La modernisation de la gestion publique
La modernisation de la gestion publique s’appuie sur les principes du New Public Management tels qu’ils ont été mis en œuvre, dès les années 1980, par nombre de pays de l’OCDE, au rang desquels figurent en bonne place le Canada, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni avec le programme Next Steps de 1989.
Pour mener à bien les réformes préconisées par la Nouvelle Gestion publique qui, pour chaque projet, associent objectifs, indicateurs et systèmes d’informations, il convient d’avoir une approche systémique de la réforme de l’État. De même, il est utile de garder en mémoire que la réforme de l’État n’est pas une destination mais un voyage dont la modernisation de la gestion publique est une composante essentielle.
Pour répondre à ces enjeux, prioritaires pour le gouvernement, la Délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l’État (DMGPSE) a été créée par décret du 21 février 2003. La DMGPSE est un service du Premier ministre mis à la disposition du ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l’État et de l’Aménagement du territoire. La DMGPSE a notamment pour mission de promouvoir la modernisation de la gestion publique. Les actions qui s’y rattachent se fondent sur trois axes stratégiques majeurs, la conduite du changement, le pilotage stratégique et l’évaluation, et sur des chantiers de première importance comme la gestion immobilière ou les achats publics.
La conduite du changement
Les stratégies ministérielles de réforme
Les stratégies ministérielles de réforme (SMR) annoncées par le Premier ministre dès le 2 décembre 2002 et précisées par la circulaire datée du 25 juin 2003 s’articulent autour de trois grandes priorités : l’analyse des missions et les propositions de réforme en termes de structures, l’évolution des modes de gestion des ressources humaines et l’intensification de la démarche qualité. Les SMR actualisées annuellement sont élaborées pour une législature par chaque ministre. Les SMR ont vocation à renforcer le processus démocratique et à donner une plus grande lisibilité aux réformes engagées en faveur de la modernisation de la gestion publique, non seulement parce qu’elles reposent sur l’implication personnelle des ministres, la concertation avec les agents et l’examen du Parlement, auquel elles ont été présentées dès 2003, mais aussi parce qu’elles peuvent être consultées par chaque citoyen. Les SMR feront l’objet de procédures d’évaluation et de suivi des engagements.
La mise en œuvre de la LOLF
La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances remplace l’ordonnance de 1959 et vise à instituer une nouvelle constitution financière de l’État. La LOLF correspond au passage d’une culture de moyens à une culture de résultats, comme en témoignent les trois objectifs principaux qui visent à favoriser la stratégie pluriannuelle, à améliorer la transparence et à accroître l’efficacité, en se plaçant du triple point de vue du citoyen, de l’usager et du contribuable. La DMGPSE est impliquée dans sa mise en œuvre puisque la loi introduit de nombreux changements en termes de gestion publique. La mise en œuvre de la LOLF doit prendre appui sur la généralisation du contrôle de gestion au sein des administrations centrales et sur l’élaboration d’une chaîne d’objectifs, d’indicateurs et de systèmes d’informations.
La réforme de l’administration territoriale
La nouvelle étape de la décentralisation aura naturellement une incidence sur l’organisation des services déconcentrés de l’État et plus globalement sur la déconcentration de l’administration. Les travaux interministériels menés depuis avril 2003 ont permis d’arrêter les grandes lignes de la réforme qui consiste en :
- la recherche d’un meilleur pilotage stratégique de l’action territoriale de l’État, fondé sur une organisation du niveau régional autour d’un nombre restreint de pôles. La constitution de ces pôles vise à regrouper les services de l’État autour du préfet de Région et à obtenir une meilleure coopération d’ensemble, une économie de moyens, mais aussi une simplification pour l’usager. Les échelons régional et départemental ont vocation à devenir respectivement des niveaux de conception et d’exécution ;
- le renforcement des outils de la déconcentration, et notamment du Projet territorial de l’État (PTE), dont la nouvelle génération, désormais nommée » Projet d’action stratégique de l’État » (PASE), doit entrer en vigueur en 2004. Les PASE seront déclinés aux niveaux régional et départemental et devront être en cohérence avec les Directives nationales d’orientation (DNO) définies par les différents ministres.
La rénovation de la GRH
La rénovation de la GRH est un élément clé de la réforme de l’État. Elle doit évoluer selon quatre axes principaux, à savoir la déconcentration, la réduction du nombre de corps, la reconnaissance du mérite et la gestion prévisionnelle des postes, des emplois et des carrières. Cette rénovation s’inscrit dans le respect des principes fondamentaux de notre fonction publique de carrière : égalité d’accès, neutralité, continuité.
Le pilotage stratégique
Le développement du contrôle de gestion
Le développement du contrôle de gestion au sein des services de l’État est une priorité dont le pilotage est assuré par la DMGPSE. Le contrôle de gestion représente, pour les administrations, une réforme aussi bien culturelle que managériale et doit permettre une meilleure maîtrise de la dépense publique. L’accompagnement du contrôle de gestion a donné lieu à des actions de formation et de sensibilisation et à la rédaction et à la diffusion, en juin 2002, d’un guide méthodologique intitulé Le contrôle de gestion dans les administrations de l’État et éléments méthodologiques. De même, un ouvrage sur les bonnes pratiques de contrôle de gestion est en cours de rédaction. Afin de préciser ces travaux, la délégation conduit actuellement une enquête sur l’état d’avancement de la généralisation du contrôle de gestion dans les administrations de l’État. Cette enquête doit permettre non seulement d’évaluer les réformes déjà entreprises, mais aussi de préciser les actions à poursuivre ou à engager.
Le développement de la contractualisation
La contractualisation traduit une évolution culturelle majeure de l’administration française, dans la mesure où s’ajoute à la logique hiérarchique traditionnelle une logique contractuelle jusqu’alors peu répandue. C’est un des fondements du dialogue de gestion qui se met progressivement en place.
Un guide méthodologique et un rapport sur le bilan de la contractualisation au sein de l’administration ont déjà été publiés et largement diffusés en 2001 et 2002. L’effort d’information et de mutualisation s’est encore trouvé renforcé en 2003 puisque a été établi un » recueil d’extraits choisis » des contrats d’objectifs dans l’administration à partir des contrats récents centralisés par la délégation. Ce document vise à proposer aux ministères une liste des pratiques remarquables afin de contribuer à la généralisation de la contractualisation dans les administrations.
Le pilotage stratégique des établissements publics nationaux
Un club de réflexion sur les établissements publics nationaux a été mis en place en juin 2002. Ce club vise à poursuivre, dans un cadre informel, les échanges entre les établissements publics et leurs tutelles. Les principaux thèmes abordés concernent le pilotage des établissements, les relations avec les tutelles, la contractualisation ou les projets d’établissement. La mise en œuvre de la LOLF s’accompagne de profondes modifications dans la gestion des établissements publics. Dès lors, pour renforcer la capacité de pilotage des administrations centrales, le passage d’une tutelle administrative à une tutelle stratégique doit permettre, à terme, d’établir une relation entre l’allocation des ressources et l’impact des politiques publiques.
L’externalisation et le partenariat public-privé (PPP)
L’externalisation, avec la mise en œuvre de partenariats publics-privés, tend à devenir un mode de gestion à part entière, mais la décision d’externaliser une activité doit répondre à une triple logique :
- la logique de recentrage sur le cœur de métier, qui vise à gagner en compétitivité et en réactivité par le biais de nouvelles stratégies d’organisation et d’une plus grande flexibilité ;
- la logique budgétaire, qui doit permettre d’optimiser les coûts de développement, de gestion et de production ;
- la logique de création de valeur, qui se fonde sur la volonté de mettre en œuvre une relation gagnant-gagnant entre la personne publique et la personne privée et qui doit permettre une optimisation permanente des services et un gain réel en termes de qualité et de performance.
Un guide des bonnes pratiques est en cours d’élaboration.
L’évaluation
L’évaluation constitue un axe stratégique de la modernisation de la gestion publique à redéfinir, dans la mesure où le Commissariat général du Plan se recentre sur la fonction prospective (État stratège) en renonçant à son rôle en matière d’évaluation des politiques publiques. Pour l’heure, la mission sur l’évaluation à la DMGPSE recouvre les aspects liés à l’assistance méthodologique à la maîtrise d’ouvrage en tant que besoin, à l’aide au suivi et à la coordination des démarches d’évaluation et à l’association aux travaux du Comité interministériel d’audit des programmes LOLF. L’évaluation des politiques publiques doit s’inscrire dans un dispositif interministériel notamment en ce qui concerne les aspects budgétaires, managériaux ou expérimentaux.
Deux grands chantiers
L’immobilier public
L’État est le premier propriétaire immobilier de France et possède 10,3 millions de m2 de bureaux. Cependant, les rapports récents de l’Inspection générale des finances sur la politique immobilière de l’État ont conclu à l’importance d’une » réflexion de l’État sur l’évolution de ses structures, de ses compétences, de ses outils susceptibles d’améliorer la gestion du parc existant et la conduite des opérations immobilières futures « .
L’objectif est de développer une expertise interministérielle sur la politique immobilière afin de favoriser une gestion optimale du patrimoine. Il s’agit également de mettre en place un outil performant permettant de réaliser et suivre la commercialisation des locaux dont l’administration n’a plus besoin.
Le rapport Debains propose la création d’une Agence des propriétés immobilières de l’État (APIE) qui devrait aliéner un million de m2, après rénovation par ordonnance du Code des propriétés publiques. Cinq cents millions d’euros de recettes sont attendus en 2004.
L’achat public
L’achat public vise à répondre à un besoin de l’administration, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics. Ce besoin doit être identifié et analysé avec une attention particulière par les services utilisateurs, dans la mesure où le choix de la procédure et la réussite de l’achat public en dépendent. Les exigences juridiques et les conditions économiques doivent permettre, par la passation d’un marché public, l’achat au meilleur rapport qualité/prix, en fonction des critères définis dans le cahier des charges, conformément au nouveau Code des marchés publics.
Des actions vont être prochainement lancées quant au suivi des procédures d’achat public, dans la mesure où ce chantier recouvre un gisement potentiel d’économies importantes pour les administrations publiques. Le niveau interministériel semble adapté à l’évaluation de l’efficacité d’un achat public au vu des objectifs préalablement fixés en termes de qualité, de coûts et de délais de réalisation, et à la centralisation des expériences passées et en cours afin d’élaborer un guide des bonnes pratiques
La modernisation de la gestion publique s’inscrit ainsi dans une perspective de très long terme : il n’y aura pas de grand soir de la réforme de l’État, et une telle idée n’est pas même souhaitable, parce que la mise en œuvre des principes de la Nouvelle Gestion publique correspond à un changement culturel majeur au sein de la Fonction publique. Les enjeux organisationnels ne peuvent être appréhendés indépendamment des enjeux humains.
Cependant, les travaux engagés demeurent plus que jamais fondamentaux, puisque les retombées attendues s’avèrent décisives. Il y va non seulement de l’amélioration de la qualité et de l’efficacité de l’action administrative, mais aussi de l’effort fourni afin de renforcer le lien et l’attachement des citoyens, usagers et contribuables à l’État et aux missions de service public.
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Strategie et modeles eco des structures publiques parapubliques
Nous pourrions penser que les organisations publiques devraient-être gérées comme des entreprises ? Pas tout à fait. Si les méthodes s’avèrent transposables, les objectifs ne le sont pas. D’un côté la recherche de création de valeur actionnariale qu’elle soit financière ou patrimoniale, de l’autre le sens du bien public et de la richesse collective.
Comprenez nous bien. Il ne s’agit pas de hiérarchiser l’un par rapport à l’autre mais bien de proposer ici une alternative aux orientations que nous donnons à notre intelligence collective. Des entrepreneurs efficients en stratégie et management d’entreprise d’un côté, des administrateurs publics pertinents en « politique » et en planification d’un autre côté, sont suffisamment évolués pour comprendre l’intérêt des uns et des autres de partager leur savoir-faire afin d’atteindre leurs objectifs respectifs, même si à première vu ils peuvent paraître divergents.
Que signifierait un bilan d’une collectivité avec une église comme patrimoine ? L’école du coin a‑t-elle une valeur d’actif ? Pensez-vous que votre mairie doit avoir un résultat économique à 2 chiffres ? Ou préférez-vous ne pas attendre trop longtemps votre certificat de naissance ? Le temps de l’opposition entre gestion des services publics et management des entreprises est maintenant dépassé. L’un se nourrit déjà de l’autre, et vice versa. Le temps de considérer une collectivité comme une entreprise est aussi dépassé. Cependant, nous est-il apparu pertinent de penser que ce que l’on nous enseigne dans les clubs APM (Association Progrès du Management) ou au CPA (Centre international de formations pour dirigeants), peut être avantageusement utilisé au sein d’organisations publiques ou para publiques.
A la condition de comprendre que leurs objectifs sont aussi honorables que la recherche de profit et que la transposition des méthodes n’impliquent pas l’assimilation des buts à atteindre. La recherche de plein emploi, le développement local d’une filière industrielle, la baisse du nombre de sans-logis, la protection de notre environnement, l’amélioration des transports en commun, la transformation numérique, l’accès aux soins pour tous, une école formatrice de citoyens libres, par exemple, peuvent très bien être l’aboutissement d’une démarche managériale stratégique.
Le livre suivant se propose d’adapter les outils stratégiques de l’entreprise aux contraintes des structures publiques et parapubliques et le tout dans une démarche participative. Il s’agit d’une méthode complète allant du positionnement des parties prenantes jusqu’à l’organisation interne en passant par la définition des modèles économiques de la structure. Stéphane Goubet, Laurence Deffieux-Denéchaud, Redéfinir sa stratégie et ses modèles économiques quand on est une structure publique ou para-publique dans un contexte de crise, Paris, Les Editions du Net, 2012, ISBN 978−2−312−00457−0