Télécommunications, électricité et eau

Dossier : TélécommunicationsMagazine N°616 Juin/Juillet 2006
Par Hervé CORLAY (86)

6 mil­liards d’eu­ros pour France Télé­com, 3 mil­liards d’eu­ros pour EDF, 2,5 mil­liards d’eu­ros pour Suez : les béné­fices 2005 des acteurs his­to­riques dans les télé­coms, l’élec­tri­ci­té et l’eau sont confor­tables, preuve que ces mar­chés sont très profitables.
Il ne s’a­git pas de faire ici le pro­cès des entre­prises qui gagnent de l’argent. C’est bien grâce à ses béné­fices que l’en­tre­prise inves­tit pour pré­pa­rer l’a­ve­nir et conserve la confiance des action­naires, ses pro­prié­taires. Il s’a­git d’é­clai­rer un paradoxe.

Les mar­chés des télé­coms, de l’élec­tri­ci­té et de l’eau sont des mar­chés de com­mo­di­tés au sens où le four­nis­seur ne peut pas valo­ri­ser (ou très dif­fi­ci­le­ment) son pro­duit avec des ser­vices addi­tion­nels. Sauf excep­tion comme Dell qui est par­ve­nu à sor­tir de la » com­mo­di­ti­sa­tion » du mar­ché du PC grâce à un modèle à la fois » Low Cost » et axé sur le ser­vice après-vente. Ce modèle est aujourd’­hui inégalé.

Il est cou­rant d’ob­ser­ver de fortes baisses de prix sur les mar­chés de com­mo­di­tés, du fait d’un acte d’a­chat ren­du plus simple par la faci­li­té à com­pa­rer les prix des pro­duits. Ain­si, les marges des four­nis­seurs ne sont, en géné­ral, pas aus­si confor­tables que celles évo­quées ci-dessus.

Or force est de consta­ter que, sur ces trois mar­chés, les prix res­tent à des niveaux confor­tables (télé­coms), voire aug­mentent for­te­ment (élec­tri­ci­té, eau).

Cet article offre un déco­dage par­tiel afin d’ex­pli­quer ce paradoxe.

Par ailleurs, vos entre­prises ont, pour cer­taines, déjà mené des actions volon­ta­ristes afin d’op­ti­mi­ser les dépenses liées aux télé­com­mu­ni­ca­tions, à l’élec­tri­ci­té ou à l’eau.

Cet article pro­pose des recettes addi­tion­nelles éprou­vées par l’ex­pé­rience pour aller encore plus loin et payer ces pres­ta­tions au juste prix.

Les télécoms : des entreprises pénalisées par leur manque d’ambition et de clairvoyance

Le constat : les entreprises ne sont pas assez exigeantes envers leurs opérateurs

La minute de télé­phone (ou le réseau de don­nées) four­nie par un opé­ra­teur est à peu près la même que celle de ses confrères. Bien sûr les moyens mis en œuvre pour ser­vir les clients aug­mentent avec la taille et les moyens finan­ciers mais glo­ba­le­ment le pro­duit de base reste le même. Bien sûr, la qua­li­té du pro­duit dif­fère selon les tech­no­lo­gies employées.

Le grand public a bien com­pris que les télé­coms sont une com­mo­di­té. Le par­ti­cu­lier choi­sit » X » Télé­com pour sa télé­pho­nie, » Y » Télé­com pour son accès ADSL ou sa » Box « .

Si les télé­coms sont réel­le­ment une com­mo­di­té, alors les opé­ra­teurs doivent ten­ter d’y ajou­ter du ser­vice. Mais le ser­vice dans les télé­coms pour les entre­prises existe-t-il vraiment ?

Dans les nom­breuses mis­sions d’op­ti­mi­sa­tion de coûts menées par Cris­tal Déci­sions pour ses clients grands comptes, le ser­vice récla­mé par ses clients se limite dans huit cas sur dix à » un repor­ting des consom­ma­tions et une fac­tu­ra­tion clairs « .

Four­nir à son client un repor­ting de ce qui lui est fac­tu­ré ! Nous sommes proches de l’âge de pierre du service.

Cet exemple illustre la faible matu­ri­té de bon nombre d’en­tre­prises (y com­pris cer­taines du CAC 40) pour ce qui concerne leurs achats de ser­vices de télé­com­mu­ni­ca­tions. Cela est vrai pour la télé­pho­nie mais éga­le­ment pour les réseaux de données.

Pour­quoi l’en­tre­prise ne serait-elle pas plus exi­geante envers son four­nis­seur quand elle règle des fac­tures de plu­sieurs cen­taines de mil­liers (voire mil­lions) d’eu­ros par an alors que le par­ti­cu­lier change de four­nis­seur d’ac­cès à Inter­net à la mai­son pour une dif­fé­rence de 2,99 euros par mois ?

Le diagnostic : la torpeur hypnotique entretenue par les fournisseurs ?

Une grande par­tie des entre­prises est main­te­nue dans une sorte de tor­peur hyp­no­tique qui s’ex­plique notam­ment par trois élé­ments clés :

• une tari­fi­ca­tion très com­plexe en rai­son des tarifs mul­tiples, non linéaires, à tiroir, et un mar­ke­ting des four­nis­seurs par­fai­te­ment au point ;
 la pro­messe de ser­vices futurs inno­vants (conver­gence fixe-mobile-data, 3G, voix sur IP) plus sou­vent com­mer­cia­li­sés en mode » push » que pour répondre à de vrais besoins ;
 un mar­ché qui se conso­lide alors qu’il vient à peine de s’ou­vrir, avec la fusion de Neuf Télé­com et Cege­tel. Le dis­cours des acteurs s’u­ni­for­mi­se­ra bien­tôt afin de ne pas réveiller l’en­tre­prise qui dort…

Cette » tor­peur » se tra­duit par une ambi­tion insuf­fi­sante dans l’acte d’a­chat et des écarts de prix de par­fois 200 % pour un même ser­vice (télé­pho­nie ou data) chez le même opé­ra­teur selon que l’en­tre­prise met sur le sujet une focale suf­fi­sante ou non.

Le remède

Le remède passe par la volon­té de se faire déshyp­no­ti­ser et donc par une démarche volon­ta­riste néces­si­tant de pous­ser l’a­na­lyse des dépenses, des modes de consom­ma­tion, des besoins et de la démarche achat un cran plus loin que ce qui est fait, même au sein des meilleures direc­tions des achats.

L’en­tre­prise peut pour cela s’en­tou­rer de véri­tables experts qui dis­posent des connais­sances et argu­ments nécessaires.

L’électricité, une dépense » complexe » dans un marché » structuré « , où les temps sont durs pour les électro-intensifs.

Le constat : des prix en forte hausse dans un marché très structuré

Le cas de l’élec­tri­ci­té est simi­laire aux télé­coms, dans le sens où, tant que les limites de capa­ci­té de pro­duc­tion ne sont pas atteintes, le coût mar­gi­nal de pro­duc­tion d’un élec­tron est faible. Les capa­ci­tés de pro­duc­tion n’é­tant pas infi­nies, le jeu consiste donc bien pour un pro­duc­teur d’élec­tri­ci­té à maxi­mi­ser la valeur qu’il retire de son outil de pro­duc­tion en ven­dant 100 % de sa capa­ci­té au mieux sur le marché.

Le mar­ché, ouvert depuis peu de temps, s’est très rapi­de­ment struc­tu­ré autour de grands pro­duc­teurs et de petits dis­tri­bu­teurs. Entre les pro­duc­teurs et les dis­tri­bu­teurs, une » bourse » a été habi­le­ment ins­ti­tuée qui per­met de fixer un prix de mar­ché de gros.

Qu’ob­serve-t-on ? des marges très confor­tables pour les pro­duc­teurs, des marges mai­gri­chonnes pour les dis­tri­bu­teurs. Un acteur média­tique dans la caté­go­rie dis­tri­bu­teur a récem­ment annon­cé un inves­tis­se­ment dans des capa­ci­tés de pro­duc­tion, sans doute pour se pro­cu­rer des élec­trons moins chers que sur le mar­ché de gros.

Résul­tat de l’ou­ver­ture du mar­ché : les prix montent. De 30 €/MWh il y a trois ans, les prix sont aujourd’­hui aux alen­tours de 60 €/MWh ! Les coûts de pro­duc­tion ont-ils grim­pé de 100 % dans l’in­ter­valle ? Cer­tai­ne­ment pas. Le ser­vice s’est-il amé­lio­ré ? Oui, mais de manière très mar­gi­nale : une entre­prise de 100 sites peut, depuis peu, rece­voir une fac­ture unique pour l’en­semble de ses sites au lieu d’une fac­ture par site. C’est-à-dire, être trai­tée comme une entre­prise et non pas consi­dé­rée comme un simple particulier.

Âge de pierre, quand tu nous tiens…

Le mar­ché de l’élec­tri­ci­té est un exemple fabu­leux de mar­ché de com­mo­di­tés dans lequel les prix montent. Un cas d’é­cole d’une ouver­ture de mar­ché ratée ?

Le remède dépend fortement de la consommation de l’entreprise et de sa situation

Qu’est-il pos­sible de faire pour réduire la fac­ture d’élec­tri­ci­té des entreprises ?

Si votre entre­prise ou site est un gros consom­ma­teur d’élec­tri­ci­té qui a fait jouer son éli­gi­bi­li­té quand le mar­ché était à 28 €/MWh, les temps sont durs et le res­te­ront. Vous encais­se­rez une hausse de prix lorsque votre contrat arri­ve­ra à échéance. Vous pou­vez en revanche vous faire aider par des experts de ces mar­chés pour limi­ter les dégâts.

Pour cer­taines entre­prises indus­trielles pour les­quelles l’élec­tri­ci­té consti­tue une part impor­tante du coût de pro­duc­tion, la ten­ta­tion de la délo­ca­li­sa­tion est si forte que le sujet est même deve­nu politique.

Pour un site non » élec­tro-inten­sif « , ou une entre­prise mul­ti­sites, la hausse des prix n’est pas une fata­li­té et des éco­no­mies sur le prix d’a­chat peuvent être faites, même dans un mar­ché en hausse.

Cela néces­site de mon­ter en com­pé­tence sur le sujet si c’est un poste de dépenses impor­tant ou d’ex­ter­na­li­ser l’op­ti­mi­sa­tion auprès de spé­cia­listes si le jeu ne vaut pas l’in­ves­tis­se­ment en interne, ce qui est géné­ra­le­ment le cas.

L’eau, un marché où 3 entreprises sur 4 paient à leur insu des factures » surdimensionnées »

Troi­sième exemple de mar­ché de com­mo­di­tés dans lequel des éco­no­mies impor­tantes sont réalisables.

Le constat : une totale opacité des prix

Le ser­vice asso­cié à l’eau tel qu’il est per­çu par l’en­tre­prise uti­li­sa­trice se réduit ici encore à sa plus simple expres­sion : l’a­che­mi­ne­ment d’une eau propre. Les choses sont comme d’ha­bi­tude un peu plus com­pli­quées. Le ren­for­ce­ment des normes d’as­sai­nis­se­ment, la néces­si­té d’in­ves­tir dans le renou­vel­le­ment de cana­li­sa­tions vieillis­santes consti­tuent de bonnes rai­sons pour que le prix de l’eau augmente.

Et effec­ti­ve­ment, le prix de l’eau ne cesse d’aug­men­ter. De 10 % par an au début des années 90 à 5 % par an au début des années 2000, ce sont des taux de crois­sance triples de l’in­fla­tion, non sou­mis aux règles du marché.

Le prix de l’eau est consti­tué de nom­breux élé­ments dont près de 60 % sont liés à des taxes diverses dont il est impos­sible pour le pro­fane de déco­der la signi­fi­ca­tion ni la per­ti­nence. Fixé par la com­mune ou le grou­pe­ment de com­munes concer­nées, il est dif­fé­rent d’une ville à l’autre, d’une acti­vi­té à l’autre. Ain­si chez un de nos clients, l’u­sine de Lyon paie son eau 13 % moins cher que le siège social à la Défense, mais 17 % plus cher que l’u­sine de Clermont.

Impos­sible de com­pa­rer car les règles sont trop com­plexes, impos­sible de négo­cier car il n’y a qu’un fournisseur !

Pour­tant il est pos­sible de réduire le coût de l’eau : en s’as­su­rant que les taxes sont cor­rec­te­ment appli­quées et en se fai­sant rem­bour­ser les erreurs de facturation.

Le remède : il consiste à identifier et récupérer les erreurs de facturation et s’assurer que l’entreprise bénéficie de toutes les règles fiscales dérogatoires

Fait cho­quant : des erreurs de fac­tu­ra­tion (invo­lon­taires de la part des four­nis­seurs) se retrouvent dans 75 % des fac­tures ! Elles s’ex­pliquent sans doute par la com­plexi­té des règles qui régissent la tari­fi­ca­tion de l’eau : assiette d’ap­pli­ca­tion des taxes, non prise en compte des fuites, erreurs d’in­dex, dou­blons… Il semble que, dans cer­tains cas, le four­nis­seur se perde dans son propre tarif.

Pour réduire sa fac­ture, ou en limi­ter la hausse, l’en­tre­prise peut éga­le­ment faire appel à des spé­cia­listes de la fis­ca­li­té de l’eau, qui pour­ront véri­fier la bonne appli­ca­tion des règles fis­cales (locales, régio­nales, natio­nales) et iden­ti­fier les éven­tuelles pos­si­bi­li­tés offertes pour en opti­mi­ser le poids.

Les erreurs ou opti­mi­sa­tions sont par­fois tout à fait majeures : à titre d’exemple, une cli­nique s’est vu rem­bour­ser l’é­qui­valent de la moi­tié d’une année de consom­ma­tion car ses fac­tures étaient erro­nées depuis quatre ans

En conclusion

Télé­coms, Élec­tri­ci­té, Eau : trois mar­chés de com­mo­di­tés aux carac­té­ris­tiques fina­le­ment sen­si­ble­ment différentes.

Dans ces trois mar­chés, les diri­geants et direc­tions achats qui le sou­haitent peuvent donc aller encore plus loin et faire faire à leur entre­prise des éco­no­mies substantielles.

Poster un commentaire