Un épisode de la Résistance : le trésor caché
Affecté depuis 1930 à la Direction de l’exploitation téléphonique du ministère des PTT comme ingénieur à la Section technique, je connaissais bien, parmi les services qui en dépendaient, l’existence boulevard Brune, à Paris XIVe, d’un service dit » des ateliers et du matériel » qui était, en particulier, chargé d’acheter puis de répartir sur l’ensemble du territoire français tout le matériel téléphonique d’usage courant. Et j’avais aussi appris que ce service possédait – depuis longtemps – à Limoges une annexe (couramment appelée » Le Mas Loubier ») sous forme d’une ancienne usine de porcelaine désaffectée.
Pour en venir à des temps un peu moins anciens, j’ajoute que je passais la période appelée longtemps » la drôle de guerre « , comme commandant d’une compagnie télégraphique d’armée puis comme » adjoint-fil » au général commandant la 5e armée, enfin comme prisonnier dans un oflag bavarois. Libéré comme père de famille nombreuse, en mars 1941 je repris ma place à la Section technique du Ministère mais pour quelques mois seulement car Charles Lange (1910) (mon directeur au ministère des PTT) profita d’une nouvelle disposition législative créant les nouvelles régions de France pour me nommer directeur régional des télécommunications à Limoges, et, m’y envoyant fin 1941, Lange ne me donna qu’une seule recommandation particulière : » Dumas-Primbault, vous trouverez à Limoges un dépôt à nous, au Mas Loubier, où nous avons dû accepter de dissimuler une importante quantité de matériel de guerre confié par l’armée, et je compte sur vous pour qu’en aucun cas les Allemands ne mettent la main sur ce trésor ! »
Mais où était-il ce trésor ? Et quel était-il ? Dès que je pus, au début de 1942, connaître et visiter les lieux, j’y fus reçu et guidé par les trois seuls agents qui s’y trouvaient, un inspecteur et deux expéditionnaires, qui me firent visiter de vastes locaux entièrement vides ! Et une enquête ultérieure, plus étendue, me révéla que les lieux n’avaient jamais été utilisés… même au temps où, après les avoir fait construire avant 1914, la famille Haviland, initiatrice de la construction, avait dû renoncer à ses projets et céder l’ensemble aux PTT.
Mais alors où était le trésor ? Les trois occupants, seuls présents mais presque aussi nouveaux que moi dans les lieux, ne purent me faire qu’une suggestion : les fours à porcelaine, eux-mêmes vastes constructions (quelque vingt mètres de hauteur), hermétiquement clos, accessibles seulement à l’extrémité du bas, pour le chauffage, et à celle du haut, pour l’extraction, n’avaient jamais été visités, ni même peut-être ouverts ! Le matériel recherché, tant convoité ne pouvait être que là ! Quel était-il ? Je continuais – comme tout le monde – à l’ignorer.
La guerre continuait, elle aussi, et l’Allemagne, isolée par les océans, avait besoin de métaux. Le plan Fellkiebel (du nom du général qui en avait la charge) s’occupait avant tout de récupérer le cuivre ; et, avec les statues de bronze qui ornaient nos villes, les grosses artères téléphoniques qui bordaient routes et voies ferrées nourrissaient les envies, d’où des pressions plus fortes sur les PTT qui n’épargnèrent pas les régions méridionales jusque-là relativement protégées par la bien connue » ligne de démarcation « .
Les zones urbaines et notamment les locaux réputés » magasins » étaient particulièrement menacés. J’envisageais donc un repli de » nos trésors » sur des zones moins exposées et, dans cette région limousine à habitat rural dispersé, je trouvais sans trop de difficulté quelque 70 sites différents (dont les propriétaires acceptèrent de me louer, ici ou là, quelque 30 ou 40 mètres carrés de cave ou de grenier) discrets.
Aussi, quand le 12 novembre 1942, l’armée allemande occupa réellement la zone » nono* » au sud de la ligne dite de démarcation, je me décidai à agir en mobilisant immédiatement autour du Mas Loubier tous les camions de transport possibles… et je fis ouvrir les énigmatiques fours-magasins. Ils étaient bourrés de bobines de fil de cuivre nu, un matériel qui n’était d’aucun usage possible dans le service de transmission de l’armée française, mais dont l’origine militaire était indiscutable puisque chaque bobine était dûment estampillée » US Army » ! Le soir même tout ce matériel était à l’abri dans les caches préparées.
Il se trouva, par la suite, que six ou sept caches arrivèrent (par des dénonciations sans doute) à être connues des occupants allemands et j’eus – à deux reprises – à faire face à des entretiens » difficiles » dans les locaux de la police allemande. J’ai eu très, très chaud !
Mais la chance fut avec moi car le Feldnachrichtenkommandant de Limoges se trouvait être un professeur viennois peu combatif qui confirma que, d’après les termes mêmes des conditions de l’armistice de 1940, les autorités françaises des PTT avaient, dans la zone non occupée, libre disposition de leurs magasins !
Et c’est à cela que je dois d’être là à vous raconter cette histoire, plus heureux donc que ceux de nos camarades avec lesquels j’étais en contact dans cette » résistance » : Gatard (X 1928), Romon (X 1925), fusillés après avoir été jugés par un tribunal militaire allemand, Hanff (X 1917) fusillé de même à Brantôme (Dordogne) à titre d’otage, je crois.
Ainsi se termina l’affaire des cassettes magiques (!) restée inéclaircie cependant sur un point : personne n’a jamais pu me dire comment ce matériel rare y était arrivé !
* N. D. L. R. : c’est-à-dire non occupée.
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Recherche des descendants de Jacques DUMAS-PRIMBAULT
Durant la 2ème guerre mondiale, ma mère, qui était juive, a été cachée pendant plusieurs mois dans la demeure des Dumas-Primbault à Limoges. Elle a ainsi pu échapper à la déportation en camp d’extermination et à une mort probable.
En témoignage de ma gratitude envers M. et Mme Dumas-Primbault, je souhaiterai entamer les démarches nécessaires afin de leur faire attribuer la Médaille des Justes, même à titre posthume.
Mais je désire auparavant obtenir l’autorisation de Madame Dumas-Primbault ou de leurs enfants, sur lesquels je n’ai aucune information.
Si vous connaissez leurs coordonnées, vous serait-il possible de m’aider dans mes recherches en leur transmettant ma demande et mon adresse courriel, afin qu’ils prennent directement contact avec moi s’ils le souhaitent
Avec mes remerciements anticipés.
Bonjour,
Je suis une des
Bonjour,
Je suis une des petite-fille de Jacques Dumas-Primbault.
Je m’intéresse beaucoup a l’histoire de ma famille et serais heureuse de pouvoir entrer en contact avec vous.