Connaître l’Histoire pour éclairer l’action
X‑Histoire et Archéologie : La légende des siècles
Qui ne connaît Maurice Bernard, qui fut directeur du Centre national d’études des télécommunications, directeur de l’enseignement et de la recherche de l’École polytechnique, ou encore du Laboratoire des musées de France ? On sait moins qu’il préside depuis plus de dix ans le groupe « X‑Histoire et Archéologie ». Au-delà de l’application des sciences et des techniques au service de l’Histoire de l’art et des civilisations, c’est à une vision du passé nécessaire pour peser sur l’avenir qu’il invite chaque trimestre quelques dizaines de membres assidus.
Un patriotisme régional
Maurice Bernard compare volontiers le pôle microélectronique de Grenoble aux plus grandes réussites américaines.
« Les Grenoblois, ce sont des tigres. Ils se mordillent entre eux, mais se battent côte à côte pour chasser les crédits.
Ce genre d’état d’esprit est indispensable.
Sans doute est-il né d’une sorte de patriotisme régional hérité des pionniers de la houille blanche. »
« La mémoire est indispensable à tout savoir-faire. Les Grecs l’avaient si bien compris qu’ils avaient fait de Mnémosyne la mère de toutes les muses et pas seulement de Clio, la muse de l’Histoire » se plaît à rappeler Maurice Bernard. De mémoire, il n’en manque pas. De ses débuts comme jeune ingénieur des télécoms au CNET, il retient la naissance de « ce qui fut ma passion professionnelle, la physique ». Jouissant d’une grande liberté, de crédits substantiels, il eut la chance de pouvoir attirer et former de brillants chercheurs. Pendant que d’autres au CNET réussissaient le pari incroyable de la commutation numérique, à laquelle même les Américains ne croyaient pas », son équipe participait au développement prodigieux de la physique des solides et des technologies microélectroniques et optiques.
Évaluer la recherche
« Je suis resté vingt ans, mes moyens s’accroissaient, mon laboratoire devenait connu, j’enseignais à l’École polytechnique. Bref, j’étais probablement en train de devenir un mandarin. Mais, fin 1974, je suis tenté par d’autres sirènes. Gérard Théry (X 52), nouveau tsar du téléphone français, et son flamboyant adjoint Jean-Pierre Souviron (X 57) me demandent de monter une cellule d’évaluation de la recherche et développement de France Télécom. » Suivent plusieurs années « fabuleuses » avec le rattrapage du retard français en matière du téléphone, « le lancement du Minitel, le début des fibres optiques, l’explosion de la microélectronique, en particulier à Grenoble ».
Devenu directeur du CNET en 1978, Maurice Bernard le restera trois ans, avant que les circonstances politiques ne le renvoient au tennis et au sport.
On le retrouve un peu plus tard comme directeur de l’enseignement et de la recherche de l’École polytechnique, « un poste difficile, aux côtés d’un président d’établissement public et d’un directeur général militaire ». Il se souvient des réformes laborieusement échafaudées, comme l’introduction des majeures et des mineures, la biologie en tronc commun, la thèse de l’École polytechnique, le premier département enseignement recherche (chimie), la création de la SABIX (1985), de la Fondation (1986), du Collège de polytechnique, etc.
La science au musée
Il devient ensuite, pour ses dernières années de carrière, directeur du Laboratoire du Louvre (devenu depuis le Laboratoire de recherche des musées de France).
C’est sans doute là, chargé de mettre au point un accélérateur de particules pour l’analyse des œuvres d’art, qu’il se convainc que « l’histoire et l’archéologie s’appuient de plus en plus sur les apports méthodologiques et instrumentaux de la Science. »
D’Hannibal à Churchill
C’est donc sous le double patronage de l’Histoire et de la Méthode scientifique que Maurice Bernard accepte en 1995 la présidence du groupe X‑Histoire et Archéologie, fondé dans les années cinquante. S’ajoute l’idée « qu’une vision historique de notre passé est toujours nécessaire pour éclairer l’action et nous permettre de peser sur l’avenir. »
Depuis, une cinquantaine d’amateurs participent régulièrement à des conférences suivies d’un dîner.
Ces derniers mois ont permis, par exemple, de s’interroger sur la personnalité de Churchill, sur l’enjeu politique de l’évolution du décor de la place de la Concorde, de retracer mille ans d’histoire militaire ou de suivre en Gaule les éléphants d’Hannibal.
« Les conférenciers, le plus souvent des professionnels reconnus, interviennent à titre bénévole. »
Mais il lui arrive aussi de faire appel à des ingénieurs, souvent des anciens élèves, « qui se découvrent une deuxième compétence en partant à la retraite et n’hésitent pas à préparer une thèse, écrire des livres, ou encore s’initier à la comptabilité des Sumériens. »
Le Laboratoire de recherche des musées de France
Le lancement en 1927 de la recherche de moyens scientifiques permettant d’authentifier les tableaux conduit à la création, en 1932, du Laboratoire du Louvre. Dirigé de 1990 à 1994 par Maurice Bernard, il emménage dans les locaux très modernes du Grand Louvre. Il est aujourd’hui une partie essentielle du Centre de recherche et de restauration des musées de France.
http://www.c2rmf.fr
Propos recueillis par
Jean-Marc Chabanas (X 58)