Compensation nationale entre affiliés des différents régimes

Les retraites des professions non salariées

Dossier : Les retraitesMagazine N°609 Novembre 2005Par : Henri CHAFFIOTTE (68), directeur de la Caisse autonome de retraite des médecins de France

L’au­teur, direc­teur de la caisse auto­nome de retraite des méde­cins de France, déve­loppe la loi Fillon du 22 août 2003 pour l’en­semble des pro­fes­sions non sala­riées. Il sou­ligne en par­ti­cu­lier que la diver­si­té des régimes com­plé­men­taires des non-sala­riés appelle des ges­tions par­ti­cu­lières incom­pa­tibles avec une une inté­gra­tion dans le régime des sala­riés ce qui conduit à sou­hai­ter voir la res­pon­sa­bi­li­té de la ges­tion à long terme des régimes confiée à ceux qui sont concernés.

Lors de la créa­tion de la Sécu­ri­té sociale après la fin de la Seconde guerre mon­diale, il avait été envi­sa­gé un régime unique de retraite pour l’en­semble des Fran­çais. Le régime géné­ral, créé par les ordon­nances des 4 et 19 octobre 1945, avait voca­tion à regrou­per l’en­semble des régimes, mais une pre­mière excep­tion concer­nait les régimes spé­ciaux (fonc­tion­naires, agents des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, Mines, EDF-GDF…) main­te­nus » pro­vi­soi­re­ment » et péren­ni­sés en 1946.

Pour les non-sala­riés, qui étaient aupa­ra­vant dépour­vus de toute assu­rance vieillesse obli­ga­toire, le prin­cipe de géné­ra­li­sa­tion et d’u­ni­té avait été ins­crit dans la loi du 22 mai 1946, mais les par­ti­cu­la­rismes pro­fes­sion­nels étaient tels que des régimes auto­nomes furent ins­tau­rés par la loi du 17 jan­vier 1948 pour res­pec­ti­ve­ment les exploi­tants agri­coles, les arti­sans, les indus­triels et com­mer­çants, et les pro­fes­sions libé­rales grou­pées en 14 sec­tions pro­fes­sion­nelles, les avo­cats conser­vant un régime spé­ci­fique (loi du 12 jan­vier 1948).

Mal­gré leurs dif­fé­rences, tous ces régimes étaient fon­dés sur un prin­cipe com­mun, la répar­ti­tion, avec pour corol­laire le carac­tère obli­ga­toire des coti­sa­tions. Dans ce sys­tème, les retraites payées chaque année sont finan­cées par les coti­sa­tions per­çues au cours de la même année, à l’in­verse de la capi­ta­li­sa­tion où les retraites sont finan­cées par les coti­sa­tions et les reve­nus finan­ciers accu­mu­lés par les coti­sants au cours de leur vie active.

Par la suite ont été créés pro­gres­si­ve­ment des régimes com­plé­men­taires : AGIRC (1947) pour les cadres et ARRCO (de 1962 à 1972) pour les sala­riés non-cadres, dès 1948 pour cer­taines pro­fes­sions libé­rales, mais très récem­ment (2004) pour les com­mer­çants et industriels.

Les Pou­voirs publics ont tou­jours eu pour objec­tif de rap­pro­cher les régimes de base des non-sala­riés du régime géné­ral des salariés.

C’est ain­si que les régimes des arti­sans, com­mer­çants et indus­triels ont été » ali­gnés » sur le régime géné­ral en 1973.

Mais il a fal­lu attendre la loi » Fillon » du 22 août 2003 por­tant réforme des retraites, pour que les condi­tions de départ à la retraite soient véri­ta­ble­ment har­mo­ni­sées entre le régime géné­ral, les régimes spé­ciaux et les régimes des non-salariés.

Cette loi a éga­le­ment créé des régimes com­plé­men­taires obli­ga­toires pour les pro­fes­sions qui n’en avaient pas encore (com­mer­çants et industriels).

On exa­mi­ne­ra donc après un bref rap­pel de l’or­ga­ni­sa­tion des régimes des pro­fes­sions non sala­riées les régimes de base qui pré­sentent main­te­nant de grandes simi­li­tudes et les régimes com­plé­men­taires qui res­tent spécifiques.

L’organisation des régimes de retraite des non-salariés

Depuis leur créa­tion, les régimes de retraite des pro­fes­sions indé­pen­dantes sont orga­ni­sés de manière auto­nome. Tou­te­fois, la loi du 9 décembre 2004 pré­voit la créa­tion d’un régime social unique des indé­pen­dants, dont les contours res­tent à définir.

L’organisation actuelle

Les orga­nismes de retraite des indé­pen­dants (voir enca­dré) sont admi­nis­trés par des pro­fes­sion­nels élus pour six ans par leurs pairs, contrai­re­ment aux orga­nismes de régime géné­ral qui sont com­po­sés à pari­té de repré­sen­tants des orga­ni­sa­tions patro­nales et syn­di­cales. Bien que gérant un ser­vice public, ils ont un sta­tut de droit privé.

Les caisses de retraite des non-salariés

MSA (Mutua­li­té sociale agri­cole) – www.msa.fr
ORGANIC (Orga­ni­sa­tion auto­nome natio­nale de l’industrie et du com­merce) – www.organic.fr
CANCAVA (Caisse auto­nome natio­nale de com­pen­sa­tion de l’assurance vieillesse des arti­sans) – www.cancava.fr
CNAVPL (Caisse natio­nale d’assurance vieillesse des pro­fes­sions libé­rales) – www.cnavpl.fr
CRN (Caisse de retraite des notaires) – www.crn.fr
CAVOM (Caisse d’assurance vieillesse des offi­ciers minis­té­riels, offi­ciers publics et des com­pa­gnies judi­ciaires) – www.cavom.fr
CARMF (Caisse auto­nome de retraite des méde­cins de France) – www.carmf.fr
CARCD (Caisse auto­nome de retraite des chi­rur­giens-den­tistes) – www.carcd.tm.fr
CAVP (Caisse d’assurance vieillesse des phar­ma­ciens) – www.cavp.fr
CARSAF (Caisse auto­nome de retraite des sages-femmes fran­çaises) – www.carsaf.fr
CARPIMKO (Caisse auto­nome de retraite et de pré­voyance des infir­miers, mas­seurs­ki­né­si­thé­ra­peutes, pédi­cures-podo­logues, ortho­pho­nistes et orthop­tistes) – www.carpimko.fr
CARPV (Caisse auto­nome de retraite et de pré­voyance des vété­ri­naires) – www.carpv.veterinaire.fr
CAVAMAC (Caisse d’allocation vieillesse des agents géné­raux et des man­da­taires non sala­riés de l’assurance et de la capi­ta­li­sa­tion) – www.cavamac.fr
CAVEC (Caisse d’assurance vieillesse des experts-comp­tables et des com­mis­saires aux comptes) – www.cavec.fr
CIPAV (Caisse inter­pro­fes­sion­nelle de pré­voyance et d’assurance vieillesse) – www.cipavberri.org
CNBF (Caisse natio­nale des bar­reaux fran­çais) – www.cnbf.fr
CAVIMAC (Caisse d’assurance vieillesse, inva­li­di­té et mala­die des cultes) – www.cavimac.fr

La retraite des exploi­tants agri­coles est gérée, comme leur assu­rance mala­die, par la Mutua­li­té sociale agri­cole (MSA) qui gère éga­le­ment la pro­tec­tion sociale des sala­riés agri­coles. De sta­tut mutua­liste, elle com­prend une caisse cen­trale et des caisses locales (cin­quante-huit en 2005).

La retraite des com­mer­çants et indus­triels est gérée par le réseau ORGANIC (Orga­ni­sa­tion auto­nome natio­nale de l’in­dus­trie et du com­merce) consti­tuée d’une caisse natio­nale, de vingt-sept caisses régio­nales inter­pro­fes­sion­nelles et de trois caisses professionnelles.

La retraite des arti­sans est gérée par le réseau AVA (Assu­rance vieillesse des arti­sans) et com­prend une caisse natio­nale, la CANCAVA, trente caisses régio­nales inter­pro­fes­sion­nelles et deux caisses cen­trales professionnelles.

Les caisses natio­nales déter­minent la poli­tique géné­rale, ven­tilent les res­sources et coor­donnent l’ac­tion des caisses de base, qui sont char­gées des rap­ports avec les affi­liés, du recou­vre­ment des coti­sa­tions et du paie­ment des prestations.

La retraite des pro­fes­sions libé­rales est gérée par l’Or­ga­ni­sa­tion auto­nome des pro­fes­sions libé­rales qui com­prend une caisse natio­nale, la CNAVPL, et onze caisses professionnelles.

La caisse natio­nale coor­donne la ges­tion du régime de base, mais les sec­tions pro­fes­sion­nelles gèrent les régimes com­plé­men­taires de façon autonome.

Par ailleurs, la retraite des avo­cats est gérée par une caisse sépa­rée, la Caisse natio­nale des bar­reaux fran­çais (CNBF).

Enfin, la retraite des reli­gieux est gérée par la CAVIMAC, Caisse d’as­su­rance vieillesse, inva­li­di­té et mala­die des cultes.

Pour l’en­semble de ces caisses, la liber­té de ges­tion est toute rela­tive puisque les carac­té­ris­tiques des régimes sont fixées par les pou­voirs publics (lois et décrets), qui exercent par ailleurs un pou­voir de tutelle (appro­ba­tion des bud­gets, contrôle des déci­sions, contrôle de la gestion).

Le Régime social des indépendants (RSI)

Dans le cadre des mesures de sim­pli­fi­ca­tion du droit mises en œuvre par les Pou­voirs publics, la loi du 9 décembre 2004 a pré­vu la créa­tion par ordon­nance d’un Régime social des indé­pen­dants, qui exer­ce­ra les mis­sions d’un inter­lo­cu­teur social unique et regrou­pe­ra la ges­tion de l’en­semble des pres­ta­tions sociales assu­rées par les dif­fé­rentes caisses non agri­coles (à l’ex­cep­tion de l’as­su­rance vieillesse des pro­fes­sions libérales).

Les élec­tions des futurs Conseils d’ad­mi­nis­tra­tion sont pré­vues en 2006, mais dans la pra­tique, la fusion des orga­nismes devrait deman­der plus de temps.

Por­tant sur l’or­ga­ni­sa­tion, ces dis­po­si­tions ne modi­fie­ront pas les carac­té­ris­tiques des régimes, de base et com­plé­men­taires, résul­tant de la loi Fillon.

Des régimes de base en voie d’harmonisation

Si des dis­pa­ri­tés sub­sistent entre les coti­sa­tions et les mon­tants de retraites, les condi­tions d’ou­ver­ture des droits sont désor­mais les mêmes pour tous les régimes.

Les cotisations

Les coti­sa­tions des régimes des com­mer­çants, indus­triels et arti­sans, sont ali­gnées sur celles du régime géné­ral, soit 16,45 % du reve­nu dans la limite du pla­fond annuel de la Sécu­ri­té sociale (30 192 € en 2005). Elles sont cal­cu­lées à titre pré­vi­sion­nel sur le reve­nu pro­fes­sion­nel non sala­rié de l’an­née n‑2, et font l’ob­jet d’une régu­la­ri­sa­tion dès que le reve­nu de l’an­née consi­dé­rée est connu.

Pour les pro­fes­sions libé­rales, l’as­siette et le taux des coti­sa­tions ont été modi­fiés pour toutes les pro­fes­sions à par­tir du 1er jan­vier 2004. Deux taux de coti­sa­tions s’ap­pliquent à deux tranches de revenus :

  • 8,6 % sur les reve­nus infé­rieurs à 85 % du pla­fond de la Sécu­ri­té sociale (soit 25 663 € en 2005),
  • 1,6 % sur les reve­nus supé­rieurs à 85 % du pla­fond de la Sécu­ri­té sociale et infé­rieurs à 5 fois ce pla­fond (150 960 €).

Pour les avo­cats, la coti­sa­tion com­prend une part for­fai­taire, fonc­tion de l’an­cien­ne­té (1 380 € maxi­mum) et une part pro­por­tion­nelle de 2 % du reve­nu (pla­fon­né à 229 320 € en 2005).

Enfin, les exploi­tants agri­coles ont une double cotisation :

  • Assu­rance vieillesse agri­cole (AVA) : 10,97 % sur les reve­nus infé­rieurs au pla­fond de la Sécu­ri­té sociale ; 1,64 % pour les reve­nus au-des­sus du plafond.
  • Assu­rance vieillesse indi­vi­duelle (AVI) : 3, 2 % sur les reve­nus infé­rieurs au pla­fond de la Sécu­ri­té sociale.

Les tra­vailleurs indé­pen­dants ont de plus la pos­si­bi­li­té de coti­ser volon­tai­re­ment sur une assiette mino­rée pour leur conjoint col­la­bo­ra­teur. Tou­te­fois, une loi récente du 2 août 2005 a appor­té des modi­fi­ca­tions devant être pré­ci­sées par décret.

Les retraites

Si les moda­li­tés de cal­cul res­tent dif­fé­rentes, la loi Fillon du 21 août 2003 a ali­gné les condi­tions d’âge et de départ à la retraite de tous les régimes non sala­riés sur celles du régime géné­ral. Les prin­cipes en sont les suivants :

Pour béné­fi­cier à par­tir de 60 ans du taux maxi­mum de retraite (taux plein), le pro­fes­sion­nel doit jus­ti­fier d’une durée d’ac­ti­vi­té, tous régimes confon­dus, de 154 tri­mestres en 2005, durée qui sera pro­gres­si­ve­ment por­tée à 160 tri­mestres en 2008 et 164 tri­mestres en 2012 (pour les pro­fes­sions libé­rales, cette durée est de 160 tri­mestres dès 2004).

Effec­tifs 2004 (Régime de base)
Coti­sants Retrai­tés* Rap­port démo­gra­phique cotisants/retraités
MSA 641 512 1 918 080 0,33
ORGANIC 708 505 964 231 0,73
CANCAVA 546 826 764 304 0,72
Pro­fes­sions libérales 511 261 180 110 2,84
ENSEMBLE 2 408 104 3 826 725 0,63
* Droits propres et droits dérivés.

Si le nombre de tri­mestres mini­mum n’est pas atteint, une décote pro­por­tion­nelle au nombre de tri­mestres man­quants (ou, s’il est infé­rieur, au nombre de tri­mestres sépa­rant l’âge de départ de 65 ans) est appli­quée, à hau­teur de 1,25 % par tri­mestre man­quant. Les tri­mestres man­quants peuvent être rache­tés (12 au maximum).

En revanche, si le nombre de tri­mestres au moment de la liqui­da­tion est supé­rieur au mini­mum requis, une sur­cote de 0,75 % par tri­mestre sup­plé­men­taire est appliquée.

Enfin, les indé­pen­dants ayant com­men­cé à tra­vailler à par­tir de 14 ans peuvent, sous cer­taines condi­tions, béné­fi­cier d’une retraite à taux plein à par­tir de 56 ans.

Le mon­tant de la retraite dif­fère tou­te­fois selon les régimes. Pour l’OR­GA­NIC et la CANCAVA, ali­gnés sur le régime géné­ral, le mon­tant de la retraite à taux plein est de 50 % du reve­nu pro­fes­sion­nel moyen limi­té au pla­fond de la Sécu­ri­té sociale (soit un mon­tant maxi­mum de retraite de 15 096 € par an en 2005).

La retraite à taux plein des exploi­tants agri­coles com­prend une part for­fai­taire, fonc­tion du nombre d’an­nées d’ac­ti­vi­té, et une part pro­por­tion­nelle par points. Son mon­tant maxi­mum annuel est égal à celui du régime géné­ral (15 096 €).

La retraite à taux plein des pro­fes­sions libé­rales cor­res­pond au nombre de points acquis sur les deux tranches de coti­sa­tion. La retraite maxi­male, actuel­le­ment d’en­vi­ron 8 000 € par an, est infé­rieure de moi­tié à celle du régime géné­ral et des régimes alignés.

Toutes les retraites des non-sala­riés sont réver­sibles sur la tête du conjoint sur­vi­vant. La loi Fillon a har­mo­ni­sé le taux de réver­sion (54 %) et sup­pri­mé pro­gres­si­ve­ment les condi­tions d’âge, mais la pen­sion de réver­sion est ver­sée sous condi­tions de res­sources (infé­rieures à 15 828 € par an pour une per­sonne seule, 25 326 € pour un couple).

Si les condi­tions d’ac­cès à la retraite se rap­prochent, les dif­fé­rents régimes n’en connaissent pas moins des dis­pa­ri­tés tech­niques ayant des consé­quences finan­cières importantes.

Des disparités démographiques nécessitant des mécanismes de compensation financière

Prin­cipe de la compensation
On sup­pose un régime unique fic­tif regrou­pant l’en­semble des affi­liés des régimes et dans lequel tous les retrai­tés per­çoivent la même pres­ta­tion, appe­lée » pres­ta­tion de référence « .
On cal­cule une coti­sa­tion par tête équi­li­brant le régime dite » coti­sa­tion de référence « .
Dans ce cadre fic­tif, chaque caisse pré­lève la coti­sa­tion de réfé­rence à ses coti­sants, verse la pres­ta­tion de réfé­rence à ses béné­fi­ciaires et dégage un solde, posi­tif ou néga­tif selon sa situa­tion démographique.
Les soldes posi­tifs sont ver­sés à une caisse de com­pen­sa­tion (en l’oc­cur­rence l’É­tat) qui redis­tri­bue l’argent aux caisses pré­sen­tant des soldes négatifs.

Au total, les soldes posi­tifs et néga­tifs s’an­nulent puisque le régime unique fic­tif est équilibré.La situa­tion démo­gra­phique des régimes des non-sala­riés appa­raît très contras­tée. L’é­qui­libre finan­cier d’un régime dépend en effet du rap­port entre le nombre de coti­sants et le nombre de retrai­tés. À cet égard, si la situa­tion des pro­fes­sions libé­rales est satis­fai­sante, celle des arti­sans, com­mer­çants et indus­triels est beau­coup moins favo­rable, et celle des agri­cul­teurs pire encore.

Il est évident qu’a­vec un coti­sant pour trois retrai­tés, les seules coti­sa­tions des exploi­tants agri­coles ne suf­fisent pas à équi­li­brer le régime. Il en est de même pour les com­mer­çants, indus­triels et artisans.

Des finan­ce­ments exté­rieurs contri­buent donc à l’é­qui­libre de ces régimes :

  • jus­qu’en 2003, l’É­tat ver­sait une sub­ven­tion au régime agricole,
  • une Contri­bu­tion sociale de soli­da­ri­té à la charge des socié­tés (CSSS) a été ins­ti­tuée pour com­pen­ser la perte de coti­sants liée au pas­sage du sta­tut d’in­dé­pen­dant à celui de sala­rié. Cette contri­bu­tion (0,13 % du chiffre d’af­faires) est recou­vrée par l’ORGANIC,
  • pour cor­ri­ger l’ef­fet des dis­pa­ri­tés démo­gra­phiques, des mesures de com­pen­sa­tion finan­cière ont été ins­ti­tuées et géné­ra­li­sées en 1974. Ces méca­nismes jouent entre régimes de sala­riés (régime géné­ral et régimes spé­ciaux) mais éga­le­ment entre régimes de sala­riés et de non-sala­riés. C’est la com­pen­sa­tion géné­ra­li­sée vieillesse.

Si le prin­cipe de la com­pen­sa­tion est simple (voir enca­dré), dans la pra­tique, les cal­culs sont com­plexes et les para­mètres dif­fi­ciles à fixer vu la dis­pa­ri­té des régimes.

Néan­moins, les régimes des agri­cul­teurs, arti­sans, com­mer­çants et indus­triels sont les grands béné­fi­ciaires, les pro­fes­sions libé­rales contri­buant pour leur part, de façon importante.

Des régimes complémentaires spécifiques

Contrai­re­ment aux régimes de base, les régimes com­plé­men­taires ont des ancien­ne­tés et des carac­té­ris­tiques très dif­fé­rentes chez les non-salariés.

Les caisses des pro­fes­sions libé­rales se sont dotées de régimes com­plé­men­taires à par­tir de la fin des années qua­rante jus­qu’aux années quatre-vingt. Celui des arti­sans a été créé en 1979, mais il a fal­lu attendre 2003 et 2004 pour les agri­cul­teurs et les com­mer­çants et indus­triels. Ces der­niers béné­fi­ciaient aupa­ra­vant d’un régime facul­ta­tif en capi­ta­li­sa­tion, trans­fé­ré à la Mutualité.

Désor­mais, tous les non-sala­riés béné­fi­cient d’un régime com­plé­men­taire obli­ga­toire. Ces régimes sont tous des régimes par points, les carac­té­ris­tiques variant en fonc­tion des professions.

Les coti­sa­tions sont en géné­ral pro­por­tion­nelles aux reve­nus, dans la limite d’un pla­fond. Les taux sont variables : 2,97 % pour les agri­cul­teurs, 6,5 % pour les com­mer­çants et indus­triels, 7 % pour les artisans.

Les modes de cal­cul sont très variables chez les pro­fes­sions libé­rales (classes de coti­sa­tions, coti­sa­tion mixte for­fai­taire et pro­por­tion­nelle, coti­sa­tion proportionnelle).

L’âge de la retraite est à 60 ans pour les agri­cul­teurs, com­mer­çants et indus­triels, et arti­sans, mais 65 ans pour les pro­fes­sions libé­rales, compte tenu des car­rières en géné­ral plus courtes du fait de la lon­gueur des études.

Les pro­fes­sions libé­rales médi­cales et para­mé­di­cales béné­fi­cient d’un second régime com­plé­men­taire, l’A­van­tage social vieillesse (ASV) orga­ni­sé par pro­fes­sion : méde­cins, chi­rur­giens-den­tistes, infir­miers et mas­seurs-kiné­si­thé­ra­peutes, sages-femmes.

Ces régimes ont la par­ti­cu­la­ri­té d’être finan­cés par­tiel­le­ment par les caisses d’as­su­rance mala­die en contre­par­tie de contraintes conven­tion­nelles impo­sées aux pro­fes­sion­nels de san­té (limi­ta­tion d’ho­no­raires par exemple).

Enfin, les pro­fes­sions libé­rales ont créé en 1994, dans le cadre de la loi Made­lin, deux régimes facul­ta­tifs en capi­ta­li­sa­tion : FONLIB, géré par la CNAVPL pour l’en­semble des libé­raux et CAPIMED, géré par la CARMF pour les médecins.

Perspectives des régimes

Ce tour d’ho­ri­zon des régimes de retraite des non-sala­riés serait incom­plet sans quelques élé­ments de prospective.

Après l’eu­pho­rie du » baby-boom  » et des années de crois­sance des années soixante, et mal­gré les deux crises pétro­lières et la mon­tée du chô­mage des années 70–80, le pro­blème des retraites n’a vrai­ment été sou­le­vé qu’à par­tir du Livre blanc sur les retraites publié en 1991. En 1995, un groupe de tra­vail du Com­mis­sa­riat géné­ral au Plan, pré­si­dé par Raoul Briet, conduit à un nou­veau rap­port : » Pers­pec­tives à long terme des retraites « .

En 1999, un nou­veau rap­port de Jean-Michel Char­pin, com­mis­saire au Plan, sur L’a­ve­nir de nos retraites est publié. Il fau­dra attendre 2003 pour que la réforme des retraites voie le jour avec la loi du 21 août.

Plus de dix ans ont été néces­saires pour abou­tir à une réforme qui a, certes, le mérite d’in­tro­duire une plus grande équi­té entre les dif­fé­rents régimes de retraite, et de recu­ler sans le dire, l’âge de départ en retraite, mais qui sera sans doute insuf­fi­sante à long terme. Toutes les pro­jec­tions (et en par­ti­cu­lier le der­nier rap­port du Conseil d’o­rien­ta­tion des retraites du 3 juin 2004) montrent une dégra­da­tion du rap­port coti­sants-retrai­tés, due au pas­sage à la retraite des » baby-boo­mers » et à l’aug­men­ta­tion de l’es­pé­rance de vie des retrai­tés, entraî­nant des dés­équi­libres finan­ciers considérables.

Dans ce cadre, les régimes des non-sala­riés connaî­tront des évo­lu­tions contras­tées : le rap­port démo­gra­phique des agri­cul­teurs, tout en res­tant très bas, arrê­te­ra de se dégra­der tout comme celui des com­mer­çants et indus­triels. On ver­ra la situa­tion du régime des arti­sans se dété­rio­rer for­te­ment, comme celle des pro­fes­sions libé­rales qui conser­ve­ront tou­te­fois le meilleur rap­port démo­gra­phique des non-salariés.

Les méca­nismes de com­pen­sa­tion pour­ront-ils conti­nuer à jouer leur rôle dès lors que la situa­tion des grands régimes contri­bu­teurs (notam­ment le régime géné­ral) va elle aus­si se dégrader ?

En fait, c’est l’en­semble du sys­tème de retraite fran­çais, y com­pris les régimes com­plé­men­taires, qui est concerné.

Face à cette situa­tion, quelles solu­tions envisager ?

Le sys­tème par répar­ti­tion ne peut pas faire faillite mais devra subir des ajus­te­ments importants :

  • la hausse des coti­sa­tions sera évi­dem­ment néces­saire, mais elle ne pour­ra excé­der un cer­tain seuil,
  • la baisse du niveau moyen des retraites est enclen­chée avec la loi Fillon et se pour­sui­vra inexorablement,
  • l’aug­men­ta­tion de l’âge de la retraite appa­raît être le seul para­mètre vrai­ment effi­cace d’un rééqui­li­brage. La retraite à 60 ans ins­ti­tuée en 1982 por­tait les germes d’un dés­équi­libre à long terme. La France est d’ailleurs un des seuls pays d’Eu­rope et du Monde à conser­ver l’af­fi­chage de l’âge de départ à 60 ans. Toutes les réformes en cours à l’é­tran­ger visent à por­ter cet âge à 65 ans, voire 67 ou 70 ans, ce qui est d’ailleurs logique compte tenu de l’en­trée plus tar­dive dans la vie active et de l’aug­men­ta­tion de l’es­pé­rance de vie,
  • le recours par­tiel à la capi­ta­li­sa­tion col­lec­tive ou indi­vi­duelle déjà enga­gé devra être pour­sui­vi. La créa­tion du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) s’ins­crit dans cet objec­tif de même que les Plans d’é­pargne retraite popu­laire (PERP) créés par la loi Fillon.

Dans cette pers­pec­tive, les régimes des non-sala­riés pour­ront-ils conser­ver leurs spé­ci­fi­ci­tés ? Ils pré­sentent l’a­van­tage de mieux asso­cier leurs affi­liés à la ges­tion par le biais de Conseils d’ad­mi­nis­tra­tion com­po­sés de pro­fes­sion­nels élus par leurs pairs et donc proches de leurs pré­oc­cu­pa­tions, et consti­tuent en matière de retraite un inter­lo­cu­teur unique des pro­fes­sion­nels, alors que les sala­riés du régime géné­ral dépendent de plu­sieurs caisses (CNAMTS, AGIRC, ARRCO).

En outre, la diver­si­té des régimes com­plé­men­taires des non-sala­riés appelle des ges­tions par­ti­cu­lières incom­pa­tibles avec une inté­gra­tion dans les régimes de sala­riés. L’exemple des pays étran­gers montre d’ailleurs que la ges­tion des régimes com­plé­men­taires dits du » deuxième pilier » est lar­ge­ment orga­ni­sée par profession.

En matière de retraite, avec le déve­lop­pe­ment des moyens modernes d’in­for­ma­tion et de com­mu­ni­ca­tion, les ques­tions d’or­ga­ni­sa­tion deviennent secon­daires par rap­port à la ges­tion à long terme des régimes.

À cet égard, confier cette res­pon­sa­bi­li­té à ceux qui sont concer­nés est le meilleur moyen de faire prendre et accep­ter les déci­sions nécessaires.

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