Les eaux troubles cachent des trésors, parfois
Davantage que de l’incertain, c’est au fond de la multiplicité et de la complexité des informations, conjuguées à l’impératif de rapidité, que naît le trouble du décideur d’aujourd’hui
Le cadre institutionnel hérité de notre histoire (sécurité-obéissance) a laissé place à une logique contractuelle plus immédiate (reconnaissance-valeur ajoutée), qui ne fournit plus tous les repères pour orienter l’action. Ce changement de référentiel vaut bien sûr aussi pour l’entreprise, dans son environnement externe tout comme à l’intérieur d’elle-même, et la relation de confiance a disparu.
À la recherche d’un nouvel équilibre, au sein d’un système culturel global, l’entreprise peut s’enrichir de liens privilégiés avec certaines entités différentes d’elle : les conseillers, les coaches, les ONG, les syndicats… Dans la mesure où ceux-ci sont bienveillants avec elle, ce qui n’est pas toujours évident, l’entreprise a tout à gagner de ce nouveau système qu’elle aura intégré : ces organes vont assurer des missions utiles à l’hygiène de l’entreprise, que cette dernière internalisait jusqu’à présent. Et ces organes externes vont être plus efficaces, car eux-mêmes installés dans un réseau d’organes semblables et à la performance comparable.
Un coach, pour y voir clair ?
Dans la liste des parties prenantes au développement de l’entreprise, le coach est le dernier venu. Il intervient pour réparer une relation employeur-employé où la confiance a disparu, il assiste une équipe de travail qui cherche à développer une capacité collective élevée, il accompagne le dirigeant à sa prise de fonctions pour lui permettre d’écrire sereinement son propre chapitre de l’histoire de l’entreprise, ou encore, plus récemment, il soutient l’organisation dans ses efforts d’adaptation à son environnement.
La tâche du coach consiste alors à stimuler chez son client l’évolution nécessaire pour lui permettre de comprendre et de s’adapter à des normes reconstruites. Ou bien il s’agira de muscler une équipe de travail pour lui permettre d’atteindre ses objectifs, éviter l’usure, voire optimiser l’utilisation de ses propres ressources.
Dans l’énergie aussi…
Les dernières années ont été nécessaires pour que la culture et les pratiques managériales des entreprises du secteur énergétique évoluent : leur histoire les a longtemps préservées de la pression concurrentielle et des mutations culturelles, en les maintenant éloignées des marchés financiers et des pratiques concurrentielles.
Les pratiques managériales se sont récemment enrichies : le coaching des personnes est d’abord timidement entré dans les comités de direction, avec les errements que l’on peut imaginer, et désormais la filière RH est en général responsable des procédures de référencement des coaches, après s’être formée aux techniques de ce nouveau métier.
Une bonne pratique s’est développée avec la tendance à référencer un coach pour un temps limité (deux ans est un seuil courant), et l’accompagnement est très fréquemment proposé aux personnes que l’entreprise veut s’attacher à long terme.
Cette posture aboutit à chaque fois à une solution adaptée et personnalisée, inconnue du coach lui-même en début de parcours, puisqu’elle est issue d’une succession de prises de conscience et procède d’un changement de regard sur une situation connue. Le coach professionnel perçoit les signes sur lesquels faire grandir le niveau de conscience de son client, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une équipe de travail, par une mise en pratique progressive des révélations de chaque séance : il ne s’agit pas de conseiller le client, mais bien de faciliter sa libre élaboration et l’ancrage de changements désirés de manière préconsciente, et parfois occultés par la pression de conformité du milieu ambiant, par la formation reçue ou par une forme institutionnalisée de leadership.
La durée d’une intervention dépend de sa nature : un individu en résolution de difficultés avec son entreprise requiert une dizaine de séances étalées sur une petite année, un accompagnement à la prise de poste doit rester bref, mais intense, alors qu’une équipe de travail mérite un accompagnement sur deux voire quatre ans. Enfin, une organisation souhaitant adapter sa culture a besoin d’un système plus complexe pour évoluer.
L’accompagnement par un coach révèle des potentiels souvent méconnus de l’entreprise, qui lui sont utiles pour atteindre ses propres objectifs, ou pour traverser des crises, et qui ne demandent qu’à être valorisés. Si la diversité des profils et des talents n’est pas une fin en soi, l’accepter est difficile, et le clonage et la conformité sont bien plus faciles à mettre en oeuvre. Mais en tolérant la diversité, puis en l’encourageant et enfin en l’utilisant, l’entreprise et le dirigeant deviennent davantage adaptables, et par conséquent ils résistent collectivement aux troubles environnants.
Prudence quand même…
Parmi les coaches, on trouve de tout, et certains responsables sont méfiants à juste titre. Avec tant de finalités variées et ambitieuses, les interventions ne peuvent être confiées que sous certaines réserves :
1. Le profil du coach doit garantir le décideur du caractère neutre et bienveillant de son intervention. Au-delà des connaissances théoriques en psychologie, communication, voire économie, le coach doit savoir écouter, y compris les émissions non verbales, et entendre la relation instaurée par son client. Il intègre ces informations pour établir un diagnostic qu’il sait faire évoluer au cours de son intervention. Il sait l’unicité merveilleuse de la personne et de l’équipe, et sait les accompagner dans leur prise de conscience d’elles-mêmes. Enfin, il doit être à l’aise avec le fonctionnement des organisations.
2. La déontologie du coach doit être irréprochable et publique, et révéler ses pratiques professionnelles (supervision, collaboration avec d’autres coaches). La formation d’un coach ne s’arrête jamais ; d’une part, chaque intervention lui fournit matière à se professionnaliser, qu’il va déverser dans un espace de supervision qui lui est propre.
La formation d’un coach ne s’arrête jamais
Et d’autre part, il participe à des travaux de recherche, le plus possible avec des pairs. Ce réseau de pairs lui assure en outre de trouver la collaboration adaptée pour les interventions d’accompagnement d’équipe et d’organisation, où il vaut mieux être deux a minima. Enfin, le coach sait aussi recommander un confrère qui pourra mieux que lui accompagner un client auquel son style ne conviendrait pas, ou avec lequel la relation de confiance se trouverait altérée par un incident de parcours.
3. Le travail de développement personnel du coach et son équilibre garantissent la qualité de l’intervention. Cette connaissance de soi est essentielle pour prévenir les interférences personnelles, qui pourraient à tout moment affecter l’objectivité de l’écoute du coach. Elle est impérative pour discerner les particularités du fonctionnement de l’autre et ses talents. Enfin, le travail sur soi doit notamment avoir conduit le coach à connaître et éliminer son besoin de pouvoir sur l’autre, qui pourrait constituer un frein à l’autonomie de ses clients (cela est particulièrement sensible dans l’accompagnement des dirigeants).
Des effets durables
L’accompagnement est un espace de prise de conscience privilégié et protégé par le professionnalisme du coach. L’objectif que se donne la personne accompagnée ne pourra être atteint que si elle sait d’entrée de jeu » profiter » de ce confort. Les résultats sont alors observables à court terme et ancrés pour longtemps.