Produire de l’électricité par le vent, ce n’est pas raisonnable
L’énergie du vent n’est pas d’exploitation récente. Cela fait longtemps qu’elle est utilisée par les moulins à vent, très souvent pour pomper de l’eau. Les technologies modernes permettent d’augmenter considérablement l’efficacité énergétique de ces « moulins à vent » en en faisant des « éoliennes », alimentant en énergie électrique les réseaux publics d’électricité.
Un investissement coûteux
Le parc de production éolien allemand atteint une puissance installée de 20 000 MW. La France, très « en retard » de ce point de vue (1 700 MW environ), se couvre d’éoliennes comme pâquerettes au printemps. Dès lors plusieurs questions se posent : pourquoi cette véritable explosion de l’éolien ? est-ce objectivement justifié, ou s’agit-il d’un phénomène de mode, enclenché par l’adjectif magique « renouvelable » ? L’argent mis dans les éoliennes est-il bien utilisé ?
Constatons tout d’abord que produire de l’énergie électrique par éolienne est coûteux en investissement. Le coût, raccordement au réseau compris, d’un MW éolien est de l’ordre de 1,2 à 1,3 million d’euros. Ce MW fournit chaque année 2 000 MWh.
Un capital placé sans grand risque dès lors que l’État oblige les producteurs classiques à payer au prix fort l’électricité produite par le vent.
On ne peut guère espérer porter cette productibilité au-delà de 2 200 à 2 300 MWh. Il faut donc investir entre 520 et 600 euros pour obtenir par cette voie, chaque année, 1 MWh. Par comparaison, 1 MW nucléaire peut produire 7 500 MWh par an ; il coûte 2,1 millions d’euros soit 280 euros par MWh productible… la moitié de ce que coûte le MWh éolien.
Ceci n’est pas très encourageant. Mais bien entendu on ne peut juger sur ce seul critère de l’opportunité d’utiliser le vent comme source d’énergie électrique.
Mettons-nous à la place d’un candidat français à l’investissement en éoliennes. Les pouvoirs publics lui garantissent de faire acheter sa production suivant une formule qui fait varier son prix entre 84 et 82 euros par MWh pendant quinze ans, puis le limite à 44,2 euros. Au total, pour une productibilité de 2 000 MWh, il est assuré d’un revenu annuel brut qui lui permet, après déduction des frais divers et des frais d’exploitation, de fort bien rémunérer et amortir un capital placé sans grand risque dès lors qu’il fait confiance à l’engagement de l’État d’obliger un ou des producteurs « classiques » à payer comme dit le MWh produit par le vent.
Garantie de puissance et garantie d’énergie
Mettons-nous maintenant à la place du producteur obligé d’acheter à ce prix. Il doit d’abord fournir l’électricité quand sa clientèle la demande. Comme en électricité il y a simultanéité rigoureuse entre la production et la consommation, le producteur doit disposer d’un parc permettant de garantir à tout instant la production de l’énergie appelée par la consommation. Cette garantie de puissance s’exprime en kW ou MW. Mais il doit aussi pouvoir fournir toute l’énergie dont la clientèle a besoin au long de l’année, garantie d’énergie qui s’exprime en kWh ou MWh.
Les deux garanties ne sont pas toujours liées. Ainsi une usine hydraulique ne peut garantir que les MWh correspondant aux apports d’eau qu’elle reçoit. Les choses se présentent autrement pour les centrales nucléaires et thermiques.
Les sources de puissance sont les groupes turboalternateurs. La garantie de puissance n’est limitée que par les indisponibilités de ceux-ci (pannes, entretien, rechargement en matière fissile des cœurs nucléaires).
On peut garantir une puissance qui sera comprise entre 80 % et 90 % des puissances nominales.
La garantie d’énergie, elle, est assurée par la disponibilité des combustibles – uranium, charbon, pétrole, gaz -, toutes matières stockables.
Gratuit mais capricieux
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Pour l’éolien la situation est encore autre.
Le « combustible » est le vent. Il est certes gratuit et « renouvelable », mais il est fortement capricieux. Néanmoins imaginons qu’il soit réparti sur le territoire, à chaque instant, de façon à ce que les 2 000 MWh par MW qu’aujourd’hui il produit durant les 8 760 heures de l’année le soient à puissance constante, donc garantie.
Cette puissance serait de 2 000 : 8 760 = 23 % de la puissance installée. C’est peu, mais c’est pourtant beaucoup plus que ce qui peut être garanti, car il y a des périodes sans vent sur un vaste territoire.
De plus, ce sont bien souvent des périodes où un anticyclone s’installe et engendre un grand froid ou une canicule, avec forte demande d’énergie, donc de puissance.
De sorte que finalement on peut dire que l’éolien garantit une énergie, mais pratiquement aucune puissance.
Le producteur en déduit qu’il doit dimensionner son parc de production quasiment comme s’il n’y avait pas d’éolien.
Considérer l’intérêt général
Toutefois le producteur n’a en vue que ses intérêts immédiats, peut-être ceux de la clientèle, car en définitive c’est elle qui paiera. Il n’a pas en vue l’intérêt général, qui est de cesser de rejeter du CO2 dans l’atmosphère. Ainsi, par exemple, vis-à-vis du thermique à charbon, un prix d’achat imposé de 82 euros signifie qu’on valorise à
(82 – 25) = 57 euros le coût du rejet de CO2 par MWh charbon produit.
Pour environ 1 tonne rejetée, ce n’est pas rien. Mais, dès lors qu’on est convaincu que le risque climatique est le plus gros risque extérieur que court l’humanité, et qu’il faut lui appliquer avec plein effet le principe de précaution, il faut faire payer ces 57 euros à toute production (et donc consommation) d’électricité d’origine carbonée, que l’éolien n’évite qu’en fonction du vent, donc très partiellement. Sinon cela reviendrait à dire que le CO2 est dangereux quand il y a du vent et inoffensif quand il n’y en a pas.
Les moyens financiers requis par l’éolien peuvent trouver un bien meilleur emploi dans des investissements permettant des économies d’énergie.
Quelle que soit la façon dont on présente les choses, on n’échappe pas aux évidences suivantes : un parc d’éoliennes fournit de l’énergie quand il y a du vent, et non quand les clients en ont besoin ; la notion de service au client lui est totalement étrangère ; l’énergie éolienne est très chère en investissement ; l’éolien ne peut être qu’une énergie d’appoint.
Un meilleur emploi des investissements
Dans ces conditions, il est clair que la meilleure façon de réduire les rejets de CO2 est de centrer la production d’électricité sur le nucléaire. Il faudrait même surdimensionner le parc nucléaire par rapport au parc à flamme en introduisant dans le coût des combustibles leurs coûts de nuisance en émission de CO2. Dès lors l’éolien, déjà coûteux en investissements compte tenu de sa faible productibilité énergétique, perd son intérêt écologique. Les moyens financiers considérables qu’il requiert peuvent trouver un bien meilleur emploi dans des investissements permettant des économies d’énergie, à centrer sur les processus les plus polluants en CO2.
Rester raisonnable
Bref, utiliser le vent pour produire de l’électricité distribuée par un réseau public n’est pas raisonnable dans un pays développé. Si on a le souci, légitime et fondé, de réduire les émissions de CO2 pour ne pas mettre en danger les générations futures sans pour autant renoncer à l’amélioration des conditions de vie de l’humanité permise par le développement des usages de l’énergie, la source d’électricité qui s’impose est le nucléaire ;elle rend l’utilisation du vent inutile et beaucoup trop coûteuse.
Simultanément, il faut développer les économies d’énergie dans tous les usages pour lesquels la combustion est la source la plus commode et la moins chère, qu’il s’agisse de transport, de chauffage ou de meilleure maîtrise des pointes de charge électrique, vis-à-vis desquelles le nucléaire, manquant de souplesse, doit être suppléé par des centrales à combustible fossile.
Commentaire
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Je suis étonné que vous ne mentionnez pas du tout les déchets radioactifs dans le bilan écologique du nucléaire. Par ailleurs, les ressources en matière fissiles sont beaucoup trop faibles pour envisager le développement des centrales à neutrons lents à grande échelle.