L’enjeu de l’intégration de système : une approche unifiée des prestations

Dossier : Le conseil en managementMagazine N°548 Octobre 1999Par : Francis BEUGNIET, Unilog Consultants

Nous abor­dons dans cet article les par­ti­cu­la­rismes de l’intégration de sys­tème d’information auto­ma­ti­sé dans une organisation.
Après avoir détaillé les mul­tiples dimen­sions que com­porte une telle opé­ra­tion, nous posi­tion­nons en regard de cha­cune d’entre elles les poten­tia­li­tés de pres­ta­tions de conseil.
Si celles-ci sont par­fai­te­ment dif­fé­ren­ciées, elles n’en demeurent pas moins com­plé­men­taires et forment un tout cohérent.

L’en­tre­prise est un sys­tème ouvert qui échange avec son envi­ron­ne­ment, et qui pour­suit un objec­tif. Elle peut être décom­po­sée en trois sous-systèmes :

1. Le sys­tème opé­rant qui trans­forme les entrants reçus du milieu exté­rieur (matière, éner­gie, infor­ma­tion) en sor­tants, nor­ma­le­ment avec un gain mesu­rable à l’aune de l’ob­jec­tif de l’organisation.

2. Le sys­tème de pilo­tage qui régule le sys­tème opé­rant, soit à struc­ture constante en agis­sant sur ses para­mètres de fonc­tion­ne­ment, soit en modi­fiant sa struc­ture pour mieux l’a­dap­ter à l’environnement.

En fonc­tion des objec­tifs glo­baux d’une orga­ni­sa­tion, il défi­nit et adapte en per­ma­nence les règles de ges­tion à l’en­vi­ron­ne­ment. Inter­agis­sant avec le sys­tème d’in­for­ma­tion, les liai­sons avec ce der­nier sont normatives.

3. Le sys­tème d’in­for­ma­tion qui modé­lise, pour le sys­tème de pilo­tage, l’en­vi­ron­ne­ment ain­si que le sys­tème opé­rant, et véhi­cule vers ce der­nier les mes­sages de commande.

Le sys­tème d’in­for­ma­tion d’une orga­ni­sa­tion se concré­tise par des pro­cé­dures de ges­tion qui enchaînent des actions manuelles, ou des inter­ac­tions homme/machine, ou des exé­cu­tions de pro­grammes informatiques.

Toutes ces pro­cé­dures sont liées entre elles et forment un tout indis­so­ciable. Leur com­pa­ti­bi­li­té réci­proque est impé­ra­tive pour évi­ter toute perte dans la cir­cu­la­tion des repré­sen­ta­tions des faits et objets qui inté­ressent la fina­li­té de l’organisation.

De manière prag­ma­tique, il est usuel dans la pers­pec­tive d’une infor­ma­ti­sa­tion de cer­taines pro­cé­dures de conce­voir au préa­lable un modèle du sys­tème d’in­for­ma­tion sous forme d’un ensemble de défi­ni­tions et de règles décri­vant le sys­tème d’in­for­ma­tion pour agir et décider.

Cepen­dant, pour une même orga­ni­sa­tion, beau­coup de modèles de son sys­tème d’in­for­ma­tion peuvent être éla­bo­rés, tous per­ti­nents. Par contre, seuls cer­tains d’entre eux sont adé­quats à l’op­ti­mi­sa­tion des moyens tant manuels qu’­in­for­ma­tiques. Dans une entre­prise don­née, déga­ger de cette mul­ti­tude le » bon » modèle, c’est-à-dire le plus appro­prié à ses fina­li­tés et à sa poli­tique de ges­tion, relève encore dans l’é­tat de l’art de pro­cé­dés empi­riques fon­dés sur des savoir-faire issus de l’ac­cu­mu­la­tion de retour d’expérience.

Enfin, si un sys­tème infor­ma­tique résulte de la mise en inter­re­la­tion effec­tive des infra­struc­tures maté­rielles, logi­cielles, et de télé­com­mu­ni­ca­tions qui sous-tendent tout ou par­tie d’un sys­tème d’in­for­ma­tion, sa poli­tique d’u­sage est rare­ment explicite.

L’enjeu de l’intégration de système

Inté­grer, c’est à la fois assi­mi­ler, incor­po­rer, com­prendre et inclure dif­fé­rents élé­ments en vue de consti­tuer un ensemble homo­gène. Sous cet angle, l’in­té­gra­tion de sys­tème peut être appré­hen­dée comme une sorte de conti­nuum.

Toute inté­gra­tion de sys­tème arti­cule géné­ra­le­ment trois dimen­sions (orga­ni­sa­tion­nelles, tech­no­lo­giques et humaines) et désigne plu­sieurs natures d’o­pé­ra­tions rela­ti­ve­ment inva­riantes quel que soit le type de sys­tème à intégrer.

Nous dis­tin­gue­rons prin­ci­pa­le­ment les opé­ra­tions de trans­for­ma­tion, d’in­clu­sion et d’implantation.

Concer­nant la caté­go­rie des sys­tèmes d’in­for­ma­tion et plus par­ti­cu­liè­re­ment celle des sys­tèmes infor­ma­tiques de ges­tion, l’in­ter­pré­ta­tion du terme géné­rique d’in­té­gra­tion est envi­sa­gée dif­fé­rem­ment par l’in­dus­triel du pro­gi­ciel et par l’u­ti­li­sa­teur final du sys­tème informatique.

Le point de vue de l’en­sem­blier, du déve­lop­peur de logi­ciels ou de l’é­di­teur de pro­gi­ciels adap­tables est de savoir agen­cer à tout moment les dif­fé­rentes ver­sions des sous-sys­tèmes qu’il a développées.

Les contrôles de cou­plages peuvent être à eux seuls très lourds et d’au­tant plus que le com­po­sant livré est à connec­ter à de nom­breux autres ne pro­cé­dant ni de la même logique d’in­ter­face ni de la même archi­tec­ture fonc­tion­nelle et tech­nique ni de la même séman­tique. Ces vali­da­tions d’as­sem­blage abou­tissent ain­si à un sys­tème dont l’a­gen­ce­ment est répu­té ajustable.

Par contre, il ne s’as­sure du bon fonc­tion­ne­ment du « para­mé­trage » des sous-ensembles que de façon rela­ti­ve­ment théo­rique et par­tielle, ne pou­vant pré­su­mer de l’u­sage réel des fonc­tion­na­li­tés qui sera fait par l’u­ti­li­sa­teur final.

De toute manière, la com­bi­na­toire des pos­si­bi­li­tés de para­mé­trage dans des sys­tèmes com­plexes est telle qu’elle ne peut être tes­tée de façon exhaustive.

L’o­pé­ra­tion­nel d’un métier don­né, futur uti­li­sa­teur final dési­gné pour les phases de recette, a lui comme pré­oc­cu­pa­tion essen­tielle de s’as­su­rer du bon fonc­tion­ne­ment des sous-sys­tèmes livrés, adap­tés étroi­te­ment à son orga­ni­sa­tion, et de contrô­ler leur bonne inclu­sion dans son propre sys­tème infor­ma­tique de production.

En revanche, la per­son­na­li­sa­tion quant à elle est réduite au strict néces­saire lui per­met­tant de fonc­tion­ner cor­rec­te­ment et effi­ca­ce­ment. Les tests d’in­té­gra­tion en pro­duc­tion se résument à vali­der le bon com­por­te­ment dyna­mique et la fia­bi­li­té des résul­tats. La charge de test est donc mini­male com­pa­ra­ti­ve­ment à celle du test du para­mé­trage com­plet d’un sys­tème dont l’a­gen­ce­ment est répu­té adap­table afin de garan­tir la fia­bi­li­té et la cohé­rence de son fonc­tion­ne­ment glo­bal dans un maxi­mum de cas de figures.

La typologie des opérations et des offres de conseil associées

La plu­part du temps, le sou­ci d’a­mé­lio­ra­tion glo­bale de per­for­mances et la volon­té de faire pro­gres­ser les pra­tiques de tous les acteurs d’une orga­ni­sa­tion débouchent sur une refonte du sys­tème d’in­for­ma­tion dont il convien­dra in fine de réus­sir l’in­té­gra­tion après avoir mené à bien l’é­la­bo­ra­tion des composants.

À cet égard, un des fac­teurs clés de suc­cès est la par­faite objec­ti­va­tion des choix d’in­for­ma­ti­sa­tion en fonc­tion des aspects liés au cœur de métier.

Dans le cadre d’une inté­gra­tion de sys­tème d’in­for­ma­tion, les opé­ra­tions à ordon­nan­cer demeurent, comme déjà sou­li­gné, iden­tiques, qu’ils s’a­gissent du déploie­ment d’un pro­gi­ciel modu­laire (comme SAP ou Oracle) ou de la fusion de plu­sieurs sys­tèmes infor­ma­tiques en vue d’un par­tage entre plu­sieurs organisations.

La transformation

Elle porte essen­tiel­le­ment sur les aspects rela­tifs à l’or­ga­ni­sa­tion et aux res­sources humaines. Par un pro­ces­sus métho­dique déter­mi­né, elle per­met de pas­ser d’une struc­ture à une autre, de redé­fi­nir des fonc­tions, d’i­den­ti­fier les besoins de créa­tion de nou­veaux emplois, de modi­fier la dis­tri­bu­tion des tâches entre postes de tra­vail, etc.

La pro­fon­deur des trans­for­ma­tions varie selon l’am­pleur des buts visés et l’am­pleur des enjeux afférents.

Dans le cadre de l’in­té­gra­tion de sys­tème, il peut s’a­gir soit d’un simple ali­gne­ment ponc­tuel de fron­tières de pro­cé­dures induit par un rem­pla­ce­ment de com­po­sant, soit d’une véri­table remise en cause accom­pa­gnée d’un nou­veau modèle orga­ni­sa­tion­nel lors­qu’il est déci­dé d’im­plan­ter un nou­veau système.

En matière de conseil, elle cor­res­pond au registre de pres­ta­tions regrou­pant notam­ment l’as­sis­tance à :

  • l’a­dap­ta­tion des orga­ni­sa­tions et des façons d’o­pé­rer sur le ter­rain par rap­port aux meilleures pra­tiques du sec­teur d’ac­ti­vi­té concerné,
  • la mise en œuvre d’une ges­tion pré­vi­sion­nelle des emplois par les compétences,
  • l’op­ti­mi­sa­tion et la maî­trise des per­for­mances de la par­tie auto­ma­ti­sée du sys­tème d’information.

Les deux pre­mières par­ti­cipent du conseil en mana­ge­ment tan­dis que la der­nière est du res­sort de l’ac­com­pa­gne­ment tech­nique de projets.

L’inclusion

Elle relève plu­tôt de la dimen­sion tech­no­lo­gique et concerne les pro­blèmes de jonc­tion entre élé­ments d’un sys­tème infor­ma­tique tant en termes de connexion phy­sique que de connexion de pro­gram­ma­tion. Tou­te­fois, l’o­pé­ra­tion de connexion d’un com­po­sant logi­ciel par le biais d’in­ter­faces au sys­tème infor­ma­tique d’ac­cueil est la plus impor­tante car elle contri­bue à assu­rer la cohé­sion de la tota­li­té du système.

Fon­da­men­ta­le­ment, cela consiste à résoudre les pro­blèmes de compatibilité :

  • d’ar­chi­tec­ture fonctionnelle
    – véri­fi­ca­tion de la proxi­mi­té des contours fonc­tion­nels des appli­ca­tions pré­sentes aupa­ra­vant, avec celui de la nou­velle appli­ca­tion, en par­ti­cu­lier détec­tion des risques éven­tuels de régression,
    – dénom­bre­ment et éven­tuel­le­ment intro­duc­tion de » prises » fonc­tion­nelles » enfi­chables « , ce qui sup­pose alors une nor­ma­li­sa­tion préa­lable afin que les méca­nismes d’é­change puissent s’ac­cor­der aisément ;
  • d’ar­chi­tec­ture technique
    – contrôle de coexis­tence avec des couches tech­niques de logi­ciel de base per­met­tant des accès à des res­sources par­ta­gées du sys­tème (par exemple, le ges­tion­naire de bases de données),
    – conci­lia­tion des modes de fonc­tion­ne­ment des exploi­ta­tions (mises à jour en temps réel et en temps différé) ;
  • de séman­tique des don­nées échan­gées, entre autres avec le rési­duel du sys­tème infor­ma­tique d’accueil
    – cor­res­pon­dance de car­di­na­li­té des prin­ci­pales don­nées et par­ti­cu­liè­re­ment des prin­ci­paux identifiants,
    – faci­li­té de tra­duc­tion bidi­rec­tion­nelle des don­nées entre anciens et nou­veaux com­po­sants ; volon­té ou néces­si­té d’ap­pli­quer ou non cette nou­velle séman­tique à tout ou par­tie du sys­tème d’in­for­ma­tion d’accueil.

L’o­pé­ra­tion d’in­clu­sion touche sur­tout des thèmes d’ordre tech­nique et s’ap­puie donc sur une démarche met­tant en œuvre toute la varié­té d’ex­per­tises propre au domaine de l’in­gé­nie­rie logi­cielle et, plus spé­cia­le­ment, les tech­niques d’ur­ba­ni­sa­tion et de concep­tion archi­tec­tu­rale des sys­tèmes informatiques.

Le recours à des inter­ve­nants exté­rieurs résul­te­ra du besoin d’une entre­prise de ren­for­cer momen­ta­né­ment son poten­tiel d’ex­per­tise technologique.

L’implantation

Cette notion recouvre l’en­semble des actions à effec­tuer de manière conco­mi­tante pour inté­grer un pro­gi­ciel ou un logi­ciel dans un uni­vers tech­no­lo­gique et cultu­rel exis­tant. Les prin­ci­pales tâches à réa­li­ser sont :

  • une per­son­na­li­sa­tion du logi­ciel qui consiste à effec­tuer un para­mé­trage spé­ci­fique à un contexte d’u­ti­li­sa­tion don­né, en tenant compte autant que faire se peut des besoins spé­ci­fiques au pro­fil de chaque acteur ;
  • une trans­mu­ta­tion des usages cou­plée à l’as­si­mi­la­tion de connais­sances sup­plé­men­taires qui implique une for­ma­tion des infor­ma­ti­ciens exploi­tants et des futurs uti­li­sa­teurs au nou­veau mode opé­ra­toire. À cet égard, il ne faut pas négli­ger l’in­ci­dence de la durée d’ap­pren­tis­sage, indis­pen­sable pour acqué­rir l’ex­pé­rience suf­fi­sante propre à main­te­nir une pro­duc­ti­vi­té éle­vée et géné­ra­le­ment d’au­tant plus longue que le chan­ge­ment des habi­tudes est important ;
  • une incor­po­ra­tion dans le sys­tème infor­ma­tique en pro­duc­tion en expli­ci­tant les modes d’exploitation ;
  • une migra­tion des don­nées tant en termes de struc­ture des conte­nants que des contenus.

Les deux der­nières relèvent de l’ex­per­tise tech­nique et peuvent néces­si­ter l’ap­pel à des com­pé­tences spé­cia­li­sées, les­quelles se retrou­ve­ront plus fré­quem­ment dans les socié­tés de ser­vice que dans les cabi­nets de conseil.

Quant aux deux pre­mières, elles s’ap­puient sur des connais­sances et des méthodes qui n’ap­par­tiennent pas au même registre technique.

Sans entrer dans une énu­mé­ra­tion exhaus­tive, met­tons sim­ple­ment en exergue :

  • l’er­go­no­mie cog­ni­tive : ana­lyse des situa­tions de tra­vail et étude des pro­ces­sus cog­ni­tifs avec une double finalité :
    – tenir compte des pré­oc­cu­pa­tions des acteurs, de leur mode de rai­son­ne­ment sous-ten­du par leur culture et leur savoir-faire,
    – éta­blir un bilan des connais­sances par popu­la­tion type et dis­cer­ner les axes de pro­grès des com­pé­tences per­met­tant une bonne appro­pria­tion de la nou­velle poli­tique d’u­sage de moyens informatiques ;
  • l’ac­com­pa­gne­ment des hommes au chan­ge­ment indi­vi­duel et col­lec­tif avec ses trois volets majeurs :
    – psy­cho­so­cio­lo­gie du travail,
    – ingé­nie­rie de formation,
    – ingé­nie­rie de communication.

En regard de cha­cun de ces thèmes, des pres­ta­tions de conseil ad hoc peuvent être effi­ca­ce­ment dis­pen­sées par des cabi­nets ayant sur­mon­té la dif­fi­cul­té de conju­guer la maî­trise d’une plu­ra­li­té de champs de savoir, très dis­tincts de celui de l’in­gé­nie­rie logi­cielle, avec les prin­cipes direc­teurs du mana­ge­ment des sys­tèmes d’information.

Conclusion

Les mul­tiples facettes de l’in­té­gra­tion de sys­tème font que le métier d’in­té­gra­teur ne peut être vala­ble­ment pris en charge que par une équipe plu­ri­dis­ci­pli­naire, au sein de laquelle, para­doxa­le­ment, l’ex­per­tise en génie logi­ciel ne doit pas consti­tuer la pierre angu­laire, loin s’en faut.

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