Répartition ou capitalisation : un débat renouvelé

Dossier : Retraite et prévoyanceMagazine N°644 Avril 2009Par Raoul BRIET

La crise finan­cière puis éco­no­mique, d’une bru­ta­li­té et d’une gra­vi­té excep­tion­nelles, dans laquelle nous sommes entrés depuis l’é­té 2007, et ses consé­quences immé­diates (les Fonds de pen­sion auraient per­du 5 000 mil­liards de dol­lars), est-elle de nature à faire resur­gir le débat entre répar­ti­tion et capitalisation ?

Il n’est pas plus aisé de répondre à cette ques­tion que d’a­na­ly­ser aujourd’­hui la vraie nature et la vraie por­tée de la crise que nous tra­ver­sons : » une crise du cré­dit « , somme toute ana­logue à celle que connaissent pério­di­que­ment les mar­chés finan­ciers (comme la » bulle Inter­net » du début des années 2000), même si la glo­ba­li­sa­tion joue aujourd’­hui un rôle d’ac­cé­lé­ra­teur et de mul­ti­pli­ca­teur ? Ou une crise sans pré­cé­dent, plus fon­da­men­tale et qui condui­ra à trans­for­mer en pro­fon­deur la sphère éco­no­mique et finan­cière dans les pro­chaines décennies ?

Rémunérer le risque

La crise marque la fin d’une his­toire, celle de la glo­ba­li­sa­tion heu­reuse dont on s’a­per­çoit qu’elle a été finan­cée par l’en­det­te­ment géné­ra­li­sé et donc dopée par le cré­dit. Le retour à une finance plus sobre, plus simple et mieux régu­lée est une condi­tion néces­saire à une crois­sance éco­no­mique de long terme sou­te­nable. Mais rien ne per­met tou­te­fois de pen­ser que, dans ces condi­tions nou­velles, les mar­chés finan­ciers ne sau­ront pas demain rému­né­rer le risque que prennent les investisseurs.

Les opi­nions publiques res­te­ront dura­ble­ment mar­quées par la crise financière

Les » fon­da­men­taux » du débat n’en seront donc pas bou­le­ver­sés pas plus que les défis qui pèsent sur les sys­tèmes de retraite à long terme.

En revanche, il ne fait guère de doute que les opi­nions publiques res­te­ront dura­ble­ment mar­quées par la crise finan­cière. Si la France est beau­coup moins expo­sée en ce domaine que d’autres pays, du fait de l’ar­chi­tec­ture de son sys­tème de retraite, il ne fait guère de doute que l’onde de choc va déve­lop­per une méfiance accrue envers toute évo­lu­tion qui ferait dépendre par trop ce reve­nu sûr atten­du que repré­sente la retraite de l’ins­ta­bi­li­té consub­stan­tielle aux mar­chés financiers.

Un contrat social

En fin de compte, la crise finan­cière que nous tra­ver­sons rap­pelle, pour qui l’a­vait oublié, les ver­tus de la diver­si­fi­ca­tion. Le » tout capi­ta­li­sa­tion « , avec la vola­ti­li­té qui s’y attache, est incom­pa­tible avec la sécu­ri­té et la régu­la­ri­té atten­dues d’un reve­nu de rem­pla­ce­ment. La retraite n’est, en effet, pas assi­mi­lable à une opé­ra­tion d’é­pargne finan­cière. C’est un contrat social entre géné­ra­tions qui vise à assu­rer un reve­nu stable et sûr après la ces­sa­tion d’ac­ti­vi­té. C’est dire que si la capi­ta­li­sa­tion a un ave­nir – et elle en a un, avant comme après la crise -, c’est comme com­plé­ment du socle repré­sen­té dans notre pays par les régimes en répartition.

Une tendance longue

Pour autant, ce serait une erreur de consi­dé­rer que la crise finan­cière épargne les régimes en répartition.

La crise finan­cière s’est en effet pro­lon­gée en une crise éco­no­mique pro­fonde, si bien qu’au­jourd’­hui ces régimes sont dure­ment tou­chés. Plus fon­da­men­ta­le­ment, les cir­cons­tances actuelles ne changent rien à la ten­dance longue qui affecte les régimes en répar­ti­tion : une baisse conti­nue du ren­de­ment qu’il est dif­fi­cile de stop­per et, plus encore d’in­ver­ser, et, cor­ré­la­ti­ve­ment, une éro­sion conti­nue et très pré­oc­cu­pante de la confiance des géné­ra­tions les plus jeunes quant à la capa­ci­té des régimes exis­tants à leur assu­rer une retraite adéquate.

C’est dire que le débat doit être posé en termes de com­plé­men­ta­ri­té et de dosage de cette com­plé­men­ta­ri­té, qui ne peut être la même selon le sta­tut social et le niveau de reve­nu, et que capi­ta­li­sa­tion et répar­ti­tion ont par­tie liée.

Une croissance plus régulière

À cet égard, il ne faut pas non plus oublier que la tech­nique de la capi­ta­li­sa­tion favo­rise l’é­mer­gence d’in­ves­tis­seurs finan­ciers de long terme (fonds de pen­sion ou fonds de réserve) qui peuvent contri­buer posi­ti­ve­ment à un déve­lop­pe­ment éco­no­mique durable.

Une manière pour le futur de renou­ve­ler les termes du débat répar­ti­tion ou capitalisation.

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