Le tandem investisseur-entrepreneur aux États-Unis
Bernard Zimmern est l’auteur de l’ouvrage À tout fonctionnaire son chômeur (Édition Odilon Média, 1998). Il dirige en outre une entreprise qu’il a créée aux États-Unis.
La création d’entreprise est un sport dangereux : les échecs y sont plus fréquents que les réussites. Il est donc normal et légitime que les banques ne risquent pas l’argent de leurs mandants dans de telles aventures.
Les Sociétés de capital-risque elles-mêmes ne s’y exposent pas, d’autant moins que le coût d’étude et de suivi d’un dossier de création est excessif par rapport au volume de l’opération financière.
Par conséquent le créateur n’a pratiquement aucune chance en s’adressant à un organisme financier ; il doit s’adresser à un « aventurier de l’investissement », qui va s’intéresser personnellement au projet, en prenant sur ses loisirs le temps nécessaire. Il existe aux États-Unis plus de 500 000 investisseurs de ce type (contre moins de 500 en France) ; on les appelle des « business angels ».
En fait, ce ne sont pas du tout des aventuriers, mais des épargnants, de 40 à 50 ans pour la plupart, ayant l’expérience de la direction d’entreprise et possédant un capital disponible de 1,5 à 2 MF. Ils souhaitent faire fructifier leur argent dans des activités qui ne leur soient pas tout à fait étrangères, en y consacrant leurs week-ends et leurs soirées, aux dépens du golf et des séances de télévision.
Ils se regroupent généralement en club de 20 ou 30 pour pouvoir échanger entre eux les informations qui leur viennent sur les projets en quête de financement et sur la personnalité de leurs porteurs. Ils mènent de front trois à quatre affaires qu’ils portent chacun pendant huit à dix ans. L’investissement moyen dans une affaire est de 400 KF, dont deux tiers en fonds propres et un tiers en prêt ; cet investissement ne concerne pas toujours une création, mais en majorité de très petites entreprises de moins de cinq employés.
« L’ange » a généralement un rôle actif dans les entreprises où il investit, en position de consultant, ou d’administrateur, ou de responsable opérationnel.
Quelle est l’importance des « business angels » dans le financement des entreprises aux États-Unis ? En janvier 1987 la Small Business Administration annonçait le chiffre de 33 md$ d’investissements en capital sur un total de 68 md$ pour l’ensemble des investisseurs américains ; à ce chiffre s’ajoutaient 23 md$ de prêts. C’était donc considérable et depuis lors la situation n’a vraisemblablement pas beaucoup changé.
Rien de comparable en France, où les premiers clubs « d’anges » ont moins de cinq ans d’âge (l’un des plus récents est celui de XMP-Entrepreneur) et où nous subissons l’effet de deux freins importants :
- d’une part l “ignorance de la plupart de nos épargnants à l’égard du métier d’entrepreneur, donc l’incapacité à apprécier les conditions de réussite d’un projet, et à accompagner intelligemment l’entrepreneur ;
- d’autre part et surtout un système fiscal désincitatif : alors que l’investisseur américain bénéficie dès sa souscription de la possibilité de déduire de son revenu imposable les pertes éventuelles (ce qui en pratique aboutit à faire couvrir par l’État environ 50 % du risque quelle qu’en soit l’ampleur), en France cette couverture n’intervient qu’à terme et elle est sévèrement plafonnée. Par ailleurs l’investisseur français, qui bénéficie certes d’une petite subvention à la création, est frappé, s’il a le malheur de réussir, par des impôts beaucoup plus lourds, plus-values à 26 % contre 14 % et surtout l’ISF.Il n’est pas sûr que ces deux freins puissent être desserrés rapidement. Mais l’alliance personnelle du financier et de l’entrepreneur pour le lancement d’une affaire est une formule si naturelle et si abondamment confirmée par l’histoire qu’il faudra bien que nous la sortions le plus tôt possible de l’ornière où nous l’avons laissée s’enfoncer.
Tous les lecteurs intéressés par l’article de Bernard Zimmern sont invités au colloque du 2 décembre, de 14 à 19 heures, qui aura lieu à l’Assemblée nationale, 126, rue de l’Université, sous le patronage de Laurent Fabius.
S’inscrire à l’IFRAP : 01.42.33.29.15 (places limitées).