Pour une politique de croissance active
Je suis très heureux que La Jaune et la Rouge consacre ce mois-ci un numéro spécial à la création d’entreprises afin d’y sensibiliser tout particulièrement la communauté polytechnicienne.
Nos concitoyens veulent la politique économique et sociale « qui marche », c’est-à-dire celle qui crée des emplois, accroît le pouvoir d’achat des Français, assure au pays le meilleur taux de croissance à moyen et long terme. Plusieurs réformes ont déjà été entreprises ou annoncées par le Gouvernement. Elles définissent une « nouvelle politique de croissance active » (NPCA), une action cohérente destinée à accroître durablement notre potentiel de développement. Foin des idéologies ! le niveau de croissance est l’unique réponse aux questions poignantes : l’emploi – la France a un taux de chômage anormalement supérieur à la moyenne de l’OCDE -, la richesse par habitant – le niveau de vie d’un Américain dépasse de 30 % celui d’un Français et ce retard ne se réduit pas -, le financement de notre « contrat de protection sociale » (retraite, santé, solidarité) et de notre « contrat républicain » (défense, sécurité, éducation, services publics).
Plus de croissance endogène (hors influence de la conjoncture mondiale), c’est une France qui va et vit mieux. Notre croissance est en moyenne de 2 % depuis dix ans, elle est de 3,2 % aux États-Unis. Chaque année, la croissance américaine est donc de 60 % supérieure à la nôtre ! Faire aussi bien sans sacrifier notre cohésion sociale, tel est le défi du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Se pose d’abord le problème du travail : un pays qui travaille moins et dont la productivité du travail stagne s’interdit tout progrès significatif de croissance. La France, connue pour son niveau très bas de durée moyenne de travail, devra répondre d’ici à 2010 à une demande de travail comprise entre 6,8 et 8,4 millions de postes publics ou privés. Gouverner, ce n’est pas dissuader les Français de travailler, c’est au contraire les intéresser davantage au travail :
1. l’assouplissement des 35 heures, couplé à l’augmentation du Smic et à celle de la prime pour l’emploi, à la baisse des charges sociales et de l’IRPP va dans ce sens ;
2. la réforme des retraites doit mettre un frein à la dissuasion organisée de l’activité professionnelle après cinquante ans ;
3. la réforme de l’apprentissage et le plan Ferry (classes en alternance, lycées des métiers) amélioreront l’accès des jeunes à la vie active ;
4. le projet présidentiel du « compte personnel de formation ouvert pour chaque Français » devra accroître la productivité du travail tout en offrant une véritable « assurance emploi » à chacun.
Enfin il faudra réfléchir à cette anomalie française de la « souffrance au travail », fruit du stress des 35 heures et de rapports humains trop formels et rigides sur le lieu de travail : le travail de demain doit être plus épanouissant pour l’individu.
Un autre volet de la stratégie économique du Gouvernement porte sur la création de richesses par les entreprises.
La « loi sur l’initiative économique » souffle l’esprit d’entreprise sur la France, elle s’attaque à nos principales faiblesses : insuffisance du nombre d’entreprises, de l’investissement productif, des capitaux propres des entreprises, de la diffusion massive des innovations technologiques.
État des lieux et solutions
La France compte environ 2 400 000 entreprises quand la Grande-Bretagne en compte 3 400 000, le flux annuel d’entreprises nouvelles est deux fois inférieur en France à celui de l’Espagne et nous créons 25 000 entreprises de moins chaque année que dans les années quatre-vingt : la nouvelle loi entend faciliter la sécurisation, le financement et l’accompagnement des nouveaux entrepreneurs, « inventeurs » des emplois de demain
.En réduisant la fiscalité sur le patrimoine économique, sur l’investissement privé dans les entreprises et sur les transmissions, elle facilite la croissance des entreprises de toute taille, tout en préparant la survie des 500 000 entreprises dont les dirigeants vont passer la main dans les dix prochaines années.
Elle incite les Français à drainer leur abondante épargne (17 % du revenu disponible brut) vers les entreprises, à transformer l’argent dormant en argent vif. Il faut que tous les investisseurs, gros et petits, se mobilisent aux côtés des porteurs de projet. Les « fonds d’investissement de proximité » doivent développer, à côté de l’autofinancement, du crédit bancaire et des marchés de valeurs, une quatrième source de financement long des entreprises, au cœur de chaque territoire. La loi sur l’innovation, extrêmement avantageuse pour l’investissement dans l’innovation et la recherche, prolongera cette action. De même, dès l’école, la diffusion de l’esprit d’entreprise sera encouragée.
La « nouvelle politique de croissance active » doit permettre à la France de tirer le meilleur parti de son ouverture au monde et à l’Europe élargie, en offrant des produits et des services à forte valeur ajoutée. Elle est la seule réponse durable aux mutations de l’économie. Elle va de pair avec la solidarité à l’égard de ceux qui subissent le contrecoup de ces mutations. Elle est la seule à même de financer nos services collectifs d’État ou de protection sociale. Elle est surtout et enfin un nouveau chemin vers l’égalité entre les Français.
Notre société, on le sait, est inégalitaire, principalement du fait de la reproduction des classes sociales par le système scolaire : 84,8 % des enfants d’enseignants atteignent le niveau bac général ou technologique à l’issue de leur formation secondaire contre 31,2 % des enfants d’ouvriers non qualifiés et 38,7 % des enfants d’ouvriers qualifiés. Le système du concours administratif, qui ouvre aux carrières de la fonction publique, est paradoxalement une voie étroite et « réservée » de promotion sociale. Par comparaison, la création d’entreprises apparaît comme une voie beaucoup plus démocratique et égalitaire : 55 % des créateurs d’entreprise n’ont pas le niveau bac, les bac + 2 et plus ne représentant que 29 % des créateurs.
Faciliter la création d’entreprises, c’est aussi offrir une nouvelle chance professionnelle : un créateur sur trois est chômeur ! Ainsi, et contrairement à bien des idées reçues, faire souffler l’esprit d’entreprise sur notre pays, et faciliter l’accès à un financement, à un accompagnement, à un statut d’entrepreneur du plus grand nombre de Français, c’est concilier croissance économique et cohésion sociale, c’est réconcilier par une voie inattendue mais féconde l’aspiration à l’égalité et la soif de liberté.