Le tandem investisseur-entrepreneur aux États-Unis

Dossier : La France a besoin d'entrepreneursMagazine N°549 Novembre 1999
Par Bernard ZIMMERN (49)

Ber­nard Zim­mern est l’au­teur de l’ou­vrage À tout fonc­tion­naire son chô­meur (Édi­tion Odi­lon Média, 1998). Il dirige en outre une entre­prise qu’il a créée aux États-Unis.

La créa­tion d’en­tre­prise est un sport dan­ge­reux : les échecs y sont plus fré­quents que les réus­sites. Il est donc nor­mal et légi­time que les banques ne risquent pas l’argent de leurs man­dants dans de telles aventures.

Les Socié­tés de capi­tal-risque elles-mêmes ne s’y exposent pas, d’au­tant moins que le coût d’é­tude et de sui­vi d’un dos­sier de créa­tion est exces­sif par rap­port au volume de l’o­pé­ra­tion financière.

Par consé­quent le créa­teur n’a pra­ti­que­ment aucune chance en s’a­dres­sant à un orga­nisme finan­cier ; il doit s’a­dres­ser à un « aven­tu­rier de l’in­ves­tis­se­ment », qui va s’in­té­res­ser per­son­nel­le­ment au pro­jet, en pre­nant sur ses loi­sirs le temps néces­saire. Il existe aux États-Unis plus de 500 000 inves­tis­seurs de ce type (contre moins de 500 en France) ; on les appelle des « busi­ness angels ».

En fait, ce ne sont pas du tout des aven­tu­riers, mais des épar­gnants, de 40 à 50 ans pour la plu­part, ayant l’ex­pé­rience de la direc­tion d’en­tre­prise et pos­sé­dant un capi­tal dis­po­nible de 1,5 à 2 MF. Ils sou­haitent faire fruc­ti­fier leur argent dans des acti­vi­tés qui ne leur soient pas tout à fait étran­gères, en y consa­crant leurs week-ends et leurs soi­rées, aux dépens du golf et des séances de télévision.

Ils se regroupent géné­ra­le­ment en club de 20 ou 30 pour pou­voir échan­ger entre eux les infor­ma­tions qui leur viennent sur les pro­jets en quête de finan­ce­ment et sur la per­son­na­li­té de leurs por­teurs. Ils mènent de front trois à quatre affaires qu’ils portent cha­cun pen­dant huit à dix ans. L’in­ves­tis­se­ment moyen dans une affaire est de 400 KF, dont deux tiers en fonds propres et un tiers en prêt ; cet inves­tis­se­ment ne concerne pas tou­jours une créa­tion, mais en majo­ri­té de très petites entre­prises de moins de cinq employés.

« L’ange » a géné­ra­le­ment un rôle actif dans les entre­prises où il inves­tit, en posi­tion de consul­tant, ou d’ad­mi­nis­tra­teur, ou de res­pon­sable opérationnel.

Quelle est l’im­por­tance des « busi­ness angels » dans le finan­ce­ment des entre­prises aux États-Unis ? En jan­vier 1987 la Small Busi­ness Admi­nis­tra­tion annon­çait le chiffre de 33 md$ d’in­ves­tis­se­ments en capi­tal sur un total de 68 md$ pour l’en­semble des inves­tis­seurs amé­ri­cains ; à ce chiffre s’a­jou­taient 23 md$ de prêts. C’é­tait donc consi­dé­rable et depuis lors la situa­tion n’a vrai­sem­bla­ble­ment pas beau­coup changé.

Rien de com­pa­rable en France, où les pre­miers clubs « d’anges » ont moins de cinq ans d’âge (l’un des plus récents est celui de XMP-Entre­pre­neur) et où nous subis­sons l’ef­fet de deux freins importants :

  • d’une part l “igno­rance de la plu­part de nos épar­gnants à l’é­gard du métier d’en­tre­pre­neur, donc l’in­ca­pa­ci­té à appré­cier les condi­tions de réus­site d’un pro­jet, et à accom­pa­gner intel­li­gem­ment l’entrepreneur ;
  • d’autre part et sur­tout un sys­tème fis­cal dés­in­ci­ta­tif : alors que l’in­ves­tis­seur amé­ri­cain béné­fi­cie dès sa sous­crip­tion de la pos­si­bi­li­té de déduire de son reve­nu impo­sable les pertes éven­tuelles (ce qui en pra­tique abou­tit à faire cou­vrir par l’É­tat envi­ron 50 % du risque quelle qu’en soit l’am­pleur), en France cette cou­ver­ture n’in­ter­vient qu’à terme et elle est sévè­re­ment pla­fon­née. Par ailleurs l’in­ves­tis­seur fran­çais, qui béné­fi­cie certes d’une petite sub­ven­tion à la créa­tion, est frap­pé, s’il a le mal­heur de réus­sir, par des impôts beau­coup plus lourds, plus-values à 26 % contre 14 % et sur­tout l’ISF.Il n’est pas sûr que ces deux freins puissent être des­ser­rés rapi­de­ment. Mais l’al­liance per­son­nelle du finan­cier et de l’en­tre­pre­neur pour le lan­ce­ment d’une affaire est une for­mule si natu­relle et si abon­dam­ment confir­mée par l’his­toire qu’il fau­dra bien que nous la sor­tions le plus tôt pos­sible de l’or­nière où nous l’a­vons lais­sée s’en­fon­cer.

    Tous les lec­teurs inté­res­sés par l’ar­ticle de Ber­nard Zim­mern sont invi­tés au col­loque du 2 décembre, de 14 à 19 heures, qui aura lieu à l’As­sem­blée natio­nale, 126, rue de l’U­ni­ver­si­té, sous le patro­nage de Laurent Fabius.
    S’ins­crire à l’I­FRAP : 01.42.33.29.15 (places limitées).

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