L’enjeu de l’intégration de système : une approche unifiée des prestations
Nous abordons dans cet article les particularismes de l’intégration de système d’information automatisé dans une organisation.
Après avoir détaillé les multiples dimensions que comporte une telle opération, nous positionnons en regard de chacune d’entre elles les potentialités de prestations de conseil.
Si celles-ci sont parfaitement différenciées, elles n’en demeurent pas moins complémentaires et forment un tout cohérent.
L’entreprise est un système ouvert qui échange avec son environnement, et qui poursuit un objectif. Elle peut être décomposée en trois sous-systèmes :
1. Le système opérant qui transforme les entrants reçus du milieu extérieur (matière, énergie, information) en sortants, normalement avec un gain mesurable à l’aune de l’objectif de l’organisation.
2. Le système de pilotage qui régule le système opérant, soit à structure constante en agissant sur ses paramètres de fonctionnement, soit en modifiant sa structure pour mieux l’adapter à l’environnement.
En fonction des objectifs globaux d’une organisation, il définit et adapte en permanence les règles de gestion à l’environnement. Interagissant avec le système d’information, les liaisons avec ce dernier sont normatives.
3. Le système d’information qui modélise, pour le système de pilotage, l’environnement ainsi que le système opérant, et véhicule vers ce dernier les messages de commande.
Le système d’information d’une organisation se concrétise par des procédures de gestion qui enchaînent des actions manuelles, ou des interactions homme/machine, ou des exécutions de programmes informatiques.
Toutes ces procédures sont liées entre elles et forment un tout indissociable. Leur compatibilité réciproque est impérative pour éviter toute perte dans la circulation des représentations des faits et objets qui intéressent la finalité de l’organisation.
De manière pragmatique, il est usuel dans la perspective d’une informatisation de certaines procédures de concevoir au préalable un modèle du système d’information sous forme d’un ensemble de définitions et de règles décrivant le système d’information pour agir et décider.
Cependant, pour une même organisation, beaucoup de modèles de son système d’information peuvent être élaborés, tous pertinents. Par contre, seuls certains d’entre eux sont adéquats à l’optimisation des moyens tant manuels qu’informatiques. Dans une entreprise donnée, dégager de cette multitude le » bon » modèle, c’est-à-dire le plus approprié à ses finalités et à sa politique de gestion, relève encore dans l’état de l’art de procédés empiriques fondés sur des savoir-faire issus de l’accumulation de retour d’expérience.
Enfin, si un système informatique résulte de la mise en interrelation effective des infrastructures matérielles, logicielles, et de télécommunications qui sous-tendent tout ou partie d’un système d’information, sa politique d’usage est rarement explicite.
L’enjeu de l’intégration de système
Intégrer, c’est à la fois assimiler, incorporer, comprendre et inclure différents éléments en vue de constituer un ensemble homogène. Sous cet angle, l’intégration de système peut être appréhendée comme une sorte de continuum.
Toute intégration de système articule généralement trois dimensions (organisationnelles, technologiques et humaines) et désigne plusieurs natures d’opérations relativement invariantes quel que soit le type de système à intégrer.
Nous distinguerons principalement les opérations de transformation, d’inclusion et d’implantation.
Concernant la catégorie des systèmes d’information et plus particulièrement celle des systèmes informatiques de gestion, l’interprétation du terme générique d’intégration est envisagée différemment par l’industriel du progiciel et par l’utilisateur final du système informatique.
Le point de vue de l’ensemblier, du développeur de logiciels ou de l’éditeur de progiciels adaptables est de savoir agencer à tout moment les différentes versions des sous-systèmes qu’il a développées.
Les contrôles de couplages peuvent être à eux seuls très lourds et d’autant plus que le composant livré est à connecter à de nombreux autres ne procédant ni de la même logique d’interface ni de la même architecture fonctionnelle et technique ni de la même sémantique. Ces validations d’assemblage aboutissent ainsi à un système dont l’agencement est réputé ajustable.
Par contre, il ne s’assure du bon fonctionnement du « paramétrage » des sous-ensembles que de façon relativement théorique et partielle, ne pouvant présumer de l’usage réel des fonctionnalités qui sera fait par l’utilisateur final.
De toute manière, la combinatoire des possibilités de paramétrage dans des systèmes complexes est telle qu’elle ne peut être testée de façon exhaustive.
L’opérationnel d’un métier donné, futur utilisateur final désigné pour les phases de recette, a lui comme préoccupation essentielle de s’assurer du bon fonctionnement des sous-systèmes livrés, adaptés étroitement à son organisation, et de contrôler leur bonne inclusion dans son propre système informatique de production.
En revanche, la personnalisation quant à elle est réduite au strict nécessaire lui permettant de fonctionner correctement et efficacement. Les tests d’intégration en production se résument à valider le bon comportement dynamique et la fiabilité des résultats. La charge de test est donc minimale comparativement à celle du test du paramétrage complet d’un système dont l’agencement est réputé adaptable afin de garantir la fiabilité et la cohérence de son fonctionnement global dans un maximum de cas de figures.
La typologie des opérations et des offres de conseil associées
La plupart du temps, le souci d’amélioration globale de performances et la volonté de faire progresser les pratiques de tous les acteurs d’une organisation débouchent sur une refonte du système d’information dont il conviendra in fine de réussir l’intégration après avoir mené à bien l’élaboration des composants.
À cet égard, un des facteurs clés de succès est la parfaite objectivation des choix d’informatisation en fonction des aspects liés au cœur de métier.
Dans le cadre d’une intégration de système d’information, les opérations à ordonnancer demeurent, comme déjà souligné, identiques, qu’ils s’agissent du déploiement d’un progiciel modulaire (comme SAP ou Oracle) ou de la fusion de plusieurs systèmes informatiques en vue d’un partage entre plusieurs organisations.
La transformation
Elle porte essentiellement sur les aspects relatifs à l’organisation et aux ressources humaines. Par un processus méthodique déterminé, elle permet de passer d’une structure à une autre, de redéfinir des fonctions, d’identifier les besoins de création de nouveaux emplois, de modifier la distribution des tâches entre postes de travail, etc.
La profondeur des transformations varie selon l’ampleur des buts visés et l’ampleur des enjeux afférents.
Dans le cadre de l’intégration de système, il peut s’agir soit d’un simple alignement ponctuel de frontières de procédures induit par un remplacement de composant, soit d’une véritable remise en cause accompagnée d’un nouveau modèle organisationnel lorsqu’il est décidé d’implanter un nouveau système.
En matière de conseil, elle correspond au registre de prestations regroupant notamment l’assistance à :
- l’adaptation des organisations et des façons d’opérer sur le terrain par rapport aux meilleures pratiques du secteur d’activité concerné,
- la mise en œuvre d’une gestion prévisionnelle des emplois par les compétences,
- l’optimisation et la maîtrise des performances de la partie automatisée du système d’information.
Les deux premières participent du conseil en management tandis que la dernière est du ressort de l’accompagnement technique de projets.
L’inclusion
Elle relève plutôt de la dimension technologique et concerne les problèmes de jonction entre éléments d’un système informatique tant en termes de connexion physique que de connexion de programmation. Toutefois, l’opération de connexion d’un composant logiciel par le biais d’interfaces au système informatique d’accueil est la plus importante car elle contribue à assurer la cohésion de la totalité du système.
Fondamentalement, cela consiste à résoudre les problèmes de compatibilité :
- d’architecture fonctionnelle
– vérification de la proximité des contours fonctionnels des applications présentes auparavant, avec celui de la nouvelle application, en particulier détection des risques éventuels de régression,
– dénombrement et éventuellement introduction de » prises » fonctionnelles » enfichables « , ce qui suppose alors une normalisation préalable afin que les mécanismes d’échange puissent s’accorder aisément ; - d’architecture technique
– contrôle de coexistence avec des couches techniques de logiciel de base permettant des accès à des ressources partagées du système (par exemple, le gestionnaire de bases de données),
– conciliation des modes de fonctionnement des exploitations (mises à jour en temps réel et en temps différé) ; - de sémantique des données échangées, entre autres avec le résiduel du système informatique d’accueil
– correspondance de cardinalité des principales données et particulièrement des principaux identifiants,
– facilité de traduction bidirectionnelle des données entre anciens et nouveaux composants ; volonté ou nécessité d’appliquer ou non cette nouvelle sémantique à tout ou partie du système d’information d’accueil.
L’opération d’inclusion touche surtout des thèmes d’ordre technique et s’appuie donc sur une démarche mettant en œuvre toute la variété d’expertises propre au domaine de l’ingénierie logicielle et, plus spécialement, les techniques d’urbanisation et de conception architecturale des systèmes informatiques.
Le recours à des intervenants extérieurs résultera du besoin d’une entreprise de renforcer momentanément son potentiel d’expertise technologique.
L’implantation
Cette notion recouvre l’ensemble des actions à effectuer de manière concomitante pour intégrer un progiciel ou un logiciel dans un univers technologique et culturel existant. Les principales tâches à réaliser sont :
- une personnalisation du logiciel qui consiste à effectuer un paramétrage spécifique à un contexte d’utilisation donné, en tenant compte autant que faire se peut des besoins spécifiques au profil de chaque acteur ;
- une transmutation des usages couplée à l’assimilation de connaissances supplémentaires qui implique une formation des informaticiens exploitants et des futurs utilisateurs au nouveau mode opératoire. À cet égard, il ne faut pas négliger l’incidence de la durée d’apprentissage, indispensable pour acquérir l’expérience suffisante propre à maintenir une productivité élevée et généralement d’autant plus longue que le changement des habitudes est important ;
- une incorporation dans le système informatique en production en explicitant les modes d’exploitation ;
- une migration des données tant en termes de structure des contenants que des contenus.
Les deux dernières relèvent de l’expertise technique et peuvent nécessiter l’appel à des compétences spécialisées, lesquelles se retrouveront plus fréquemment dans les sociétés de service que dans les cabinets de conseil.
Quant aux deux premières, elles s’appuient sur des connaissances et des méthodes qui n’appartiennent pas au même registre technique.
Sans entrer dans une énumération exhaustive, mettons simplement en exergue :
- l’ergonomie cognitive : analyse des situations de travail et étude des processus cognitifs avec une double finalité :
– tenir compte des préoccupations des acteurs, de leur mode de raisonnement sous-tendu par leur culture et leur savoir-faire,
– établir un bilan des connaissances par population type et discerner les axes de progrès des compétences permettant une bonne appropriation de la nouvelle politique d’usage de moyens informatiques ; - l’accompagnement des hommes au changement individuel et collectif avec ses trois volets majeurs :
– psychosociologie du travail,
– ingénierie de formation,
– ingénierie de communication.
En regard de chacun de ces thèmes, des prestations de conseil ad hoc peuvent être efficacement dispensées par des cabinets ayant surmonté la difficulté de conjuguer la maîtrise d’une pluralité de champs de savoir, très distincts de celui de l’ingénierie logicielle, avec les principes directeurs du management des systèmes d’information.
Conclusion
Les multiples facettes de l’intégration de système font que le métier d’intégrateur ne peut être valablement pris en charge que par une équipe pluridisciplinaire, au sein de laquelle, paradoxalement, l’expertise en génie logiciel ne doit pas constituer la pierre angulaire, loin s’en faut.