Les mérites de l’imagination
Il était capital pour Conté, vieille de 200 ans, de créer un crayon de papier réclamant un processus de production technologique, car la concurrence des pays à bas coûts de main‑d’œuvre érodait sa position de leader sur les crayons en bois.
Le 7 de Conté était né, entièrement en matière plastique. Pendant plusieurs années, il ne s’en est pas vendu, malgré ses avantages objectifs (mine toujours taillée, petit prix, couleurs gaies).
Les ventes ont explosé après l’introduction de l’agrafe qui permet d’accrocher le crayon. Au départ, le 7 de Conté n’en possédait pas tout simplement parce qu’un “ crayon de papier ” n’en possède pas (et que toutes les analyses “ prouvent ” que personne n’accroche son crayon !).
Avec une agrafe, ce n’était plus un crayon, ni un stylo, c’était un “ 7 ”, unique, incomparable.
Les entreprises qui se développent et gagnent de l’argent innovent, c’est-à-dire qu’elles proposent régulièrement de nouvelles offres de produits ou de services. Pour bâtir ces nouvelles offres, le recours à l’imagination est indispensable. Les trois axes sur lesquels travailler sont : les savoir-faire, les marchés, les besoins.
- Chaque entreprise combine des savoir-faire et des technologies pour produire son offre. Quand ces technologies évoluent, l’offre évolue. C’est une innovation naturelle. Elle est indispensable, mais parfois insuffisante. L’imagination portée sur les formes, les fonctions, les propriétés du produit lui-même s’avère souvent profitable.
Baïkowski, leader mondial du bijou de synthèse pendant quatre-vingts années, possédait deux savoir-faire : la catalyse et la poudre ultra-fine. Concurrencée, elle a choisi de conserver son savoir-faire dans l’ultra-fin, et s’est tournée vers tous les laboratoires de recherche du monde qui connaissaient les usages potentiels de ces poudres : pelliculage intérieur des tubes de néon, hanches artificielles, polissage de composants électroniques… Baïkowski est leader mondial de la chimie ultra-fine. - Chaque entreprise possède un système de diffusion et de distribution vers ses clients finaux. L’introduction de nouveaux circuits ou procédés de diffusion est souvent perçue comme une concurrence créée au circuit existant, ou comme une diversification forcément « hasardeuse ». Pourtant, c’est là que se trouvent les nouveaux marchés.
La distribution d’Orangina chez MacDonald’s relève d’une telle démarche d’innovation, en rupture avec la culture de « la petite bouteille ronde qu’on secoue ». La conséquence inattendue a été d’intéresser Coca-Cola, à la satisfaction de tous (il est prévu de distribuer Orangina dans tous les pays du monde).
Le marché du vélo était très déprimé en 1970. En 1998, le VTT fait fureur. Pourtant, les études prouvent qu’un vtt ne sort d’une route goudronnée qu’un quart d’heure en moyenne, de toute son existence ! L’analyse du besoin ne conduit pas à l’invention du VTT. Satisfaire le besoin de nature, d’écologie, de santé met sur la piste. - L’analyse des besoins sur des produits existants ne délivre pas toujours les seules attentes du public. « Personne ne réclamait une carte électronique dont le contenu ne s’efface pas, ni une colle qui ne colle pas », disait Moreno. On peut répondre à des besoins exprimés, mais on ne sera pas le seul, on peut aussi rechercher le besoin insatisfait non exprimé. Le détecter et le satisfaire donnent un véritable avantage stratégique. L’imagination (et la sensibilité) sont de rigueur !
Un ordinateur est fait pour calculer. Steve Jobs pense qu’il est fait pour créer, à condition qu’on n’ait pas à apprendre à s’en servir. Il invente Apple. Et par la suite, Bill Gates « invente » Windows, car l’intuition était juste.
Les résistances aux changements sont dans la nature de l’homme et des organisations. Néanmoins l’innovation est la condition indispensable du développement des entreprises. La ressource de l’imagination est mobilisable.