Un attachement à une identité sociale, culturelle ou économique
La notion de pays a été utilisée dans des contextes variés depuis les années soixante, qu’elle soit invoquée sur un mode revendicatif (« vivre et travailler au pays ») ou prise comme étendard de politiques publiques menées par l’Etat ou les collectivités territoriales (charte de pays touristique, contrat de pays, etc.). Au-delà de cette diversité, on relève une caractéristique commune de ces » usages » multiples : ils ont, dans un premier temps, porté sur des territoires à dominante rurale et accompagné ceux-ci sans les relier aux dynamiques urbaines. Pour autant, le trait commun à cette utilisation du concept est une appartenance, un attachement à une identité sociale, culturelle ou économique forte, ce qui peut lui donner la capacité de s’appliquer aussi aux espaces urbains.
La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, adoptée le 4 février 1995, a introduit la notion de » pays » en invitant les territoires à l’expérimentation. Le cadre posé pour la création d’un pays fut alors le suivant : lorsqu’un territoire présente une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale, il peut former un pays, le pays exprime la communauté d’intérêts économiques et sociaux, en assurant le cas échéant les solidarités réciproques entre la ville et l’espace rural ; l’Etat coordonne dans le cadre du pays son action en faveur du développement local et du développement urbain avec celle des collectivités territoriales et des groupements de communes compétents.
Repères
Au 30 juin 2006, on recensait 283 contrats signés avec l’Etat qui se répartissent comme suit :
135 contrats signés avec l’Etat, la région et le département, 104 contrats signés avec l’Etat et la région, 3 contrats signés avec l’Etat et le département sans la région, 41 contrats signés avec l’Etat seul.
Un bassin d’emploi et un projet de développement
En 1998–1999, une réflexion s’est engagée pour consolider et préciser les objectifs assignés au pays. Elle a abouti, à travers la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), adoptée le 25 juin 1999, à une nouvelle définition du pays comme « bassin d’emploi », composé d’une ville-centre et de ses communes périurbaines et rurales. Le pays doit être porteur d’un projet de développement durable qui prend la forme d’une charte. A l’occasion du débat sur la loi, la recherche d’une articulation entre agglomération et pays (ou bien entre pays et communautés de communes) a été demandée avec force. Par la suite, la reconnaissance du pays, à travers sa charte, lui permet d’accéder à la contractualisation dans le cadre des Contrats de Plan Etat-Régions pour la période 2000–2006. Le pays a été réaffirmé (loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003) comme un espace pertinent de réflexion et d’élaboration d’un projet de développement commun et son processus de création a été allégé, l’étape de l’arrêté de périmètre d’étude étant notamment supprimée. La loi a précisé, par ailleurs, quels organismes peuvent porter le projet de pays.
360 pays couvrant 80 % du territoire.
Sept ans après la publication de la LOADDT, on dénombre 358 pays dont 322 disposent d’une délimitation géographique administrativement arrêtée et 36 sont en cours de finalisation. 46% de la population française vit désormais dans des pays reconnus ou en projet, couvrant 80% du territoire métropolitain. Le mouvement de constitution des pays a connu un essor important et rapide. Cette progression, particulièrement marquée sur les années 2004 à 2005, s’explique par la fixation au 31 décembre 2004 de la date butoir pour la passation de contrats avec les pays entrant dans le champ des contrats de plan Etat-Régions. Afin de garantir de bonnes conditions à l’élaboration des contrats de pays cette échéance a ensuite été repoussée au 30 juin 2005. Ces contrats, conclus en application du volet territorial des contrats de plan Etat-Régions qui se sont achevés fin 2006, ont pu poursuivre leur mise en oeuvre jusqu’au 31 décembre 2007. Ces contrats permettent d’appuyer les actions des pays qui, déclinant leur charte, couvrent des domaines larges : l’économie (dont le tourisme), la culture, les services (dont l’insertion et la formation), la préservation et la valorisation du patrimoine naturel et culturel. Le thème de la santé, au titre des services à la population, est également largement couvert par les pays. Il peut s’agir de contribuer à une amélioration de la couverture des offres en direction des personnes âgées par la mise en réseau d’initiatives jusqu’alors éclatées dans des petites communes ou portées par des communautés de communes sur des espaces restreints et n’atteignant pas une masse critique suffisante (en terme de population touchée). Le thème des déplacements est aussi abordé : l’organisation de transports à la carte (« taxibus ») sur un territoire large a permis de mettre en place des services profitables à la mobilité en milieu rural. Toujours dans le domaine des services, de nombreuses initiatives visent à encourager et faciliter l’accès des jeunes à des équipements sportifs ou culturels pour favoriser l’intégration et le développement personnel. Les initiatives sont ainsi très variées. Leur élaboration à l’échelle du pays permet de conjuguer adaptation aux spécificités locales et recherche de viabilité. De la même manière, dans le domaine économique, la réflexion sur un bassin de vie, représenté par le pays, permet un dialogue de qualité, préparé avec l’Etat, sur les priorités de développement et d’investissement publics d’accompagnement.
Dominante rurale ou urbaine.
La diversité des situations locales et la liberté offerte par le cadre législatif ont naturellement entrainé une certaine hétérogénéité dans la configuration des pays. Le tableau ci-dessous illustre cette forte disparité des situations. Aussi, plutôt que de chercher à définir un profil moyen, il est préférable d’approcher cette variété par des profils types. Nous trouvons ainsi, des pays à dominante rurale (où plus de 50 % de la population habite un espace à dominante rurale.). Ils sont 166, soit 48 % du total des pays. Au sein de cette catégorie, 16 pays interviennent sur des territoires peu structurés qui ne sont pas ancrés sur un pôle d’emploi majeur et qui sont à l’écart des grands centres urbains. 32 autres territoires, soit 20% de cette catégorie, ne sont pas centrés sur un pôle d’emploi, mais sont sous forte influence d’un pôle urbain qu’ils n’incluent pas dans leur périmètre. Enfin, pour l’essentiel (70% des cas) ce type de pays à dominante rurale prend appui sur une ou plusieurs villes petites ou moyennes en englobant en moyenne 50 000 habitants sur une soixantaine de communes.
Près de la moitié des Pays de France sont à dominante rurale
Un second type peut être qualifié de pays à dominante urbaine. Il s’agit de territoires sur lesquels 70% de la population habite un espace à dominante urbaine. Parmi ces 122 pays, les situations varient assez sensiblement entre des territoires placés sous l’influence d’un pôle urbain majeur (22 pays dont 90% de la population habitent en zone à dominante urbaine) et ceux dont la population réside pour l’essentiel en zone périurbaine (19 pays structurés généralement autour de villes centres). Enfin, pour ce type, il existe des territoires (23) aux situations plus complexes qui incluent un pôle urbain mais sont également sous influence d’un ou plusieurs centres urbains extérieurs. Enfin, des pays se retrouvent dans un entre-deux, ils sont qualifiés de pays mixtes. 15% de l’ensemble des pays réunissent, en effet, une population à proportion équivalente rurale et urbaine. Ils sont généralement ancrés sur une ville moyenne ou un réseau de petites villes.
Des Conseils de développement
Quarante cinq parcs régionaux
Le maillage des pays vient en complément des Parcs Naturels Régionaux. Crées en 1967, on en compte 45 en 2007. Ils ont vocation à s’inscrire sur des espaces naturels dont la protection et la valorisation sont des enjeux fondamentaux et ont une dimension environnementale prédominante. Pour autant, malgré sa spécificité, la démarche des PNR a nourri la réflexion notamment pour ce qui touche à la participation des acteurs locaux.Plus largement, l’enrichissement des politiques des territoires de projet a également été le fait de l’application de trois générations de programmes d’initiatives communautaires Leader (Liaison entre Acteurs de Développement de l’Economie Rurale – Programme européen piloté de 1994 à 2006 en France par la DATAR puis la DIACT) qui ont permis de doter ces territoires organisés (pays, parcs) de moyens financiers conséquents pour développer une stratégie locale dans un cadre partenarial public privé très affirmé.
L’Etat a accompagné cette émergence des pays au cours des années 2000–2006. La large couverture qui résulte de ce mouvement a rempli un objectif premier qui était d’assurer une prise en charge par les acteurs locaux des enjeux d’aménagement locaux sur base d’un diagnostic partagé. Ces années d’élaboration des projets de pays ont été riches d’une mobilisation des élus, des acteurs socioprofessionnels et associatifs qui se sont engagés dans des échanges et des réflexions sur des scénarii de développement pour leurs territoires. Ce travail a été mené au sein des conseils de développement, structures dont l’organisation très libre témoigne bien de la richesse des nouvelles pratiques participatives qui se sont mises en place autour des pays. Des agriculteurs, des forestiers, des commerçants, des responsables de PME, d’établissements publics ont dépassé leur cadre professionnel, aux côtés d’élus, maires, présidents de communautés de communes, conseillers généraux ou régionaux, députés, sénateurs, pour identifier les atouts, les faiblesses et les opportunités de développement de leur territoire. Ces échanges ont permis la définition de stratégie de développement partagé entre les acteurs locaux dans un cadre souple ne doublonnant pas les instances existantes. Les pays, en effet, n’ont pas vocation à se substituer aux collectivités locales existantes et à assurer la maîtrise d’ouvrage d’équipements : les actions à conduire découlant des chartes adoptées sont mises en ouvre par des maîtres d’ouvrage privés ou publics partenaires des pays. Les pays s’installent ainsi dans le paysage de la décentralisation qui a poursuivi son évolution au cours des dernières années. Il reste que la forme des relations passées avec les départements et les régions sera sûrement amenée à se préciser entre une indépendance revendiquée par des pays et le relais attendu par les collectivités territoriales sur leur politique.
Des révisions de périmètres
Repères
Les départements et les régions se sont également engagés dans la politique des pays. Ces collectivités sollicitent les pays pour la mise en application d’actions relevant de leurs politiques respectives, parfois les soutiennent sur des thématiques qui peuvent être ouvertes par l’intermédiaire d’appel à projets.
Ces avancées et leurs limites conduisent l’Etat, au-delà des interrogations évoquées ci-dessus, à poursuivre son accompagnement des pays en cherchant à améliorer l’efficacité de leur intervention, notamment en centrant son appui sur des thématiques ciblées, et à rendre plus lisible auprès du citoyen ce niveau d’organisation intercommunale. Pour cela, l’Etat cherche à favoriser de meilleures articulations entre urbain et rural et entre intercommunalité de services et intercommunalité de projet en proposant, le cas échéant, des révisions de périmètres.
Les pays n’ont pas vocation à se substituer aux collectivités locales
Aujourd’hui les pays sont ancrés dans le paysage administratif français. Ils ne constituent pas un nouvel échelon administratif recouvrant les compétences de collectivités départementales ou supra communales et ne sont d’ailleurs pas porteurs de compétences mais d’une mission d’impulsion et de coordination de la réflexion des acteurs locaux. La poursuite et l’épanouissement de cette ambition permettront la réussite du processus de territorialisation des politiques publiques de l’Etat et de l’Union européenne qui implique une prise en charge effective de ces politiques par les acteurs locaux dans le cadre d’instances de gouvernance reconnues et durables. Détails et cartes complémentaires disponibles sur http://www.territoires.gouv.fr