Comprendre les maladies psychiatriques grâce à la biologie moléculaire
La génétique s’avère indispensable dans la compréhension d’un fléau majeur : les maladies mentales. Les résultats obtenus à ce jour sont probants, mais les recherches ne pourront donner leur plein effet que si les facteurs environnementaux sont pris en compte. Cela implique des réseaux associant chercheurs et cliniciens.
Repères
Les maladies psychiatriques occupent les premiers rangs des causes majeures de handicap. Elles se révèlent d’une réelle gravité puisque la première cause de mortalité chez les 25–34 ans reste le suicide. Au-delà de la souffrance qu’elles causent aux patients et à leur entourage familial et professionnel, elles génèrent des coûts considérables. Une étude chiffre le coût annuel direct et indirect des maladies mentales à 107 milliards d’euros.
Utiliser les outils modernes des neuro-sciences comme la biologie moléculaire pour mieux comprendre les mécanismes étiologiques qui sous-tendent les maladies psychiatriques telles que l’autisme infantile, la schizophrénie ou le trouble bipolaire (maladie maniacodépressive) est un enjeu capital. Le terrain génétique de ces maladies peut être exploré grâce aux progrès de la biologie moléculaire.
Les gènes de l’autisme
Les résultats obtenus au cours de ces dernières années par les chercheurs français se révèlent cependant à la hauteur de l’enjeu. Nous avons identifié les premières mutations délétères de gènes rencontrées dans l’autisme idiopathique.
Construire des stratégies thérapeutiques innovantes tant psychosociales que biologiques
Les équipes de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris, de l’Institut Pasteur et de l’Inserm se sont en effet associées pour identifier des mutations dans des gènes codant des protéines impliquées dans la mise en place et le maintien de synapses, permettant la communication entre les neurones. Elles démontrent ainsi que certaines modifications de la connectivité cérébrale contribueraient à l’apparition des troubles caractéristiques de l’autisme.
Mieux caractériser les maladies
Pour utiliser au mieux ces outils biologiques, il est toutefois nécessaire de bien caractériser les formes cliniques des maladies. À titre d’exemple, le trouble bipolaire (ou maladie maniaco-dépressive) entraîne des manifestations cliniques très variables. Il convient donc d’en identifier les caractéristiques cliniques les plus homogènes et les plus génétiques.
Trouble bipolaire
Il s’agit d’une maladie grave touchant dans ses formes sévères 1,5 % de la population et encore trop tardivement identifiée, puisqu’il se passe de huit à dix ans entre le début des troubles et le diagnostic. Les patients connaissent des alternances de phases dépressives et de phases d’excitation qui risquent d’entraîner désinsertion socioprofessionnelle et risques de suicide.
L’analyse de l’ensemble du génome de patients développant ce type de trouble nous a permis de cibler plusieurs régions et plusieurs gènes pouvant jouer un rôle dans cette vulnérabilité.
Ces études se poursuivent actuellement pour déterminer les marqueurs génétiques de caractères associés au trouble bipolaire : anomalies de la réponse émotionnelle au stress, processus cognitifs, perturbations du rythme circadien ou du sommeil…
On sait désormais que ces caractères demeurent anormaux chez les patients en dehors des épisodes dépressifs ou maniaques, ainsi que chez leurs apparentés de premier degré non atteints. Il faut donc en déterminer les bases biologiques, développer des biomarqueurs permettant des approches diagnostiques personnalisées et construire des stratégies thérapeutiques innovantes tant psychosociales que biologiques.
De l’importance des facteurs environnementaux
En parallèle, il s’avère indispensable d’améliorer notre connaissance des facteurs environnementaux interagissant avec les facteurs génétiques. Des équipes de l’Institut de psychiatrie de Londres ont ainsi démontré que si le risque de développer une schizophrénie augmente avec la prise de cannabis, l’impact du cannabis dépend du terrain génétique des consommateurs.
Enfin, nous avons réalisé une étude préliminaire qui a montré l’existence d’une activation de rétrovirus endogènes chez des patients schizophrènes, entraînant la production d’une enveloppe virale neurotoxique, potentiellement liée à l’expression de la maladie.
L’activation de ces rétrovirus pourrait dépendre de facteurs infectieux exogènes et du terrain génétique ce qui concorde avec les données récentes de trois études publiées en juillet 2009 dans la revue Nature. Toutes ces études ouvrent une nouvelle voie dans la recherche sur la schizophrénie.
Coopération transversale
Ces différents cas illustrent parfaitement les stratégies et les outils indispensables pour faire progresser notre compréhension des maladies psychiatriques. Les progrès techniques considérables réalisés en biologie moléculaire – séquençage des gènes, identification et étude fonctionnelle de mutations, cartographie de ces gènes dans le cadre de criblage du génome – ne seront pleinement efficients qu’en étroite collaboration avec les psychiatres.
Comprendre les maladies du cerveau sera l’un des grands défis du siècle
Celle-ci doit tout d’abord permettre le recueil de grands échantillons de patients et de familles bien caractérisées cliniquement. Ce type de coopération est désormais possible dans le cadre de la Fondation FondaMental, qui a ouvert cette année un réseau national de centres experts, travaillant en lien avec plus de 40 laboratoires de recherche fondamentale.
Ces derniers offrent des bilans spécialisés et systématiques aux patients et développent des programmes de recherche translationnels en renforçant les liens entre cliniciens et chercheurs fondamentaux.
FondaMental
Créée en 2007 sous l’égide du ministère de la Recherche, la Fondation de coopération scientifique FondaMental (Fondation de coopération scientifique pour le développement des soins et de la recherche en santé mentale) fédère – en France et en Europe – des chercheurs et des spécialistes reconnus des maladies mentales. Ils concentrent leurs travaux sur l’autisme, la schizophrénie et la bipolarité, considérés comme les affections les plus graves et les plus invalidantes.
Information et legs sur : www.fondation-fondamental.org