Le conseiller indépendant, un complément efficace

Dossier : Le conseilMagazine N°611 Janvier 2006
Par Alain FEDON (69)
Par Robert CANTIN

L’ap­port d’un conseiller indé­pen­dant peut s’a­vé­rer pré­cieux dans la rela­tion entre une socié­té de conseil et son client.
Capable de cla­ri­fier les enjeux et de pré­ci­ser le cahier des charges, il assure aus­si avec sou­plesse le sui­vi géné­ral et le contrôle de qua­li­té des prestations.

En règle géné­rale, la rela­tion entre une entre­prise indus­trielle et une socié­té de conseil de taille moyenne – par exemple, d’un effec­tif supé­rieur à 50 per­sonnes – est une rela­tion directe. Dans cer­tains cas et tout par­ti­cu­liè­re­ment pour la ges­tion de pro­jets, l’in­ter­ven­tion d’un troi­sième inter­lo­cu­teur, un conseil indé­pen­dant, peut appor­ter une réelle valeur sup­plé­men­taire à cette relation.

La société, le conseil indépendant et le client

D’une part une socié­té de conseil, spé­cia­li­sée dans l’as­sis­tance pour la ges­tion des projets.

Cette socié­té inter­vient dans les trois dimen­sions de cette assistance :

le conseil stra­té­gique, por­tant sur l’or­ga­ni­sa­tion des pro­jets de l’entreprise,
• le conseil opé­ra­tion­nel, appli­qué à chaque pro­jet en par­ti­cu­lier, de son démar­rage (orga­ni­sa­tion et spé­ci­fi­ca­tions de mana­ge­ment) à son abou­tis­se­ment (recette),
• les pres­ta­tions opé­ra­tion­nelles, plus par­ti­cu­liè­re­ment dédiées à la com­po­sante la plus cri­tique de l’or­ga­ni­sa­tion des pro­jets, le croi­se­ment des axes « pro­jets » et « métiers ».

D’autre part un conseil indé­pen­dant, petite struc­ture com­po­sée de deux per­sonnes de pro­fils cadres seniors, et qui ont assu­mé des fonc­tions de maî­trise d’ou­vrage, pour de grands pro­jets. Les élé­ments sur les­quels ils peuvent envi­sa­ger d’ap­por­ter une valeur ajou­tée à leur client sont une connais­sance glo­bale des pro­jets com­plexes, des entre­prises qui les conduisent et de leur mana­ge­ment géné­ral. Par ailleurs, un atout sup­plé­men­taire est l’a prio­ri sou­vent posi­tif dont ils béné­fi­cient auprès d’an­ciens ayant fait les mêmes écoles qu’eux-mêmes ain­si que de toutes autres per­sonnes avec les­quelles ils ont entre­te­nu des rela­tions pro­fes­sion­nelles de qua­li­té, dans leurs fonc­tions passées.

Enfin, l’en­tre­prise indus­trielle, cliente des deux pre­miers, est tout natu­rel­le­ment cen­trée sur son « cœur de métier ». L’axe « métier » reste son « moteur » prin­ci­pal, celui qui poduit des recherches, études ou réa­li­sa­tions. Il demeure un lieu (le sanc­tuaire ?) du savoir-faire et de la connais­sance de l’en­tre­prise. Mais il est éga­le­ment une source d’in­con­nu et de risque pour l’en­tre­prise, plus ou moins impor­tants selon l’ac­ti­vi­té (il y a plus d’in­con­nu sur les résul­tats d’une recherche que dans une pro­duc­tion conti­nue) ou le degré d’in­no­va­tion mis dans le produit.

L’en­tre­prise est conduite néan­moins à ren­for­cer la com­po­sante « pro­jet » dans son orga­ni­sa­tion ; maî­trise des coûts, des délais et des per­for­mances visées.

En effet, l’é­vo­lu­tion éco­no­mique (éco­nomie de mar­ché, concur­rence…) confère une impor­tance tou­jours plus grande au client (qu’il soit ache­teur de pro­duits-ser­vices, client interne, « sub­ven­tion­neur » d’é­tudes et recherches…) et donc ren­force l’ap­proche des acti­vi­tés selon la vision de ce client (prix, calen­drier, per­for­mances y com­pris les « ités » : fia­bi­li­té, dis­po­ni­bi­li­té, sécu­ri­té, maintenabilité…).

De plus, l’im­pli­ca­tion de plus en plus mar­quée de l’en­vi­ron­ne­ment dans l’en­tre­prise (coopé­ra­tions inter­na­tio­nales, par­te­na­riats stra­té­giques, régle­men­ta­tions…) mul­ti­plie le nombre d’ac­teurs des pro­jets de l’en­tre­prise et donc accroît le poids de la struc­ture de coordination.

Assister le maître d’ouvrage

Face à l’ac­crois­se­ment de l’axe « pro­jet », en com­plé­ment de l’axe « métier », l’en­tre­prise visant un fonc­tion­ne­ment har­mo­nieux de ces deux axes est ame­née à consi­dé­rer deux questions :

• la mise en place d’une orga­ni­sa­tion géné­rale de conduite de ses pro­jets, c’est-à-dire d’une struc­ture, géné­ra­le­ment matri­cielle, à laquelle sont asso­ciés des pro­ces­sus et des outils de gestion,
• la créa­tion d’une fonc­tion « méthode » char­gée de veiller à ce que cette orga­ni­sa­tion géné­rale fonc­tionne correctement.

Le conseil indé­pen­dant et la socié­té de conseil inter­viennent de concert pour appor­ter la réponse la mieux adap­tée à la situa­tion ren­con­trée par l’entreprise.

Le conseil indé­pen­dant apporte sur­tout une valeur en amont et en aval d’une mis­sion conduite par la socié­té de conseil.

En amont son acti­vi­té s’ins­crit dans l’as­sis­tance à maî­trise d’ouvrage.

Il par­ti­cipe tout d’a­bord à la détec­tion d’un besoin, par­fois impli­cite, sou­vent conscient mais sans que l’en­tre­prise ait pen­sé à faire appel à une com­pé­tence externe. Pour cela sa connais­sance du milieu et son réseau rela­tion­nel l’aident à déce­ler l’exis­tence de ces ques­tions et à accé­der assez rapi­de­ment au niveau de déci­sion adéquat.

Ensuite il contri­bue à la cla­ri­fi­ca­tion du pro­blème et de ses enjeux. Sa connais­sance des ques­tions d’or­ga­ni­sa­tion « pro­jets » et une cer­taine culture com­mune avec les déci­deurs de l’en­tre­prise l’a­mènent à com­prendre assez vite les points durs aux­quels celle-ci est confron­tée. Géné­ra­le­ment il s’a­git des inter­faces internes entre les axes « métiers » et « pro­jets » où les sources de conflits poten­tiels sont par­ti­cu­liè­re­ment nom­breuses ; perte de repère des inter­ve­nants « métiers » (affec­tés à un pro­jet dont la struc­ture est éphé­mère), double hié­rar­chie, conflit de pou­voir entre ceux qui tirent leur légi­ti­mi­té des exi­gences clients (pro­jets) et ceux qui détiennent le savoir (métiers), conflit dans la ges­tion de l’in­for­ma­tion entre ceux qui doivent rendre les comptes les plus impor­tants (pro­jets) et ceux qui génèrent l’in­for­ma­tion (métiers), conflit par­fois sur la hié­rar­chie des objec­tifs (coûts-délais pour le pro­jet, qua­li­té tech­nique pour le métier), conflit sur la carac­té­ri­sa­tion de la valeur ajou­tée qui est plu­tôt celle de la satis­fac­tion glo­bale du client pour le pro­jet et le res­pect voire le dépas­se­ment des spé­ci­fi­ca­tions tech­niques, pour le métier, conflit sur la vision des enjeux qui est à la dimen­sion du pro­jet d’un côté et sou­vent limi­té à une com­po­sante du pro­duit-ser­vice de l’autre…

Le champ d’in­ves­ti­ga­tion pré­li­mi­naire du consul­tant indé­pen­dant porte éga­le­ment sur l’en­ti­té à carac­tère fonc­tion­nel de l’en­tre­prise char­gée de veiller au fonc­tion­ne­ment har­mo­nieux de ces axes « métiers » et « pro­jets ». Cette enti­té est sou­vent conduite à devoir à la fois pilo­ter le chan­ge­ment (fonc­tion d’au­to­ri­té) et inter­ve­nir en sup­port à l’in­ter­face pro­jet-métier (fonc­tion de ser­vice) et se trouve donc, par rap­port aux enti­tés opé­ra­tion­nelles, dans une rela­tion ambi­va­lente, par­fois des­truc­trice de valeur.

Le conseil indé­pen­dant étant ain­si inter­ve­nu pour cla­ri­fier les enjeux et pré­ci­ser le cahier des charges d’une mis­sion de conseil, il par­ti­cipe ensuite à l’é­ta­blis­se­ment d’une pro­po­si­tion par la socié­té de conseil, en toute trans­pa­rence vis-à-vis de l’en­tre­prise béné­fi­ciaire. Au nom de cette trans­pa­rence et du res­pect de la concur­rence, cette der­nière a toute légi­ti­mi­té pour lan­cer un appel d’offres.

Une mission traditionnelle pour la société de conseil

Pour la mis­sion, le relais est ensuite pris par la socié­té de conseil à la fois dans la rela­tion avec l’en­tre­prise et dans la prise en compte, dans ses contrats avec celle-ci, de l’ac­tion pas­sée ou future du conseil indé­pen­dant. Elle adresse à l’en­tre­prise indus­trielle une pro­po­si­tion qui com­porte les com­po­santes habi­tuelles des mis­sions de conseil ; un état des lieux, des pré­co­ni­sa­tions et un accom­pa­gne­ment dans la mise en oeuvre des pré­co­ni­sa­tions rete­nues par le client.

En plus des pres­ta­tions par­ti­cu­lières du conseil indé­pen­dant, la socié­té de conseil en ges­tion de pro­jets intègre des pres­ta­tions spé­ci­fiques qui sont rete­nues ou non par le client indus­triel selon qu’il consi­dère qu’elles doivent répondre à une exi­gence de pro­duc­ti­vi­té pour laquelle toutes les options – y com­pris l’ex­ter­na­li­sa­tion – sont ouvertes ou qu’il consi­dère comme étant stra­té­giques (dans le cœur de métier) ce qui exclut a prio­ri tout recours à une sous-traitance.

Il s’a­git :

• des pro­jets eux-mêmes ; la défi­ni­tion et la mise en oeuvre de leurs plans de management,
• de la fonc­tion sup­port au croi­se­ment des axes « pro­jet » et « métier » ; ser­vice « SVP-méthode pro­jets » au pro­fit de l’axe « métier » et, au pro­fit de l’axe « pro­jet », la col­lecte des don­nées issues de l’axe « métier », la mise en forme de celles-ci, l’a­na­lyse de leur per­ti­nence et la recom­man­da­tion d’actions.

Pour cette fonc­tion sup­port, le recours à une socié­té spé­cia­li­sée, même sur une période tran­si­toire, peut se jus­ti­fier, pour dif­fé­rentes rai­sons, dont une est liée à la dif­fi­cul­té pré­ci­tée de mener de concert des fonc­tions d’au­to­ri­té et des fonc­tions de service.

Les autres rai­sons sont rela­tives à l’in­dis­po­ni­bi­li­té des res­sources assu­rant les fonc­tions de ser­vice qui n’existent pas en nombre voire en qua­li­té suf­fi­sante, avec la réac­ti­vi­té et par­fois le niveau de coûts internes, com­pa­tibles avec les exi­gences d’un pro­jet. Ces fonc­tions sup­posent de maî­tri­ser par­fai­te­ment trois para­mètres clés ; le savoir (connais­sances tech­niques des pro­duits de l’en­tre­prise, expé­riences simi­laires acquises chez d’autres par­te­naires, orga­ni­sa­tion, pilo­tage et trai­te­ment des flux d’in­for­ma­tions d’un pro­jet), le savoir-faire (livrai­son d’une aide à la déci­sion, per­ti­nente et fiable, for­ma­tion et assis­tance des équipes de l’en­tre­prise cliente, trans­fert d’ex­pé­riences) et le savoir être (une très grande apti­tude à communiquer).

De plus il faut comp­ter avec une tra­jec­toire pro­fes­sion­nelle incer­taine et une faible noto­rié­té dans l’en­tre­prise cliente de ces fonc­tions de ser­vices qui n’in­citent pas les meilleurs élé­ments à s’y enga­ger. Mal défi­nie et consti­tuée, une telle fonc­tion peut coû­ter très cher au pro­jet sans même que celui-ci en tire l’ef­fi­ca­ci­té qu’il est en droit d’en attendre.

Un suivi général par le conseil indépendant

En cours de mis­sion, le conseil indé­pen­dant assure un sui­vi géné­ral et main­tient la rela­tion avec les déci­deurs. C’est une com­po­sante utile du retour qua­li­té sur la réa­li­sa­tion de la mis­sion, pour garan­tir qu’in fine le client por­te­ra une appré­cia­tion positive.

À la fin de la mis­sion, la socié­té de conseil est ame­née à faire un bilan géné­ral de ce qu’elle a réa­li­sé et le conseil indé­pen­dant par­ti­cipe à son éla­bo­ra­tion et sa dif­fu­sion au niveau de ses contacts.

Ain­si, en assu­rant le liant entre une entre­prise indus­trielle et une socié­té de conseil de taille moyenne, un consul­tant indé­pen­dant ayant sur­tout connu la maî­trise d’ou­vrage des grands pro­jets et donc plu­tôt « géné­ra­liste » en ges­tion de pro­jets peut trou­ver sa place et appor­ter de la valeur à la fois à son par­te­naire, socié­té de conseil, et aux entre­prises indus­trielles confron­tées à la mon­tée en puis­sance de la dimen­sion « pro­jet » de leurs organisations.

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