François Lévy (41) Résistant et urbaniste
Un document émouvant
Un document émouvant
On trouve, dans le dossier administratif de François Lévy, un document cosigné par son père et lui : « Je soussigné Lévy, Arthur Simon, reconnais que mon fils Lévy François Bertrand, étant juif, n’a pas le droit, dans le cas de son admission à l’École polytechnique, aux services de l’État s’y recrutant. Paris, le 1er mars 1941. Signé A. Simon Lévy, 72, rue de Rennes. Cosigné : Pris connaissance François Lévy. » Le commissaire de police du quartier Bonne-Nouvelle certifie matériellement la signature ci-contre, le 3 mars 1941.
François Lévy naît en 1921 dans une famille juive parisienne. La première période de sa vie sera marquée par cette ascendance. Brillant élève, il est admis à Polytechnique en 1941, en pleine tourmente de la guerre et de l’Occupation. François Lévy est admis à l’X en » bis « , comme quatre condisciples juifs, tous traités comme des étrangers : il ne peut entrer au service de l’État. Il suit les cours de l’École qui s’est repliée à Villeurbanne dans la zone sud non occupée par les nazis. En 1942, il participe aux travaux du laboratoire de Louis Leprince-Ringuet à Briançon avant de revenir à Villeurbanne. En 1943, après l’occupation de la zone sud, l’École polytechnique revient à Paris, mais laisse ses cinq « bis » à Villeurbanne. Le jury vient à eux, en juillet, pour leur faire passer leurs examens. François les passe brillamment et son classement lui permettrait d’entrer dans le corps des Ponts et Chaussées.
André Chêne, le maquisard
Wir sind Juden
Après le débarquement en Provence, le 15 août 1944, le maquis décide de bloquer un train allemand au voisinage de Castres. Après une préparation par des spécialistes américains, François Lévy fait exploser la voie et bloque un convoi de 50 wagons. Après une nuit de combat, les Allemands se rendent aux maquisards qui les accueillent par les cris Wir sind Juden (nous sommes juifs).
Après un séjour en Dordogne, il décide de partir en Afrique du Nord en passant par l’Espagne. En fait, après quelque temps passé à Toulouse, il se retrouve, fin 1943, dans le Tarn chez les Éclaireurs israélites français (EIF) qui fondent un petit groupe de maquisards sur le maquis de Vabre. Il devient André Chêne. Le groupe grandit jusqu’à compter une centaine de membres au moment du débarquement, le 6 juin 1944. Il est sous les ordres du commandant Hugues (Dunoyer de Segonzac). Le groupe rejoint ensuite la Ire armée commandée par le général de Lattre de Tassigny.
Le lieutenant François Lévy commande une section. Il participe aux combats autour de Gérardmer. Blessé en novembre 1944 à la jambe, il est évacué vers l’hôpital de Dijon puis le Val-de-Grâce. Il reçoit la médaille de la Résistance. Sa famille n’est pas épargnée, son frère cadet est déporté à Auschwitz d’où il ne revient pas.
Retour à la vie civile
Au terme de cette période noire, François Lévy revient à la vie civile ; son rang de classement lui permet d’entrer à l’École des ponts et chaussées en 1945 comme élève ingénieur du Corps. Il poursuit ensuite une brillante carrière dans le domaine du contrôle de l’électrification des chemins de fer, au niveau national, puis au niveau du nord-est de la France.
Après trois ans en Algérie, il est affecté au service des Ponts et Chaussées de la Seine en tant qu’adjoint chargé du contrôle des transports. Après la réorganisation administrative de la Région parisienne et la suppression du département de la Seine, il rejoint, en 1967, le service régional de l’Équipement de la Région parisienne pour diriger la division des transports publics et de la circulation. C’est l’époque faste du développement périurbain avec la création des premiers RER et la construction du réseau autoroutier, conformément aux orientations du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de 1964.
En 1974, il devient directeur départemental de l’Équipement de Seine-Saint-Denis, poste qu’il occupera jusqu’en 1978. Il participe activement à la profonde mutation de ce département.
En 1978, l’ingénieur général François Lévy est chargé de l’inspection spécialisée du contrôle des villes nouvelles, inspection créée qui lui est confiée à cause de la grande diversité des compétences acquises dans ses postes précédents. Sa mission d’inspection est ensuite étendue aux services techniques d’urbanisme du ministère de l’Équipement. À ce titre, il est nommé administrateur de la RATP dont il assurera la présidence pendant une courte période.
Ces missions d’inspection le conduisent naturellement à être nommé en 1983 président de la section « urbanisme, architecture et habitat » du Conseil général des ponts et chaussées. Il prendra sa retraite en 1986, tout en conservant diverses activités extérieures. Il est décédé le 25 mars 2010, au terme d’une maladie rare.
Un humaniste
Patron et conseiller
François Lévy était toujours de bon conseil et savait diriger sans avoir l’air d’imposer. Clair, précis, il savait décrypter les problèmes de façon lumineuse, savait trouver très vite ce qui n’allait pas dans un raisonnement ou dans un rapport, même fort épais.
Ses qualités de relations humaines sont unanimement reconnues par tous ceux qui l’ont rencontré : capacité d’écoute, intérêt porté aux autres, égalité d’humeur, gaieté. Pour ses collaborateurs, sa porte était toujours ouverte pour discuter des questions quotidiennes. La rapidité et la clarté de son intelligence étaient également frappantes ; on avait quelquefois l’impression que sa pensée se développait si vite qu’il avait du mal à l’exprimer à la même vitesse. Selon son conseil, il convenait d’assumer complètement son action, même si celle-ci n’était pas parfaite. Ce fut un grand patron, à la fois humaniste et grand serviteur de l’État.
Que sa famille, son épouse, ses enfants, ses petits-enfants trouvent ici l’hommage dû à François Lévy par un de ses collaborateurs.