Le numérique, un moteur positif de transformation de l’entreprise encore trop peu exploité
La bulle Internet a contribué à accélérer le développement des entreprises vers le numérique. Toutefois, ces progrès étaient soit contraints, en réaction aux nouveaux entrants, soit limités à des offres grand public et souvent timorés pour ne pas cannibaliser les activités historiques. Depuis, le numérique est devenu un formidable levier de transformation comme le démontrent les entreprises qui ont réussi à l’exploiter avec succès à l’instar de la SNCF ou du ministère des Finances. Toutefois, le levier du numérique reste aujourd’hui largement sous-exploité.
Ci-dessus : Figure 1 – Les modes de consommation sur le Web ont été révolutionnés par la croissance du parc PC et du haut débit.
Au-delà du champ traditionnel de la dématérialisation de la distribution, le numérique de la prochaine décennie va embrasser l’ensemble des composantes de l’entreprise et permettre aux acteurs des remises en cause stratégiques ouvrant la voie à de nouveaux marchés et à des modèles prometteurs.
Années 2000 : les entreprises adaptent leurs modèles de distribution aux modes de consommation
Les années 2000 ont vu se multiplier les innovations dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (mobile, accès Internet, EDI, etc.). Ces technologies se sont depuis massivement diffusées : la France compte aujourd’hui plus de 31 millions d’internautes, contre 12 millions en 2001 ; 24 millions de Français achètent aujourd’hui en ligne ; au-delà du commerce en ligne, Internet permet de fournir des services : ainsi plus de 7 millions de foyers ont procédé à la déclaration fiscale en ligne en 2007 ; 3 millions de Français utiliseraient couramment l’Internet mobile et plus de 80 % d’entre eux sont équipés d’un mobile.
Néanmoins, cette première vague de numérisation n’a eu pour le moment qu’un impact modéré sur les entreprises – qui ont privilégié un renforcement de leurs modèles de profits existants (réduction des coûts, amélioration de la performance) et une optimisation de leurs modèles de distribution ou de leurs achats (via les échanges de données et les places de marché), au détriment d’une réinvention de leur Business Design1.
La numérisation a par ailleurs été » subie » car elle était souvent menée en réaction à de nouveaux entrants dont le modèle de distribution était virtuel. La plupart des entreprises ont adapté en conséquence leurs modèles de distribution, privilégiant souvent la croissance externe (rachetant ces mêmes nouveaux entrants qui les menaçaient), éliminant ainsi une concurrence néfaste, et développant la distribution on-line de leurs produits sans capitaliser sur leurs actifs existants. Enfin, la numérisation des années 2000 a été bridée par les Business Designs historiques : la virtualisation des canaux de distribution devant limiter les phénomènes tangibles de cannibalisation sur les activités existantes.
Au-delà de la dématérialisation, le numérique ouvre de nouvelles voies à la réinvention de l’entreprise
De rares entreprises se sont engagées dans une numérisation » proactive « . Ces entreprises opéraient des portefeuilles d’activités dans des secteurs arrivant à maturité et dont les modes de fonctionnement et les Business Designs devenaient obsolètes. Le numérique leur a partiellement permis de relever de nouveaux défis : se transformer pour créer de nouvelles sources de profits et de croissance ; renouveler et optimiser les Business Designs historiques ; écouter les clients et prendre en compte leurs besoins clients ; s’appuyer sur l’innovation et sur les fournisseurs pour développer de nouvelles sources de profits et de différenciation.
La prochaine vague numérique va bouleverser les modèles établis
La SNCF ou la réinvention par le Web
La SNCF avait initié avant 2000 un mouvement de dématérialisation de sa distribution via le Minitel. Elle avait également développé un savoir-faire numérique dans la conception des grands systèmes de réservation et des systèmes d’optimisation du type yield management .
La création de www.voyages-sncf.com lui a permis de résister au développement des agences de voyages en ligne et de limiter ainsi la hausse des commissions de vente. La SNCF apportait ainsi une nouvelle réponse aux besoins de ses clients : une agence généraliste non restreinte au produit train, facilitant la distribution d’une offre de plus en plus complexe et permettant de focaliser ses équipes de vente sur le service aux voyageurs, les transactions étant de plus en plus réalisées sur le Web ou en bornes libre-service.
La SNCF a depuis créé de nouveaux produits permis par le digital : IdTGV, par exemple, est un nouveau type de TGV qui, dans un esprit low-cost allié à celui de services » zen et zap « , a été permis par une utilisation maximale de l’Internet dans la distribution et la relation clients. IdTGV a ainsi permis d’augmenter encore la part de marché du TGV.
À nos yeux, la vague numérique qui s’annonce apporte de nouvelles opportunités mais comporte également des risques importants auxquels devront faire face les entreprises. Cette nouvelle donne sera amplifiée par un contexte de libéralisation des marchés, de mondialisation des échanges et de crise économique.Un nouveau flux de technologies et de nouveaux modèles numériques pénètre aujourd’hui le quotidien des consommateurs et des entreprises, au-delà de la diffusion quasi achevée des technologies de la bulle Internet – quelques tendances de fond soutiennent ce phénomène :
- haut débit et interfaces riches :
en 2010, près de 80 % des foyers français disposeront du haut débit contre 2 foyers sur 3 en 2008, près de 40 % des abonnés à un mobile utiliseront régulièrement l’Internet mobile à l’horizon 2013 contre moins de 10 % aujourd’hui. Cette montée en débit va s’accompagner d’un enrichissement des interfaces et des services qui seront disponibles sur le Web via la télévision et via le mobile ;
- dématérialisation des transactions :
la technologie NFC (Near Field Communications) et l’aboutissement des discussions entre opérateurs mobiles, banques et opérateurs de transports vont donner un nouveau souffle à la dématérialisation des transactions et permettre l’émergence de nouveaux services disponibles à tout moment. Cette technologie est aujourd’hui utilisée par un Japonais sur quatre et la majorité des mobiles commercialisés autorisent ce type de transactions ;
- développement du » tout gratuit » :
le modèle de profit et la proposition de valeur de Google pénètrent l’ensemble des entreprises qui voient dans la publicité digitale un relais de croissance à faible niveau de risque.
Le client est de moins en moins enclin à payer des services disponibles gratuitement sur le Web
Les entreprises développant de fortes audiences sur le Web – ou disposant de canaux de distribution physiques – peuvent capitaliser sur les temps d’attentes de leurs clients et commercialiser l’espace publicitaire induit auprès d’annonceurs. Le modèle de Google est aussi un risque pour les entreprises : le client est de moins en moins enclin à payer des services ou des contenus disponibles gratuitement sur le Web, ce qui amène les entreprises à réinventer leurs Business Designs pour s’adapter à cette nouvelle concurrence ;
- omniprésence des réseaux sociaux :
le Web communautaire n’est plus restreint aux réseaux sociaux de type Facebook mais devient un élément de contenu essentiel et un argument de vente. À l’origine annuaires ou espaces de partages, les réseaux sociaux pénètrent notre quotidien et permettent de mieux cerner les besoins des clients et stimuler l’acte de consommation ;
- émergence du » Machine to Machine » :
autrefois restreintes à des applications spécifiques, propriétaires et coûteuses, les communications de machine à machine pénètrent l’ensemble des secteurs (logistique, grande distribution, transports, services aux entreprises) et permettent d’automatiser la collecte d’informations en temps réel, d’optimiser la performance et l’allocation des ressources ;