Un objectif essentiel : aider les PMI à exporter en Asie -
L’idée qu’un véritable courant d’exportations de nos PMI puisse et doive se développer vers les pays émergents d’Asie est récente.
Le 29 août 1996 le Président Chirac a donné aux ambassadeurs de France l’objectif prioritaire d’aider les PMI à exporter dans leurs pays respectifs.
On sait que dans la lutte contre le chômage, le rôle des PMI est essentiel. Elles constituent un des principaux lieux de création d’emplois. Le développement de leurs activités d’exportation peut donc jouer un rôle important.
Malheureusement l’exportation, surtout en direction de nouveaux marchés lointains, est une oeuvre de longue haleine. Les répercussions sur l’emploi ne peuvent donc être immédiates. Par contre dans une stratégie à long terme elle devient essentielle.
Accroître les exportations répond à l’évolution de notre monde et à l’internationalisation croissante des échanges économiques. Les activités d’exportation joueront un rôle grandissant dans notre économie. Les entreprises doivent s’y préparer et savoir anticiper.
Pourquoi insister ici sur l’Asie ? On pourrait tout aussi bien parler de l’ensemble des pays émergents. C’est parce que, pour des raisons où la culture tient sans doute une grande place, les pays asiatiques possèdent une espèce de génie d’adaptation à notre monde industriel moderne. Ce n’est pas par hasard que l’on y voit surgir du sous-développement des zones entières. En outre le marché potentiel est gigantesque. Trois milliards d’habitants. En 1995, le PNB de la Chine s’est accru de 9,5%.
Pour quelles raisons nos entreprises – et plus spécialement nos PMI – y sont-elles beaucoup moins présentes que leurs concurrents américains, anglais, allemands, italiens ?
Une première raison tient sans doute à la réputation que les pays d’Asie se sont faite. Doués d’un dynamisme extraordinaire, exportateurs de produits à bas prix, terres d’accueil d’activités délocalisées, ils donnent le sentiment qu’on ne peut y exporter que très difficilement. Conclusion : “Mieux vaut porter ses efforts ailleurs ”.
Or, cela ne correspond pas toujours à la réalité. Ils possèdent quelque chose de rare à notre époque : une économie en expansion, de grands besoins et beaucoup d’argent. Situation inverse de celle qui existe sur le marché national (et européen) ou encore différente de celle qui existe dans les pays de l’Est ou d’Amérique latine.
Une autre raison tient, nous semble-t-il, au fait que, même à haut niveau, on connaît encore mal cette région du globe. On a pour excuse que les moeurs en sont par trop différentes des nôtres et qu’elle comporte un nombre de plus en plus élevé de “ zones ” distinctes ayant chacune leurs caractéristiques et se trouvant à un stade différent de développement. Les plus petites d’entre elles représentent souvent plusieurs dizaines de millions d’habitants. La Chine à elle seule en compte plus d’une vingtaine.
Il y a de la place pour beaucoup de monde. Même s’il y existe une forte concurrence. Une PMI peut parfaitement se limiter à une seule zone. Si elle sait y arriver au bon moment, elle peut s’y créer une “ niche ” et accompagner, en grandissant, le développement de la zone.
À distance on ne se rend pas toujours compte de l’importance de ces réalités et des opportunités qu’elles représentent.
Deux d’entre elles méritent une attention particulière.
La première est que cette fantastique création de richesses donne naissance à une classe aisée dont les besoins grandissent rapidement. Pour des raisons de mode ou de confort, elle est sensible aux produits de consommation occidentaux. Or la France y possède une tradition connue. La qualité dans ce domaine peut compenser le bas prix des articles produits localement ou copiés des nôtres. En outre les acheteurs sont solvables.
La seconde est que le développement de l’industrie et du commerce atteint, dans certaines zones, un taux tellement élevé que les industries locales ont du mal à suivre le mouvement. Il semblerait, par exemple, que la zone de Shanghai qui poursuit l’ambition d’égaler Hong-Kong aurait besoin de l’apport de nombreuses entreprises de bâtiment étrangères pour construire des immeubles de rapport, commerciaux ou spécialisés. Il y a de la place pour des entreprises moyennes tout autant que pour des Bouygues. Les travaux de conception, d’études, de contrôle, la fourniture d’équipements demeureraient français, même si les réalisations faisaient appel à la main‑d’œuvre locale.
Il en est de même pour de nombreux produits d’équipement ou encore dans des secteurs où nous possédons expérience, savoir-faire, compétence. Sans compter les technologies avancées.
L’Asie n’est évidemment pas à la portée de toutes les PMI. Il faut qu’elles dépassent un certain volume critique. Une entreprise de dix personnes centrée sur son seul patron n’y parviendra pas. Elle doit également faire preuve d’un esprit conquérant et avoir une bonne pratique du commerce international. L’exportation ne réussit que si elle s’accompagne d’un professionnalisme des comportements, particulièrement à l’intérieur de l’entreprise. Travailler avec l’Asie oblige très spécialement à se familiariser avec les mœurs locales.
L’entreprise doit donc choisir avec soin sa “ zone d’intervention ” et y développer des relations en profondeur avec les décideurs locaux. Les pays asiatiques sont sensibles aux relations personnelles de confiance. Elles ne s’établissent pas du jour au lendemain. Il est bon de parler les langues locales. Il faut faire acte de présence régulière.
Il existe de nombreuses sociétés de représentation qui proposent leurs services aux PMI pour les aider à vendre sur place leurs produits ou services. Beaucoup y possèdent de bonnes implantations. Leur rôle est important et à encourager.
Toutefois il serait également souhaitable de développer dans les différentes zones des implantations permanentes qui, étant à l’affût des opportunités du marché local, en informeraient les entreprises françaises.
Certains organismes s’y emploient déjà. Ce sont les postes d’expansion économique des ambassades et les chambres de commerce et d’industrie francolocales. Ils sont présents surtout dans les capitales nationales.
Le secrétariat d’État au Commerce extérieur, conscient de l’importance d’une forte présence en Asie, a décidé d’y renforcer ses postes sur la base d’un redéploiement général de ses personnels.
En outre sa décision de maintenir les personnels d’encadrement plus longtemps en poste (jusqu’à quatre à six ans) les incitera à apprendre les langues, à créer des réseaux durables de relations personnelles, et à assurer un meilleur suivi de l’activité des entreprises. Encore conviendra-t-il que, lorsqu’ils quittent leur poste, ils soient mis en mesure de transmettre à leurs successeurs les savoirs acquis, ce qui nécessite qu’ils travaillent ensemble pendant un certain temps. Cela ne semble pas encore être le cas.
Faisons en sorte que l’on ne voie plus certaines entreprises préférer chercher conseil auprès de l’ambassade d’Allemagne jugée plus efficace.
De leur côté, les Chambres de commerce et d’industrie mixtes sont surtout composées de grandes entreprises présentes sur place, ce qui nécessite un effort particulier d’adaptation aux mentalités, besoins et habitudes de travail des PMI.
Tout le monde est conscient qu’un effort doit être accompli afin que le dispositif en place gagne sans cesse en efficacité.
On notera cependant que ces implantations sont concentrées au niveau des capitales nationales et plus rarement de quelques très grandes villes de province. Il serait donc utile de les compléter par des implantations situées dans des villes importantes où nous n’en possédons pas. Il en existe qui sont de véritables métropoles. C’est sur ce point que nous nous pencherons particulièrement.
Selon nous, une méthode efficace d’y parvenir consisterait à s’appuyer sur des centres d’initiative à créer sur place. Ces organismes joueraient le long terme en s’intégrant dans la société locale et développant des liens avec les entreprises autochtones. Ils chercheraient tout particulièrement à détecter celles qui peuvent être intéressées à coopérer avec des entreprises françaises désireuses d’offrir leurs produits ou services.
Bien entendu, ces “ Centres d’initiative ” travailleraient en rapport étroit avec les postes d’expansion économique et les Chambres de commerce et d’industrie mixtes avec lesquels ils constitueraient une espèce de réseau. Ils s’appuieraient sur les entreprises, organismes, résidents français présents dans le voisinage.
Certes, un certain nombre de PMI ont déjà réussi à s’implanter en Asie par leurs propres moyens ou en s’appuyant sur des sociétés spécialisées. Mais, si l’on veut changer d’échelle on aura besoin de telles implantations.
Ces Centres d’initiative déclencheraient le processus permettant de rechercher les opportunités locales, d’en informer des entreprises françaises, d’aider à la venue de candidats désireux de les explorer.
Car, ce qui manque avant tout à nos PMI, c’est d’être informées de l’existence de ces opportunités. Dans ce domaine nous possédons un retard considérable. Nous sommes bien moins efficaces que les Américains, les Anglais, les Allemands ou les Italiens qui disposent sur place d’organismes rodés.
Il faut néanmoins signaler qu’une prise de conscience s’effectue. Des forces diverses commencent à se mobiliser en direction de l’Asie.
Des PMI pourront notamment s’appuyer sur une association qui vient de se créer à l’instigation de M. Yves Galland, ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, “ Partenariat-France-Entreprises pour l’export ” qui groupe une cinquantaine de grandes entreprises disposées à les aider en s’appuyant sur leurs implantations locales. L’état d’esprit de ces entreprises est à signaler. Elles se veulent “ citoyennes ” et désireuses de faire oeuvre de solidarité.
Peut-être certains des centres d’initiative proposés pourraient-ils s’appuyer sur les implantations locales de ces grandes entreprises. Les notions de réseau, de coopération, de solidarité nécessitent d’être mises en oeuvre, tout particulièrement lorsqu’on se trouve en pays lointain.
Quels seraient les missions principales de ces centres d’initiative ? Ils devraient jouer un rôle d’animateur, d’incitateur, de recherche d’information, de recherche de partenaires locaux.
Prenant la forme d’associations ayant des activités commerciales mais à vocation de service public, ils ne prétendraient à aucun monopole. Ils se borneraient à jouer un rôle d’initiative et de “ mise sur les rails ”.
De quoi ont besoin les PMI dans une première étape ?
1 – C’est d’abord de disposer d’une bonne information
C’est le point de départ obligé. Elle peut certes résulter des voyages en groupe fréquemment organisés.
Mais la véritable information devrait être recherchée de façon systématique, ce dont les organismes et entreprises français se trouvant sur place pourront difficilement se charger en dehors de quelques cas particuliers.
L’efficacité de chacun de ces Centres d’initiative serait, évidemment, conditionnée par la compétence et le dynamisme de leurs dirigeants. Un sinon deux d’origine française par Association pour commencer. Mais sélectionnés sur la base d’un cahier des charges sévère qui impliquerait notamment :
– expérience du commerce international, expérience du métier de vendeur, connaissance suffisante de la PMI pour y avoir vécu, culture générale technique, aptitude à “ observer ” un marché, bon esprit de communication et qualité du contact humain,
– engagement à apprendre les langues et à s’intégrer dans la société locale,
– engagement à appliquer des règles déontologiques de discrétion et de neutralité vis-à-vis des entreprises, à ne pas accepter d’avantages matériels personnels. Transparence financière,
– et, si possible, avoir déjà vécu dans la région.
Enfin il faudra qu’ils sachent s’entourer de personnels d’origine locale compétents et motivés.
2 – Préparer les entreprises à venir sur place en courte durée et les aider
Ce sera un des objectifs des centres d’initiative. Il faut que l’entreprise en visite se sente accueillie, que son séjour ait été soigneusement préparé, qu’elle soit mise en contact avec de bons interlocuteurs et accompagnée pendant les quelques jours où elle se trouve sur place. C’est à ce prix que son séjour sera rentable. C’est aussi à ce prix qu’elle pourra mieux comprendre le marché, la place qu’elle pourrait y occuper, les adaptations à effectuer sur ses produits, les partenariats à développer.
L’essentiel pour la PMI est d’être mise en rapport avec des partenaires de qualité s’intéressant à l’importation de ses produits.
Les Centres d’initiative se limiteraient à introduire les entreprises sur le marché local et à les aider dans leurs premiers pas.
3 – Combien coûteraient de telles implantations ?
Composées pour l’essentiel de personnels recrutés sur place, les coûts seraient peu élevés en regard de leur utilité. Mais il faut prendre en compte que les dépenses ne seraient pas équilibrées par les recettes avant un délai de l’ordre de trois ou quatre ans ce qui permettra de se faire une idée de l’importance des fonds propres dont ils devront disposer.
Comment les trouver ?
Pourquoi certains conseils régionaux ne prendraient-ils pas à charge une implantation, quitte à se mettre à plusieurs ? Pourquoi certaines grandes entreprises ne s’y emploieraient- elles pas, particulièrement celles qui disposent d’implantations sur place ? Pourquoi pas des entreprises moyennes en se regroupant ?
4 – Qui prendrait à charge les frais de prospection ?
Les voyages sur place coûtent cher. Réaliser des produits adaptés aux besoins locaux est coûteux. Nos PMI souffrent souvent d’avoir une dimension et des moyens (en hommes, en finances) trop faibles pour se le permettre. Heureusement il existe des aides publiques nombreuses. Pas seulement les aides de la Coface ou de conseils régionaux. Encore faudra-t-il posséder sur place des référents ayant compétence pour évaluer les projets.
Aider les PMI à exporter sur les marchés asiatiques nécessite donc une stratégie à long terme de la part des pouvoirs publics. Les diverses étapes du processus d’une opération d’exportation (ou d’une opération de coopération avec des partenaires locaux) doivent être clairement identifiées. Des dispositions spécifiques sont à prendre pour chacune, simples ou peu complexes, les unes de caractère privé, les autres de caractère public.
La France a besoin d’une telle stratégie globale. Il faut s’en préoccuper rapidement. Avec le souci d’agir selon les règles du professionnalisme et de rechercher un retour sur investissement des sommes avancées.
5 – Et les jeunes X ?
Que pourraient-ils faire dans ce cadre ? Ils doivent d’abord réfléchir à l’idée (pas encore habituelle) que la mondialisation de l’économie ira en s’accélérant, introduisant un bouleversement dans nos économies aussi important que la révolution industrielle du siècle dernier. Ils doivent savoir que le commerce avec les pays émergents et tout particulièrement ceux d’Asie deviendra une donnée majeure de l’époque à venir. Un certain nombre d’entre eux devraient choisir d’y travailler. C’est un créneau porteur.
Première nécessité : connaître les langues et les cultures. Qu’ils fassent preuve de courage et apprennent le chinois, le japonais ou d’autres langues. Qu’ils se familiarisent avec ces pays en y faisant des séjours universitaires ou en entreprises.
Offrant à leur retour leurs services à des entreprises françaises, ils leur apporteront non seulement le réseau de relations qu’ils se seront constitué, mais une ouverture sur des modes de pensée avec lesquels elles sont peu familiarisées pour la plupart.
Ils pourraient même imaginer d’y développer eux-mêmes des activités.