Vous, les candidats…
Voilà un ouvrage politique, au sens noble du mot, sans le moindre copeau de langue de bois. Un vent d’air frais qui fait du bien !
Francis Mer est d’abord un pédagogue. Il déteste que l’on se borne aux constats, aux objectifs teintés d’utopie. Il aime les évaluations chiffrées, les ordres de grandeur comparés et les stratégies. Dans notre univers aux frontières évanescentes, désormais fortement contraint par des forces qui dépassent notre pays, face aux questions qui se posent depuis vingt-cinq à trente ans sans que la France ait tellement changé ses comportements, il se demande comment le pays pourra maintenir ses performances et, mieux, car il est ambitieux pour son pays, les améliorer au profit de tous et de chacun.
À la suite de raisonnements toujours bien charpentés, les priorités à choisir, selon lui, sont l’éducation (l’éducation, l’éducation, l’éducation… ainsi que l’avait dit Tony Blair à ses débuts), l’université, la recherche. Il aborde sans fard la question démographique et ses incidences inéluctables : immigration sélective, continuation résolue de la réforme des retraites, à peine entamée, réforme de la politique de santé. Il montre avec une concision éblouissante que seules les entreprises et des administrations plus efficaces (il n’oppose jamais les unes aux autres) peuvent être à la base du redressement.
L’auteur, de grande culture économique ne se rattache pourtant à aucun choix théorique, encore moins dogmatique. La mondialisation de l’économie et la mobilité des élites s’opposent à toute théorisation.
Il est résolument pragmatique et va aux solutions avec un langage clair, compréhensible de tous. De ses constats il tire des conclusions optimistes : les pays qui, dans ce monde, sauront jouer leur partie, fondée sur leurs qualités, propres ou acquises, en tireront avantage collectivement.
Pour autant, Francis Mer comprend avec cœur et intelligence les soucis et les drames des exclus d’un développement collectif mondial aux fruits de plus en plus inégalement répartis. Il ne se limite pas non plus sur ces sujets à des propos lénifiants mais il montre très clairement comment la défense des postes et non des personnes (les syndicats sont visés sur ce point à plusieurs reprises), les résistances patronales à la formation continue et à l’apprentissage, la politique scolaire et universitaire actuelle, mènent plus sûrement à l’aggravation de la situation que les prises de risques fondées sur des analyses industrielles, des prévisions raisonnées au niveau mondial et des positions éthiques fermes des gouvernements, tant au niveau national qu’aux niveaux européen et mondial. (L’Europe et les pays en développement, notamment d’Afrique subsaharienne sont très présents dans les raisonnements de l’auteur.)
Il a la langue particulièrement dure pour tous ceux, hauts fonctionnaires et patrons, qui placés à de hauts postes de responsabilité manquent de courage ou font preuve de cynisme. Ses flèches contre les stock-options qui jouent contre la formation continue et la recherche privée, contre certains de ses anciens collègues ministres, parfois nommément désignés, qui sachant que de mauvaises décisions se préparent ici ou là, au lieu de les bloquer, ne font que les encourager (le projet Lyon-Turin par exemple), les politiques absurdes que personne n’ose plus contester (on notera sa flèche contre la politique du logement social, qui sera, à n’en pas douter, jugée malséante à l’époque du « droit au logement opposable » et de la mort de l’Abbé Pierre. Pourtant elle est justifiée, précisément en regard de l’équité sociale : car voilà une politique qui coûte 7 milliards d’euros aux contribuables, qui atteint un ménage sur quatre, proportion excessive, et qui pourtant ne va pas aux plus pauvres !).
Bref Francis Mer n’est pas classable. Ni à droite, ni à gauche, ni même au centre. Il réfléchit par lui-même, à la lumière de sa riche expérience et de ses lectures, comme doivent le faire, du moins l’espère-t-on, tous ceux qui prétendent présider aux destinées du pays. J’ajoute volontiers comme doit le faire toute l’élite française, notamment la communauté polytechnicienne.