Seul le vendeur est créateur d’emploi
Toutes les solutions mises en oeuvre depuis plus de vingt ans pour lutter contre le chômage partent d’un même postulat, selon lequel notre pays est incapable de générer sa propre croissance, la subordonnant à la reprise conjoncturelle de l’économie mondiale ou à la relance de la consommation qui accroît le plus souvent les importations et les déficits.
Partir du principe que la production ne peut augmenter conduit à considérer la diminution du temps de travail comme la principale solution pour réduire le chômage.
Or, renoncer à augmenter notre production et renoncer à être présent sur le marché mondial pour vendre cette production, c’est renoncer à une forte croissance, indispensable si l’on veut résorber simultanément et significativement le chômage et les déficits budgétaires et sociaux compte tenu de la productivité et de l’arrivée de 150 000 nouveaux demandeurs d’emploi chaque année ; d’autre part, les immigrés qui fuient leur pays pour échapper à la misère ont peu de chances de s’intégrer sans emploi.
Les salariés et les dirigeants de PME savent que, sans accroissement des ventes, il n’y a ni création de nouveaux emplois ni investissements productifs générateurs de compétitivité.
Pour vendre, les PME-PMI doivent assurer une présence importante, permanente et structurée sur le marché mondial qui représente deux milliards de consommateurs solvables.
L’incitation à la vente est créatrice d’emplois et d’investissements
Tant que nous ne bâtirons pas notre stratégie à partir de cette évidence, on sera conduit à manipuler artificiellement les statistiques du chômage (sortie des chômeurs ayant travaillé plus de 78 heures, transfert des chômeurs de longue durée vers le RMI, départs anticipés à la retraite, etc.).
Le temps presse, et un rapide résumé de la situation démontre la nécessité de changer de base d’opération : nous voyons au premier plan 12 millions de personnes en situation de précarité (Rapport du CERC n° 109), 6 millions de personnes vivant avec les minima sociaux et 3 millions de demandeurs d’emploi. Cette population se sent abandonnée, exclue et constitue un coût important pour la collectivité. Les déficits sociaux et budgétaires qu’elle génère compromettent l’avenir du pays ; les grandes entreprises industrielles ne créeront que peu ou pas d’emplois durables en raison des effets conjugués de la délocalisation et de l’automatisation.
En arrière-plan, on constate que le redéploiement du commerce international s’opère à notre détriment avec l’intensification de la concurrence étrangère venant d’une part, de pays à bas salaires (un milliard de producteurs supplémentaires en dix ans), et d’autre part, des multinationales déterminées à conquérir le marché mondial (7 000 multinationales il y a vingt ans, 35 000 aujourd’hui).
De plus, la crise financière actuelle, notamment en Asie, au Brésil, en Russie, etc., va permettre à ces multinationales, grâce aux dévaluations compétitives, d’acheter des entreprises à vils prix, et de nous inonder de produits à des prix encore plus bas qu’aujourd’hui, en leur apportant les moyens financiers et commerciaux qui leur font défaut actuellement.
Certains économistes assurent que l’importation a peu d’influence sur le chômage. L’argument avancé est le suivant : « dans la Communauté européenne, les échanges intracommunautaires représentent encore 60 % du total des échanges ». Si cette statistique, exprimée en valeur, retenait le critère volume, on mesurerait plus objectivement l’incidence de l’importation sur l’emploi. À titre d’exemple, les importations d’outillage à main en provenance de Chine représentent actuellement 6 % en valeur et 24 % en volume. De plus, un produit importé d’Asie qui franchit plusieurs frontières européennes est comptabilisé à chaque fois comme un échange intracommunautaire.
Malgré cet environnement très concurrentiel, une forte croissance est encore possible à condition que les pouvoirs publics se mobilisent pour activer tous nos potentiels disponibles afin de gagner des parts du marché mondial : les hommes (des millions d’hommes et de femmes disponibles, notamment ceux ayant l’expérience ou le profil pour vendre), l’argent (300 milliards dépensés pour l’emploi en 1996 dont 120 milliards par l’État) et l’outil (un vivier de PME-PMI dont 120 000 PME exportatrices indépendantes qui ne réalisent actuellement que 3 % du total de nos exportations).
La couverture insuffisante du risque à l’export, le manque de fonds propres, les cautions demandées par les banques, les coûts de production français et des marges laminées par la concurrence étrangère qui réduisent notre capacité à investir sont autant de handicaps aggravant le risque de non-retour sur investissement commercial, difficile à apprécier en termes de délais et de taux, ce qui dissuade l’entrepreneur d’investir pour exporter par crainte du dépôt de bilan.
Nos PME et PMI1 sont un véritable gisement de croissance et d’emplois à condition que l’État prenne en compte ce risque de non-retour sur investissement commercial, principal obstacle à la conquête du marché mondial par ces PME.
Il faut reconsidérer le dispositif de soutien à l’exportation en particulier pour les plus petites PME, en augmentant le budget et en améliorant les modalités de l’assurance prospection Coface. 15 % de ces dossiers se terminent par un dépôt de bilan malgré une sélection sévère de la Coface et des DRCE. L’insuffisance de temps accordé à la PME pour amortir son investissement à l’exportation est la principale raison de ces défaillances, surtout lorsqu’il y a création d’emplois commerciaux à l’exportation2.
À partir de données fournies par la DGSI, la DREE, le SESSI et le Commissariat général au Plan et à condition de réduire le risque à l’exportation, on peut estimer que si l’État investissait 3 milliards chaque année pendant six ans, au profit du développement à l’exportation des PME-PMI indépendantes, sur six ans, on augmenterait les exportations de ces PME-PMI de 500 milliards3, ce qui créerait 2 000 000 d’emplois non aidés4, et économiserait 232 milliards 5.
Un tel objectif est réalisable à condition qu’il y ait une volonté politique et la garantie que ni la logique sociale ni la logique économique ne soient sacrifiées.
Les PME doivent avoir l’assurance que les modalités de l’assurance prospection Coface seront améliorées : versement par la Coface à la PME, moyennant intérêts, d’une avance sur son budget export pour éviter le recours aux banques (cautions), augmentation des périodes de garantie et d’amortissement ainsi que l’augmentation de la quotité garantie.
Les salariés et les demandeurs d’emploi doivent avoir l’assurance que les PME-PMI s’engageront, en échange d’une meilleure mutualisation du risque à l’exportation, à réserver en priorité le supplément de richesses ainsi générées, à la création de nouveaux emplois en garantissant pendant la durée du soutien la réservation aux primo-demandeurs d’emplois à l’international de 50 % des créations d’emplois, le maintien des bénéfices dans l’entreprise pour renforcer les fonds propres, un pourcentage de hausse des salaires de l’équipe dirigeante ne dépassant pas celui des salariés, et l’indexation de la masse salariale sur le chiffre d’affaires réalisé à l’exportation couvert par cette procédure (le supplément de masse salariale étant réservé à la création de nouveaux emplois dans la PME).
Association Créer des Emplois Autrement, 6, rue V. Carmignac, 94110 ARCUEIL. Tél. : 01.46.65.32.10.
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1. Les marchandises représentent encore à ce jour 75 % du commerce mondial. C’est pourquoi, l’accent doit être mis sur les exportations industrielles. Les 25 % restants (transports, assurances, banques, tourisme d’affaires) sont le plus souvent le prolongement de l’activité industrielle.
2. Bien que la Coface confirme qu’il faut sept ans à une PME pour amortir complètement son investissement commercial à l’exportation avec une assurance prospection simplifiée (APS) Coface, la durée de cette procédure n’est toujours pas remise en cause, d’où la faible mobilisation des PME (moins de 800 nouveaux dossiers par an).
3. CA annuel par salarié dans les petites et moyennes industries indépendantes : 675 KF.
Un emploi industriel créé génère 1,7 emploi induit dans l’économie, soit 1 emploi créé pour un CA de 250 KF.
Ratio actuel de l’assurance prospection Coface : (1 à 48) 350 millions coût public = 17 milliards de CA export.
Ce ratio a été réduit de 48 à 28 dans les estimations annoncées compte tenu des améliorations demandées.
3 milliards investis x 6 ans x 28 (ratio estimé) = 500 milliards : 250 KF/salarié = 2 millions d’emplois créés.
4. Les vendeurs export (emplois aidés) ne sont pas compris dans les 2 millions d’emplois créés et non aidés.
5. Bénéfice pour les finances publiques lorsqu’un emploi non qualifié, non aidé est créé : 125 KF.
Soit 2 millions d’emplois créés x 125 KF = 250 mds – 18 mds investis (3 mds x 6 ans) = 232 milliards économisés.