collage, aboutage), le type de bois (espèces pures ou en mélange), l’incorporation d’autres matériaux (fibres synthétiques, pailles ou autres matières végétales, ciment, plâtre, polymères, métaux…), les adjuvants (ignifuges, anti-UV, biocides…).
On range ces produits dans de grandes catégories désignées de façon à renseigner sur leur constitution : lamellé-collé, panneau latté, panneau contreplaqué, panneau de particules, panneau de fibres, bois bakélisé, bois-ciment, bois-carbone…, mais ils ne sont souvent commercialisés que sous des noms de marques qui renseignent peu sur leur nature précise. Les meilleures perspectives d’avenir du matériau bois se situent assurément dans toute cette gamme qui va du bois massif reconstitué aux matériaux composites contenant du bois (voir l’article de Daniel Guinard).
Quand la biodiversité rejoint la flexibilité
La variabilité au sens large est probablement le handicap majeur pour le bois dans sa compétition avec les autres matériaux industriels. Elle est la traduction directe de la biodiversité : diversité des espèces, diversité génétique au sein d’une espèce, diversité historique durant la vie de l’arbre qui s’adapte à son environnement.
Aujourd’hui le maintien de la biodiversité est devenu un credo des sociétés des pays industrialisés. Cela signifie que la tendance qui semblait inéluctable et lourde de remplacer les forêts naturelles par des plantations améliorées génétiquement (voire clonées) restera limitée à certains espaces. Une bonne partie de la ressource en bois proviendra donc toujours de forêts où le mélange des essences est la règle (jusqu’à plus de 200 essences arborées différentes dans un hectare de forêt tropicale guyanaise).
Par ailleurs, il est devenu tout à fait courant dans les industries utilisatrices de matériaux et chez les concepteurs de jongler avec des milliers de références renvoyant à des bases de données de propriétés, usages, prix, disponibilité…
Les outils informatisés de sélection des matériaux et de conception de composants permettent une réactivité et une créativité qui rappellent celles des artisans du bois d’antan.
Il y a donc une révolution qui n’est pas encore faite dans le monde du bois. Il paraît de plus en plus indispensable de dépasser le couple » essence de bois + expérience de l’artisan » par le tandem » fiche technique de la pièce de bois considérée (répertoriée dans une base de données) + expertise de l’ingénieur concepteur (ou de l’artisan moderne) « . Cela permettrait de résoudre un double problème de traçabilité à l’ordre du jour : traçabilité écologique (origine, gestion forestière, traitement par des pesticides) et traçabilité technique (densité, module, durabilité, stabilité dimensionnelle, couleur…).
Les utilisateurs et concepteurs de nouveaux composants et produits pourraient ainsi soit utiliser indifféremment un nombre important d’essences différentes pour un même usage pourvu que la fiche technique des pièces de bois utilisées réponde au cahier des charges, soit optimiser leur utilisation dans des objets (du panneau sandwich à la construction de bâtiment) où le » bon bois » serait utilisé au » bon endroit » en fonction de ses atouts.
Cela suppose un travail considérable pour que les bases de données sur les bois et les systèmes de marquage des pièces élémentaires de bois (planches, poutres, placages…) se rapprochent de ce qui se fait aujourd’hui pour beaucoup d’autres matériaux.
Formation supérieure et recherche scientifique
L’enseignement supérieur sur le bois est dispensé dans trois écoles d’ingénieurs, l’École supérieure du Bois (Nantes), l’École nationale des sciences, techniques et industries du Bois (Épinal), l’École nationale supérieure des Arts et Métiers (centre de Cluny) et dans deux universités (Nancy I et Bordeaux I) qui coopèrent dans le DEA national » sciences du bois « .
On évalue à environ 100 équivalents temps plein le nombre de chercheurs qui étudient le bois. Ils sont répartis dans une dizaine de sites relevant d’établissements publics (INRA, CIRAD, CNRS), d’un Centre technique (CTBA) et de laboratoires universitaires. Bien que ces enseignants et ces chercheurs soient fortement associés dans divers réseaux nationaux et européens, réseaux eux-mêmes associés à des réseaux spécialisés dans la recherche forestière, cet effectif est faible en comparaison de l’effort scientifique consacré aux autres matériaux.
Les objets de recherche vont de l’arbre sur pied à la molécule, et les grandes disciplines concernées relèvent à la fois des sciences du vivant (physiologie et biochimie végétale, zoologie, entomologie, pathologie…) et des sciences des matériaux (physique, mécanique, chimie…), l’imbrication de ces disciplines sur l’objet atypique qu’est le bois ne facilitant pas l’insertion de la recherche dans les structures de la science académique.
Il existe de nombreux et beaux ouvrages sur le bois, en voici deux récents :
► L’Atlas du Bois, sous la direction de Patrick Gay, 2001. Éditions de Monza, 251 p.
► Bois de Marine, Jean-Marie Ballu, 2000. Éditions du Gerfaut, 153 p.
Il n’est pas possible d’énumérer ici les thèmes de recherche de la communauté scientifique mais cet article permet d’en entrevoir un certain nombre.
En guise de conclusion, signalons une grande ambition caressée par la recherche : comprendre les mécanismes de la formation du bois au niveau cellulaire et en déduire par démarche ascendante le fonctionnement des organes supérieurs pour arriver à prédire le comportement du matériau extrait d’un arbre. Des avancées notables sont déjà réalisées, par exemple en matière de mécanique cellulaire grâce aux nanotechnologies.