L’ambition retrouvée
À mon arrivée à la direction générale de l’EPAD1, à l’automne 2004, nul n’aurait parié que le A du sigle pouvait encore symboliser l’avenir…
L’arrêt de mort de l’aménageur avait été rendu, l’exécution prévue le 31 décembre 2007, alors qu’importe si le premier quartier d’affaires européen allait s’endormir définitivement sans espoir de réveil.
Les propriétaires du site, ne voulant se résoudre à l’inéluctable et voir leurs biens péricliter au détriment de nouvelles places fortes ayant pour nom Londres, Berlin, ou Barcelone, rassemblés au sein de l’Association AUDE pour défendre la pérennité du site avaient l’impression de prêcher dans le désert…
La question de la gestion du quartier à la disparition de l’EPAD demeurait en suspens. Serpent de mer depuis bientôt vingt ans, elle encourageait à la résistance dans cet univers mortifère.
Conscient de cet état de fait, le ministre de l’Équipement missionnait le directeur général de l’EPAD pour réfléchir à une possibilité d’avenir…
Observateur attentif depuis de très longues années, à Paris, puis de manière plus directe au sein du Conseil général des Hauts-de-Seine, acteur majeur de l’opération, la question ne pouvait que le passionner.
Je ne doute pas que mon parcours atypique pour ce poste me donnait une liberté de réflexion et de propositions indispensables à ce moment. J’ajoute que mon tempérament iconoclaste garantissait une force de proposition sans tabous, ni préjugés. Les équipes de l’EPAD, retrouvant la confiance, se mobilisent. En six mois nous mettons au point un ambitieux projet à la mesure de La Défense. L’idée en est simple. L’image de La Défense se ternit. Les surfaces neuves se raréfient, les produits proposés sur le marché vieillissent, les grandes entreprises commencent à lorgner vers nos concurrents européens qui font preuve d’un plus grand dynamisme. Nous proposons donc de taper fort et de donner à La Défense un nouveau souffle comme elle n’en a jamais connu.
Nous évaluons à 850 000 m2 de bureaux la bonne jauge pour les constructions nouvelles. Aller au-delà risquerait de mettre en péril l’harmonie qui règne autour de la dalle. Parmi ceux-ci 350 000 seront issus de démolition-reconstruction des immeubles les plus obsolètes.
Des mesures d’incitation seront proposées aux propriétaires, comme l’exonération de la taxe sur les bureaux sur les surfaces démolies. Nous proposerons dans ce programme, au minimum une tour « Signal » dont l’audacieuse architecture marquera le paysage du site comme jadis la Grande Arche ou le Cnit.
Nous inscrivons comme priorité que toutes les nouvelles constructions répondent aux légitimes exigences du développement durable qui devra inspirer toutes nos actions.
Soucieux de maintenir l’équilibre logements-bureaux qui a toujours prévalu à l’opération, nous proposons la construction sur l’ensemble du périmètre de l’EPAD de 100 000 m2 de logements nouveaux.
Pour libérer de nouvelles emprises, le boulevard circulaire, dans sa partie sud, sera transformé en boulevard urbain.
Parce que la desserte en transports en commun frôle la saturation, nous en appelons au prolongement d’Éole à La Défense, tout en proposant d’en financer une partie significative sur les bénéfices issus des nouvelles charges foncières.
Nous proposons pour régler le problème de la gouvernance une structure ad hoc rassemblant les collectivités locales concernées : Courbevoie, Puteaux et le Conseil général des Hauts-de-Seine dont le Président jouera un rôle déterminant pour la réussite de notre projet. Enfin, j’ajouterai une proposition qui me tient à cœur : transformer l’image de La Défense, pour qu’elle devienne un quartier vivant et animé, bien au-delà des heures traditionnelles du bureau.
Durant l’été et l’automne 2005, nous avons exposé notre projet à tous les acteurs concernés : État, collectivités locales, partenaires privés.
Spontanée ou plus réfléchie, l’adhésion est totale. Le projet est présenté au Conseil d’administration de décembre et adressé simultanément au ministre de l’Équipement.
Bien sûr, des voix hostiles se font entendre. Mais ne pas permettre à La Défense, locomotive de l’Île-de-France, de se développer, c’est stopper une possibilité de croissance économique dont le pays a bien besoin. On le sait, nombre d’entreprises ont choisi pour leur siège social La Défense et d’autres pôles de développement pour leur back-office. Ne parlons pas de ceux qui voudraient bloquer la relance de La Défense au prétexte de l’exonération partielle de la taxe sur les bureaux alors que l’ensemble du projet générera de substantielles recettes pour la Région.
Et puis quoi, la France doit-elle rester inerte et à la traîne face à la concurrence internationale ? La Défense ne doit-elle pas retrouver l’ambition et l’audace qui en ont fait le succès ?
Notre message sera entendu. Les ministres de l’Intérieur et de l’Équipement feront le 25 juillet 2006 le chemin de La Défense pour annoncer la décision de l’État de mettre en route une première phase de 2007 à 2013, avec 300 000 m2 de bureaux neufs et 150 000 m2 de bureaux reconstruits.
Le reste du projet est adopté à l’identique. Pour faire bonne mesure, on annonce qu’une partie des bénéfices générés participera au développement de nouveaux pôles stratégiques en Île-de-France.
Les investisseurs montrent très vite à quel point ils attendaient ces dispositions pour agir.
Unibail lance un concours international d’architecture pour la construction d’une tour symbolique par son audace architecturale, à l’automne, le jury retient la proposition de Thom Mayne dont le formidable écho médiatique montrera à quel point nous avons vu juste.
Générali et Vinci présentent leur projet de rénovation du petit immeuble Iris (15 000 m²) en une impressionnante tour de plus de 300 m de haut !
Le monde politique n’est pas en reste et le 7 février, l’Assemblée nationale, après adoption au Sénat en janvier, vote la loi relative aux règles d’urbanisme prévalant dans le périmètre de l’EPAD et portant la création d’un Établissement public de gestion du quartier d’affaires.
Ainsi, en moins de deux ans, la boucle est bouclée et le renouveau de La Défense sur les rails ! Jamais, sans doute, une opération d’urbanisme de cette ampleur n’aura été menée avec une telle célérité. Il faut dire que le temps nous était compté et que le monde économique n’aurait pas attendu plus longtemps avant de s’expatrier !
La confiance et l’appui que nous a apporté le monde politique ont été, avec le soutien des acteurs économiques, les clés de notre réussite.
L’ambition partagée de tous permet à La Défense, cinquante ans après sa création, de symboliser les forces de l’avenir.
1. Etablissement public pour l’aménagement de la région de La Défense