Quarante annuités dans la jungle et toujours la vie devant soi
La » promotion 58 « , qui avait témoigné dans nos colonnes il y a quelques mois (voir n° 631 de janvier 2008), avait été marquée par la guerre. De dix ans plus jeune, la » promotion 68 » l’aura été plutôt par l’instabilité. Voici les témoignages de quelques camarades arrivant cette année, du moins théoriquement, en fin de carrière.
Une carrière assez heurtée
Coups et blessures garantis
Je me suis toujours perçu comme une super-mécanique intellectuelle, mais socialement décalée, donc isolée
» Devenir entrepreneur, quelle belle occasion de construire réellement affirme François Maréchal qui a connu au moins quatre carrières différentes. Mais, critiquer son patron, se brouiller avec son associé, déposer le bilan, voilà des coups et blessures garantis, qui ensuite cicatrisent. » Jacques Bongrand, qui a commencé par une vie théoriquement monolithique au sein de la Délégation générale pour l’armement, n’en a pas été pour autant moins bousculé. » Ma carrière a comporté un tournant. Jusqu’à mon passage à quarante-quatre ans en cabinet ministériel (la découverte d’un monde nouveau), j’étais assez stable. De retour, j’ai beaucoup bougé. Ma progression hiérarchique a ralenti pour des raisons obscures. J’ai eu l’impression d’évoluer dans une jungle à partir d’un certain niveau. Mais, j’ai exercé des fonctions variées et passionnantes. »
Des problèmes financiers
Bruno Martin-Vallas, lui, n’hésite pas à évoquer » une carrière erratique et pénible financièrement « , où il s’est retrouvé chômeur à plusieurs reprises, en profitant pour rédiger quelques ouvrages de réflexion sur l’humanité ou les enjeux mondiaux (« au succès stable, c’est-à-dire nul « , convient-il avec humour). Pour lui, » une satisfaction, avoir clarifié ce que je trouvais essentiel ; un regret, n’avoir pas réussi à le partager avec d’autres. » Autre satisfaction encore, » ma vie de famille, mon épouse, mes enfants « . Quant à Gérard Blanc, il voit sa carrière comme » une suite de bifurcations, l’ayant amené à prendre de nouvelles orientations de façon durable « .
Une retraite utile
La retraite prochaine ? » Pas de retraite avant soixante-cinq ans, en 2014 « , proclame François Maréchal. » J’imagine de me préparer à quelques actions continues à temps partiel, du style économico-social, juge de paix, conseiller prud’homme, » business angel « , etc. » Bruno Martin-Vallas, qui entreprend de construire un gîte pour se créer un complément de revenus, veut » continuer d’essayer de faire percer ce que je trouve utile « . Jacques Bongrand s’en remettra » aux opportunités et peut-être aux contraintes financières « . Mais, dit-il, » j’ai quelques idées directrices : chercher des expériences nouvelles aussi utiles que possible, associatives ou autres, plutôt qu’une activité qui ne soit qu’un pâle reflet de responsabilités antérieures ; préserver une certaine liberté pour mes relations personnelles, mon développement humain et spirituel et sans doute écrire encore si j’en ai la possibilité. » Gérard Blanc n’y a pas encore pensé, estimant » qu’il faut distinguer statut et activité « .
Quelques conseils aux jeunes
Profiter des expériences
» Au début de carrière, on peut bouger assez librement parce que la pyramide est large « , rappelle Jacques Bongrand aux plus jeunes qui voudraient s’orienter vers l’Administration. » Après, il ne s’agit plus de choisir tel service, mais de remplacer un tel. Il faut saisir les opportunités et l’on est beaucoup moins maître de sa trajectoire. Donc, profiter des premiers postes pour faire les expériences qui nous paraissent indispensables pour la suite. »
Victime d’un accident de santé à 43 ans, Gérard Blanc estime » avoir su cultiver la chance, en exploitant des voies ébauchées depuis des années pour retrouver une activité indépendante (rédaction d’ouvrages, conférences, cours de formation) « . Il se félicite de » l’aide morale de nombreux camarades » et de » l’aide financière apportée par l’AX dans des moments difficiles « . » Il est important de se créer un réseau d’amitiés solides et de gens sur qui l’on peut compter. »
Aller à l’intuition
» Aller à l’intuition, accepter la passion et ses loupés, préconise François Maréchal. S’appuyer sur quelques années de pratique technique avant d’évoluer éventuellement vers la gestion. Ne jamais négliger les relations humaines, familiales, clients, collaborateurs. » Bruno Martin Vallas, lui, conseille de » trouver un territoire qui parle pour la vie, donc durable pour soi-même, que ce soit un métier, un secteur d’activité, une zone géographique, ou un milieu social, qu’importe. En connaissant ce territoire qui vous passionne, en y plaçant vos choix de postes professionnels, vous serez comme un chasseur au milieu de son gibier. Les opportunités viendront à vous. Vous y respirerez en progressant. »