Quelle université pour le troisième millénaire ?

Dossier : La formationMagazine N°544 Avril 1999
Par Didier GEIGER

« Tout le monde n’est pas d’ac­cord sur l’ob­jet de l’é­du­ca­tion, ni sur son but, c’est-à-dire si c’est à la for­ma­tion de l’in­tel­li­gence plu­tôt qu’à celle des mœurs qu’il faut s’attacher…
On ne sait s’il faut apprendre les choses utiles à la vie, ou celles qui tendent à la ver­tu, ou les hautes sciences dont on peut se passer… »

Aris­tote,
Poli­tique, livre 2, cha­pitre 6.

Université Paris XII Val-de-Marne

Des constats, en guise d’introduction

À un peu plus d’un an du troi­sième mil­lé­naire, force est de consta­ter que les mis­sions des uni­ver­si­tés, et le contexte dans lequel elles évo­luent se sont for­te­ment modi­fiés depuis la mise en œuvre de la loi de 1984 sur l’en­sei­gne­ment supé­rieur : un afflux signi­fi­ca­tif d’é­tu­diants auquel elles ont dû faire face, consé­quence directe de l’aug­men­ta­tion du nombre de bache­liers, une impor­tante modi­fi­ca­tion des savoirs, en par­ti­cu­lier dans le domaine des sciences et de la tech­no­lo­gie, une évo­lu­tion impor­tante du mar­ché de l’emploi et de sa structure.

Et un leit­mo­tiv : viser l’emploi.

Dans le même temps, les écoles d’in­gé­nieurs – même si le nombre de leurs diplô­més a aug­men­té – ont échap­pé à cet afflux mas­sif : le nombre de leurs élèves ne repré­sente plus que 4 % envi­ron du nombre total des étu­diants, et elles conti­nuent, grâce à leurs struc­tures et aux moyens dont elles sont dotées, à appor­ter une for­ma­tion très for­te­ment orien­tée vers les débou­chés pro­fes­sion­nels, à des élèves qu’elles ont eu tout loi­sir de sélec­tion­ner, par­tant du prin­cipe que tout sys­tème d’en­sei­gne­ment supé­rieur vaut lar­ge­ment par la qua­li­té de son recru­te­ment, et à des coûts par étu­diant très lar­ge­ment supé­rieurs à ceux des universités.

Pre­mière remarque, le peu de lisi­bi­li­té de notre sys­tème d’en­sei­gne­ment post-bac­ca­lau­réat : de mul­tiples filières, et de mul­tiples tutelles ; au sein du minis­tère char­gé de l’En­sei­gne­ment supé­rieur, de la Recherche et de la Tech­no­lo­gie, bien sûr, mais cer­taines filières dépen­dant de la direc­tion des lycées (bre­vets de tech­ni­ciens supé­rieurs, classes pré­pa­ra­toires aux grandes écoles), et d’autres de la direc­tion de l’en­sei­gne­ment supérieur

  • - DUT – diplômes uni­ver­si­taires de technologie,>
  • - DEUG – diplômes d’é­tudes uni­ver­si­taires générales,
  • - DESS – licences, maî­trises, diplômes d’é­tudes supé­rieures spécialisées,
  • - DEA -, de la direc­tion de la recherche (diplômes d’é­tudes appro­fon­dies­for­ma­tions et écoles doctorales ;

au sein de plu­sieurs minis­tères, pour cer­taines écoles d’in­gé­nieurs, qui his­to­ri­que­ment ont eu la tutelle des écoles dans les­quelles ils for­maient pour leur propre usage des ingé­nieurs qui pas­saient ensuite la majo­ri­té de leur vie pro­fes­sion­nelle dans le sec­teur pour lequel ils avaient été for­més, ce qui n’est aujourd’­hui plus vrai ; Ville de Paris, Chambres de Com­merce et d’In­dus­trie, écoles pri­vées enfin. Il convien­drait de sim­pli­fier ce dis­po­si­tif et d’en ratio­na­li­ser les tutelles, en pri­vi­lé­giant celle du minis­tère char­gé de l’É­du­ca­tion natio­nale, tout en conser­vant leur spé­ci­fi­ci­té et leur auto­no­mie aux divers éta­blis­se­ments. De fortes résis­tances sont à attendre…

Deuxième remarque : les filières courtes (DUT, par exemple) ne répondent plus à leur mis­sion pre­mière de for­mer des tech­ni­ciens direc­te­ment opé­ra­tion­nels sur le mar­ché du tra­vail ; de plus en plus d’é­tu­diants pour­suivent en second cycle, et le pas­sage par l’IUT n’a été qu’un moyen, sou­vent invo­lon­taire, de contour­ner les deux pre­mières années du DEUG : dif­fi­cul­tés à trou­ver un pre­mier emploi pour cer­tains titu­laires du DUT, choix ini­tiaux mal assumés…

Il convien­drait donc de repen­ser ce dis­po­si­tif de for­ma­tion, dont on rap­pelle qu’il est à accès sélec­tif, en fer­mant des dépar­te­ments dont la jus­ti­fi­ca­tion n’est plus évi­dente de nom­breuses années après leur créa­tion, compte tenu de l’é­vo­lu­tion du mar­ché du tra­vail, ou qui dis­pensent une for­ma­tion qui n’est plus en adé­qua­tion avec les attentes du monde économique.

Troi­sième remarque, de beau­coup la plus pré­oc­cu­pante : à l’is­sue des filières uni­ver­si­taires scien­ti­fiques ou tech­no­lo­giques de second cycle, ou plus grave encore à l’is­sue d’un DEA ou d’une thèse, les diplô­més n’ont des sec­teurs dans les­quels ils ont étu­dié qu’une vue le plus sou­vent par­cel­laire et manquent cruel­le­ment des fon­de­ments et de la curio­si­té scien­ti­fiques indis­pen­sables à tout futur ingé­nieur, cher­cheur ou enseignant.

Il convient donc, là encore, de repen­ser l’en­semble des cur­sus de pre­mier, de second et de troi­sième cycle, tant en termes d’ob­jec­tifs (des études supé­rieures, oui, bien sûr, c’est un droit pour tout bache­lier, mais en vue de quel pro­jet per­son­nel ?) que du cor­pus des connais­sances à acqué­rir et à maî­tri­ser (quelles connais­sances, mais, là encore, en vue d’exer­cer quel métier ?).

Nous ne dis­cu­te­rons pas ici de la sélec­tion à l’en­trée des uni­ver­si­tés : elle est ins­crite dans la loi pour les filières géné­rales. Nous ten­te­rons sim­ple­ment de conduire tous les titu­laires d’un bac­ca­lau­réat géné­ral ou tech­no­lo­gique (pre­mier grade uni­ver­si­taire !) à leur niveau d’ex­cel­lence : il ne sau­rait en effet être ques­tion de déli­vrer à tous les étu­diants le même diplôme (en par­ti­cu­lier le plus haut : le doc­to­rat), mais bien plu­tôt de les aider pro­gres­si­ve­ment à éva­luer leurs limites et, par­tant de là, à orien­ter leurs choix vers les filières les plus adé­quates, compte tenu d’un pro­jet pro­fes­sion­nel rai­son­nable qu’ils se seront plus ou moins rapi­de­ment forgé.

Cela fait main­te­nant plu­sieurs mois que le Rap­port Atta­li a été publié. Construite au départ autour de l’i­dée d’une har­mo­ni­sa­tion entre le sys­tème des uni­ver­si­tés et celui des écoles, la réflexion de la com­mis­sion pré­si­dée par Jacques Atta­li s’est rapi­de­ment éten­due aux ques­tions posées par le cadre euro­péen de demain et la très grande varié­té de diplômes et niveaux de sor­tie dans le sys­tème fran­çais d’en­sei­gne­ment supé­rieur. D’où l’i­dée, lar­ge­ment popu­la­ri­sée depuis, du fameux » 3 – 5 ou 8 « .

Il n’est pas ques­tion de déve­lop­per en quelques lignes une ana­lyse com­plète des pro­po­si­tions de ce rap­port. Le para­graphe rap­pe­lant la genèse de la créa­tion du double sys­tème universités/écoles est déjà en lui-même très ins­truc­tif et laisse devi­ner à quel point les racines sont pro­fondes, et donc la dif­fi­cul­té d’une ®évo­lu­tion réelle du système.

Nous vou­lons sim­ple­ment sou­li­gner ici quelques idées simples – éma­nant de la Confé­rence des doyens et direc­teurs des UFR scien­ti­fiques des uni­ver­si­tés fran­çaises (CDUS)1 – autour de la par­tie » 3 – 5 ou 8 » de ce rap­port, et des évo­lu­tions que l’on peut attendre (d’au­cuns disent actuel­le­ment craindre) suite à sa publi­ca­tion, à la réunion de la Sor­bonne à l’oc­ca­sion du huit cen­tième anni­ver­saire de celle-ci, à l’é­tude de fai­sa­bi­li­té conduite par le rec­teur Mon­teil, et à ce que l’on sait aujourd’­hui des pistes tra­vaillées par le Minis­tère et évo­quées par le docu­ment de décembre 1998 : Ensei­gne­ment supé­rieur : har­mo­ni­sa­tion euro­péenne ; docu­ment d’o­rien­ta­tion pro­po­sé à la concer­ta­tion.

Une ambition

L’Eu­rope se décline aujourd’­hui sous le signe de l’eu­ro, actua­li­té oblige. Mais elle ne peut en res­ter là ; la prin­ci­pale richesse de l’Eu­rope est dans ses hommes, dans leur for­ma­tion. L’Eu­rope de demain ne pour­ra donc igno­rer, comme au temps de Maas­tricht, la ques­tion des for­ma­tions notam­ment supé­rieures. Il fau­dra bien un jour har­mo­ni­ser, ce qui bien sûr ne signi­fie pas uni­for­mi­ser. Har­mo­ni­ser en par­ti­cu­lier pour que les diplômes des uns soient recon­nus chez les autres, au sein du sys­tème uni­ver­si­taire d’une part, pour les étu­diants chan­geant de pays en cours d’é­tudes, et en dehors d’autre part, pour une recon­nais­sance claire par les futurs employeurs.

Le sys­tème fran­çais d’en­sei­gne­ment supé­rieur est deve­nu trop com­plexe, illi­sible pour le pro­fane, comme cela a déjà été signa­lé plus haut : des for­ma­tions très dif­fé­rentes et avec des moyens trop dis­pa­rates pré­tendent in fine mener aux mêmes métiers.

Il paraît donc inté­res­sant de cher­cher à mettre l’en­semble du sys­tème à plat. Cela ne doit pas se faire par un coup de balai rapide, il faut le temps. Mais l’ob­jec­tif doit être clai­re­ment affi­ché. Trente ans après la loi Faure, quinze ans après la loi Sava­ry, il n’est pas scan­da­leux d’en­vi­sa­ger un chan­ge­ment d’envergure.

Il ne s’a­git pas d’un de ces chan­ge­ments dont nous avons mal­heu­reu­se­ment trop l’ha­bi­tude, et qui consiste à faire en sorte que le module A de la pre­mière année de DEUG s’ap­pelle main­te­nant uni­té d’en­sei­gne­ment, et que son coef­fi­cient, ou son volume horaire au choix du lec­teur, ne peut plus être de 26 % du total mais doit se trou­ver dans une four­chette de 20 à 24 % ; ou qui consiste à nier l’é­vo­lu­tion des connais­sances, et qui impose de délais­ser le fon­da­men­tal pour le rem­pla­cer, à volume horaire total constant, par des connais­sances certes utiles, mais péri­phé­riques par rap­port au diplôme préparé.

Il s’a­git de trou­ver un sys­tème glo­bal, si pos­sible meilleur que le pré­cé­dent, plus simple, plus ouvert sur l’ex­té­rieur, mieux adap­té aux réa­li­tés d’au­jourd’­hui. Une telle ambi­tion doit trou­ver, chez l’en­semble des col­lègues uni­ver­si­taires, un écho à la hau­teur de l’enjeu.

Nous consi­dé­rons donc comme indis­pen­sable de gar­der une grande ambi­tion, de remettre en cause, autant que de néces­si­té, l’exis­tant et non de se conten­ter de sur­li­gner cer­tains niveaux, comme cela a été suggéré.

Des questions inévitables

Rap­port Atta­li ou pas, des pro­blèmes existent. Tous n’ont pas, en tout cas pour nous, de solu­tion immé­diate évi­dente. Mais ce n’est pas pour cela que ces ques­tions doivent être enfouies sous le sable, la poli­tique de l’au­truche n’é­tant jamais la bonne.

L’Eu­rope tout d’a­bord. C’est clai­re­ment la réa­li­té de demain, dans tous les domaines. La forme qu’au­ra cette Europe n’est pas encore déci­dée, la déci­sion n’ap­par­tient pas aux uni­ver­si­taires bien qu’ils soient appe­lés à jouer un rôle non négli­geable : l’Eu­rope de demain sera construite par la jeu­nesse d’au­jourd’­hui, et cette jeu­nesse est for­mée, pour une part tou­jours plus grande, par les sys­tèmes uni­ver­si­taires des divers pays européens.

Il n’est pas envi­sa­geable que le sys­tème des for­ma­tions supé­rieures puisse res­ter à l’é­cart de la réflexion euro­péenne : doit-on plus faci­le­ment échan­ger des mar­chan­dises que recon­naître des formations ?

L’Eu­rope pose donc la ques­tion de la recon­nais­sance mutuelle des for­ma­tions, idée qui devrait être chère à tous ceux qui consi­dèrent qu’une logique de diplôme natio­nal est bonne, car per­met­tant une recon­nais­sance mutuelle. L’i­dée de s’ac­cor­der sur un nombre limi­té de niveaux de sor­tie est donc bonne.

L’Eu­rope pose la ques­tion des « pôles ». Cette ques­tion, abor­dée par le Rap­port Atta­li, est très sen­sible. Toutes les uni­ver­si­tés ont voca­tion à l’ex­cel­lence, certes, comme l’in­dique le docu­ment d’o­rien­ta­tion récem­ment publié par Madame Demi­chel et Mon­sieur Gar­den (Ensei­gne­ment supé­rieur : har­mo­ni­sa­tion euro­péenne ; MENRT, décembre 1998). Mais il est clair que l’exis­tence, la lisi­bi­li­té, dans le contexte plus large qui est celui de l’Eu­rope, néces­site une taille plus importante.

Taille de quoi ? Parle-t-on de sup­pres­sion des uni­ver­si­tés jugées trop petites (en réfé­rence au nombre d’é­tu­diants ?), parle-t-on de regrou­pe­ment de petites uni­ver­si­tés satel­lites d’u­ni­ver­si­tés impor­tantes géo­gra­phi­que­ment voi­sines, parle-t-on de construc­tion de réseaux équi­li­brés d’u­ni­ver­si­tés de forces voi­sines ? C’est un vrai pro­blème, mais il faut l’af­fron­ter en face au lieu de le nier, comme certains.

Enfin, et même sans la néces­saire har­mo­ni­sa­tion euro­péenne, trois ques­tions au moins se posent.

  • Notre diver­si­té de diplômes est deve­nue sur­réa­liste. Bien enten­du, cha­cun défend les siens pour des rai­sons tout à fait hono­rables, chaque diplôme ayant sa logique, sa cohé­rence, sa zone de recon­nais­sance propre. Mais glo­ba­le­ment, le sys­tème est deve­nu inco­hé­rent et illi­sible. Il doit être pos­sible de le sim­pli­fier pro­gres­si­ve­ment, tout en conser­vant la part des conte­nus péda­go­giques qui a fait sa preuve et le fait encore. Mais nous pen­sons qu’il y a beau­coup à faire, dans la mise à jour de ces contenus.
  • Nous devons aus­si pro­gres­ser dans tout ce qui est pro­fes­sion­na­li­sa­tion. Cela se fait bien aujourd’­hui dans beau­coup de filières à effec­tif res­treint (les maî­trises de sciences et tech­niques, par exemple, ou les DESS). Le grand défi de demain est de le faire à plus grande échelle.
    Tout étu­diant doit pou­voir, au cours de ses études supé­rieures, béné­fi­cier d’élé­ments pro­fes­sion­na­li­sants de for­ma­tion. Il ne s’a­git bien sûr pas de vendre la for­ma­tion à l’en­tre­prise, comme le cari­ca­turent cer­tains : la maî­trise péda­go­gique doit res­ter aux ensei­gnants uni­ver­si­taires. Comme le Rap­port Atta­li, nous sous­cri­vons à l’af­fir­ma­tion selon laquelle tout étu­diant doit pou­voir quit­ter l’en­sei­gne­ment supé­rieur avec un diplôme à valeur pro­fes­sion­nelle.
  • Il en est de même pour tout ce qui est for­ma­tion conti­nue, encore trop peu déve­lop­pée. On sait pour­tant que les évo­lu­tions de nos dis­ci­plines, en par­ti­cu­lier dans le domaine des sciences de la vie, sont très rapides.
    Doit-on lais­ser à d’autres le soin de dis­pen­ser ces for­ma­tions ? Cer­tai­ne­ment pas, mais com­ment le faire, et avec quels moyens humains dans des éta­blis­se­ments très for­te­ment sous-dotés en per­son­nel ensei­gnant ou tech­nique ou en locaux d’enseignement ?

Des idées issues de la réalité

Le « 3 – 5 ou 8 », qui consiste à faire res­sor­tir trois niveaux de for­ma­tion – de sor­tie – après le bac­ca­lau­réat, n’est pas une créa­tion ex nihi­lo de la com­mis­sion pré­si­dée par Jacques Attali.

Le « 8 » est bien connu, il s’a­git de la durée actuelle pour sou­te­nir une thèse de doc­to­rat. Les écoles doc­to­rales prennent peu à peu leur place dans ce dis­po­si­tif de for­ma­tion à la recherche et par la recherche ; la com­mu­nau­té uni­ver­si­taire sait et sau­ra encore construire des for­ma­tions de grande qua­li­té. C’est ce qui lui est, aujourd’­hui, le plus fami­lier et le plus simple. Il est éga­le­ment vrai que la part pré­pon­dé­rante prise aujourd’­hui par l’ac­ti­vi­té de recherche dans le pro­ces­sus de pro­mo­tion des cher­cheurs et ensei­gnants – cher­cheurs aide gran­de­ment à l’in­ves­tis­se­ment des col­lègues dans cette voie.

Le doc­to­rat repré­sen­tait une clef d’en­trée vers les car­rières aca­dé­miques et de recherche fon­da­men­tale dans les orga­nismes de recherche publique, garan­tis­sant plu­sieurs niveaux de com­pé­tences : for­ma­tion ini­tiale par la recherche jus­qu’aux fron­tières du savoir, dans un labo­ra­toire lui-même recon­nu par la com­mu­nau­té scien­ti­fique, une recon­nais­sance par cette même com­mu­nau­té scien­ti­fique des tra­vaux réa­li­sés (qui reste le préa­lable à tout recru­te­ment dans les uni­ver­si­tés ou dans les orga­nismes publics de recherche).

Il tend aujourd’­hui à deve­nir de plus en plus un niveau nor­ma­li­sé de for­ma­tion ini­tiale avan­cée ouvrant à ses titu­laires les car­rières de l’in­no­va­tion et du déve­lop­pe­ment tech­no­lo­gique dans l’en­semble des firmes et ins­ti­tu­tions ; pour aug­men­ter les flux de doc­teurs vers les entre­prises, il convient donc d’of­frir aux doc­to­rants un par­cours com­plé­men­taire de for­ma­tion qui leur ouvre de nou­velles faci­li­tés en termes d’in­ser­tion directe dans les entre­prises ou de mobilité.

Face à de tels enjeux, l’ob­jec­tif des écoles doc­to­rales (dans la conti­nui­té 5 puis 8) sera donc :

  • d’é­lar­gir la culture scien­ti­fique des étu­diants – cher­cheurs en DEA et en thèse de doctorat ;
  • mais sur­tout d’ap­por­ter aux futurs doc­teurs, ou plus excep­tion­nel­le­ment aux doc­teurs, le com­plé­ment de for­ma­tion géné­rale et la double com­pé­tence, per­met­tant de mieux assu­rer leur inser­tion pro­fes­sion­nelle dans l’u­ni­ver­si­té, la recherche publique ou pri­vée, ou plus géné­ra­le­ment le monde économique.

Le » 5 » existe depuis long­temps. Les écoles le pra­tiquent, et les diplômes d’é­tudes supé­rieures spé­cia­li­sées, dont tout le monde recon­naît aujourd’­hui qu’ils sont une réus­site, montrent que les uni­ver­si­tés savent construire des for­ma­tions de qua­li­té à ce niveau, for­ma­tions visant les métiers d’ingénieur.

Le » 3 » est plus nou­veau. Rem­place-t-il les » 2 » d’hier, le DUT et le BTS, conçus au départ pour être des diplômes de fin d’é­tudes (en for­ma­tion ini­tiale, en tout cas, des reprises ulté­rieures d’é­tudes en valo­ri­sant quelques années d’ex­pé­rience pro­fes­sion­nelle étant tou­jours pos­sibles) et des sor­ties vers le mar­ché du tra­vail ? On constate la volon­té majo­ri­taire de leurs étu­diants de pour­suivre aus­si­tôt leurs études vers des licences plus ou moins bien adap­tées – avec les mêmes pré­ro­ga­tives que les étu­diants issus du DEUG, et ce bien que les for­ma­tions soient de nature bien dif­fé­rentes -, vers des diplômes d’u­ni­ver­si­té, ou enfin vers des écoles. La dis­pa­ri­tion du 2 serait donc plus le fait de l’ad­di­tion des volon­tés indi­vi­duelles des étu­diants que d’une com­mis­sion : le DEUG a été conçu, lui, en vue d’une pour­suite d’études.

Ce « 3 » est en tout cas une néces­si­té car l’u­ni­ver­si­té de masse ne per­met pas d’i­ma­gi­ner une sor­tie géné­ra­li­sée au niveau « 5 ».

Des inquiétudes

Rien de pré­cis n’est dit aujourd’­hui sur la mise en œuvre du sys­tème. Com­ment orga­ni­ser des « 5 », voi­sins des DESS, que l’on ne sait bien faire fonc­tion­ner qu’en limi­tant le nombre d’é­tu­diants, à par­tir de la struc­ture actuelle maî­trise (non sélec­tive) + DESS (sélec­tif) ? Il va fal­loir trou­ver des réponses originales.

Quelles évo­lu­tions, quels chan­ge­ments pour le sys­tème classes pré­pa­ra­toires aux grandes écoles (CPGE) et écoles d’in­gé­nieurs ? On a ici l’im­pres­sion que les lob­bies sont très forts, et que le fameux rap­pro­che­ment se tra­duit, dans un pre­mier temps nous dira-t-on ! par un effort d’é­vo­lu­tion de la part uni­ver­si­tés uni­que­ment… Il ne faut pas non plus oublier que le rap­pro­che­ment doit aus­si concer­ner les écoles internes aux uni­ver­si­tés, qui ne doivent pas res­ter des cita­delles, tota­le­ment cou­pées des UFR non déro­ga­toires, char­gées, elles, d’or­ga­ni­ser une for­ma­tion de masse.

La licence pro­fes­sion­nelle, pour quels étu­diants, pour quel(s) objectif(s) et, corol­laire impor­tant, avec quels moyens ? Pour nous, l’ac­cès aux licences de tous types doit res­ter ouvert. La ques­tion de la recon­nais­sance d’une dimen­sion pro­fes­sion­na­li­sante du diplôme bac + 2 ne se pose que pour les titu­laires de DEUG. Ce sont donc les étu­diants titu­laires de DEUG qui doivent être les » clients » pri­vi­lé­giés des licences pro­fes­sion­nelles, même si ces licences sont ouvertes aux titu­laires de DUT ou BTS. C’est donc natu­rel­le­ment les UFR, dans les­quelles se font les licences, qui doivent avoir la maî­trise péda­go­gique de ces licences professionnelles.

Quelques lec­tures…

  • Uni­ver­si­té : la recherche des équi­libres, 1989–1993 ; Comi­té natio­nal d’é­va­lua­tion. La Docu­men­ta­tion fran­çaise, août 1993.
  • For­ma­tion, pas­se­port à renou­ve­ler ; revue Pro­jet n° 244. Assas Édi­tions, hiver 1995–1996.
  • La Répu­blique a‑t-elle besoin de savants ; Michel Dodet, Phi­lippe Lazar, Pierre Papon. PUF, avril 1998.
  • Ensei­gne­ment supé­rieur : har­mo­ni­sa­tion euro­péenne ; MENRT, décembre 1998.
  • Pour un modèle euro­péen d’en­sei­gne­ment supé­rieur (Rap­port Jacques Attali).
  • Inno­va­tion et recherche tech­no­lo­gique (Rap­port Hen­ri Guillaume).

Doit-on conser­ver les Ins­ti­tuts uni­ver­si­taires pro­fes­sion­na­li­sés (IUP) ; quand y entre-t-on, quand en sort-on ? Pour nous, les IUP sont une filière de for­ma­tion – et non une struc­ture lourde et pérenne – liée à une niche par­ti­cu­lière d’emplois. Ses avan­tages péda­go­giques (maquettes péda­go­giques lourdes et for­ma­tion conçue sur plu­sieurs années comme un cycle de trois ans per­met­tant des liens entre for­ma­tion géné­rale et for­ma­tion pro­fes­sion­na­li­sante) ont voca­tion à être géné­ra­li­sés. En atten­dant, la solu­tion la plus rai­son­nable est de les déca­ler d’une année, pour por­ter le niveau de sor­tie à » 5 « .

Enfin, quels seront les moyens que la Nation compte mettre dans son ensei­gne­ment supé­rieur ? La Nation devra lui (l’en­sei­gne­ment supé­rieur fran­çais) consa­crer des moyens crois­sants et mieux uti­li­sés. Met­tons en appli­ca­tion cette phrase du rap­port. Nous sommes cer­tains que si les moyens crois­sants sont au ren­dez-vous, nous sau­rons les uti­li­ser au mieux, dans l’in­té­rêt des étu­diants et pour leur ave­nir, donc dans l’in­té­rêt de la Nation tout entière.

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1. Les U.F.R. (Uni­tés de for­ma­tion et de recherche) ont rem­pla­cé, dans les textes régle­men­taires, les facul­tés. Ce qui suit reprend très lar­ge­ment des réflexions qui ont été conduites en bureau de CDUS et qui ont été for­ma­li­sées par son pré­sident, Jean-Pierre BOREL, pro­fes­seur de mathé­ma­tiques et doyen de la Facul­té des sciences de l’U­ni­ver­si­té de Limoges.

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