Créer son entreprise

Dossier : ExpressionsMagazine N°662 Février 2011
Par Pauline SERRAZ

David Remaud (93) » Développez votre curiosité »

Ancien de la sec­tion vol­ley et du binet Point Gam­ma, David Remaud (93) a créé sa socié­té, Plu­gN­Surf, non sans être pas­sé quelques années par le monde de l’en­tre­prise pour faire ses armes. Il a rem­por­té, avec le pro­duit Wobe, le grand prix de l’In­no­va­tion 2009 de la Ville de Paris.

David Remaud pour­suit sa qua­trième année à Télé­com Paris­Tech avant d’en­trer chez Moto­ro­la comme ingé­nieur de recherche, puis en R & D chez Alca­tel. Cinq ans plus tard, il change de cap en deve­nant direc­teur com­mer­cial d’une enti­té d’Al­ca­tel, Nex­ten­so, édi­teur de logi­ciels high-tech.

David cultive cet aspect en mon­tant en 2005 une acti­vi­té pour les opé­ra­teurs vir­tuels (MVNO) chez Alca­tel- Lucent. » Le busi­ness, le mana­ge­ment et le côté finan­cier étaient proches de la créa­tion d’en­tre­prises », sou­ligne David.

Les atouts d’une structure légère

Il décide de quit­ter Alca­tel-Lucent pour créer Plu­gN­Surf en jan­vier 2009.

Le pre­mier tour de finan­ce­ment est une étape critique

» Notre ana­lyse a été qu’a­vec un mar­ché des télé­coms de plus en plus com­pé­ti­tif et la mon­tée en puis­sance des acteurs chi­nois, il exis­tait une véri­table oppor­tu­ni­té d’être plus réac­tif et plus inno­vant avec une struc­ture légère et flexible de type start-up. »

» L’en­vie de créer une entre­prise m’est venue assez rapi­de­ment dans ma carrière.

C’est une quête per­son­nelle et une aven­ture, finan­ciè­re­ment ris­quée mais pas­sion­nante. L’i­dée est là à un moment, une équipe se monte et c’est parti. »

Les pre­miers freins à la créa­tion d’une entre­prise sont psy­cho­lo­giques : il faut se connaître suf­fi­sam­ment et apprendre à s’ap­puyer sur ses points forts et à s’en­tou­rer pour com­pen­ser ses points faibles.

Le pre­mier tour de finan­ce­ment est aus­si une étape cri­tique. » Mon asso­cié, Yann Lopez, et moi avons mis un an à convaincre des inves­tis­seurs de l’in­té­rêt de notre pro­duit Wobe et à fina­li­ser une levée de fonds nous per­met­tant de finan­cer sa fabrication. » 

Un joli boîtier

Pro­duit nou­veau sur mar­ché existant
« L’im­por­tant pour réus­sir est d’a­voir un pro­duit nou­veau mais sur un mar­ché déjà exis­tant. En effet il faut être en mesure de pro­duire une étude de mar­ché réa­liste et de se concen­trer sur les besoins uti­li­sa­teurs. À quoi et à qui mon pro­duit va ser­vir ? Qui pour­rait l’acheter ? »

Wobe est un joli boî­tier sans fil qui sélec­tionne auto­ma­ti­que­ment, grâce à un pro­cé­dé bre­ve­té, le meilleur réseau sans fil par­mi ceux dis­po­nibles autour de lui (Wi-Fi, 3G, 4G).

Tous les ter­mi­naux dis­po­sant d’une inter­face Wi-Fi (télé­phone, iPo­di­Pad, appa­reil pho­to, console de jeux) se connectent à Inter­net grâce à Wobe aus­si faci­le­ment qu’à la maison.

Plu­gN­Surf a déci­dé de » licen­cier » le pro­duit à un lea­der indus­triel fran­çais pour béné­fi­cier de son expé­rience en pro­duc­tion de maté­riel élec­tro­nique grand public et accé­lé­rer la dis­tri­bu­tion du pro­duit. Wobe est dis­po­nible en France depuis la fin de l’an­née dernière.

Dans un deuxième temps, Plug NSurf envi­sage de déve­lop­per des appli­ca­tions avec des par­te­naires et de se lan­cer à l’in­ter­na­tio­nal. Les conseils que donne David Remaud à un futur entrepreneur ?

« Déve­lop­pez votre curio­si­té, soyez à l’é­coute des besoins des gens, appre­nez à iden­ti­fier les talents de vos futurs asso­ciés et col­la­bo­ra­teurs. Et de manière plus spé­ci­fique pour les élèves ingé­nieurs, allez cher­cher de la com­plé­men­ta­ri­té auprès d’autres for­ma­tions (com­mer­ciales, artis­tiques, etc.). Car, si nous sommes recon­nus pour notre capa­ci­té à inno­ver tech­no­lo­gi­que­ment, les jeunes socié­tés d’in­gé­nieurs peinent par­fois à vendre leurs innovations. »

Nicolas Lombard (2002) » Il faut croire à son projet »

Vous ne vous y retrou­vez pas dans la masse d’in­for­ma­tion sur les entre­prises et leurs métiers ? Vous pen­sez suivre la mode du conseil ou de la finance, sans être per­sua­dé que ce métier vous convient ? Nico­las Lom­bard (2002) est par­ti du constat qu’il man­quait une infor­ma­tion claire et vraie pour l’o­rien­ta­tion pro­fes­sion­nelle des jeunes diplô­més : il a créé Job­Tea­ser, en asso­cia­tion avec Adrien Ledoux (ESSEC). La socié­té emploie six per­sonnes, un an et demi après sa création.

« À l’X, rap­pelle Nico­las Lom­bard, j’é­tais déjà dans la Junior entre­prise. J’ai tou­jours eu envie de mon­ter ma boîte, de créer, de ne pas faire comme les autres. Après ma qua­trième année pas­sée à Colum­bia Uni­ver­si­ty en recherche opé­ra­tion­nelle, je suis entré chez Bain& Cie, cabi­net de conseil en stra­té­gie, où j’ai ren­con­tré Adrien Ledoux.

« Nous avons eu l’i­dée de nous lan­cer dans le domaine de l’o­rien­ta­tion pro­fes­sion­nelle suite à plu­sieurs constats. Les jeunes diplô­més suivent sou­vent une mode plu­tôt que d’exer­cer un métier qui leur cor­res­pond. Nous par­lons d’expérience. »

Une vision réaliste des métiers

Res­ter complémentaires
« La com­plé­men­ta­ri­té est un fac­teur clé du suc­cès. Adrien s’oc­cupe du gra­phisme, du com­mer­cial et du concept des vidéos et moi des pro­ces­sus à mettre en place, de la comp­ta­bi­li­té, du déve­lop­pe­ment Web. Même si ce n’est pas tou­jours évident de confron­ter nos raisonnements. »

« Nous avons choi­si une voie simple déma­té­ria­li­sée qui amé­liore l’ef­fi­ca­ci­té du recru­te­ment en offrant une vision réa­liste des métiers et des entreprises.

Job­Tea­ser ne rem­place évi­dem­ment pas les forums où se nouent des échanges directs, mais il per­met de mieux dis­cer­ner le quo­ti­dien d’un métier. » Notre pre­mière étape a été d’é­ta­blir des par­te­na­riats avec les écoles. En s’in­té­grant à leurs outils péda­go­giques, nous avons acquis une cré­di­bi­li­té auprès des entre­prises. Nous avons main­te­nant un réseau de 30 entre­prises par­te­naires et d’une cin­quan­taine d’é­coles. Le site Web a été lan­cé en jan­vier 2009 sans besoin de levée de fonds grâce à la coti­sa­tion des entreprises. »

Mettre les mains dans le cambouis

Mieux dis­cer­ner le quo­ti­dien d’un métier

« La dif­fi­cul­té, sou­ligne Nico­las Lom­bard, était de réunir les pre­miers par­te­naires simul­ta­né­ment pour démar­rer l’a­ven­ture. Mais j’a­vais la convic­tion dès le début que ça mar­che­rait. C’est l’un des piliers de la créa­tion d’en­tre­prises : il faut croire à son pro­jet et s’y reconnaître ! »

Il ne faut pas avoir peur de mettre les mains dans le cam­bouis. L’en­tre­pre­neu­riat est un métier comme les autres et il doit être désa­cra­li­sé. Bien sûr, il laisse plus de liber­té et de res­pon­sa­bi­li­tés mais il ne faut pas avoir peur de tout faire du sol au pla­fond au début. »

« Enfin, l’argent ne doit pas être le moteur de cette aven­ture avec le risque d’être for­te­ment découragé. »

Attendre un peu

» L’hu­mi­li­té, l’é­coute et l’ou­ver­ture d’es­prit sont aus­si pri­mor­diales. Le pro­jet doit être dès le début confron­té au regard exté­rieur au risque de ne cor­res­pondre à aucun besoin.

« Enfin, je conseille­rai plu­tôt aux jeunes diplô­més de ne pas se lan­cer tout de suite après leurs études parce qu’un stage ou un pre­mier emploi per­met de décou­vrir le monde du tra­vail et la rigueur pro­fes­sion­nelle néces­saire à la créa­tion d’entreprises. » 

Steve Van Zutphen « Comment transférer la technologie »

Mag­pie Poly­mers est une socié­té issue d’un trans­fert de tech­no­lo­gie du labo­ra­toire Hété­ro­élé­ments et Coor­di­na­tion (DCPH). Steve Van Zut­phen, direc­teur du pro­jet de start-up, revient sur son par­cours de créa­teur d’entreprise.


Étienne Almo­ric et Steve Van Zut­phen ont créé Mag­pie Polymers.

Le défi qui se pose est de trans­for­mer un bon pro­jet en un pro­duit commercialisable


» En post­doc au DCPH, en 2006–2007, déclare Steve Van Zut­phen, nous avons déve­lop­pé une tech­no­lo­gie, avec Nico­las Mézailles et Pas­cal Le Floch, et dépo­sé le brevet.

« Il s’a­git d’un poly­mère qui capte spé­ci­fi­que­ment les métaux lourds. Il sert aus­si bien à dépol­luer l’eau qu’à valo­ri­ser le métal. Toute une gamme d’aides publiques est à la dis­po­si­tion de la créa­tion d’en­tre­prises. Le pro­jet Mag­pie Poly­mers a pro­fi­té de ces aides pour créer la socié­té l’é­té dernier. »

Nouer des contacts

« Aupa­ra­vant, rap­pelle-t-il, j’ai tra­vaillé dans une socié­té de recherche amé­ri­caine en France, tout en conti­nuant en paral­lèle à déve­lop­per la tech­no­lo­gie du DCPH, notam­ment à nouer des contacts avec des indus­triels pour le licen­sing. Je suis à plein-temps sur le pro­jet depuis mi-février avec Étienne Almo­ric, qui me com­plète sur le pro­jet grâce à son expé­rience en développement. »

Un avantage compétitif

» Nous réflé­chis­sons actuel­le­ment au mar­ché que nous atta­que­rons en pre­mier. Il s’a­git a prio­ri d’un mar­ché niche où notre pro­duit aura vrai­ment un avan­tage compétitif.

« Grâce à notre tech­no­lo­gie por­teuse (inno­va­tion envi­ron­ne­men­tale), il ne nous est pas dif­fi­cile de lan­cer le pro­jet Mag­pie Poly­mers, mais le défi qui se pose est de l’a­me­ner au-delà en créant un pro­duit com­mer­cia­li­sable. Pour cela, nous devons défi­nir le besoin de notre client poten­tiel et déve­lop­per le pro­duit adéquat. »

Construire la suite
« Nous par­tons avec l’a­van­tage de venir d’un labo­ra­toire, d’une struc­ture de recherche publique qui nous sou­tient. Nous sommes très sui­vis par le DCPH et la Direc­tion des rela­tions indus­trielles et des par­te­na­riats (DRIP) de l’É­cole poly­tech­nique. Mais, c’est à nous de construire la suite de l’histoire. »

Alexandre Jacquillat (2007) » Apprenez à créer une start-up »

Alexandre Jac­quillat (2007) a sui­vi le cours de Sté­phane Mal­lat et Bru­no Mar­ti­naud sur la créa­tion d’une start-up tech­no­lo­gique. Il a déve­lop­pé, avec quatre autres élèves de sa pro­mo­tion, un pro­jet de créa­tion d’un » outil de shop­ping » instantané.

 » Ce cours est sui­vi aus­si bien par des élèves ingé­nieurs que par des étu­diants de mas­tère ou de doc­to­rat, ce qui per­met de mixer les moti­va­tions et les com­pé­tences. La pre­mière par­tie du semestre est com­po­sée d’en­sei­gne­ments théo­riques sur les tech­niques de mana­ge­ment et la créa­tion de start-ups, com­plé­tés d’in­ter­ven­tions de créa­teurs, d’in­ves­tis­seurs et de res­pon­sables de valo­ri­sa­tion riches d’expériences. »

Reconnaissance d’image

La seconde par­tie du semestre est consa­crée au déve­lop­pe­ment d’un pro­jet de créa­tion d’une start-up tech­no­lo­gique, du busi­ness plan à la pré­sen­ta­tion devant un jury d’in­ves­tis­seurs. Il est basé sur des résul­tats de recherche de labo­ra­toires de l’É­cole ou du pla­teau de Saclay.

« Pour ma part, com­mente Alexandre Jac­quillat, j’ai mené avec quatre cama­rades un pro­jet basé sur une tech­no­lo­gie déve­lop­pée dans le labo­ra­toire Ime­dia de l’IN­RIA. Nous avons eu un très bon contact avec les cher­cheurs qui ont appré­cié de voir le pro­duit de leurs recherches valo­ri­sé en start-up.

» Nous avons uti­li­sé une appli­ca­tion de recon­nais­sance d’i­mage pour déve­lop­per un outil de shop­ping ins­tan­ta­né : vous mar­chez dans la rue, vous voyez un sac à main que vous aimez sur une pas­sante, vous le pre­nez en pho­to et notre outil ana­lyse et recon­naît l’i­mage pour vous pro­po­ser une com­mande immé­diate, livrée le len­de­main ! C’est le mar­ché des mobiles avec appli­ca­tions, les smart­phones, qui est ici visé.

» Tout au long du semestre, nous avons pu béné­fi­cier de séances de coa­ching per­son­nel pour pré­ci­ser notre pro­jet, le recen­trer, mener les études de mar­ke­ting, le mana­ge­ment et la pro­jec­tion financière. »

Gérard Bontron (57), président d’X-Création » Concrétiser les projets des laboratoires »

L’É­cole poly­tech­nique et la Fon­da­tion de l’É­cole poly­tech­nique ont créé » X‑Création » pour faci­li­ter toute créa­tion d’en­tre­prises issue des labo­ra­toires de l’É­cole poly­tech­nique, en inves­tis­sant aux côtés des créateurs.

Six pro­jets, six socié­tés en plein développement

Le pré­sident d’X-Créa­tion, Gérard Bon­tron, est assis­té d’un Comi­té de sélec­tion de six membres, dont des spé­cia­listes du capi­tal- risque, pour exa­mi­ner les pro­jets. Six pro­jets ont été rete­nus et finan­cés à ce jour.

  • Let it wave est une socié­té de trai­te­ment d’i­mages, ven­due en mars 2008 avec une forte plus-value.
  • Gene­wave est une socié­té d’op­tro­niques pour ana­lyse biologique.
  • Pha­sics fait de la cor­rec­tion de fais­ceaux lasers.
  • Erge­lis exerce dans le domaine du pilo­tage d’éner­gie pour grandes surfaces.
  • Leo­sphère com­mer­cia­lise des sys­tèmes de mesure optique pour pro­ces­sus atmo­sphé­riques (Lidar).
  • Xan­chem crée et pro­duit des molé­cules chimiques.
     

Toutes ces socié­tés sont en développement.

« Pen­dant six années d’exis­tence, trop peu de can­di­dats se sont pré­sen­tés devant le Comi­té de sélec­tion « , regrette le pré­sident d’X-Création.

« Nous comp­tons sur la Direc­tion des rela­tions indus­trielles et des par­te­na­riats (DRIP), en contact per­ma­nent avec les labo­ra­toires, pour inci­ter les cher­cheurs à se lan­cer dans la créa­tion d’en­tre­prises innovantes. »

Les aides de deux associations
Les can­di­dats à la créa­tion d’en­tre­prises peuvent par ailleurs béné­fi­cier, pour la réa­li­sa­tion de leur pro­jet, de l’as­sis­tance de deux asso­cia­tions comp­tant plus de 150 adhé­rents chacune.
XMP-Entre­pre­neur aide ses adhé­rents (issus de l’X, des Mines et des Ponts) à créer, reprendre et déve­lop­per leur propre entre­prise. Entre cinq et dix entre­prises sont créées ou reprises chaque année par les adhé­rents de cette Association.
XMP-Busi­ness Angels est, quant à elle, une éma­na­tion de la pré­cé­dente, dont les adhé­rents, issus de l’X, des Mines et des Ponts, sont des inves­tis­seurs pri­vés qui par­ti­cipent au finan­ce­ment des entre­prises en fonds propres. Cette Asso­cia­tion, créée fin 2004, a déjà finan­cé plu­sieurs dizaines de projets.

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