L’Europe et l’énergie

Dossier : Europe et énergieMagazine N°629 Novembre 2007
Par Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET (92)

L’Eu­rope et l’éner­gie ont tou­jours entre­te­nu une rela­tion très par­ti­cu­lière. N’est-ce pas la créa­tion, en 1951, de la Com­mu­nau­té euro­péenne du char­bon et de l’a­cier qui a per­mis de trans­for­mer en actes l’i­dée euro­péenne, en ins­ti­tuant pour la pre­mière fois un mar­ché com­mun pour ces deux sec­teurs en pleine muta­tion ? Bien sûr, aujourd’­hui, la pro­blé­ma­tique a bien chan­gé. L’Eu­rope de l’éner­gie se construit dans un contexte très dif­fé­rent de celui qui pré­va­lait au len­de­main de la Seconde Guerre mon­diale, alors qu’il fal­lait accom­pa­gner des indus­tries en dif­fi­cul­té ou en recon­ver­sion. Mais dans un monde en per­pé­tuelle trans­for­ma­tion, le pano­ra­ma est éga­le­ment bien dif­fé­rent de celui d’il y a dix ou vingt ans. De nou­veaux défis sont appa­rus, avec les élar­gis­se­ments suc­ces­sifs, le remo­de­lage du pay­sage capi­ta­lis­tique euro­péen et la com­plexi­fi­ca­tion des mar­chés. À côté des ques­tions liées à la sécu­ri­té des appro­vi­sion­ne­ments ou à la com­pé­ti­ti­vi­té de l’é­co­no­mie euro­péenne, la pré­ser­va­tion de l’en­vi­ron­ne­ment est deve­nue une pré­oc­cu­pa­tion poli­tique majeure à l’é­chelle européenne.

Deux domaines illus­trent en par­ti­cu­lier le rôle actif de l’U­nion euro­péenne en matière de poli­tiques éner­gé­tiques durables : la lutte contre le chan­ge­ment cli­ma­tique et la diver­si­fi­ca­tion du mix éner­gé­tique, afin d’ac­cor­der une place plus impor­tante aux éner­gies renou­ve­lables. Dans le cadre du pro­to­cole de Kyo­to, un sys­tème euro­péen d’é­change de quo­tas d’é­mis­sions de CO2 a vu le jour, avec l’a­dop­tion de Plans natio­naux d’at­tri­bu­tion des quo­tas appli­qués au sec­teur indus­triel et à la branche éner­gie. Par ailleurs, sur la base du 3e Paquet Éner­gie pré­sen­té par la Com­mis­sion au Conseil euro­péen de mars 2007, un objec­tif ambi­tieux a été fixé : l’ob­jec­tif Triple 20 % à l’ho­ri­zon 2020 (- 20 % d’é­mis­sions de gaz à effet de serre, – 20 % d’in­ten­si­té éner­gé­tique, 20 % d’éner­gies renou­ve­lables dans le mix éner­gé­tique). Celui-ci vient s’a­jou­ter à d’autres enga­ge­ments rela­tifs aux bio­car­bu­rants ou à l’élec­tri­ci­té d’o­ri­gine renouvelable.

Ce n’est en effet que grâce à des poli­tiques ambi­tieuses que les éner­gies renou­ve­lables, aus­si bien tra­di­tion­nelles (bois, géo­ther­mie, éolien…) que nou­velles (pho­to­vol­taïque, pompes à cha­leur…), pour­ront connaître un véri­table essor, lequel doit éga­le­ment s’ac­com­pa­gner d’un redou­ble­ment de l’ef­fort pour amé­lio­rer notre effi­ca­ci­té éner­gé­tique. Car l’éner­gie coûte cher, que ce soit en termes de fac­ture exté­rieure ou en termes d’in­fra­struc­tures. Au niveau de l’U­nion euro­péenne, on estime à envi­ron 1 800 mil­liards d’eu­ros le mon­tant des inves­tis­se­ments en infra­struc­tures éner­gé­tiques néces­saires d’i­ci 2030 pour que l’offre satis­fasse la demande. Par ailleurs, dans un contexte de crise inter­na­tio­nale per­sis­tante des prix des éner­gies, l’im­por­ta­tion de com­bus­tibles fos­siles et nucléaires conduit à une fac­ture éner­gé­tique exté­rieure qui a dépas­sé pour la France les 46 mil­liards d’eu­ros en 2006, soit 2,6 % du PIB.

Pour les États euro­péens, qui sont confron­tés à des four­nis­seurs peu nom­breux ou en situa­tion de car­tel (OPEP) et qui veulent se don­ner des objec­tifs ambi­tieux, l’é­chelle euro­péenne est bien la bonne. La France entend y jouer un rôle moteur. De fait, son sys­tème éner­gé­tique est un modèle pour beau­coup de ses par­te­naires. Actuel­le­ment, au sein de l’U­nion euro­péenne, la France est le deuxième pays le moins émet­teur de CO2 par uni­té de PIB, der­rière la Suède (qui béné­fi­cie d’un consi­dé­rable parc de cen­trales hydro­élec­triques). Mais l’é­cart reste trop grand encore entre d’un côté, la France et la Suède, et, de l’autre, le reste de l’U­nion euro­péenne. La très grande diver­si­té du mix éner­gé­tique au sein des pays de l’U­nion euro­péenne s’ex­plique par des fac­teurs aus­si variés que la géo­gra­phie, la géo­lo­gie, la struc­ture éco­no­mique et la volon­té poli­tique de cha­cun des États membres. Aus­si, serait-il illu­soire de vou­loir s’ac­cor­der sur un mix idéal vers lequel cha­cun devrait conver­ger. Cepen­dant, l’en­ga­ge­ment de cha­cun en faveur du déve­lop­pe­ment durable doit se faire sans réserve.

Le déve­lop­pe­ment durable est bien l’af­faire de tous. Et si les États demeurent des acteurs incon­tour­nables des poli­tiques éner­gé­tiques, nous ne pour­rons jamais aller très loin sans une conscience com­mune de l’ur­gence qu’il y a d’a­gir, sans une concer­ta­tion large avec le plus grand nombre et sans un réel effort de coor­di­na­tion entre les ini­tia­tives de cha­cun. Cela, l’Eu­rope nous le rap­pelle chaque jour.

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Claude Thié­bautrépondre
2 avril 2011 à 9 h 58 min

L’Eu­rope et l’éner­gie
Bon­jour,

Le défi de la France, mais tout aus­si bien de l’Eu­rope et plus géné­ra­le­ment du monde est de construire des tech­no­lo­gies de pro­duc­tion d’éner­gie non seule­ment renou­ve­lables mais éga­le­ment dont l’empreinte sur l’en­vi­ron­ne­ment soit proche de zéro. 

Parce que nous n’a­vons jamais défi­ni les cri­tères du déve­lop­pe­ment durable appli­cables à la pro­duc­tion d’éner­gie, on a ten­dance à consi­dé­rer comme res­pec­tueuses de l’en­vi­ron­ne­ment des tech­no­lo­gies qui sont pour­tant pol­luantes pour l’environnement.

La rai­son prin­ci­pale est qu’on ne foca­lise son atten­tion que sur les seules émis­sions de C02. Quid du ren­de­ment, de la puis­sance mas­sique (>100TMW pour une cen­trale nucléaire), du fac­teur de recy­cla­bi­li­té des maté­riaux (nul à Fuku­shi­ma), de la consom­ma­tion et de la pol­lu­tion de l’eau, des sols et de l’air, etc…

Mer­ci de votre attention.

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