Hommage à Louis Leprince-Ringuet
Le 3 avril dernier un hommage particulier a été rendu au professeur Louis Leprince-Ringuet (20 N) par l’École et la Société des Amis de la Bibliothèque (SABIX) à l’occasion du dépôt de ses archives et en l’honneur de ses 96 ans. Présidée par Monsieur Pierre Faurre, président du Conseil d’administration de l’École, le général Novacq, directeur général, et Maurice Bernard, président de la Sabix, la cérémonie a été animée par les exposés de hautes personnalités devant une nombreuse assistance. Un duo d’élèves flûtistes y ajoutait une touche très sympathique. L’A.X. était représentée par Bernard Dubois, Jean Duquesne, Gérard Pilé, Marcel Rama, Bruno Renard et Alain Thomazeau.
Auparavant le film Louis Leprince-Ringuet, un physicien dans le siècle avait été projeté dans l’amphithéâtre Becquerel. L’après-midi s’est achevée par un cocktail très chaleureux.
Nous reproduisons ci-après l’interview réalisée à cette occasion par X‑Info, la lettre d’information de l’École polytechnique.
• Vous avez intégré le corps enseignant de l’École polytechnique à 35 ans, il y a exactement soixante ans de cela. Vous venez de fêter votre 96e anniversaire au sein même de cette École. Que ressentez-vous ?
Je suis très heureux. C’est une chance d’être resté en bonne forme physique car il ne reste presque personne de ma promotion. Je suis toujours resté fidèle à l’École polytechnique. Depuis les années 20 jusqu’à mon départ, il a toujours existé une ambiance fraternelle entre les membres de mon laboratoire ici à Polytechnique.
• “ J’ai vécu une vie de rêves au point de vue scientifique et au point de vue découverte ” avez-vous affirmé dans le film qui vous est consacré *. Si vous deviez extraire un rêve de votre vie, lequel serait-il ?
Le bonheur d’une vie fraternelle et d’une vie en équipe fraternelle. Au CERN, nous avons fait du gros boulot. Parfois, il nous arrivait de rester jour et nuit lorsque nous étions prévus pour disposer du faisceau de particules.
• Une chose à laquelle vous teniez énormément quand vous étiez professeur, c’était l’importance du travail en commun. Pourquoi était-ce si important à vos yeux ? Croyez-vous, au contraire, au génie individuel ?
Actuellement, on ne réussit que si on a de grandes équipes. C’est une nécessité de bien s’entendre sans créer de jalousie. Chez nous, il existait une grande fraternité entre tous, y compris entre les techniciens et les mécaniciens. Quant au génie individuel, il existe, certes, mais de moins en moins, et uniquement comme théoriciens.
• La science permet d’avoir des applications bénéfiques ou maléfiques. Où situez-vous la frontière ?
Cela dépend de beaucoup de choses. Si on n’avait pas détruit Hiroshima, les Japonais auraient continué pendant très longtemps. Depuis la fin de la guerre, il existe un équilibre de la terreur. Par contre, les rayons X, bien utilisés, sont extrêmement intéressants. Si vous en prenez trop, vous en mourrez. La science donne du confort mais si vous abusez de certaines applications, vous pouvez en mourir.
• À l’aube du XXIe siècle, la science française est-elle en danger ?
En tout cas, elle devient de plus en plus internationale. Le CERN en est le parfait exemple avec une parfaite entente entre tout le monde. Chacun garde sa nationalité et son ethnie. C’est sa grande force.
Propos recueillis par Stéphane deschamps
(*) Louis Leprince-Ringuet, un physicien dans le siècle a été réalisé par Jean Druon et Eusebio Serrano, et édité par Culture production.