Courrier des lecteurs, à propos de « Libéralisme et globalisation »
On savait depuis déjà de nombreuses années, que la concurrence entre les gros producteurs agricoles et la petite paysannerie des pays pauvres aboutissait inéluctablement à la ruine de ces derniers – et à la famine de leurs populations – à travers la destruction de leur agriculture. Cette spécialisation, à la Ricardo, a poursuivi ses effets dans nos pays, avec la quasi-disparition de nos paysans, un abandon de terres agricoles et une émigration vers les cités et les activités secondaires.
On peut discerner, à travers les licenciements collectifs et les délocalisations, le début du même phénomène de destruction des activités secondaires dans nombre de pays dont le nôtre. Il n’est pas exclu, à voir la vitesse où les activités d’informatisation sont maîtrisées par les cerveaux de pays à bas niveau de vie, que le secteur tertiaire soit lui aussi menacé.
On y verra ainsi confirmée la théorie de Ricardo. Mais à quel prix ?
Trois observations :
1° La globalisation (dite aussi mondialisation) n’est stable qu’en l’absence de tensions (et de guerres de toutes natures) entre des peuples qui diffèrent par leur culture ou leur ambition. En cas de conflit, comment pourront être assurés les besoins élémentaires dans des pays spécialisés ? Où la France trouvera-t-elle la satisfaction de ses besoins alimentaires ? Comme l’écrit Jean-Marie Fardeau, il faut mettre en place une dérogation à la règle générale pour protéger les plus pauvres (ne devrait-on pas dire « les moins riches » ?).
2° L’avantage majeur de la globalisation est évidemment la capacité de réduire les coûts de production par des moyens industrialisés et de financer des recherches de produits de substitution ou de besoins nouveaux. On commence à s’apercevoir que cette globalisation passe par une concentration dont l’objectif économique est une domination monopolistique dans chaque secteur d’activité. La réduction des prix de la phase concurrentielle fait place à une rente de situation qui asservit les consommateurs. Peut-on à la fois prôner la mondialisation et l’instauration d’une vraie concurrence ?
3° Le progrès technologique modifie en profondeur le statut de l’homme et de la société. Il faut moins de chercheurs qui conçoivent de nouvelles méthodes de production automatisées que le nombre d’ouvriers (et cadres ou actionnaires) que leur invention chasse du travail. Là se trouve peut-être l’explication du phénomène qui fait résulter un plus grand écart des niveaux de vie de la croissance économique. Mais comment pourrait-on ordonner une société où un petit nombre d’actifs s’opposerait au grand nombre de chômeurs ? Comment éviter que l’oisiveté dénucléarise la dignité humaine ?
On peut légitimement penser qu’une globalisation économique ne peut être stable sans une gouvernance mondiale, c’est-à-dire un système de règles qui limitent ou compensent les abus de la mondialisation. Mais à voir les mouvements naissants de révolte, on peut se poser la question suivante : « La mondialisation serait-elle un aboutissement inéluctable (comme on le croit) ou ne serait-elle pas plutôt la période d’un cycle économique, comme la démocratie en est une sur le plan politique, dans l’enchaînement tyrannie-révolution-démocratie-démagogie-anarchie-dictature/tyrannie… ? »
Par Jean ROULET (38)