Une aventure industrielle en Chine : vision et pragmatisme
Si l’intérêt du marché chinois est aujourd’hui la chose la mieux partagée du monde, il n’en était pas forcément de même au début du XXe siècle. Il fallait une part de rêve et beaucoup d’audace pour vouloir s’y établir et peu d’Européens tentaient l’aventure.
Quelques entreprises firent partie des pionniers, dont le Groupe Air Liquide. Fondé en 1902, celui-ci anticipe vite le potentiel considérable du continent asiatique et s’implante dès 1907 au Japon, 1910 à Hong-Kong et 1917 à Singapour. D’autres implantations suivent, en particulier en Chine, souvent sous forme de joint ventures avec un ou plusieurs partenaires. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le changement de régime conduit le groupe à abandonner son implantation en Chine à l’exception de Hong-Kong.
L’entrée du groupe dans la Chine nouvelle se fera par étapes et appliquera une triple maxime : patience, prudence, persévérance.
Après une première joint venture dans la province de Canton, réalisée en 1987 par le canal de sa filiale de Hong-Kong, c’est en 1990, à Shanghai, qu’il sera autorisé à constituer sa première filiale à 100%, Air Liquide Shanghai Co Ltd, pour fournir à l’industrie électronique naissante de la région des gaz de haute pureté.
Une implantation progressive et ciblée
Les années quatre-vingt-dix voient la Chine assouplir ses réglementations, accueillir favorablement les investissements étrangers et, plus globalement, s’ouvrir au monde extérieur. Le groupe crée alors une dizaine de sociétés lui permettant de s’établir dans les bassins industriels existants ou émergents de manière à pouvoir répondre à la demande de la grande industrie. Les principales zones concernées par ce développement sont celles de Canton au Sud, Shanghai, au milieu de la façade maritime, et la région de Tianjin-Beijing au Nord. Une filiale est également constituée dans la province de Sichuan dont la société se retirera par la suite.
Les gaz industriels voyagent mal. Grâce à son centre d’ingénierie de Hangzhou près de Shanghai, créé en 1995 et employant plus de 160 personnes, le groupe se dote de la capacité de concevoir, réaliser et mettre en service des installations de production de toutes tailles, aux meilleurs standards internationaux, soit en vendant des usines de production, soit en les investissant pour fournir les gaz de l’air nécessaires à la grande industrie.
Après plus de six ans de propositions et de négociations, une nouvelle entité a été créée en 2002, la Shanghai Chemical Industry Park Industrial Gases Company Ltd, pour servir la zone pétrochimique en plein essor de Caojin, à côté de Shanghai.
Il s’agit d’être à la fois mondial et local. Les équipes se mettent en place. La concurrence aussi !
L’activité électronique, point d’entrée du groupe en Chine via Shanghai, se développe très rapidement et compte à présent plusieurs sociétés internationales comme NEC, ASMC, GSMC, SMIC… L’électronique représente aujourd’hui 30 % du chiffre d’affaires réalisé par celui-ci en Chine.
Pour servir, en gaz liquéfiés ou comprimés, les industries de transformation de moyenne et petite taille dans des domaines allant de l’alimentaire à l’automobile en passant par la pharmacie, le verre ou la fabrication métallique, notre groupe s’appuie sur ses usines de Tianjin, de Shanghai, de Wuxi (près de Shanghai) et de la zone de Canton.
Il a également largement développé l’installation d’appareils « sur le site » produisant le gaz directement chez le client, ce qui supprime les problèmes d’acheminement encore difficilement surmontables à l’échelle du pays.
L’activité Santé du groupe reste pour l’instant principalement limitée à la vente de matériels médicaux et à la fourniture en oxygène de quelques établissements hospitaliers.
Le formidable défi chinois, aujourd’hui et demain
Aujourd’hui, la société compte une quinzaine de filiales ou de joint ventures réparties sur la façade de la Chine, là où le développement économique est plus rapide. Le chiffre d’affaires réalisé en Chine est voisin de 100 millions d’euros et connaît une croissance soutenue. Les nouveaux investissements sont très importants et permettront de franchir une nouvelle étape. Le nombre total des salariés du groupe en Chine est actuellement d’environ 800 personnes.
Comme à l’habitude, il est fait appel essentiellement à des collaborateurs locaux, le nombre d’expatriés travaillant en Chine restant très limité.
L’attrait de la Chine ne se dément pas : ce gigantesque pays recèle un marché intérieur avide de consommation, d’amélioration de son niveau de vie. Il attire désormais les investissements étrangers par son taux de croissance élevé, par le coût attrayant de la main-d’œuvre mais aussi par la possibilité de recruter des cadres chinois bien formés. Les contraintes bancaires, administratives s’allègent au fur et à mesure que la Chine s’ouvre au monde.
La Chine est ainsi devenue le premier pays au monde en termes de volume de nouveaux investissements en provenance de l’étranger. Depuis trois ans, des projets majeurs à l’échelle mondiale ont été lancés dans le domaine de l’énergie, la pétrochimie ou l’électronique.
Les atouts de la réussite
La réussite en Chine passe sans doute par des choix : le pays est si vaste et contrasté que l’on doit définir des points d’entrée pouvant constituer des têtes de pont. On se doit également de choisir soigneusement les marchés, les clients et les partenaires.
Le facteur temps prend tout son sens en Asie et particulièrement en Chine. Une relation de confiance dans la durée est un autre atout indispensable pour établir des liens solides avec les clients, les fournisseurs et les autorités.
Le développement rapide de la Chine voit l’émergence de grands groupes industriels chinois qu’il faut identifier, connaître. Apprendre à travailler avec ces nouveaux acteurs, comprendre et anticiper leurs besoins pour leur proposer des solutions adaptées, est l’un des enjeux qui nous attendent au cours des prochaines années. Rechercher, trouver et conserver des collaborateurs locaux de talent est aussi l’un des défis majeurs que les entreprises voulant s’implanter en Chine devront relever : les viviers sont encore en nombre limité, les candidats de qualité sont très sollicités et la compétition est âpre.
Sans rêver d’un marché d’1,3 milliard d’habitants – la population en Chine est essentiellement rurale -, les seules provinces côtières représentent à court terme un potentiel comparable à ce que sont les premières économies mondiales des États-Unis ou du Japon. Fidèle à sa tradition de développement à l’international, Air Liquide s’attache à devenir un acteur de référence dans ses métiers au sein de ce grand pays en pleine évolution.
Promenade au centre de Shanghai, vue sur plusieurs gratte-ciels. PHOTO JEAN-MARC DUMAS