La validation des acquis de l’expérience
Nous savons l’importance qu’attache la société française aux diplômes et, dans de précédents articles, nous avons évoqué le poids de l’hérédité familiale dans la réussite scolaire et ses répercussions sur la distribution des bons diplômes. Confrontés à la panne de l’ascenseur social qui en résulte, les pouvoirs publics de droite comme de gauche ont voulu conjurer ce qu’ils percevaient comme une menace pour la cohésion sociale du pays, et ils ont recherché un moyen de faire accéder les adultes aux diplômes qu’ils n’avaient pu obtenir en formation initiale. Instituée par une loi de janvier 2002, la validation des acquis de l’expérience ouvre cet accès à partir d’une évaluation de l’expérience professionnelle ou personnelle de chaque individu.
L’idée de valider l’expérience n’était pas nouvelle. En 1934, une loi qui a été amendée en 1974 avait ouvert à des cadres issus du rang la possibilité d’obtenir un diplôme d’ingénieur délivré par l’État. En 1985, un texte d’application de la loi Savary d’orientation de l’enseignement supérieur avait institué une validation des acquis professionnels qui permettait un accès aux études universitaires à des candidats non titulaires des diplômes normalement exigés. En 1993, une nouvelle loi a étendu le champ de la validation à des dispenses d’épreuves pour des parties de diplômes de l’enseignement supérieur ou de l’enseignement technologique. La loi de 2002 s’inscrit dans la continuité de ces textes, mais sa nouveauté consiste dans le fait qu’elle permet de déconnecter les diplômes des contenus des formations qui leur correspondent habituellement. La validation des acquis de l’expérience (VAE) ouvre en effet la possibilité d’attribuer un diplôme sur la base d’une évaluation des compétences, sans aucune référence à un enseignement. Cela entraîne la nécessité de redéfinir les diplômes qui doivent être décrits en termes de capacités professionnelles certifiées. La loi a spécifié que les diplômes ainsi redéfinis seraient inscrits dans un répertoire national de la certification professionnelle.
Des textes d’application de cette loi ont précisé les conditions de sa mise en œuvre. Pour l’enseignement supérieur, la VAE s’applique aux diplômes d’État des universités, aux diplômes d’ingénieur et à ceux délivrés par les écoles de commerce et de management, mais ses textes d’application laissent à chaque établissement, université ou grande école, une grande latitude pour en assurer la mise en œuvre. Celle-ci doit commencer par la rédaction d’une fiche descriptive qui recense les compétences correspondant à chaque certification, fiche qui permettra son inscription dans le répertoire national de la certification professionnelle. Elle comporte aussi la mise en place de jurys qui instruisent les demandes individuelles.
En ce qui concerne les universités, une concertation s’est mise en place dans le cadre du réseau national des directeurs de services universitaires de formation continue. Certaines universités avaient pratiqué la validation instituée en 1985, qui permettait l’accès de non-diplômés aux études supérieures. Avec l’aide du Fonds social européen, des formations ont été mises en place pour les acteurs de la VAE, enseignants ou personnels administratifs. La préparation de ces formations a été l’occasion de définir des procédures d’information et d’accueil des candidats, puis d’accompagnement de la préparation de leurs dossiers, enfin de constitution et de fonctionnement des jurys. Un groupe de travail « diplômes et certifications » a reçu mission d’élaborer des documents destinés à guider d’une part les candidats à la VAE dans l’élaboration de leurs dossiers, d’autre part les membres des jurys dans leur tâche d’évaluation. Ce groupe travaille aussi sur les modalités de construction des certifications en vue de leur inscription au répertoire national.
De son côté, l’enseignement supérieur agricole a constitué un réseau des responsables VAE de ses 25 établissements, publics ou privés, dans lesquels sont accueillis environ 13 000 étudiants. Ayant organisé une information sur la VAE dès le début de l’année 2001, les membres du réseau se sont mis d’accord sur une procédure commune, et ils ont travaillé sur le contenu du dossier à remplir par les candidats, sur une grille d’analyse de l’expérience et sur des outils d’aide à la décision pour les jurys. Dans chaque établissement, un groupe de travail a redéfini les diplômes en termes de compétences à maîtriser, de façon à les inscrire au répertoire national des certifications.
Les écoles d’ingénieur et celles de management et de gestion ont d’abord dû surmonter une forte réticence initiale. Mais confrontée à la nécessité d’appliquer la loi, la commission formation de la conférence des grandes écoles a mis en place un groupe de travail sur la VAE. L’idée d’attribuer le diplôme à partir de la seule évaluation des compétences a donné lieu à controverses, l’une des préoccupations étant le risque de délivrer des sous-diplômes. La commission a notamment abordé la question des langues étrangères et celle de l’ouverture à l’international. Il ressort de ses travaux que la procédure VAE ne doit pas être exclusive de l’enseignement et qu’un jury doit pouvoir subordonner une validation au suivi de formations dans un ou plusieurs domaines. La commission a aussi observé que, dans les écoles d’ingénieur qui ont ouvert des sections d’apprentissage, le travail sur la pédagogie de l’alternance apparaît comme une ouverture vers la VAE et que, réciproquement, la réflexion sur les métiers auxquels prépare l’école a des retombées positives pour la formation initiale.
Il nous a semblé d’autant plus nécessaire d’aborder cette question de la VAE dans notre revue que, dans son rapport de mission sur son application, le professeur Benhamou2 souligne l’intérêt d’impliquer les anciens élèves dans la définition des modalités de sa mise en œuvre. Cela apparaît nécessaire pour que le diplôme ne soit pas contesté, et cette implication serait sollicitée à deux niveaux. D’une part les anciens élèves seraient représentés dans les jurys que constitue chaque établissement pour instruire les dossiers de VAE, et d’autre part ils seraient associés à la préparation des référentiels d’activité de chaque diplôme au moyen d’enquêtes sur les métiers qu’ils occupent.
Nota : un certain nombre de lecteurs ont demandé les coordonnées de la société M & D d’aide à domicile, dont l’activité a été présentée dans un Forum social publié dans le n° 617 d’août-septembre 2006. Voici ses coordonnées :
Michel Mazet,
M & D,
34, boulevard Haussmann,
75009 Paris.
Tél. : 01.72.76.80.15.
Fax : 01.72.76.80.16.
www.metd.fr
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1. Cet article est largement documenté à l’aide du rapport de mission du professeur Albert-Claude Benhamou, intitulé La validation des acquis de l’expérience en actes, qui a été publié en date du 30 juin 2005 sur le site Internet du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
2. Opus cité, p. 33.