Une politique européenne de transports « durables »
Le changement climatique est un défi majeur et les transports doivent apporter leur contribution à une forte réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans nuire pour autant au développement économique et à la vie sociale. De nombreuses mesures technologiques et fiscales sont envisageables. Encore faut-il qu’elles soient prises pour la plupart d’entre elles au niveau adéquat qui est le niveau européen et même, si possible, mondial. Une forte volonté européenne est donc indispensable. D’autres mesures concernant les infrastructures ou l’urbanisme sont à prendre au niveau des États ou des agglomérations. C’est aussi un enjeu pour tous les citoyens qui, à travers des changements de comportement mineurs mais constants, peuvent contribuer efficacement à cet objectif.
Les transports des pays développés seront « durables » s’ils sont cohérents avec les objectifs du développement durable. Ils doivent ainsi simultanément permettre le progrès économique, la satisfaction des besoins sociaux des individus, et la division par quatre, à l’horizon 2050, des émissions de gaz à effet de serre. Que seront les transports en 2050 ? La démarche prospective récemment conduite par le Conseil général des Ponts et Chaussées apporte plusieurs enseignements.
Une croissance modérée
La croissance des flux de transports sera plus modérée, compte tenu notamment du ralentissement démographique, des limites du temps passé dans les transports, de la maturité de l’équipement motorisé des ménages et de la stabilité des vitesses de transport, de l’évolution vers une économie moins industrielle et avec une part accrue des services.
Priorité à la route
Une démarche en quatre étapes
La démarche suivie pour l’enquête prospective 2050 s’est déroulée en quatre étapes :
• compréhension de l’évolution passée sur les 30 à 50 dernières années avec un fort accroissement du volume de transports de voyageurs et de marchandises avec le maintien d’un prix bas de l’énergie ;
• projection d’avenirs possibles à partir de deux variables principales : la gouvernance européenne et mondiale pour développer des énergies alternatives au pétrole et lutter contre le changement climatique ; la dynamique de développement démographique et économique intra-européenne ;
• quantification des scénarios en précisant les valeurs possibles de chacune des variables de demande et d’offre de transports, y inclus notamment le prix des transports qui combine le coût des éléments externes et les progrès de la productivité interne ;
• chiffrage des flux de transports, en distinguant les voyages intérieurs, les voyages internationaux aériens et les marchandises terrestres.
Le mode routier restera prédominant, même avec de fortes croissances des modes de transport complémentaires à la route.
Le réseau routier apporte en effet un service universel, pour toute liaison « origine-destination » alors que les autres modes (ferroviaire, fluvial, aérien) offrent une desserte limitée à certaines liaisons entre des stations d’autocars ou de métro, des gares ferroviaires, des aéroports ou des chantiers de transbordement ferroviaires et fluviaux. Pour remplir un train de marchandises (équivalent à 30 camions) ou un gros convoi fluvial (équivalent à 200 camions), il est nécessaire d’opérer des regroupements importants qui ne sont rentables que sur des axes massifiés.
Peu de sensibilité au prix de l’énergie
Les volumes de trafic seront relativement peu sensibles au prix de l’énergie, même en faisant varier fortement (entre 60 et 180 $ le baril) le prix du pétrole (avec taxe carbone) ou celui – équivalent – des carburants de substitution.
Une réduction des émissions de CO2
Taxe et efficacité
Le scénario le plus volontariste sur la question énergétique envisage à la fois des véhicules plus efficaces, de type hybride électrique, consommant 3 litres/100 km, avec autonomie électrique pour les trajets de proximité ; une taxe C02 de 60 $ par baril et une moindre dépendance aux carburants pétroliers, les ressources énergétiques se diversifiant entre un tiers biomasse (fabriquées avec une énergie non émettrice de CO2), un tiers électricité d’origine nucléaire ou par séquestration du CO2, et un tiers pétrole fossile
Ce scénario conduit à une division par un facteur de 2,5 des émissions de gaz à effet de serre des transports, compte tenu de la croissance des trafics routiers et aériens.
Une réduction importante des émissions de CO2 dans les transports apparaît possible, même avec une prédominance du mode routier, moyennant le développement à grande échelle de véhicules économes et de carburants propres, dont les technologies sont déjà accessibles. Cependant, les bouleversements technologiques nécessaires à cette réduction des émissions ne peuvent résulter que d’un progrès net de la gouvernance mondiale, ou à tout le moins d’une gouvernance européenne. Ils doivent en effet être provoqués par des mesures de régulation, telles que « taxe carbone », permis négociables et normes techniques des véhicules et des carburants dont on voit mal comment elles pourraient être prises à l’échelle d’un seul pays ni même, pour certaines, d’un ensemble régional comme l’Europe.
Parallèlement aux travaux de « prospective 2050 », le ministère des Transports s’est livré à un exercice de projections économétriques des « flux de transports à l’horizon 2025 », dans le contexte économique, énergétique et fiscal que nous connaissons aujourd’hui ou que nous pouvons prévoir avec vraisemblance.
La croissance du Produit intérieur brut est supposée de 1,9 % par an en moyenne.
Le nombre de voyageurs/kilomètres augmenterait de 40 à 70 % dont la route assurerait entre 75 et 80 % (80 % en 2002), le fer de 18 à 20 % (17 % en 2002) et l’aérien intérieur stagnerait à 4 %.
Quant aux transports intérieurs de marchandises, leur volume exprimé en tonnes-kilomètres augmenterait de 33 à 40 % dont la route assurerait entre 78 et 82 % (82 % en 2002).
À partir de ces estimations et en tenant compte de la poursuite de la mise en œuvre de « l’accord volontaire des constructeurs automobiles » visant à réduire à 140 g CO2/km en 2008, puis à 120 g CO2/km en 2012, les émissions des voitures neuves vendues et en tenant compte également des mesures du plan climat en France, les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports sont présentées sur le tableau ci-après.
On constate que, malgré la croissance des trafics, les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports ou du transport routier sont inférieures aux émissions de 2002 mais supérieures d’environ 20 % aux émissions de 1990.
De la route vers le fer
Les premières mesures possibles concernent l’intermodalité : pour économiser 1 million de tonnes de CO2 par an, il faut transférer 15 milliards de tonnes-kilomètres de la route vers le fer, soit augmenter le fret ferroviaire de près de 40 % par rapport à son niveau de 2005. La mise en service de trois autoroutes ferroviaires de 600 kilomètres chacune, soit une circulation de deux fois 40 navettes (3 fois 13) par jour, ferait économiser 0,5 million de tonnes de CO2/an. La mise en service des 1 600 km de LGV fera économiser 0,6 million de tonnes de CO2/an. La non-réalisation des 2 000 kilomètres d’autoroutes nouvelles ferait économiser 2 millions de tonnes de CO2/an. Enfin, une diminution de 10 km/heure des vitesses maximales autorisées sur les réseaux routiers interurbains ferait économiser 0,7 million de tonnes de CO2/an.
Normaliser les véhicules
Les poids lourds sont en mesure d’utiliser dès maintenant une proportion importante de biocarburants
D’autres économies de CO2 sont réalisables par des mesures relatives aux véhicules et aux carburants. La mise aux normes du parc de véhicules à 120 g CO2/km économiserait 35 millions de tonnes CO2/an et même 50 millions de tonnes de CO2/an à 90 g CO2/km. Le remplacement de 20 % du pétrole par un carburant alternatif sans CO2 (électricité ou biocarburant produits sans émission de CO2) rapporterait 30 millions de tonnes CO2/an. La généralisation des véhicules électriques dans les flottes publiques urbaines économiserait 0,6 million de tonnes CO2/an.
Vers une politique de transports durables
La lecture attentive tant de la prospective 2050
que des projections économétriques 2025 montre que l’objectif d’un facteur 4 en 2050 pour les
émissions de gaz à effet de serre dues au secteur des transports ainsi que l’objectif d’une réduction de ces émissions en 2025 par rapport à 1990 sont très ambitieux. Les mesures de très loin les plus efficaces concernent les progrès technologiques sur les véhicules et les carburants, qui doivent conduire à un renouvellement du parc et à de nouveaux carburants.
De l’accord volontaire à la contrainte
Aider les utilisateurs
Il faut s’assurer que les citoyens européens achètent bien les voitures les moins émettrices. Pour cela, une vignette annuelle d’un montant suffisamment important et proportionnel aux émissions de CO2 du véhicule paraît indispensable, son produit permettant d’aider les ménages les plus modestes à changer de véhicule. Une mesure du même ordre devrait être mise en oeuvre pour les poids lourds avec un objectif de réduction des émissions de CO2 par les véhicules neufs d’au moins 20 % d’ici 2012.
En ce qui concerne les voitures particulières, « l’accord volontaire des constructeurs automobiles européens », par lequel ils s’engageaient sur un taux d’émission de 140 g CO2/km en moyenne sur l’ensemble des voitures vendues en 2008 ne sera pas respecté.
Il faut donc, comme le propose la Commission européenne, passer à une étape plus contraignante au moyen d’une directive imposant – sous peine de très fortes amendes – une moyenne d’émission de 130 g CO2/km à l’horizon 2012 sur la moyenne des voitures vendues.
De plus, l’industrie automobile va mettre sur le marché, dans un délai de cinq ans environ, des voitures hybrides rechargeables particulièrement adaptées aux déplacements de proximité dans les zones urbaines et périurbaines, mais aussi en milieu rural.
Utiliser les biocarburants
L’objectif pour les voitures particulières d’utiliser une proportion d’au moins 10 % de biocarburants d’ici 2020 est crédible. Comme les biocarburants coûtent plus cher que les carburants classiques issus du pétrole fossile, il faut encourager cette évolution par la mise en œuvre d’une taxe carbone. Cette taxe ne doit d’ailleurs pas concerner uniquement les transports mais toutes les activités économiques. Une telle taxe devrait, pour des raisons évidentes de saine concurrence et d’efficacité, être établie au niveau mondial. À défaut, elle pourrait l’être au niveau européen et s’appliquer aussi aux biens importés. Pour ne pas alourdir la pression fiscale générale, elle pourrait se substituer à d’autres taxes.
Les moteurs des poids lourds sont en mesure d’admettre dès maintenant une proportion importante de biocarburants. Des mesures fiscales d’incitation à adopter au niveau européen devraient être mises en œuvre. Il devrait être aussi possible dans des délais rapprochés d’imposer aux flottes urbaines de véhicules d’être non émettrices de gaz à effet de serre.
L’aviation aussi
L’aviation ne peut évidemment pas rester en dehors des efforts d’économie d’émissions de gaz à effet de serre. La Commission européenne a proposé l’introduction de l’aviation dans le système européen de quotas d’émission. C’est une bonne étape, mais qui devrait être suivie d’un accord mondial sur ce sujet.
Enfin, il va de soi que pour préparer l’avenir ultérieur, un important effort de recherche sur les moteurs, sur les carburants et plus généralement sur l’énergie « propre » doit être entrepris.
Optimiser la logistique
Un important effort de recherche doit être entrepris
Des économies importantes d’émissions de gaz à effet de serre devraient être obtenues à travers une optimisation de la logistique des grands chargeurs et distributeurs en diminuant leurs besoins de transports et en leur permettant d’utiliser des modes de transport alternatifs à la route.
Ils pourraient être incités à cette optimisation de la logistique, soit en les faisant entrer dans le système européen de quotas d’émission, soit en augmentant le coût des transports émetteurs de gaz à effet de serre par une taxe carbone.
Mais il convient aussi d’envisager : l’amélioration de la qualité et de la productivité du fret ferroviaire en France et en Europe, ce qui nécessite de gros efforts de la part de la SNCF et de RFF ; le développement d’autoroutes ferroviaires dans les corridors saturés ou fragiles ; la poursuite du programme de lignes ferroviaires à grande vitesse en France et en Europe ; le développement des autoroutes de la mer ; le financement de ces infrastructures ferroviaires notamment à travers une taxe sur les poids lourds sur le réseau majeur non concédé ; le développement des transports collectifs dans les zones les plus denses des agglomérations ; la mise en œuvre dans les grandes agglomérations d’un péage sur les autoroutes radiales ou d’un péage pour entrer dans les zones les plus denses ; l’organisation plus rationnelle des transports de marchandises en ville.
Faire évoluer les comportements
D’autres économies considérables d’émissions de CO2 sont possibles, mais elles sont liées à des changements de comportement.
Pourquoi ne pas adopter dès maintenant un style de conduite « apaisée » qui permet de faire des économies notables de carburants ?
Pourquoi ne pas utiliser systématiquement des modes « doux » (vélos, marche à pied) pour les déplacements de proximité ?
Pourquoi ne pas utiliser pour les déplacements domicile-travail le covoiturage qui pourrait d’ailleurs être fortement incité par les entreprises d’une certaine taille et par les autorités d’agglomération ?
Pourquoi ne pas accepter un urbanisme plus dense au lieu d’étendre sans cesse les zones à urbaniser ?
Les citoyens pourraient être incités à de telles économies d’émissions de CO2 par l’introduction d’un système de permis d’émission personnel ou par une augmentation modérée mais régulière des taxes sur le carburant fossile.
Une forte volonté européenne s’impose
De nombreuses mesures technologiques et fiscales sont donc envisageables. Il est évident que des mesures d’ordre technologique ne peuvent être prises qu’à un niveau au moins européen et il en est de même pour l’instauration d’une taxe carbone non symbolique. Une forte volonté européenne est donc indispensable. Les États peuvent décider des priorités d’investissements d’infrastructures et des mesures fiscales. Aux agglomérations d’agir en matière d’urbanisme, de transports urbains ou de stationnement. C’est, enfin, un enjeu pour tous les citoyens qui, à travers des changements de comportement mineurs mais constants, peuvent contribuer efficacement à l’objectif.
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