Quelle énergie pour la France au XXIe siècle ?
De nombreuses études ont déjà été réalisées sur la prospective énergétique, qui se placent à des points de vue assez divers. L’article de Jacques Frot, publié dans La Jaune et la Rouge de mai 2006, fournit un éclairage et un cadrage très large puisqu’il se place à l’échelle mondiale et envisage un horizon temporel allant jusqu’à la fin du siècle.
Le présent article1, qui sera complété par un second, a des ambitions un peu plus limitées, puisqu’il traite du seul cas de la France et se borne, dans le temps, au milieu du siècle, mais ses ambitions sont également plus grandes pour les raisons indiquées ci-après. Il s’agit bien entendu d’un document très synthétique, les lecteurs ayant la possibilité de se référer à différents ouvrages existants s’ils désirent approfondir certains points (cf. bibliographie in fine), mais avec l’ambition de mettre en lumière des aspects peu connus, ou rarement publiés, du sujet.
Le premier article est consacré aux énergies non nucléaires2. Le deuxième sera centré sur le nucléaire, complétant ainsi le survol du sujet.
Analyse de la demande, ou des besoins
La structure de la consommation d’énergie de la France a beaucoup évolué au cours du dernier demi-siècle, aussi bien par secteurs d’activité pour ce qui est de la consommation finale (cf. figure 1) que par type de ressources en ce qui concerne la consommation d’énergie primaire (cf. figure 2)3.
Dans la suite de cet exposé, nous nous référerons principalement à la consommation d’énergie primaire, parce que c’est elle qui permet d’apprécier les perspectives d’équilibre (ou de déséquilibre) avec les ressources disponibles ou escomptées.
Examinons maintenant les différents facteurs qui influent sur la consommation d’énergie.
1) Principal facteur : le développement économique. L’économiste Pierre Jacquet (75) nous a dit4 son inquiétude sur la croissance économique de l’Europe (dont la France) du fait de la faiblesse de sa démographie, de son intensité de travail, et de sa capacité d’innovation. En se référant aux travaux de confrères économistes réputés très fiables il pronostique un taux de croissance de 2 % jusqu’à 2020 et de 1,75 % au-delà ; mais il avait parlé précédemment de 1,2 %. Un doublement d’ici 2050 est donc possible, mais incertain.
2) Le rapport entre croissance de l’énergie consommée et croissance du PIB est influencé par l’évolution des grands types de consommation évoqués ci-dessus. On a constaté dans le passé de gros progrès d’efficacité énergétique dans l’industrie, qui tendaient à réduire sa consommation d’énergie, mais cette réduction trouvera ses limites si nous avons la volonté de maintenir une capacité industrielle dans notre pays. Les services, eux, se développent rapidement et sont moins intensifs en énergie. La dégressivité du rapport énergie/PIB observée depuis 1980 devrait donc se poursuivre au moins à la même cadence (- 1% par an), ce qui conduirait à limiter à 60 % environ la croissance tendancielle de la consommation d’énergie de 2000 à 2050.
3) La croissance prévisible du coût de l’énergie influera nécessairement sur la consommation. Cette croissance proviendra de l’anticipation de la raréfaction de l’offre, du coût de l’extraction des gisements pétroliers pauvres et de la fiscalité.
Jusqu’à ce jour les hausses spéculatives et techniques du prix des combustibles n’ont eu sur la consommation qu’un effet temporaire. Mais il peut survenir d’ici 2050 des crises politiques plus graves que celles de l’Iran et de l’Irak, entraînant une vraie pénurie d’énergie : impossible d’en chiffrer les conséquences.
Hormis ces crises les estimations les plus sûres ne prévoient pas une vraie pénurie de pétrole avant la fin du siècle.
Reste la fiscalité qu’il faut placer dans son cadre à la fois économique et politique : la revendication d’une réduction massive de la fiscalité pour atténuer les effets de la hausse du pétrole brut a peu de chances d’être satisfaite, étant donné l’enjeu pour le budget de l’État. En outre, une politique de modération volontariste des prix des carburants aurait des effets antagonistes à l’objectif d’économies d’énergie qui va s’imposer pour longtemps (cf. ci-après).
Figure 1 : consommation énergétique de la France Répartition par secteur de consommation finale (1960−2004) Source : Observatoire de l’énergie (pour 2004). |
Figure 2 : consommation énergétique de la France (suite) Répartition par forme d’énergie primaire (1960−2004) Source : Observatoire de l’énergie (pour 2004). |
4) Limitations imposées ou préconisées par des conventions internationales, par les pouvoirs publics français ou par des groupes de pression, au nom de la défense de l’environnement.
Les plus lourdes de conséquence, à long terme, sont, ou pourraient être, la pression pour « sortir du nucléaire » et l’obligation de limiter puis de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Le discrédit du nucléaire – dont la France a été à peu près préservée – semble s’estomper sous l’effet de l’évolution du prix de l’énergie, de la demande soutenue d’énergie électrique et de la mise en œuvre d’un haut niveau de sécurité dans les centrales.
Il n’en va pas de même en ce qui concerne l’effet de serre. Le protocole de Kyoto, signé en 1997 mais dont la ratification n’a été effective qu’en 2005, affichait un objectif global de réduction de 5,2 % en 2010 par rapport à 1990 avec des sous-objectifs par zone ou par pays. Ces objectifs sont désormais des engagements. À noter que celui de la France est seulement de 0 % (grâce à la place du nucléaire dans notre pays), ce qui est assez modéré.
Par contre, le « Plan climat » adopté par le gouvernement français en juillet 2004 va beaucoup plus loin, puisqu’il inclut le « facteur 4 » c’est-à-dire l’objectif de diviser par 4 d’ici 2050 nos émissions de gaz à effet de serre, principalement, du gaz carbonique, résidu de l’utilisation de combustibles fossiles. Et cet objectif est d’ores déjà entériné par voie législative (loi du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique – l’article 2 formule un objectif de diminution moyenne de 3 % par an).
Il s’agit donc désormais d’une obligation. C’est pourquoi un plan d’action a été mis en chantier au niveau gouvernemental. Ce plan d’action devrait montrer que la réduction des émissions de gaz carbonique au quart de ce qu’elles sont aujourd’hui n’est pas totalement impossible. Dans les études préalables, chaque type de consommation a été examiné par les experts appropriés, et a donné lieu à des préconisations de nature diverse :
• exploitation systématique de tous les potentiels connus d’efficacité énergétique dans les activités industrielles ;
• amélioration continue des normes des performances énergétiques imposées aux bâtiments anciens ; raccordement d’une part significative du parc à des chaufferies urbaines ou collectives ; large extension des chauffe-eau solaires ;
• réduction du trafic routier des marchandises avec report partiel sur le rail ;
• réduction de l’usage de la voiture particulière et développement corrélatif des déplacements en transports collectifs (TGV ou transport en commun urbain) ; développement des véhicules électriques et hybrides ;
• etc.
Chacun de ces axes de progrès fait l’objet de programmes détaillés faisant principalement appel à des techniques déjà existantes, plus quelques découvertes jugées très probables débouchant sur des « Technologies à basses émissions » (de carbone) ou TBE.
Dans le scénario préparé par la DGEMP (Direction générale de l’énergie et des matières premières) la consommation totale d’énergie primaire en 2050 serait réduite de 30 % par rapport à l’an 2000 et cette économie est réalisée entièrement sur les combustibles à effet de serre, l’énergie nucléaire étant au même niveau qu’aujourd’hui5. On table ainsi sur une consommation totale de 188 Mtep en 2050 (contre 269 en 2000) dont 103 Mtep d’électricité nucléaire (niveau de 2000), sur la base du coefficient d’équivalence de 0,2606 tep/MWh.
Conclusions sur les prévisions de consommation d’énergie
Nous ne pouvons pas nous limiter au scénario de la DGEMP que nous venons de présenter, pour plusieurs raisons :
a) les mesures préconisées réclament une volonté politique et un pouvoir de contrainte à l’égard de la population française très éloignés des traditions d’une démocratie libérale. En outre, il est incertain que les grands pays d’Europe (et du monde) adoptent la même politique et nous encouragent à persister dans cette voie ;
b) certains progrès techniques, supputés dans le programme d’action, notamment ceux qui concernent les TBE, restent problématiques. De même le transfert sur rail d’une partie notable du fret routier et le maintien de la croissance économique et d’un contexte de prix du pétrole modéré et de fiscalité énergétique non moins modérée ;
c) le financement des investissements nécessaires pour réaliser les économies d’énergie escomptées et pour générer les énergies nouvelles prévues est loin d’être assuré.
Nous retiendrons donc, outre le scénario DGEMP, un deuxième, plus proche des tendances observées dans le passé, correspondant à une consommation globale en 2050 supérieure à la consommation de 2000.
Il semble toutefois exclu de s’en tenir, même en hypothèse haute, au taux tendanciel de + 60 % évoqué ci-dessus, notre pays étant d’ores et déjà engagé dans une politique intense d’économies d’énergie6, qui sera certainement durable et même amplifiée par effet d’élasticité de la demande par rapport au prix, en présence d’une hausse soutenue, très probable, du prix du pétrole. Nous retiendrons donc la moitié du taux tendanciel, soit + 30 %.
La part de cette consommation susceptible d’être couverte par la production d’électricité primaire (nucléaire + hydraulique + éolienne) pourrait alors passer de 40 % à 60 %, taux d’ailleurs voisin de celui du scénario DGEMP, grâce à une extension de la production nucléaire et des progrès réalisés sur l’énergie embarquée (accumulateurs allégés, piles à combustible…).
La consommation totale d’énergie primaire serait alors de 350 Mtep dont 210 Mtep sous forme d’électricité primaire, sans émission de gaz carbonique. Il resterait 140 Mtep à demander aux ressources fossiles subsistantes et aux nouvelles énergies renouvelables, soit un peu moins qu’aujourd’hui. Un appoint pourrait être attendu des nouvelles énergies renouvelables, mais la consommation des énergies fossiles n’aurait que modérément baissé. Les objectifs de réduction des consommations et d’amélioration des rendements énergétiques conservent donc toute leur valeur.
Analyse de l’offre ou des ressources
Si notre propos porte délibérément sur le cas de la France, certaines questions relatives aux ressources nécessitent une approche mondiale (en particulier le pétrole).
Nous examinerons d’abord le cas des principaux types de ressources : hydrocarbures – nucléaire (en première approximation) – biomasse, puis, de manière plus succincte, celui des ressources de moindre importance (éolien, solaire). Le cas du charbon doit être considéré à part non pas en raison de la faiblesse des ressources mais par suite de l’obligation de limiter les émissions de gaz carbonique.
Les hydrocarbures (pétrole – gaz naturel)
La question des ressources pétrolières à moyen et long terme est aujourd’hui diversement commentée.
S’il n’est pas contestable que, dans une perspective à très long terme, le pétrole, ressource fossile non renouvelable à l’échelle humaine, finira par être épuisé, les avis divergent sur le rythme et les modalités de cet épuisement.
Une école, qu’on peut qualifier de pessimiste, considère comme assez proche, sinon l’épuisement du pétrole, du moins le passage par un maximum du volume annuel produit (thèse du « peak-oil » de Hubbert).
Cette thèse apparaît cependant, en dépit de son apparente rigueur, comme passablement réductrice : essentiellement basée sur des considérations géologiques, elle focalise sur le pétrole classique. Elle tient en outre très peu compte des facteurs économiques, en particulier de l’élasticité de la demande par rapport aux prix et plus précisément du fait que des cours élevés du pétrole rendent réaliste l’exploitation de nouvelles ressources.
Aussi existe-t-il une autre école, plus optimiste, représentée notamment par les experts de l’IFP (Institut français du pétrole)7 qui mettent en avant les considérations suivantes :
• les réserves prouvées (probabilité de récupération supérieure ou égale à 90 % grâce aux techniques actuelles et en l’absence de bouleversement des conditions économiques) représentent quelque 1 150 milliards de barils soit environ 40 fois la production mondiale actuelle (80 millions de barils/jour, soit 29 milliards de barils/an) ;
• les réserves des gisements déjà connus au plan géologique mais non encore explorés (dits « gisements restant encore à découvrir » en langage pétrolier) représenteraient quelque 1 000 milliards de barils, soit encore près de quarante ans de la consommation actuelle ;
• à ces ressources de pétrole « conventionnel » s’ajouteront les ressources « non conventionnelles », telles que les bruts extralourds du Venezuela et les sables asphaltiques du Canada8, qui sur la base d’un taux prudent de récupération (15 %) représenteraient quelque 600 milliards de barils de pétrole, soit encore une vingtaine d’années de la consommation actuelle ;
• le progrès technique permet, ou permettra, de mettre en exploitation de nouveaux gisements (gisements terrestres enfouis à grande profondeur ; gisements offshore en eau très profonde) et d’améliorer le taux de récupération des gisements ;
• les réserves exploitables augmentent avec le cours du pétrole ;
• enfin, les techniques CTL (coal to liquid) et GTL (gas to liquid) sont susceptibles de larges développements dès lors que le prix du pétrole est durablement élevé (la Chine escompte un prix de revient de 40 dollars par équivalent d’un baril de pétrole, par la technique CTL, à partir du charbon dont elle est riche).
En fin de compte, il devrait être possible d’envisager la poursuite de la production de pétrole, naturel ou non, jusqu’à la fin du siècle, en tout cas au-delà de 2050.
Mais il ne s’en suit pas nécessairement que nous disposerons toujours de pétrole bon marché.
On doit au contraire s’attendre, après diverses fluctuations tenant à la multiplicité des facteurs techniques, économiques et politiques qui influent sur les cours du pétrole, à un mouvement de hausse tendancielle. En particulier, des travaux de modélisation de l’évolution des prix de l’énergie (modèle POLES) conduisent à envisager un cours de l’ordre de 110 dollars le baril vers 20509 et encore, dans le cadre d’un scénario où production et consommation mondiale n’augmenteraient pas trop. Il n’est donc pas exclu que des cours plus élevés encore soient atteints un jour.
Un tel cours n’est pas nécessairement prohibitif : le maximum atteint lors du deuxième choc pétrolier, en 1980, représenterait 90 dollars actuels en utilisant un déflateur monétaire et 100 dollars en parité de pouvoir d’achat.
Un cours relativement élevé a en outre l’avantage de favoriser la mise en exploitation de nouvelles ressources, puis le développement des énergies de substitution.
À noter, néanmoins, un paradoxe : la mise en exploitation des pétroles non conventionnels consomme beaucoup d’énergie.
Un mot enfin du gaz naturel : il offre des perspectives à long terme comparables à celles du pétrole et plutôt plus favorables : les réserves sont importantes et la date probable de plafonnement de la production plus lointaine ; par contre le transport du gaz naturel est plus difficile que celui du pétrole, ce qui induit un risque de fragmentation du marché par continent et de plus grande volatilité des prix.
L’énergie nucléaire
Comme indiqué en préambule, nous nous bornerons ici à deux hypothèses supplétives, renvoyant à un article spécifique l’analyse des problèmes et perspectives de cette importance source d’énergie.
Une hypothèse basse, ou au fil de l’eau, serait celle qui est retenue dans les travaux de la DGEMP-Observatoire de l’énergie déjà évoqués : remplacement progressif des centrales actuelles, lorsqu’elles arriveront en fin de vie, grâce à un développement lui aussi progressif de la 3e génération (EPR) à un rythme standard de deux tranches par an (à partir de 2020) ce qui conduirait à un quasi-plafonnement de la production au niveau de quelque 90 à 110 Mtep/an (contre 103 en 2000).
Une hypothèse haute déjà évoquée à la fin de la première partie (consacrée à l’analyse de la demande ou des besoins) consisterait, à partir de la constatation des difficultés prévisibles sur la voie de la réalisation de l’hypothèse basse, à demander beaucoup plus au nucléaire afin d’atteindre une production d’énergie électrique de l’ordre de 200 Mtep/an. La faisabilité d’une telle croissance en un peu moins d’un demi-siècle sera examinée dans le deuxième article.
Les biocarburants – La biomasse
On sait faire fonctionner un moteur diesel en l’alimentant avec de l’huile végétale (huile de colza par exemple), ou de préférence un dérivé mieux adapté aux moteurs classiques (ester méthylique). Toutefois, les espoirs qu’on peut mettre dans une telle filière trouvent vite leurs limites sur le plan quantitatif : si l’on envisageait de remplacer, en totalité, le gazole consommé en France par des esters méthyliques d’huiles végétales (EMVH) les cultures capables de produire les graines nécessaires accapareraient la quasi-totalité de la surface agricole utilisée (SAU) en France ! Actuellement, le gazole distribué en France contient d’ores et déjà une fraction d’EMVH (le taux autorisé est de 5 %, le taux effectif actuel est de l’ordre de 1 % seulement, mais en croissance).
Si l’on ambitionne d’obtenir des quantités appréciables d’énergie à partir de matières premières d’origine végétale, force est donc d’avoir une approche beaucoup plus large, à savoir la valorisation énergétique de toutes les formes de la biomasse.
Ces formes sont multiples et comprennent principalement, outre les graines oléagineuses déjà évoquées :
• d’autres cultures dédiées à cet usage (dans la mesure où les besoins de l’alimentation humaine et animale sont déjà couverts) : betteraves, céréales, etc. (utilisation possible des jachères obligatoires instituées par la Politique agricole commune de l’Union européenne) ;
• le bois (dans la mesure où les besoins en bois d’œuvre ou de trituration sont déjà couverts) : la capacité de production globale de la forêt française est de l’ordre de 65 Mm³, alors qu’on en tire actuellement 35 Mm³ de bois d’œuvre environ ; . les déchets organiques et lignocellulosiques (déchets de scierie ou d’exploitation forestière, paille et tiges de céréales, etc.),
• les cultures lignocellulosiques dédiées (taillis, chanvre, lin, etc.).
Les voies de valorisation possibles sont très diverses : production de chaleur, d’électricité, de carburants liquides ou gazeux, etc.
Les coûts de ces diverses filières méritent bien entendu considération, mais ils doivent être appréciés en valeur relative par rapport aux autres sources d’énergie : ce qui n’était pas rentable avec du pétrole à 30 dollars le baril peut le devenir avec du pétrole à 60 dollars, voire 110.
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À noter d’ailleurs que les biocarburants au sens large (carburants liquides issus de la biomasse) présentent le grand intérêt d’être la seule forme d’énergie renouvelable substituable au pétrole, tant comme carburants que comme matières premières pour l’industrie chimique. Ils peuvent être produits en quantités appréciables par les procédés de la famille BTL (biomasse to liquid), utilisant déchets ou produits de culture lignocellulosique, transformés par voie enzymatique ou thermochimique.
L’utilisation énergétique de la biomasse pour la production d’électricité se heurte à la faiblesse du rendement global de telles filières. Elle peut cependant avoir un intérêt aux heures de pointes ou par cogénération (cf. ci-après).
En fin de compte, les atouts et handicaps des différentes filières sont assez contrastés :
• les biocarburants présentent l’atout, déjà signalé, d’être des substituts des hydrocarbures, mais les rendements des différentes étapes de leur production sont très variables : si le rendement à l’hectare du blé est très supérieur à celui des graines oléagineuses, la production du bioéthanol à partir du blé consomme beaucoup d’énergie10 ;
• la combustion de tout élément de biomasse (en particulier des déchets) produit facilement de la chaleur. On peut aussi passer à la cogénération (production conjointe d’électricité et de chaleur à raison de 25 % d’énergie électrique et 75 % de chaleur) ;
• la transformation thermochimique, qui conduit à la gazéification de substances organiques ou végétales, convient particulièrement bien à la valorisation des produits lignocellulosiques (bois, paille, etc.). C’est probablement la filière la plus prometteuse à long terme, sous réserve d’importants efforts de recherche-développement.
En ce qui concerne la France, on admet aujourd’hui les ordres de grandeur suivants :
• globalement, la valorisation énergétique de la biomasse, qui ne dépasse pas actuellement 11 Mtep par an, pourrait atteindre, en 2050, 40 Mtep par an (à rapprocher de la consommation actuelle d’énergie primaire : 275 Mtep) ;
• les biocarburants (compris dans les enveloppes globales ci-dessus) qui ne dépassent pas actuellement 0,4 Mtep par an pourraient atteindre, en 2050, 20 Mtep par an, majoritairement issus des filières BTL (à rapprocher de la consommation actuelle de produits pétroliers raffinés : 87 Mtep par an, y compris usages non énergétiques) ;
• ces croissances très importantes supposent un notable accroissement de la surface de terres arables dédiées aux productions non-alimentaires : limitée actuellement à 0,6 Mha, elle devrait atteindre en 2050 quelque 5 Mha, soit environ 25 % du total.
À noter enfin, que les objectifs ci-dessus, découlant d’une approche nationale, pourraient devenir une hypothèse basse dans la perspective d’un monde qui s’engagerait dans une valorisation importante de la biomasse, laquelle pourrait inciter, à terme, à une forte spécialisation géographique : cultures ligneuses dans des régions forestières peu peuplées – canne à sucre dans les régions tropicales humides, etc.
Les autres ressources
La production d’électricité d’origine éolienne, beaucoup moins importante aujourd’hui en France que dans certains autres pays (Allemagne, Espagne) fait cependant l’objet d’un développement volontariste, compte tenu de l’engagement pris par notre pays de produire, dès 2010, 21 % de son électricité à partir de sources d’énergies renouvelables (Directive européenne du 27 septembre 2001, au sens de laquelle l’hydraulique est une énergie renouvelable, mais pas le nucléaire), ce qui compte tenu de la faible élasticité des autres sources conduit à un objectif de 10 000 MW installés (contre environ 1 000 actuellement). Il est d’ores et déjà acquis que cet objectif ne sera pas atteint en 2010, mais il pourrait l’être vers 2015.
Pourra-t-on aller au-delà ? Cela dépendra de facteurs en partie politiques : le développement actuel est fondé sur des tarifs administrés et une obligation d’achat par EDF. Par contre, l’implantation de nombreuses éoliennes de grande taille suscite souvent des oppositions locales.
Par ailleurs, il est connu que le caractère intermittent et aléatoire de la production éolienne pose des problèmes spécifiques, en particulier la nécessité de disposer de centrales de remplacement. Compte tenu de la nécessité de démarrage inopiné à la demande de ces centrales de remplacement, la solution la plus simple (mais pas la plus satisfaisante) est le recours à des centrales thermiques, mais on pourrait également utiliser des centrales nucléaires, moyennant un mode d’utilisation approprié de celles-ci (conduite « en suivi de charge », qui pose toutefois des problèmes de rentabilité).
Il convient donc d’être prudent et d’escompter, à long terme, une production d’énergie qui ne dépasserait pas 40 TWh/an, soit environ la moitié de la production hydraulique.
En ce qui concerne l’énergie solaire, il convient de distinguer deux branches très distinctes.
Le solaire thermique (production d’eau chaude) est simple à mettre en œuvre et permet des économies sur les autres sources d’énergie (combustibles – électricité). L’équipement des immeubles en panneaux solaires thermiques est une technique d’ores et déjà éprouvée. Le « plan solaire » initié par l’ADEME en 2000 visait un objectif de 1 000 000 m2/an d’installation de panneaux solaires thermiques vers 2010, échéance à laquelle le parc français pourrait être de l’ordre de 3 600 000 m2. Si le rythme visé se poursuit pendant une vingtaine d’années, on arriverait à long terme à quelque 24 000 000 m2, ce qui éviterait une consommation d’autres énergies de l’ordre de 1,5 Mtep/an, c’est-à-dire assez peu de chose.
La question du solaire photovoltaïque (production d’électricité) est plus complexe : ce procédé rend des services très appréciés pour les installations isolées ou les bâtiments non raccordés au réseau électrique (ce dernier cas est très marginal en France métropolitaine). Une utilisation moins limitée pourrait emprunter deux voies : Le « toit photovoltaïque » permettant à un bâtiment de produire au moins une partie de sa consommation d’électricité, qui s’inscrirait dans un effort plus global d’amélioration des performances énergétiques des bâtiments ou la production pour le réseau. Ce dernier mode souffre de sérieux handicaps, en particulier une faisabilité totalement subordonnée à d’importantes subventions, car son prix de revient est de l’ordre de dix fois celui des centrales classiques. Même en supposant un important renchérissement général de l’énergie, un tel handicap ne pourrait être surmonté qu’à long terme et par d’importants efforts de recherche-développement qui restent à accomplir.
En résumé, il semble improbable que la production d’électricité d’origine solaire apporte une contribution significative au réseau français à l’horizon 2050, ce qui ne retire d’ailleurs pas leur intérêt à des applications dédiées comme le « toit photovoltaïque » pour un pavillon d’habitation.
Le charbon
Les plus récents des scénarios prospectifs convergent vers une utilisation en France de plus en plus limitée de cette source d’énergie. Le fait que la production française ait disparu n’en est évidemment pas la seule raison : s’y ajoutent l’incommodité du charbon et surtout le fait que la partie utile de ce combustible étant exclusivement constituée de carbone, son bilan gaz carbonique-énergie est particulièrement mauvais, ce qui est très défavorable à la réalisation des objectifs que la France s’est assignée en la matière.
On s’oriente donc, à long terme, vers une consommation limitée à une fourchette de 1 à 4 Mtep.
Des scénarios variantes sont toutefois possibles, notamment par recours à des technologies évoluées (CTL, cf. ci-dessus) ou dans un but de sécurité d’approvisionnement (cf. ci-après).
La sécurité énergétique
Aussi bien l’expérience accumulée depuis le premier choc pétrolier (1973) que les supputations que l’on peut faire à partir de la situation géopolitique actuelle suggèrent que l’impératif de sécurité énergétique pourrait, dans certains cas, l’emporter sur d’autres facteurs du problème de l’énergie.
On sait en effet que si les pays membres de l’OPEP ne réalisent aujourd’hui que 30 % de la production mondiale de pétrole, ce taux risque de passer, dans une vingtaine d’années, à 40–45 %, alors que plusieurs pays de l’OPEP entretiennent des relations difficiles avec les principaux pays importateurs11.
L’Union européenne a d’ailleurs rangé la sécurité énergétique au rang de ses objectifs fondamentaux depuis 2002.
Quels équilibres possibles en 2050 ?
On obtient ainsi les évolutions suivantes des ressources globales | Hypothèse basse (– 30%) |
Hypothèse haute (+ 30%) |
Pétrole | 35 | 65 |
Gaz naturel | 12 | 30 |
Électricité nucléaire | 103 | 200 |
Biocarburants, biomasse | 40 | 40 |
Électricité hydraulique | 7 | 7 |
Autres énergies renouvelables (éolien-solaire) | 5 | 5 |
Charbon | 1 | 4 |
Total | 203 Mtep/an | 351 Mtep/an |
On a évalué, dans la première partie, les besoins en énergie primaire de la France en 2050 à :
• 188 Mtep/an en hypothèse basse,
• 350 Mtep/an en hypothèse haute.
Restent à examiner les ressources dont on peut escompter l’utilisation, en reprenant de manière synthétique les données examinées dans la deuxième partie pour chacune des principales sources d’énergie, ce qui donne l’inventaire suivant
• pétrole et gaz naturel : on a admis qu’ils seraient encore disponibles en 2050, les limitations probables de la consommation découlant soit de l’effet d’élasticité de la demande par rapport aux prix, soit des décisions relatives à la limitation des émissions de gaz carbonique.
La tendance de la consommation de pétrole a d’ailleurs cessé depuis longtemps d’être à la hausse puisque cette consommation, qui était de 121 Mtep en 1973, plafonne depuis 1990 à 90–95 Mtep. On peut donc admettre qu’elle sera inférieure à 90 Mtep, même en hypothèse haute. L’hypothèse basse la limite à 35 Mtep en 2050.
La tendance de la consommation de gaz naturel, par contre, reste nettement orientée à la hausse. Toutefois, compte tenu de ce que plus de la moitié de la consommation actuelle concerne le secteur résidentiel et tertiaire, où l’effort d’amélioration des performances énergétiques, déjà évoqué, va nécessairement se poursuivre, on peut admettre, même en hypothèse haute, une réduction de l’ordre de 25 % par rapport à la situation actuelle, soit 30 Mtep (contre 40 en 2004). L’hypothèse basse limite cette consommation à 34 Mtep en 2030 et 12 en 2050.
• électricité nucléaire on a admis les chiffres provisoires suivants :
– hypothèse basse : 103 Mtep/an,
– hypothèse haute : 200 Mtep/an.
• biocarburants et autres valorisations de la biomasse : 40 Mtep/an.
• électricité hydraulique : force est d’admettre un plafonnement au voisinage du niveau actuel soit 7 Mtep/an12.
• électricité éolienne : 3,5 Mtep/an.
• solaire thermique : 1,5 Mtep/an.
L’équilibre est assuré en hypothèse basse (il le serait encore si les objectifs de valorisation de la biomasse n’étaient que partiellement atteints) mais au prix d’économies drastiques de pétrole et de gaz naturel, dont la faisabilité reste à établir.
L’équilibre peut également être assuré en hypothèse haute tout en permettant une certaine réduction de la consommation de pétrole, mais au prix d’un très gros effort d’équipement nucléaire et sans pour autant arriver à respecter le « facteur 4 ».
Le cumul de ces deux derniers handicaps donne à penser que le respect du « facteur 4 » serait pour le moins difficile, même pour une hypothèse de consommation intermédiaire.
Des variantes plus audacieuses mériteraient peut-être cependant d’être examinées, notamment à partir de la remarque suivante : le « facteur 4 » constitue une déclinaison appliquée aux pays développés d’un objectif « facteur 2 » à l’échelle mondiale (afin de ménager les possibilités de croissance des autres pays). Mais on peut se poser la question de savoir s’il est équitable de vouloir imposer ce facteur 4 tel quel à la France, qui a déjà fortement réduit ses émissions de gaz carbonique, du fait du développement important de sa production d’énergie nucléaire13.
Il s’agirait évidemment là d’une démarche politique audacieuse. Mais, inversement, considérer le « facteur 4 » comme un dogme intangible constituerait une démarche de caractère téléologique14.
Commentaires
Les chiffres ci-dessus ne doivent pas faire illusion : ils ne constituent que des ordres de grandeur. De plus, la réalisation d’un équilibre esquissé de manière aussi sommaire reste subordonnée à des conditions physiques qui ne ressortent pas directement de ces chiffres. Une analyse plus générale (qui déborderait de l’objet du présent article) devrait approfondir les perspectives de compétition, pour l’utilisation de certaines matières premières, telles que les produits de la biomasse, entre les utilisations énergétiques et d’autres domaines : lubrifiants, mais aussi solvants, plastiques, papeterie, bois d’œuvre, etc.
En particulier, les carburants liquides vont devenir rares et la réalisation d’un nouvel équilibre (même en hypothèse haute) suppose que nous soyons capables de modifier les processus de déplacements de personnes et de transports de marchandises en faisant appel à de nouvelles technologies ou en ayant recours beaucoup plus largement que par le passé à des technologies déjà connues, mais dont le développement a, jusqu’à présent, stagné : véhicule à propulsion électrique15 ; déplacements en TGV plutôt qu’en voiture particulière pour les distances moyennes ou en avion pour des distances plus longues16, voire réduction de la fréquence de nos déplacements. Ou encore : rapprochement de certaines productions, ou fabrications, des zones de consommation (à l’inverse de ce qui s’est fait au cours des dernières décennies).
On débouche là non seulement sur une période de transition énergétique, mais aussi sur de véritables problèmes de société, qui ne peuvent, au mieux, être résolus qu’à long terme : il conviendrait donc de commencer à s’en occuper tout de suite (les réveils tardifs risquent d’être douloureux).
Dans un autre ordre d’idées, il se pourrait qu’on envisage, si les autres sources d’énergie s’avéraient insuffisantes, un certain retour au charbon (dont les ressources restent abondantes au plan mondial). Mais compte tenu des contraintes désormais prises en compte en matière d’émissions de gaz carbonique, ce retour au charbon suppose l’acceptation et le financement des techniques de captage et séquestration du gaz carbonique. Il pourrait aussi y avoir là un moyen de respecter le « facteur 4 » en hypothèse haute. Or, ces techniques de stockage géologique en sont encore à l’expérimentation, voire au concept. Un important effort de recherche-développement semble d’autant plus s’imposer dans ce domaine, notamment pour faire baisser les prix, qu’il semble devoir être de longue haleine.
Enfin, il semble évident, à la lumière de ce qui précède, qu’il est exclu de « sortir du nucléaire » : le défi auquel notre pays va être confronté au cours des prochaines décennies sera au contraire celui de notre capacité à doubler la production d’électricité d’origine nucléaire.
Bibliographie sommaire ■ L’énergie de demain, sous la direction de J.-L. BOBLIN, E. HUFFER et H. NIFENECKER – EDP – Sciences éditeur, 2005. ■ L’énergie en 2050 par B. WIESENFELD – EDP – Sciences éditeur, 2005. ■ Quelles énergies pour demain ? par R. DAUTRAY – Odile Jacob – Sciences éditeur, 2004. ■ Futuribles, n° 315 – janvier 2006 (numéro consacré aux perspectives énergétiques). |
1. Cet article, ainsi que le deuxième évoqué ci-après, a été établi, notamment (mais non exclusivement) à partir des données produites lors de deux tables rondes, auxquelles participaient notamment : Gérard FRIÈS (75), Richard LAVERGNE (75), Jean BOUNINE-CABALÉ (44) et Jean-Paul LANNEGRACE (55), tandis que Gérard de LIGNY (43) et Jean HERMAN (52) participaient aux deux, pour en assurer l’animation et la synthèse. Hervé NIFENECKER (55) a été consulté séparément. La présente synthèse n’engage personnellement aucun des experts ainsi consultés, chacun d’eux ayant cependant été à même de donner son avis.
2. Des hypothèses supplétives seront faites, à ce stade, sur le nucléaire, pour aborder la question de l’équilibre global.
3. Les figures 1 et 2 sont extraites des documents publiés par la Direction générale de l’énergie et des matières premières (DGEMP, Observatoire de l’énergie).
4. Voir son article dans le numéro de mai 2005 de La Jaune et la Rouge.
5. Le document – très pédagogique – qui présente le processus et le résultat de cette étude est consultable sur le site Internet : www.industrie.gouv.fr/énergie
6. Dont témoigne, notamment, la nouvelle réglementation thermique des bâtiments (RT 2005) qui va entrer en vigueur et s’avère passablement draconienne : obligation de respecter une consommation maximale en kWh/m2/an – obligation d’une surface minimale de panneaux solaires thermiques, etc.
7. Cf. aussi : Albert BRESSAND – Les scénarios globaux de Shell – Futuribles, janvier 2006.
8. L’objection selon laquelle le pétrole contenu dans ces gisements serait un pétrole dégradé par oxydation relève de la tautologie : les sables asphaltiques étant enfouis à faible profondeur dans des couches de sables non consolidés et perméables ont effectivement subi des altérations par destruction des molécules les plus légères. Cela ne signifie pas qu’ils sont inexploitables !
9. Exposé de Patrick CRIQUI, directeur de recherches au CNRS (Laboratoire d’économie de la production et de l’intégration internationale-LEPII) au Groupe X‑Environnement le 16 novembre 2005.
10. Toutes étapes cumulées, le rendement énergétique de la filière bioéthanol dépasse à peine 1, pour produire 100 tep sous forme de bioéthanol, il faut dépenser près de 100 tep et le produit final ne contient que très peu de production énergétique nette : il a surtout l’intérêt d’être un transformateur d’énergie.
11. Albert BRESSAND – Les scénarios globaux de Shell – in Futuribles n° 315, janvier 2006 (numéro consacré aux perspectives énergétiques).
12. La conversion des ressources en énergie électrique primaire non nucléaire (hydraulique-éolien) est faite sur la base dite du « contenu énergétique », soit 0,086 tep/MWh, selon les conventions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et de l’Office européen des statistiques (EUROSTAT) adoptées en France par l’Observatoire de l’énergie depuis 2002. D’autres interprétations sont possibles, par comparaison avec une autre source d’énergie, jugée plus précieuse (par ex. : le pétrole).
13. Cf. France-Perspectives énergétiques pour 2050, par C. ACKET et P. BACHER, document consultable sur le site : www.sauvonsleclimat.org
14. Terme employé dans le rapport « Étude pour une prospective énergétique concernant la France » produit par ENERDATA et le LEPII pour le compte de la DGEMP en février 2005.
15. En dépit de la stagnation passée de la voiture électrique, des marges importantes existent dans ce domaine. En particulier les spécialistes de la recherche (tout à fait appliquée) en matière de transports collectifs urbains considèrent qu’à long terme ces transports pourraient utiliser exclusivement de l’énergie électrique (Réf : 50e Forum d’Iéna – Les transports de la ville en pleine mutation – mai 2005).
16. L’utilisation de l’hydrogène comme carburant mérite une simple mention car, outre qu’il ne s’agit pas d’une source d’énergie mais seulement d’un vecteur d’énergie, sa mise en œuvre restera longtemps incommode, voire dangereuse.