Atterrissage d’avion.

La navigation par satellite et les opérations critiques pour la vie humaine dans les transports

Dossier : Navigation par satelliteMagazine N°594 Avril 2004
Par Olivier CAREL (55)
Par Raymond ROSSO (67)

La navi­ga­tion par satel­lite faci­lite consi­dé­ra­ble­ment de nom­breuses opé­ra­tions de trans­port. Actuel­le­ment, cepen­dant, elle ne se prête pas bien aux opé­ra­tions qui ne souffrent ni erreurs, ni inter­rup­tions de ser­vice comme les approches et les atter­ris­sages des avions de trans­port public.
Aux limi­ta­tions tech­niques s’a­joutent le risque de brouillages et des dif­fi­cul­tés éco­no­miques et juri­diques. Ces dif­fi­cul­tés seront peu à peu levées, en par­ti­cu­lier avec l’in­tro­duc­tion d’E­GNOS et de Galileo.

La navi­ga­tion par satel­lite a été uti­li­sée pour la navi­ga­tion mari­time dès le début de l’ère spa­tiale avec le sys­tème Tran­sit, mais les posi­tion­ne­ments n’é­taient pos­sibles que quelques fois par jour. La navi­ga­tion par satel­lite telle qu’elle se pré­sente actuel­le­ment a été défi­nie par les mili­taires amé­ri­cains au cours de la guerre du Viêt­nam. Son uti­li­sa­tion par l’a­via­tion civile a été offerte par le pré­sident Rea­gan à la suite de la des­truc­tion en vol par l’a­via­tion mili­taire sovié­tique du Boeing 747 sud-coréen en 1983.

Aujourd’­hui, l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion par satel­lite pour gui­der les navires, même les plus petits, est deve­nue uni­ver­selle, mais ce posi­tion­ne­ment en mer ne joue, en géné­ral, pas de rôle cri­tique pour la vie humaine, d’autres sources d’in­for­ma­tion étant dis­po­nibles et le temps dis­po­nible pour les inter­pré­ter étant rela­ti­ve­ment confortable.

Les appli­ca­tions aéro­nau­tiques sont autre­ment exi­geantes, les erreurs de gui­dage et même l’in­ter­rup­tion du gui­dage pou­vant deve­nir cri­tiques pour la sécu­ri­té de la vie humaine. Les appli­ca­tions de la navi­ga­tion par satel­lite aux avions civils com­mencent à se déve­lop­per, compte tenu des avan­tages nom­breux qu’elle apporte par rap­port aux moyens de navi­ga­tion clas­siques basés au sol. Ce sont ces appli­ca­tions aéro­nau­tiques qui seront prin­ci­pa­le­ment évo­quées ici. On revien­dra en fin d’ar­ticle sur le cas des autres moyens de transport.

Les bénéfices attendus de la navigation par satellite pour le transport aérien

Les béné­fices atten­dus de la navi­ga­tion par satel­lite pour le trans­port aérien inter­na­tio­nal sont très nombreux.

Depuis déjà une dizaine d’an­nées, l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion par satel­lite par le trans­port aérien est auto­ri­sée pour cer­taines opé­ra­tions. C’est la Dixième confé­rence de navi­ga­tion aérienne, orga­ni­sée par l’Or­ga­ni­sa­tion de l’a­via­tion civile inter­na­tio­nale (OACI) en 1991, à Mont­réal, qui a lan­cé le mou­ve­ment de mise en ser­vice de la navi­ga­tion par satel­lite dans le trans­port aérien mon­dial pour toutes les phases du vol.

Celles-ci com­prennent le dépla­ce­ment de l’a­vion entre la porte de départ et la piste de décol­lage, la tra­jec­toire de départ, la croi­sière dans les espaces aériens à haute den­si­té de tra­fic, la croi­sière éven­tuelle au-des­sus des océans ou des régions inha­bi­tées, la tra­jec­toire d’ar­ri­vée, l’ap­proche et l’at­ter­ris­sage, le rou­lage au sol pour rejoindre la porte d’arrivée.

Les États-Unis et la Rus­sie ont mis offi­ciel­le­ment à la dis­po­si­tion du trans­port aérien mon­dial les signaux de navi­ga­tion émis par les satel­lites mili­taires GPS et GLONASS.

Aujourd’­hui c’est essen­tiel­le­ment la constel­la­tion GPS qui est uti­li­sée, car c’est la seule dont le nombre de satel­lites per­met d’as­su­rer un ser­vice de qua­li­té suffisante.

La pre­mière uti­li­sa­tion mise en œuvre a été le gui­dage des avions civils au-des­sus des régions ter­restres sans infra­struc­ture de radio­na­vi­ga­tion au sol : sur­vol des océans, des régions inhabitées.

L’OACI a bap­ti­sé ce nou­veau mode de navi­ga­tion : la navi­ga­tion de sur­face. Elle est mise en œuvre en Europe depuis 1998. La navi­ga­tion par satel­lite est un des moyens de gui­dage qui satis­fait aux exi­gences de per­for­mances de la navi­ga­tion de surface.

Un des objec­tifs pour­sui­vis est d’ar­ri­ver au » free flight « , qui devrait per­mettre d’é­co­no­mi­ser des sommes impor­tantes avec des vols en ligne droite entre départ et arri­vée. Les recherches conti­nuent aux États-Unis et en Europe, pour le mettre en œuvre même en pré­sence de tra­fic dense, en toute sécu­ri­té, en y adjoi­gnant notam­ment un sys­tème de contrôle auto­ma­tique des sépa­ra­tions entre avions en vol, basé sur l’é­mis­sion par chaque avion de sa posi­tion déter­mi­née à l’aide des satel­lites de navigation.

La troi­sième uti­li­sa­tion envi­sa­gée de la navi­ga­tion par satel­lite consiste à étendre la navi­ga­tion de sur­face aux tra­jec­toires d’ar­ri­vée et de départ des aéro­ports. Il est dif­fi­cile de moder­ni­ser ces tra­jec­toires car leur des­sin doit tenir compte des nui­sances sonores res­sen­ties par les popu­la­tions sur­vo­lées. L’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion de sur­face y consti­tue un grand pro­grès. Elle est en œuvre en Europe, pour les plus grands aéro­ports, comme Charles de Gaulle, Hea­throw, Franc­fort, Amsterdam.

La pro­chaine uti­li­sa­tion envi­sa­gée de la navi­ga­tion par satel­lite est le gui­dage, déli­cat, de l’ap­proche des avions jus­qu’à un point près du seuil de la piste d’at­ter­ris­sage, à par­tir duquel le pilote pour­ra poser l’a­vion à vue.

Le gui­dage doit être très pré­cis à la fois hori­zon­ta­le­ment et dans le plan ver­ti­cal, afin d’é­vi­ter tout risque de col­li­sion avec le relief et les obs­tacles. Les temps de réac­tion que l’on peut accor­der au pilote et aux auto­ma­tismes dans les der­nières secondes du vol sont très brefs.

Plu­sieurs pays ont auto­ri­sé l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion par satel­lite pour gui­der les approches sur cer­tains aéro­dromes, en uti­li­sant uni­que­ment les infor­ma­tions de posi­tion­ne­ment dans le plan hori­zon­tal, la posi­tion ver­ti­cale res­tant baro­mé­trique. Ce sont des » Approches de non-pré­ci­sion GPS « . Elles rem­placent avan­ta­geu­se­ment des approches du même type gui­dées par des moyens de radio­na­vi­ga­tion au sol. Ces pro­cé­dures d’ap­proche de non-pré­ci­sion gui­dées par satel­lite peuvent être déployées sur des aéro­dromes ou des pistes qui ne dis­po­saient pas de pro­cé­dures conve­nables, en par­ti­cu­lier dans des pays où l’in­fra­struc­ture au sol est très limitée.

Pour pour­suivre ce pro­grès, l’OA­CI pré­co­nise des approches dont le gui­dage serait entiè­re­ment assu­ré par satel­lite. Avec de telles approches, les avions pour­ront béné­fi­cier d’un gui­dage à trois dimen­sions presque aus­si pré­cis que celui four­ni par le sys­tème tra­di­tion­nel de pré­ci­sion ILS, du moins de caté­go­rie I, la plus limi­tée, en usage sur tous les aéro­dromes impor­tants. Une recom­man­da­tion dans ce sens a été prise lors de la Onzième confé­rence de navi­ga­tion aérienne qui s’est tenue à Mont­réal, en sep­tembre 2003, et à laquelle ont par­ti­ci­pé 700 repré­sen­tants de 122 pays et 24 orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales dont, en par­ti­cu­lier, l’As­so­cia­tion inter­na­tio­nale des trans­por­teurs aériens (IATA).

Aux États-Unis, de telles approches sont mises en œuvre pro­gres­si­ve­ment depuis juillet 2003 par suite de l’en­trée en ser­vice du WAAS, sys­tème de ren­for­ce­ment qui émet des infor­ma­tions com­plé­men­taires à GPS depuis des satel­lites géo­sta­tion­naires. En Europe, cela sera aus­si pos­sible dès que le sys­tème équi­valent, EGNOS, entre­ra en ser­vice. Le déploie­ment de ces pos­si­bi­li­tés pour­ra pro­gres­si­ve­ment s’é­tendre à l’Afrique.

Si une inter­rup­tion de ser­vice d’un ILS se pro­duit sur un aéro­drome très impor­tant comme Rois­sy sur lequel sont effec­tuées des approches simul­ta­nées en paral­lèle, EGNOS per­met­tra de main­te­nir sen­si­ble­ment la cadence des atterrissages.

À plus long terme, les trans­por­teurs aériens espèrent bien pou­voir uti­li­ser la navi­ga­tion par satel­lite pour effec­tuer des atter­ris­sages auto­ma­tiques. Dans ce cas, il s’a­git de gui­der les avions jus­qu’au sol, et d’as­su­rer l’ar­rêt de l’a­vion sur la piste. Les sys­tèmes actuels de navi­ga­tion par satel­lite et leurs ren­for­ce­ments pré­vus n’offrent pas des per­for­mances de gui­dage suf­fi­santes. Pour cela, il fau­dra attendre la mise en ser­vice de Gali­leo et des nou­velles géné­ra­tions des sys­tèmes GPS et GLONASS et mettre en œuvre des sys­tèmes de ren­for­ce­ment dif­fé­ren­tiel au sol. Des tra­vaux de recherche sont en cours dans le monde et semblent très prometteurs.

La der­nière appli­ca­tion envi­sa­gée de la navi­ga­tion par satel­lite est le gui­dage des dépla­ce­ments des avions au sol. Aujourd’­hui, les avions com­mer­ciaux sont capables d’at­ter­rir de manière auto­ma­tique, en pré­sence d’un brouillard épais ; par contre, les dépla­ce­ments au sol pour rejoindre le par­king sont diri­gés à vue et posent de sérieux pro­blèmes aux pilotes. L’ac­ci­dent récent de Milan a fait prendre conscience des risques impor­tants pour la sécu­ri­té liés à ces dépla­ce­ments au sol en cas de brouillard : un pilote per­du risque de péné­trer sur une piste par erreur et pro­vo­quer une col­li­sion avec un avion qui décolle ou atterrit.

La pré­ci­sion hori­zon­tale requise est grande, car il s’a­git de main­te­nir les roues des avions sur des voies de cir­cu­la­tion qui sont de moi­tié moins larges que la piste. Cette pré­ci­sion devrait être dis­po­nible avec la mise en ser­vice des sys­tèmes comme EGNOS, ou la mise en place de sys­tèmes de ren­for­ce­ment dif­fé­ren­tiel au sol.

À terme, d’i­ci quelques années, il devrait être pos­sible de sup­pri­mer la plu­part des coû­teux équi­pe­ments clas­siques de radio­na­vi­ga­tion de bord et des sys­tèmes cor­res­pon­dants au sol. C’est le prin­ci­pal béné­fice atten­du par le trans­port aérien : dis­po­ser d’un sys­tème de navi­ga­tion unique pour toutes les phases du vol.

Les freins à la mise en œuvre pour le transport aérien

Les freins à l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion par satel­lite sont d’a­bord techniques.

Le pre­mier concerne la pré­ci­sion. Le sys­tème amé­ri­cain GPS a été long­temps limi­té en pré­ci­sion par une dégra­da­tion volon­taire des per­for­mances acces­sibles aux civils afin d’en inter­dire l’emploi pour des appli­ca­tions hos­tiles aux États-Unis. Cette dégra­da­tion volon­taire a été inter­rom­pue en juin 2000, mais rien n’in­ter­dit aux États-Unis de la remettre en ser­vice en cas de crise internationale.

La pré­ci­sion de posi­tion­ne­ment du GPS, même sans la dégra­da­tion volon­taire, reste insuf­fi­sante, sur­tout dans le plan ver­ti­cal. On a vu plus haut que, pour pou­voir assu­rer le gui­dage des approches dans le plan ver­ti­cal, il fau­dra amé­lio­rer la pré­ci­sion en uti­li­sant des sys­tèmes de ren­for­ce­ment, soit EGNOS, soit des sta­tions de ren­for­ce­ment dif­fé­ren­tiel d’aé­ro­drome. La mise en ser­vice de Gali­leo et des nou­velles géné­ra­tions des constel­la­tions GPS et GLONASS, avec leurs signaux à large bande émis sur plu­sieurs fré­quences, amé­lio­re­ra fon­da­men­ta­le­ment le service.

Le deuxième frein à l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion par satel­lite est la dis­po­ni­bi­li­té des signaux de navi­ga­tion : il existe des moments où un récep­teur ne reçoit pas assez de satellites.

Atter­ris­sage d’avion. © DGAC-VÉRONIQUE PAUL

Pour le sys­tème amé­ri­cain GPS, le nombre de satel­lites actuel­le­ment en ser­vice est impor­tant, de l’ordre de 27, mais la constel­la­tion com­prend de nom­breux satel­lites dont la durée de vie spé­ci­fiée a été dépas­sée, et sus­cep­tibles de tom­ber en panne. Avec une constel­la­tion GPS mini­male, 21 satel­lites, les pertes locales de ser­vice pour­raient durer plu­sieurs dizaines de minutes. Une panne sou­daine d’un satel­lite peut mettre en dan­ger un atter­ris­sage. Une solu­tion consiste à aug­men­ter le nombre de satel­lites en orbite. Les satel­lites géo­sta­tion­naires du sys­tème EGNOS garan­ti­ront, par­tout en Europe, la récep­tion d’au moins deux signaux de navi­ga­tion en plus. Gali­leo avec ses 27 satel­lites garan­ti­ra une conti­nui­té totale.

Le troi­sième obs­tacle à l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion par satel­lite est le plus cri­tique car il concerne la sécu­ri­té : c’est l’in­té­gri­té insuf­fi­sante, c’est-à-dire la pos­si­bi­li­té d’er­reurs hors tolé­rances non détec­tables par l’u­ti­li­sa­teur. Comme les satel­lites actuels ne sont pas sur­veillés en per­ma­nence depuis le sol, ce dys­fonc­tion­ne­ment pour­rait n’être signa­lé que plu­sieurs heures après son occur­rence. Un tel délai d’a­larme est inac­cep­table pour les avions qui effec­tuent des opé­ra­tions cri­tiques comme les approches.

L’in­té­gri­té du posi­tion­ne­ment peut être amé­lio­rée de plu­sieurs manières. La pre­mière solu­tion consiste à trai­ter dans le mobile les signaux d’au moins cinq satel­lites, ce qui per­met de détec­ter rapi­de­ment la défaillance éven­tuelle d’un satel­lite, et même de l’i­den­ti­fier : les récep­teurs de navi­ga­tion aéro­nau­tique auto­ri­sés doivent tous effec­tuer cette sur­veillance de l’in­té­gri­té. Faute d’as­sez de satel­lites, des trous de ser­vice de ce contrôle d’in­té­gri­té pour le gui­dage laté­ral en approche peuvent durer quelques minutes aujourd’­hui. Un remède sera l’u­ti­li­sa­tion du sys­tème EGNOS, qui va assu­rer la sur­veillance conti­nue des satel­lites GPS et GLONASS au-des­sus de l’Eu­rope, et qui trans­met­tra une alarme aux avions dès qu’un satel­lite subi­ra un dysfonctionnement.

Le qua­trième frein à l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion GPS a été mis en évi­dence dans deux rap­ports récents dont le deuxième, plus alar­mant, celui du Volpe Cen­ter, date de la veille des atten­tats de sep­tembre 2001. Il s’a­git de la grande vul­né­ra­bi­li­té des signaux, très faibles, de la navi­ga­tion par satel­lite aux brouillages, que ceux-ci soient ou non inten­tion­nels, ou dans le pire des cas hos­tiles. Il suf­fit d’une puis­sance de brouillage faible sur la fré­quence unique de fonc­tion­ne­ment des récep­teurs GPS pour rendre les récep­teurs sourds, et le cal­cul de posi­tion impos­sible, dans tout l’es­pace aérien en vue de la source de brouillage.

Le rap­port cité a ana­ly­sé les sources pos­sibles de brouillages non inten­tion­nels et a conclu qu’il était néces­saire de prendre des pré­cau­tions pour s’en pré­mu­nir. La Onzième confé­rence de navi­ga­tion aérienne, en sep­tembre 2003, a recom­man­dé que les États qui décident d’au­to­ri­ser l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion par satel­lite dans leur espace aérien effec­tuent une ana­lyse du risque et mettent en place des mesures de réduc­tion de ce risque. La mesure la plus simple consiste à conser­ver un réseau mini­mal de moyens de radio­na­vi­ga­tion clas­siques et d’o­bli­ger les avions à conser­ver les équi­pe­ments de radio­na­vi­ga­tion correspondants.

Les sys­tèmes comme EGNOS ne per­met­tront pas de com­battre les brouillages car leurs satel­lites émettent sur la fré­quence com­mune à tous les satel­lites GPS. Il fau­dra attendre les satel­lites Gali­leo et la nou­velle géné­ra­tion des satel­lites GPS et GLONASS, pour dis­po­ser de deux fré­quences par satel­lite. Le brouillage non inten­tion­nel d’une fré­quence ne blo­que­ra plus le fonc­tion­ne­ment de la navi­ga­tion par satellite.

Un autre frein impor­tant à la mise en œuvre de la navi­ga­tion par satel­lite est lié au finan­ce­ment de la réa­li­sa­tion et du fonc­tion­ne­ment des sys­tèmes. Pour les constel­la­tions mili­taires GPS et GLONASS, la source de finan­ce­ment est le bud­get de la défense des États-Unis et de la Rus­sie. Pour les sys­tèmes civils comme EGNOS et Gali­leo, il est néces­saire de trou­ver des sources civiles. Il existe un méca­nisme paneu­ro­péen de col­lecte des rede­vances aéro­nau­tiques qui per­met de cou­vrir les coûts de fonc­tion­ne­ment des ser­vices de la navi­ga­tion aérienne. Les com­pa­gnies aériennes accep­te­raient de contri­buer aux coûts de fonc­tion­ne­ment des sys­tèmes euro­péens à condi­tion d’être cer­taines que la part des coûts impu­tée au trans­port aérien soit pro­por­tion­nelle au poids de l’a­via­tion par rap­port à l’en­semble des utilisateurs.

Le der­nier obs­tacle est de nature juri­dique : actuel­le­ment, le trans­port aérien mon­dial s’ef­fec­tue dans le cadre d’une conven­tion inter­na­tio­nale, la conven­tion de Chi­ca­go, datant de 1944. Cette conven­tion pré­voit que les moyens de gui­dage des avions civils sont ins­tal­lés et entre­te­nus par les États signa­taires. Cela implique qu’en cas d’ac­ci­dent dû au dys­fonc­tion­ne­ment d’un moyen de radio­na­vi­ga­tion, l’É­tat qui en a la res­pon­sa­bi­li­té pour­ra être mis en cause, par les ayants droit des vic­times. Les satel­lites de navi­ga­tion mili­taires GPS et GLONASS ne s’in­tègrent pas dans cette règle puisque les États qui auto­risent leur uti­li­sa­tion dans leur espace aérien n’ont aucun contrôle sur le fonc­tion­ne­ment des satel­lites. Les res­pon­sa­bi­li­tés en cas d’ac­ci­dent dû à une défaillance non spé­ci­fiée des satel­lites GPS et GLONASS ne sont pas aujourd’­hui clai­re­ment iden­ti­fiées. Les États uti­li­sa­teurs de la navi­ga­tion par satel­lite exigent un trai­té inter­na­tio­nal qui défi­nisse clai­re­ment les res­pon­sa­bi­li­tés des États opé­ra­teurs des satel­lites. Les États-Unis et la Rus­sie s’y opposent.

Avec le déploie­ment de la constel­la­tion Gali­leo, la situa­tion devrait chan­ger signi­fi­ca­ti­ve­ment. L’o­pé­ra­teur de Gali­leo sera une entre­prise pri­vée. Les États qui déci­de­ront d’au­to­ri­ser l’u­ti­li­sa­tion de Gali­leo dans leur espace aérien signe­ront un contrat avec cet opé­ra­teur, lequel leur garan­ti­ra, en contre­par­tie d’une rede­vance d’u­sage, un niveau de qua­li­té du ser­vice et sur­tout enga­ge­ra sa res­pon­sa­bi­li­té en cas d’ac­ci­dent dû à un dys­fonc­tion­ne­ment du système.

Les autres modes de transport

L’ap­pli­ca­tion de la navi­ga­tion par satel­lite aux autres modes de trans­port pose moins de dif­fi­cul­tés qu’à l’a­via­tion, sauf pour le rail.

Les trans­ports de sur­face sont plus lents, le pilote fait plus sou­vent usage de la vue de l’ex­té­rieur, il peut avoir plus de temps pour com­pa­rer des sources diverses d’in­for­ma­tion. La régle­men­ta­tion est sou­vent moins détaillée que dans l’a­via­tion. Bref, les appli­ca­tions ne sont, pour le moment, pas cri­tiques pour la vie humaine.

C’est en par­ti­cu­lier le cas des acti­vi­tés mari­times. Jamais le navire ne se trouve dans le cas cri­tique des der­nières secondes d’un atter­ris­sage. Les sources de posi­tion­ne­ment du navire com­prennent, entre autres moyens, dès qu’on approche d’une côte, les sondes acous­tiques qui per­mettent de déter­mi­ner sur quelle ligne d’é­gale pro­fon­deur le navire se trouve et cette infor­ma­tion est inter­pré­tée par le per­son­nel de la pas­se­relle grâce, main­te­nant, à des cartes élec­tro­niques. D’autre part, les contacts du navire avec les fonds et les rivages ne sont pas for­cé­ment catastrophiques.

Les erreurs de navi­ga­tion res­tent pos­sibles, elles peuvent ame­ner les navires à frô­ler Oues­sant, par exemple, mais des moyens de sur­veillance depuis la terre ferme sont mis en œuvre pour cela. La source des dys­fonc­tion­ne­ments réside sur­tout dans une mau­vaise ges­tion des moyens humains. Il est évident que le monde mari­time doit pro­gres­ser et accé­der à des régle­men­ta­tions plus pré­cises et plus com­plètes. Cet effort se fait. La navi­ga­tion par satel­lite est deve­nue un outil pré­cieux pour la marine, les offi­ciers savent qu’ils ne peuvent pas lui faire confiance aveuglément.

Le domaine des che­mins de fer res­semble par cer­tains côtés au cas de l’aé­ro­nau­tique avec des exi­gences de sécu­ri­té extrêmes, un contrôle très strict du trans­port par les centres de ges­tion, un réseau de voies bien défi­ni, et, fait nou­veau, des trains appar­te­nant à des orga­nismes pri­vés étran­gers. Le posi­tion­ne­ment des trains se fait sur une seule dimen­sion, la connais­sance de cette posi­tion et de la vitesse est à la por­tée de la navi­ga­tion par satel­lite. Il est fon­da­men­tal de se pré­mu­nir contre les erreurs de voie, mais il ne s’a­git pas là d’un pro­blème que l’on puisse résoudre avec des satel­lites, les voies sont trop proches et l’er­reur trop grave.

Les pos­si­bi­li­tés de la navi­ga­tion par satel­lite sont explo­rées dans la plus grande pru­dence, des essais sont en cours. Reste que les che­mins de fer se sont déve­lop­pés iso­lé­ment dans chaque pays d’Eu­rope, avec, aujourd’­hui, des opé­ra­tions com­plexes pour cer­tains voyages inter­na­tio­naux. Cette situa­tion est en com­plète évo­lu­tion. On n’en est certes pas à exi­ger de la part des com­pa­gnies fer­ro­viaires des rede­vances pour l’u­sage de la navi­ga­tion par satellite.

Le posi­tion­ne­ment par satel­lite des véhi­cules rou­tiers est d’u­sage cou­rant pour la ges­tion de flottes de taxis et de camions et comme aide aux conduc­teurs pour leur pro­po­ser un iti­né­raire et pour s’y main­te­nir, etc. Il ne s’a­git pas de gui­der des opé­ra­tions aveugles, les erreurs, les pertes de signal n’en­traînent que des pertes de temps.

La mise en œuvre de trans­ports » intel­li­gents « , c’est-à-dire infor­ma­ti­sés, peut exi­ger des moyens élec­tro­niques et infor­ma­tiques com­plexes, et cer­taines appli­ca­tions seront cer­tai­ne­ment cri­tiques pour la vie humaine. Des recherches visent à confier à des auto­ma­tismes la sépa­ra­tion entre les véhi­cules sur auto­routes. Ces amé­lio­ra­tions de la flui­di­té du tra­fic sont appa­rem­ment envi­sa­geables. Après tout, nous accep­tons bien de mon­ter dans des métros sans conducteur.

On retrouve dans ces diverses appli­ca­tions de la navi­ga­tion par satel­lite au trans­port de sur­face la néces­si­té d’une régle­men­ta­tion plus com­plète et plus pré­cise éla­bo­rée avec les pro­fes­sions inté­res­sées, le contrôle per­ma­nent de la façon dont les diverses par­ties pre­nantes suivent les règle­ments, des moyens de finan­ce­ment des ser­vices assu­rés si pos­sible par les usa­gers eux-mêmes. Beau­coup de tra­vail en pers­pec­tive pour les res­pon­sables du tra­fic de surface.

Conclusion

Les béné­fices atten­dus de la mise en œuvre géné­ra­li­sée de la navi­ga­tion par satel­lite pour le trans­port aérien inter­na­tio­nal comme pour les autres modes de trans­port sont immenses.

Les obs­tacles à cette mise en œuvre sont encore très nom­breux. Des solu­tions existent ou vont bien­tôt exis­ter. La mise en œuvre devrait donc se faire de manière pro­gres­sive, au cours de la décen­nie qui vient, en uti­li­sant d’a­bord les satel­lites mili­taires GPS et GLONASS, et leurs ren­for­ce­ments satel­li­taires, comme EGNOS, ou basés au sol.

Le déploie­ment de la constel­la­tion Gali­leo par l’Eu­rope devrait per­mettre de résoudre com­plè­te­ment les pro­blèmes sou­le­vés, et d’au­to­ri­ser enfin l’u­ti­li­sa­tion de la navi­ga­tion par satel­lite pour les appli­ca­tions cri­tiques pour la sécu­ri­té comme le gui­dage des avions civils pen­dant toutes les phases du vol.

Les appli­ca­tions poten­tielles de la navi­ga­tion par satel­lite dans les domaines mari­time et ter­restre sont aujourd’­hui consi­dé­rables et devraient se déve­lop­per rapi­de­ment. Les enjeux éco­no­miques pour la France sont très impor­tants et il est urgent de pré­pa­rer ces appli­ca­tions, sinon ce seront les autres pays par­ti­ci­pant au pro­gramme Gali­leo qui les conce­vront et en tire­ront des bénéfices.

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