Cartier, le succès d’un pionnier
Stimulée par une croissance record à deux chiffres, galvanisée par des ventes exceptionnelles, notamment en haute joaillerie dont l’augmentation atteint les 30 %, la Maison Cartier confirme, à l’aube de l’année 2007, son statut de référence du luxe authentique et intemporel. Une vitalité prodigieuse qui relève d’une vraie stratégie d’entreprise capable de se projeter, d’innover, d’éclairer la route et ce, depuis les premiers âges du joaillier.
Pionnier, la Maison va en effet se comporter comme telle et sur tous les fronts d’hier et d’aujourd’hui. Création, fabrication, internationalisation, communication, engagement… c’est là que réside la différence.
L’histoire témoigne, depuis bientôt cent soixante ans : celle des frères Cartier, aventuriers du monde moderne, de la Russie à l’Inde, de l’Orient à l’Extrême-Orient qui inventent en 1900 le Customer Relationship Management.
Celle des Must, dans les années soixante-dix, qui inaugurent un marketing spécial luxe, font descendre l’entreprise dans la rue et inventent une nouvelle clientèle du luxe. Celle de l’horloger qui invente, avec la montre Santos en 1904, la première montre-bracelet et avec le SIHH en 1991, un salon commercial consacré uniquement à la haute horlogerie précieuse, celle du communicant qui perçoit avant l’heure, dans l’engagement et le mécénat, une chance d’entrer dans le XXIe siècle.
L’internationalisation, une vocation originelle
Ils sont trois, trois frères qui, à eux seuls, vont investir le monde dès le début du siècle et faire du joaillier ce qu’il va devenir : un héritage à transmettre. Trois frères dont l’esprit d’équipe consiste à se répartir la planète en trois. Jacques pour l’Angleterre où il acquiert à Londres en 1902 la prestigieuse adresse de New Bond Street, Paris où Louis anime la rue de la Paix et enfin New York et l’hôtel particulier de la 5e Avenue que Pierre a l’intelligence d’échanger contre un collier de perles en 1917. Entre eux, il s’agit déjà d’une association.
Depuis Londres, Jacques voyage dans le golfe Persique à la recherche des plus belles perles, aborde l’Inde où il persuade les maharadjas de réactualiser leurs bijoux. Pierre part en Russie dont il ramène les émaux les plus fins et se fait le familier des princes. Ils jettent les bases d’un véritable processus d’internationalisation, repoussent les frontières au point d’établir déjà une notoriété internationale.
Les Must ou l’accélération d’une notoriété en marche
Collier Cartier en platine, un saphir facetté jaune orangé taille coussin pour 52,23 carats, un saphir facetté violet taille ovale pour 4,28 carats, diamants taille briolette, tanzanite, brillants.© K. RIOU |
Un phénomène qui va s’accélérer dans les années soixante-dix avec l’apparition des Must (ligne bis plus accessible de maroquinerie, objets, bijoux et montres) qui propulsent le créateur en dehors de ses boutiques à la rencontre de nouveaux clients à travers un réseau de distribution multiproduits, disparu depuis, qui s’appuie sur les ventes du célèbre briquet ovale. Il ouvre les portes du temple, descend dans la rue au rythme d’un monde qui change.
C’est une révolution dans le petit Landerneau du luxe, mais l’histoire est en marche qui, loin de démentir ce choix, confirme l’initiative, suivie depuis par l’ensemble de la profession.
Demain, plus loin
Aujourd’hui la Maison possède près de 250 boutiques réparties dans plus de 50 pays et plus de 15 000 points de vente. Une Maison qui étend son territoire, loin, en Chine déjà, depuis 1992 avec des boutiques à Shanghai, Pékin, Shenzhen, Guangzhou, Hangzhou, Qingdao ou Harbin… mais aussi, à travers des signes forts, comme une exposition de pièces anciennes appartenant à la Collection Cartier (1986) au musée de Shanghai, une participation au Salon de l’horlogerie de Pékin. Des événements qui attirent des milliers de visiteurs comme l’incroyable Festival de glace d’Harbin où, là encore, le créateur se distingue.
Reste l’Inde, encore inexplorée en raison des taxes extrêmement élevées à l’importation comme à la vente. Un pays de culture joaillière où chaque Indien possède son joaillier de famille et où la marque de joaillerie la plus connue est la nôtre.
La création, le renouveau, l’exploration pionnière de styles
La notion de marque est pratiquement née avec nous, car, s’il est simple de mettre un diamant sur une monture, il est plus complexe de la personnaliser afin qu’elle devienne identifiable. Ce fut le grand apport du joaillier qui, très vite, a développé un style particulier. Il existe en effet un style du créateur fait de signes et de formes, d’alliages et d’inspirations qui permettent de reconnaître une montre Tank comme une bague trois anneaux d’un seul coup d’œil.
Signes et styles, l’identification d’une marque
Bernard Fornas, président de Cartier International et Monica Bellucci, ambassadrice de la Maison Cartier. © K. RIOU |
Pionnier, le joaillier va inventer le style guirlande en 1900, puis le style tutti frutti, jeter les bases de l’Art déco en joaillerie, créer le tachisme panthère en 1914, la montre Tank en 1917, la bague trois anneaux en 1924, le bracelet Love en 1969, importer le travail de l’émail depuis la lointaine Russie, les pierres gravées de l’Inde, les perles baroques d’Orient. Des styles qui font le style et constituent aujourd’hui un patrimoine exceptionnel qui fait l’objet d’expositions dans les plus grands musées du monde : le MOMA à New York, le British Museum à Londres, l’Ermitage à Saint-Pétersbourg et le Kremlin à Moscou… Un pan de l’histoire de la création de la Maison sur laquelle se penchent désormais les conservateurs spécialisés dans les arts décoratifs.
Mille à deux mille heures de travail
Au fil du temps, cet esprit pionnier ne s’est jamais démenti, les collections de joaillerie ou d’horlogerie contemporaine réveillent tous les thèmes, de la panthère à l’orchidée, elles inaugurent une forme, un porté, une expression qui créent des impulsions d’achats parfois stupéfiantes. Ainsi, dès le lendemain du lancement à New York de la collection Caresse d’orchidées, plusieurs colliers de un à trois millions de dollars ont été vendus à la boutique de la 5e Avenue. Même engouement du côté de l’horlogerie de prestige (montres joaillières, montres de forme, montres à complication) qui connaît, elle aussi, des taux annuels de croissance à deux chiffres. Une tendance d’autant plus profitable que le prix moyen des montres ne cesse d’augmenter.
De plus en plus complexes, ces montres peuvent valoir jusqu’à 1 million d’euros et elles se vendent ! C’est tout le savoir-faire de l’entreprise qui s’exprime au travers de ces pièces uniques dont la valeur est déterminée par le style et le nombre d’heures de travail qu’elles ont nécessité.
Certaines de ces pièces demandent entre mille et deux mille heures de travail aux artisans maison. De telles collections sont aussi un engagement financier important.
Innovation, technique, créativité : le savoir-faire Cartier
Le platine, un matériau de genre nouveau pour « le joaillier des rois, roi des joailliers »
Montre La Dona de Cartier. Grand modèle en or jaune et diamants.
© G. IMHOF
Chez Cartier, le créateur et l’artisan cherchent de concert, par curiosité ou par nécessité. Ainsi, si Louis Cartier s’est intéressé le premier au platine en 1900, c’est parce qu’il cherchait un substitut aux montures en argent en vogue à l’époque. Ces bijoux noircissaient et ne résistaient pas à l’épreuve des feux des premières lumières électriques. Aucun joaillier ne savait travailler le platine, les artisans ont dû inaugurer de nouvelles techniques, de nouvelles voies.
Un savoir-faire qui s’applique à un style, comme le pavage panthère qui vaudra à la Maison le surnom de joaillier des rois et roi des joailliers à l’époque où elle se voit attribuer, par toutes les cours d’Europe, des brevets royaux.
Cette tradition d’innovation et d’excellence en joaillerie se perpétue aujourd’hui depuis les six ateliers de la Maison, répartis dans quatre pays, qui lui garantissent une capacité de production unique en son genre.
La première montre-bracelet
Des trajectoires comme celle-ci, il y en a d’autres comme celle de la première montre-bracelet créée pour l’aviateur Santos-Dumont en 1904 qui souhaitait, à l’époque des montres de gousset, pouvoir lire l’heure aux commandes de son avion en évitant le geste contraignant d’avoir à sortir sa montre de la poche. Une révolution de créateur qui anticipe les modes de vie et stimule l’artisan horloger, l’obligeant à trouver des solutions, à inventer à son tour.
Pionnier là encore, la Maison multiplie les inventions et brevets gagnés au fil du temps comme la boucle déployante en 1909, création maison qui permet de ceinturer le poignet sans qu’aucune boucle n’apparaisse.
Le mystère de pendules fantastiques
Même défi avec les célèbres dites pendules mystérieuses dont les aiguilles défilent en transparence sans qu’aucun mécanisme ne se laisse voir. De la pure magie ! Invention née en 1912 du génie de Louis Cartier et de l’horloger Maurice Couët qui développent ensemble un procédé selon le principe du grand Robert Houdin, inventé en 1850.
Aujourd’hui, l’entreprise possède en Suisse sa propre manufacture horlogère. Comme par le passé, elle conjugue également son savoir-faire à celui d’autres grandes manufactures horlogères pour concevoir des mouvements d’exception, habilités à devenir des calibres de la firme.
L’accessoire, une tradition en avance
Accessoires Cartier. © CHRISTIAN VIGIER |
Petite maroquinerie, sacs, cadeaux, foulards, ils reviennent en force et renouent avec une tradition maison qui s’intéresse aux objets dès les années trente. À l’époque est créé un véritable département d’avant-garde dédié aux accessoires. Plus actuels que jamais, ils sont en quelque sorte une entrée en matière en luxe. Il leur est consacré de véritables collections précieuses et siglées qui renouvellent le genre. Ils représentent d’ores et déjà 11 % du chiffre d’affaires et possèdent un potentiel à la hauteur des projets de la marque à travers des objets plus accessibles (100 euros), ligne de cadeaux susceptibles d’accompagner le client tout au long des événements de sa vie.
Le client, une stratégie pionnière de « fidélisation »
Le succès réside aussi dans l’art consommé d’aller au-devant du client, d’installer entre lui et la Maison une relation privilégiée. C’est une tradition qui commence avec Louis Cartier qui comprend très tôt l’intérêt qu’il y a à quitter l’Hexagone, à partir parfois loin, en des temps où voyager comporte quelques risques.
Des bords de la Neva, aux confins de l’Inde, le joaillier aborde son « client »
En 1907, il part pour la Russie à la conquête d’une aristocratie passionnée de joaillerie pour laquelle il exposera à Saint-Pétersbourg à l’hôtel Europe, sur les bords de la Neva. C’est le début d’échanges commerciaux qui s’achèveront en 1917 pour ne reprendre qu’en 1992 à l’occasion de l’exposition l’Art de Cartier au musée de l’Ermitage.
Avec l’Inde, la rencontre se matérialise dès 1911 alors que le plus jeune des trois frères, Jacques, basé à Londres, établit là-bas son premier séjour, chargé de cent trois pièces en platine dans ses valises.
Aller au-devant du client, cette philosophie d’entreprise lui inspire en 1923 la création d’un département S, pour Silver, qui présente une élégante collection d’accessoires et de bijoux dont l’inventaire traduit une nouvelle approche des objets de luxe : toujours chics mais abordables, quotidiens. Une intuition qui s’exprimera pleinement en 1973 avec Les Must de Cartier.
Le logo descend dans « la rue », une grande première dans le luxe
À cette époque est instauré un contact plus convivial avec la nouvelle clientèle jeune en développant de nouvelles lignes de produits plus accessibles : montres en vermeil, articles de maroquinerie, stylos et parfums. Un nom, un style, une légende se mettent à la portée du monde : puissance d’une intuition de diversification, le succès est au rendez-vous, le logo s’installe sur les sacs et le briquet devient un véritable statut symbole, une grande première dans le luxe. La signature de la Maison s’affiche et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, Les Must, nom donné à l’ensemble de cette ligne, passe dans le langage courant. Une appellation, une distanciation, synonyme d’une époque qui n’existe plus désormais, puisque « la » Maison a pris le pas sur Les Must.
L’art du sur-mesure, de la haute joaillerie au parfum
L’exercice n’en demeure pas moins difficile, qui consiste alors à naviguer d’une clientèle à l’autre, à faire cohabiter le principe de sur-mesure et de collections dites d’initiation dont les premiers prix se situent entre 700 et 2 000 euros.
Un numéro d’équilibriste qui permet au créateur de s’adresser au pluriel comme au singulier dans le cadre très privé de la commande spéciale. Véritable conte d’histoires extraordinaires, l’inventaire poétique des commandes spéciales maison participe de la légende du joaillier. Derrière chacune d’elles, un nom, un prince, une diva, un collectionneur… Galeries de personnages dont la Maison matérialise les rêves d’enfants à travers la création « d’originaux ». Un rêve à deux qui la projette au-delà de son territoire, avec la nécessité, toujours, de préserver son style. La rigueur est là, dans l’art subtil d’exaucer, de se mettre au service de l’autre sans s’oublier.
Beaux, ces objets qui ne connaissent ni rivaux, ni copies, donnent à leurs propriétaires le sentiment euphorisant d’être pour beaucoup dans la création d’une œuvre.
Un service qui s’adresse désormais au domaine du parfum pour lequel la Maison a créé un salon du sur-mesure au 13, rue de la Paix, de l’extrême raffinement au prix de 30 000 euros.
La communication, prémonitions médiatiques
Réhabiliter le patrimoine ou l’art de s’exposer
Sponsoring, grandes fêtes, expositions… le créateur fait entendre sa voix à raison de coups d’éclat spectaculaires qui lui valent, notamment en 1997, l’année de ses 150 ans, l’accueil des plus grands musées du monde, comme le British Museum, le Metropolitan, le Grand Palais… Une reconnaissance internationale, la caution des plus grands conservateurs et une notoriété qui dépasse de très loin en prestige n’importe quelle campagne publicitaire. C’est tout un art que d’avoir compris à quel point son patrimoine relève d’importance. Dans les années quatre-vingt, le créateur va en effet constituer une collection, se réapproprier son passé, acquérir les plus belles pièces de son histoire. Un pari, un coût, une quête aussi au cours de laquelle le joaillier achète les bracelets réalisés pour Gloria Swanson, la panthère de la duchesse de Windsor… et tant d’autres pièces rares qui font aujourd’hui l’objet d’expositions et d’éditions prestigieuses.
Inventer la fête
Communiquer, la Maison sait le faire, autrement, à sa manière en organisant les premières grandes fêtes jet-set comme en 1983 en Tunisie en présence d’Elton John et de David Bowie lors du lancement impressionnant de ses lunettes ovales. Une tradition perpétuée avec la réouverture féérique du magasin historique du 13, rue de la Paix, le 13 décembre 2005 ; ce fut l’occasion de privatiser le jardin des Tuileries le temps d’un bal Tiares et champagne… Et en s’investissant dans un sport, lié à un art de vivre au diapason de son style, comme le polo, le joaillier anime l’événement chic chaque année de Windsor à Saint-Moritz, de Dubaï à Jaipur…
L’engagement, un principe précurseur
S’engager, là aussi, la Maison fait office de précurseur de l’industrie du luxe.
>Ouvrir la voie, c’est encore ce qui la motive à travers sa décision de créer un futur prix, le Cartier Women’s Initiative Awards, destiné à encourager l’esprit d’entreprise et à soutenir les femmes entrepreneurs.
La Fondation Cartier pour l’art contemporain s’est installée au 261, boulevard Raspail à Paris. Elle a été conçue par l’architecte Jean Nouvel. P. GRIES © CARTIER |
La Fondation, un mécénat d’avant-garde
La Fondation Cartier pour l’art contemporain témoigne, elle aussi, de l’engagement d’une maison, au rayonnement de la création contemporaine et de ses libertés. C’est, en effet, l’une des premières entreprises françaises à s’être engagée en faveur de l’Art contemporain en France. À l’époque, en 1984, la culture demeure un monopole d’État dont le créateur souligne les limites. Alain-Dominique Perrin, président de l’époque, milite en faveur d’un art « libéré » d’une tutelle qu’il juge alors trop conservatrice.
Avec la Fondation est entamé simultanément un dialogue avec l’extérieur et l’intérieur de l’entreprise. Au sein même de la Maison, elle est tout à la fois un motif de fierté collective, un outil d’éducation du regard et de la pensée, un mode d’exigence et de dépassement et la source d’un enrichissement personnel.
Dans le monde professionnel de l’art, la Fondation occupe une place stratégique et pionnière. Ancrée dans une culture d’entreprise, elle est devenue un élément essentiel du paysage culturel national et international. Créative, inventive, tant dans sa programmation qu’à travers ses publications, elle insuffle un esprit de liberté reconnu et respecté par ses pairs.
Elle inscrit Cartier dans l’art de notre temps, elle participe de cette exception qui place la création et la créativité à l’avant-scène de sa vitalité d’entrepreneur.