Allers et retours vers la Science
Chercheur dans l’âme, Hervé Arribart multiplie les allers et retours vers l’industrie. Soucieux avant tout de conserver sa liberté il veut pouvoir changer à tout moment pour choisir ce qui l’intéresse. Un pari réussi.
REPÈRES
Polytechnicien (72), docteur en physique des solides, Hervé Arribart est l’un des premiers thésards des laboratoires de Palaiseau. Multipliant les thèses, il entre au CNRS en 1978. Quatre ans plus tard, il rejoint l’industrie, chez Elf, puis Saint-Gobain. Il retourne au CNRS en 1980, avant de repartir pour l’industrie en 1998, puis de retourner finalement vers l’enseignement et la recherche fondamentale en 2009. Père de deux enfants, il est membre de la Société française de physique et de l’Académie des technologies.
« Certes, ce n’est pas la meilleure façon de gagner sa vie en début de carrière, surtout dans le secteur public, confesse Hervé Arribart, chercheur et heureux de l’être. Mais la recherche est un métier passionnant qui se présente, dans l’entreprise, comme une porte d’entrée exceptionnelle vers n’importe quelle activité. »
Une vocation précoce
« Dès l’École, au sein de l’avant-dernière promotion de la rue Descartes, les cours de physique m’ont beaucoup plu. J’ai senti que je tenais ma vocation. Artilleur à Melun pendant mon service militaire, je me suis inscrit parallèlement à la Fac. J’ai ensuite rejoint à Palaiseau le laboratoire de physique de la matière condensée. Mon objectif était d’entrer au CNRS, ce qui n’était pas facile à l’époque. Il fallait patienter. »
Une introduction à la recherche industrielle
Si l’on ne fait pas de recherche en début de carrière, on n’en fera jamais
« La recherche offre une large gamme de débouchés, estime Hervé Arribart, et si l’on ne fait pas de recherche en début de carrière, on n’en fera jamais. »
Son premier voyage vers l’industrie l’emmène chez Elf Aquitaine, au Laboratoire de recherche de Lacq, à une époque où la « diversification » est à la mode. Mode sans suite, mais « l’occasion d’habiter une région agréable, avec de jeunes enfants ».
Un réseau en France et à l’étranger
Saint-Gobain Recherche à Aubervilliers |
De retour en région parisienne, il trouve chez Saint-Gobain un nouveau sujet de recherche, l’adhésion des polymères, « très complexe, pluridisciplinaire et valorisant ». « J’ai de nouveau fréquenté les chercheurs académiques, reconstitué mon réseau en France et à l’étranger, avant de retourner vers la science en créant un laboratoire mixte entre Saint-Gobain et le CNRS. J’ai découvert là un passionnant exercice de communication : expliquer deux fois la même chose à des organismes différents qui n’emploient pas le même langage. »
En l’an 2000, les choses changent à Saint- Gobain. Il faut modifier la politique d’innovation pour obtenir un meilleur retour sur investissement.
« La gestion ne m’intéressant pas, je suis devenu directeur scientifique. Ce fut une période intense estime Hervé Arribart. Le verre ne représente guère que 15 % des activités de Saint-Gobain, à côté des plastiques, de la céramique, des matériaux abrasifs, etc.
« Pour la recherche, nous avons créé quatre centres transversaux de compétence, dont deux en France, à Aubervilliers et Cavaillon, un aux États-Unis et un à Shanghai. Dix autres centres de recherche sont dédiés à des métiers spécifiques. »
Une révolution industrielle
Une véritable révolution industrielle en moins de vingt-cinq ans
« En une trentaine d’années, résume Hervé Arribart, j’ai vécu une véritable révolution industrielle. Le client est passé du stade de « quelqu’un à qui l’on veut bien vendre » à celui de véritable partenaire de codéveloppement.
L’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI ParisTech). |
Il m’a fallu détecter des synergies, préparer des programmes de recherche exploratoire, développer des relations avec des universités étrangères, recruter et beaucoup voyager. »
Retour aux sources
L’an dernier, il effectue un dernier retour vers le monde académique en devenant professeur de physique à l’École supérieure de physique et de chimie industrielles (ESPCI ParisTech). « C’est une des meilleures formations à la recherche. Les trois quarts des élèves (ils sont 85 dans chaque promotion) font une thèse en sortant de l’École.
« Cela me change et me plaît beaucoup, conclut Hervé Arribart, toujours épris de liberté et persuadé d’avoir pu faire les choix qui lui convenaient. »
Propos recueillis par Jean-Marc Chabanas (58)
L’Histoire des sciences
Hervé Arribart a travaillé pendant plusieurs années à « garder la mémoire de la science ». De nombreuses interviews de scientifiques sont ainsi réunies sur un site Internet
http://authors.library.caltech.edu/5456/1/hrst.mit.edu/hrs/materials/public/index.html
initialement abrité au MIT, qui devrait être prochainement installé sur le site de l’ESPCI ParisTech.